Les excuses sont-elles vraiment sincères ou l’appât du gain peut-il venir à bout de toutes les résistances ? Pour la première fois, la compagnie ferroviaire française SNCF a exprimé ses regrets pour son rôle durant la Shoah.
Seulement, ces « regrets » semblent être surtout motivés par la perspective d’alléchants contrats de transport en Californie, en particulier le projet de ligne à grande vitesse entre Tampa et Orlando. En effet, une récente loi votée dans l’Etat oblige tous les candidats à un contrat commercial à faire toute la lumière sur leur rôle durant la Shoah. Et en ce qui la concerne, la SNCF a toujours préféré l’obscurité même devant l’accumulation des témoignages. La compagnie ferroviaire a transporté quelque 75 000 Juifs vers les camps de la mort durant la Shoah. Mais plus que le travail de mémoire, c’est l’appel des dollars californiens qui a fait sauter le verrou derrière lequel la compagnie s’était enfermée depuis 60 ans.
Le président de la SNCF en personne, Guillaume Pépy, a fait son mea culpa, début novembre, devant des élus californiens et des associations juives américaines. Il a ainsi fait savoir le « souhait de la SNCF d’exprimer sa profonde peine et son regret pour les conséquences de ses actes », tout en ajoutant sous la contrainte « de la réquisition ».
Pourtant, au départ, le président de la SNCF voulait s’en tenir au minimum. En août dernier, il avait proposé d’ouvrir les archives de son entreprise aux historiens américains sans pour autant bouger d’un iota par rapport à la ligne officielle : les cheminots ont agi « sous le joug de l’occupant nazi ». Par ailleurs, 2000 d’entre eux ont payé de leur vie. Pas suffisant aux yeux des Américains. Alors devant les alléchantes perspectives de conquête de l’Ouest, le PDG de la SCNF a consenti à revoir sa copie. Pas sûr que cet acte de contrition précommandé aille droit au cœur des rares déportés qui sont revenus.
par Hélène Pagès israel7