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Ronen Shoval n'a que 29 ans et tout d'un gentil garçon. L'homme qui fait trembler la gauche israélienne depuis plusieurs semaines a le look du gendre idéal, un regard bleu rassurant et des manières presque trop polies pour être israéliennes. Et pourtant c'est un pur : "Du côté de ma mère, je suis la septième génération en Israël, mon grand-père était commandant de l'Irgoun", se sent-il obligé de préciser en préambule. Sioniste, militant et donc israélien, pour lui c'est une évidence, la seule.
Consultant en stratégie pour une jeune compagnie d’high-tech, il n’hésite pas à comparer Israël à une “nation start-up”.
Photo: DR , JPost
"Je crois que notre identité c'est notre destinée juive, notre destinée d'être ici." La rhétorique est bien connue et on commence à se dire que finalement "rien de neuf sous le soleil de Jérusalem", quand tout d'un coup : "J'ai grandi à Ramat Hasharon, dans une famille plutôt de gauche, où la politique n'était pas taboue. Mais mes parents n'aiment pas toujours ce que je fais, et ce n'est pas facile au quotidien."
Car depuis trois semaines, Ronen Shoval, son association étudiante Im Tirtzou et surtout leur rapport sur le New Israeli Fund (NIF ou Nouveau Fonds israélien) déchaînent la chronique. Accusé par Im Tirtzou d'être la cinquième colonne du pays, la force déstabilisatrice qui se cache derrière les graves accusations du rapport Goldstone, le NIF incarne tout ce que Shoval réprouve. "Ce post-sionisme, c'est la maladie de notre pays, et les premiers touchés, ce sont nos élites, les médias et les universitaires." Elevé dans une famille de gauche pétrie par l'idéal sioniste, Shoval a décidé de réparer la faute de la génération précédente, celle qui a laissé, selon lui, la révolution sioniste s'essouffler : "C'est comme pour toutes les révolutions politiques, le communisme, le socialisme et le fascisme. Il y a une énergie qui diminue jusqu'à devenir inexistante. Ici cette énergie est encore présente, mais elle n'est qu'un ersatz", résume Shoval.
Le jeune homme parle en métaphores, a souvent des élans mystiques, multiplie les références aux Textes, à la Mishna. Et celui que l'on pourrait prendre pour un pro de la communication cherche pourtant souvent ses mots, marque de longs silences. Il n'est pas rodé. Pas encore.
Maradona pour le foot, Maimonide pour la pensée juive
Après avoir servi chez les tankistes puis dans des unités d'élite, dont on n'en saura pas plus, Shoval a entrepris à l'Université hébraïque de Jérusalem des études de philosophie juive. Deux ans sans se faire remarquer. En 2005, à l'approche du désengagement de Gaza, il n'y tient plus. "Jusqu'à ce jour, je pensais que toutes les choses intéressantes avaient déjà été faites par le passé : les guerres, l'indépendance, le processus de paix." Avec le retrait, il comprend que l'Histoire n'est pas seulement dans les livres, qu'elle continue de s'écrire.
En un instant il aperçoit enfin une chance de se glisser dans la peau de son grand-père maternel, commandant de l'Irgoun en 1946, ou de son grand-père paternel débarqué en 1971 d'Argentine et qui ne cessait de répéter "Israel, la unica veridad", Israël, la seule vérité. Shoval rencontre les bons camarades, au bon endroit, au bon moment, et lance en 2006 Im Tirtzou, pour prendre la défense des réservistes de Tsahal. Lui-même, cet été-là, n'hésite pas à annuler sa lune de miel en Inde pour endosser à nouveau l'uniforme. L'anecdote le fait sourire et il ajoute : "Attention je ne suis pas un héros, je n'ai même pas eu à réfléchir une seule seconde, j'ai fait ce que je devais faire, et c'est ça la force d'Israël."
Des héros, Shoval en parle pourtant beaucoup. "Le Rambam pour la pensée juive, Maradona - argentin, comme son grand-père - pour le foot", plaisante-t-il. Il parle ensuite de son camarade Roï Klein, un soldat israélien qui s'est sacrifié en 2006 lors des combats à Bint Jbail, au Sud-Liban. "Il rentre dans une maison avec son unité, repère une grenade prête à exploser, récite le Shema Israël et saute sur l'engin pour sauver le reste de son unité", raconte-t-il en totale admiration. Car dans cette histoire tragique, Ronen voit revivre un bref instant l'Israël des pionniers, cet idéal de force, de volonté et d'invincibilité.
Un idéal qu'il est prêt à ressusciter : "Nous, ceux de ma génération, nous avons des croyances et des capacités, nous sommes une 'nation start-up'. Et effectivement, celui qui a commencé par s'asseoir derrière un stand dans les allées de l'Université hébraïque pour faire signer des pétitions est capable, quatre ans plus tard, de faire lever les foules.
Quand des dizaines de manifestants pro-palestiniens débarquent en pleine opération Plomb durci sur son campus de Jérusalem, drapeau vert du Hamas à la main, il réunit en un clin d'œil sur le trottoir d'en face tout ce que l'université compte encore de défenseurs du fanion bleu et blanc. Le ton monte, la police s'interpose mais aucun débordement de violence n'a lieu. Ronen Shoval ne tient pas à ce qu'on colle à Im Tirtzou l'image d'un groupuscule d'étudiants violents, en encore moins d'extrême droite : "Si quelqu'un veut de l'action violente, il peut passer son chemin, on ne fait pas ça chez nous", affirme le président de la "Seconde révolution sioniste".
Le chouchou de la droite ?
Le jeune homme reconnaît qu'avec sa nouvelle célébrité, il ne s'est pas fait que des amis : "Je reçois des appels, on me traite de nazi et on envoie même des virus informatiques sur mon ordinateur. Mais vraiment cela ne m'inquiète pas", assure-t-il très calmement. Le jeune leader sait polir son image de garçon sage. Au détour d'une phrase, ce jeune papa plagie même Walt Disney, un grand homme qui n'a rien d'une brute : "C'est plutôt amusant de faire l'impossible." Oui mais pour ça, il faut du temps et de l'énergie. Pour lancer la campagne contre le NIF, il a donc demandé deux mois de congé à la start-up qui l'emploie en qualité de consultant stratégique et consacre ses journées à l'association. "Je peux coller des timbres sur des enveloppes le matin et rencontrer le Premier ministre l'après-midi. Je me considère comme un simple outil. Et s'il faut un plombier quand un tuyau lâche à la permanence, je peux même faire ça", plaisante-t-il.
Et les études dans tout ça ? "Maintenant je continue d'étudier avec passion, mais seulement quand j'ai le temps", reconnaît celui qui s'apprête pourtant à entamer une thèse de philosophie sur le néosionisme, l'idéologie qui s'oppose au post-sionisme de gauche. "Tout mon temps libre, je veux le consacrer au peuple juif. Je ne sais pas encore exactement comment, ce sera peut-être par l'enseignement, peut-être par la politique..." Le jeune agneau serait donc prêt à rejoindre la meute des vieux loups politiciens. Parmi ses amis et soutiens publics, il peut déjà compter sur Danny Danon, Tzipi Hotobeli ou Carmel Shama. La ligne dure du Likoud. Pourtant, Shoval ne veut pas entendre parler de ces histoires de parti : "Il n'y a plus de clivage entre gauche et droite, il y a un clivage entre ceux qui veulent un Etat juif et ceux qui n'en veulent pas."
Facile de concevoir pourtant, l'intérêt que représente ce jeune sioniste propre sur lui, populaire, sans kippa ni tsitsit, pour une droite qui perd un peu chaque jour des électeurs sur ses franges. "J'ai déjà été approché lors des dernières élections législatives, mais j'ai décliné l'offre. Quant aux prochaines élections, il ne faut jamais dire jamais, mais je sais que je suis encore un peu 'vert', comme une banane pas assez mûre", confie celui qui n'est pas encore prêt à s'asseoir sur ses idéaux.