Shaath, Palestinien "modéré" démontre en quoi une paix véritable est imposible aujourd'hui
Par Barry Rubin
Adapté par Marc Brzustowski
Pour © 2011 lessakele et © 2011 aschkel.info
Avec l’aimable autorisation de Yeru Aharoni
Directeur des Publications/Rédacteur en chef du
Global Research in International Affairs (GLORIA)
Center Interdisciplinary Center
Nabil Shaath a donné une interview fascinante et d'une grande acuité, qu’il vaut la peine d’analyser. Mais, tout d’abord, rappelons-nous que Shaath n’est pas n’importe qui.
Il est, soi-disant, l’archétype du Palestinien modéré. Il fut un temps où les médias occidentaux ridiculisaient une déclaration israélienne affirmant qu’il restait secrètement affilié au Fatah. Lorsqu’Israël accepta de négocier avec des Palestiniens n’appartenant pas à l’OLP, l’OLP mit son nom en avant, bien qu’elle sache pertinemment qu’il ne correspondait pas au profil. Les garants du processus de paix se moquèrent alors du refus d’Israël de l’accepter comme tel.
Depuis 1994, il s’est retrouvé à plusieurs postes de haute importance. Des militants du Fatah qui critiquaient la corruption sous Yasser Arafat, l’ont accusé, de façon crédible, d’avoir détourné beaucoup d’argent de l’Autorité Palestinienne, pour sa famille et lui-même.
Quoi qu’il en soit, il est raisonnable de désigner Shaath comme étant un modéré, puisque n’importe qui, au sein des cercles dirigeants de l’Autorité Palestinienne reste plus modéré que le directoire du Fatah. Et c’est bien ainsi que Shaath s’est présenté dans une interview du 13 juillet 2011:
Nabil Shaath: La reconnaissance d’un Etat [palestinien] … rendra beaucoup de choses possibles dans l’avenir. Eventuellement, nous pourrons signer des accords bilatéraux avec d’autres états, et cela nous renforcera pour pouvoir exercer des pressions sur Israël. Au bout du compte, nous voulons exercer des pressions contre Israël, dans le but de le forcer à nous reconnaître et pour qu’il quitte notre pays. Ceci est notre objectif de long terme ».
En d’autres termes, l’objectif n’est absolument pas de parvenir à un accord avec Israël, mais bien d’obtenir une reconnaissance de la part des autres pays, qui feront alors pression sur Israël et le forceront à donner à l’AP ce qu’elle veut. (De façon incidente, c’est tout à fait la stratégie de Yasser Arafat, depuis 30 ans, bien qu’il employait, à l’époque, un plus haut degré de violence pour alimenter ce processus).
Mais, que peut bien vouloir dire la phrase “quitter notre pays”, comme représentant “un objectif de long terme”? Est-ce que « quitter notre pays » veut, juste, dire : la Bande Occidentale –Judée-Samarie- et Jérusalem-Est (les lignes d’avant 1967, sans le moindre accord d’échange mutuel) ou, est-ce que cela signifie rayer Israël de la carte et le remplacer par un Etat arabo-musulman ? Cela reste ambigu, n’est-ce pas ? Aussi, peut-être qu'à ce stade, Shaath reste ce qu’on peut appeler un modéré (comme l’a vanté sa publicité dans les médias occidentaux)?. Sur ce point, également, Shaath nous apporte quelques précisions utiles :
“[La récente proposition française, plutôt amicale envers les Palestiniens, généralement] a critiqué la notion « d’Etat juif » et elle représente une autre formulation qui est, pour nous, toute aussi inacceptable : deux états pour deux peuples. Les Israéliens peuvent bien se décrire comme un « Etat pour deux peuples », mais, en ce qui nous concerne, nous serons un seul Etat pour un seul peuple. Cette histoire de « deux Etats pour deux peuples » signifie qu’il y aura un peuple juif ici, et un peuple palestinien par là. Nous n’accepterons jamais cela… Nous ne sacrifierons pas les 1, 5 million de Palestiniens détenant la nationalité israélienne à l’intérieur des frontières de 1948, et nous ne serons jamais d’accord avec une clause empêchant les réfugiés palestiniens de retourner dans leur pays d’origine ».
En d’autres termes, l’un des dirigeants de l’Autorité Palestinienne parmi les plus importants et considéré comme relativement modéré, s’oppose à une solution à deux Etats. En premier lieu, il y aura un Etat palestinien « pour un seul peuple », qui sera un Etat arabe et musulman. Mais il n’y aura jamais de reconnaissance d’Israël en tant qu’Etat juif, parce que cela impliquerait une situation de paix permanente. Shaath et, de façon quasiment unanime, le cercle dirigeant palestinien, se projettent vers une seconde phase, durant laquelle « les Palestiniens ayant la citoyenneté israélienne » et, en supplément, « ceux de retour… dans leur pays », parmi les réfugiés palestiniens, transformeront Israël en partie palestinienne arabo-musulmane de la (Grande) Palestine.
Il s’agit, tout simplement, d'une reformulation de la solution « en deux étapes », adoptée par l’OLP, il y a plus de 40 ans. On ne constate aucun progrès réel en 40 ans, en dépit de tous les désastres et des leçons potentielles que l’histoire a enseignées aux Palestiniens ! J’ai toujours été très sceptique, en ce qui concerne le processus de paix, mais je ne me rappelle pas avoir jamais lu quelque chose d’aussi clair qui m’ait démontré à quel point il s’agit d’une chimère, puisque même Shaath l’affirme de façon complètement transparente, alors que s’il y a bien quelqu’un dont on aurait pu espérer qu’il soit favorable à la solution à deux Etats, ce ne pouvait être personne d’autre que lui.
Qui, lisant et comprenant ce que Shaath est en train de dire, pourrait encore croire que la paix est à portée de main et que les dirigeants palestiniens sont avides de parvenir à une solution à deux Etats?
Incidemment, Shaath ne fait jamais que refléter avec exactitude ce que la plupart des Arabes – y compris ceux qu’on considère comme relativement modérés- pense de la politique étrangère américaine. Ils perçoivent Obama comme un faible : « Le Président Obama ne fera pas trop sentir sa présence au cours des 14 mois à venir… Dit en termes pratiques, les Etats-Unis ne jouent plus du tout un rôle important au Moyen-Orient, quoi qu’ils refusent de le reconnaître et de l’accepter comme tel… Les Etats-Unis n’ont pas de présence réelle (au M-O) ».
Cette remarque est, tout autant, dévastatrice. Mais, encore une fois, peut-on croire qu’elle soit répercutée, un jour, dans la plupart des mass-media ? Admettons que vous devriez vous féliciter de lire PajamasMedia [et lessakele/aschkel.info/ pour la VF!] !
Barry Rubin est directeur du Centre pour la Recherche Globale en affaires internationales (GLORIA) et éditeur du journal : la revue des Affaires Internationales et du Moyen-Orient (MERIA). Ses derniers ouvrages sont « le lecteur israélo-arabe (7è édition), La longue guerre pour la liberté : la lutte arabe pour la démocratie au Moyen-Orient (Wiley), ainsi que La vérité sur la Syrie (Palgrave-McMillan). Le site internet du Centre GLORIA est à l’adresse : http://www.gloria-center.org et celle de son blog, Rubin Reports, à :http://www.rubinreports.blogspot.com