Ses syntheses
De l'excellent Alain RUBIN !!!!!!
Si j’étais journaliste…
Par Alain RUBIN
Pour aschkel.info et lessakele
Ça en étonnera plus d’un. En effet, il n’y a guère d’article où je n’égratigne mes concitoyens qui font métier d’écrire ou filmer pour, en principe, informer le plus largement possible la société.
Pourtant je me pose la question. Je me dis ceci, Alain, que c’est dommage, si tu avais su mener ta barque politique pour des fins personnelles, tu serais comme celui-ci ou celui-là, comme celle-ci ou celle-là, que tu as connu(e) ou croisé(e) dans telle réunion, dans telle manifestation, où ailleurs. Qu’avaient-ils de plus que toi ? Leur culture ? Probablement pas. Leur capacité personnelle d’analyser les événements, leur technique d’écriture ? Pas certain… C’étaient, assez souvent, des étudiants ou des étudiantes, qui voulaient faire la Révolution, la révolution mondiale qui plus est, avec un R majuscule et un grand M, et qui singeaient pour cela le grand chef. Puis, ils ou elles se sont lassés. Ils et elles ont obliqué, vers la gestion de leur carrière, s’acquittant fréquemment, pour beaucoup d’entre eux, d’une cotisation conséquente leur conservant l’incomparable sentiment, le parfum et la sensation bienfaisante, de continuer à contribuer à la cause, et qu’ils participaient toujours du mouvement historique d’émancipation des travailleurs par eux-mêmes.
Oï veï, si …pas si j’étais riche, non, mais si j’étais journaliste.
C’est vrai, j’aurais quand même de meilleures fins de mois. Surtout, je ne posséderais pas de « green card », pas besoin, j’aurais dans la poche la car-te de pre-sse. Dis rapidement, j’aurais la carte de presse, je serais … Journaliste !
Voï. Vous me demanderez où veux-je en venir en m’attardant sur ces choix personnels qui ont fait de moi un modeste retraité au lieu d’être devenu un brillant moulin à paroles et à mensonges ou un pisse baratin, écrit ou parlé, convenablement rétribué pour ce travail de fonctionnaire de ce que le défunt Althusser appelait, je cite : « les appareils idéologiques d’état »?
Oï veï !!! J’ai fait un autre choix. Résultat, aujourd’hui je suis bien embarrassé.
Je m’explique : Dimanche dernier, se rassemblait place du Trocadéro, dans le 16ème arrondissement de Paris, tout le gratin du militantisme pro- palestinien. L’élite de ceux priant Dieu, Allah, son « prophète », Marx, Tobin, Bakounine, Nicolas Hulot et quelques autres, pour qu’ils aident à mettre à bas les méchants sionistes et leur entité restaurée après des siècles d’effacement politique par l’action militaire des romains, des byzantins, puis la conquête arabe, et enfin le Califat et l’empire ottoman, avant que de sortir du coma politique avec les décisions de la société des nations et le traité de San Remo.
Pour revenir à ce dimanche passé, les deux centaines d’hommes, de femmes et les quelques enfants embarqués là, conspuaient Israël. Ils exprimaient leur détestation absolue d’une réalité plusieurs fois millénaire et dérangeante pour applaudir, à l’unisson et dans un sentiment d’extase, un état et une nation imaginaires, ou plutôt un état virtuel et une nation également virtuelle, puisque l’un comme l’autre n’ont encore jamais eu d’existence effective.
En dehors de conspuer les horribles Juifs sionistes, qui ont eu l’impudence de ne pas accepter de disparaître, en tant que nation, et d’applaudir une autre nation, qui celle là n’a jamais encore existé mais que l’on prétend quand même aider à disposer intégralement de son territoire « historique », que s’est-il passé ce dimanche, dans le froid d’un hiver parisien qui montre à l’évidence que la dialectique est bien dans toute chose, y compris dans le « réchauffement climatique » ?
Les orateurs nous ont expliqué : qu’au mois de mai 2011, on fera mieux qu’avec le Marmara. Au mois de mai 2011, on va enfin briser l’ignoble blocus de Gaza. Au mois de mai 2011, une armada va partir, pour briser définitivement le cordon sioniste, que dans cette armada qui devrait avoir plus de succès que la précédente « grande armada » partie conquérir l’Angleterre et que le Marmara affrété par les alquaidistes turcs de l’IHH, il y aura un vaisseau partant de France… mais oui, ma chère, il y aura un Marmara « français ».
Pourquoi ai-je un regret de ne pas être un journaliste, de ne pas être devenu un nomenklaturiste disposant de la carte de presse ? Oh, la raison en est simple. L’orateur principal de ce dimanche, place du Trocadéro, nous a affirmé que ce Marmara français allait quand même coûter « bonbon », un gros, un très gros paquet d’euros. Mais qu’il ne fallait pas s’inquiéter, qu’il allait être financé par des partis et des syndicats français. Je cite : le PCF, le PG, le NPA, la CGT, les Verts…et peut-être quelques autres illustres inconnus dont je n’ai pas retenu les noms et les sigles.
Si j’étais en possession de la précieuse carte, que ferais-je ?
Quelque chose de pas très compliqué, je demanderais des rendez-vous, aux fins d’interviews.
J’écrirais aux responsables des organisations citées et je leur demanderais leur avis sur le sujet. Je leur demanderais si, effectivement, ils allaient financer les millions d’euros annoncés pour l’expédition de guerre privée « citoyenne » contre Israël, annoncée pour le mois de mai prochain.
S’ils me répondaient oui, je préciserais mon propos : mais comment allez-vous contribuer, et pour combien? Je leur demanderais, pour préciser la chose :
Allez-vous financer votre quote-part, au moyen de certains fonds communaux ? Parce que ce serait un détournement manifeste de fonds publics, si vous faisiez cela
Quelle est-elle, votre quote-part ?
Est-ce une partie des cotisations de vos adhérents, militants politiques ou syndicalistes, qui seront mises à contribution ? Parce que si c’est le cas, ce sera un abus manifeste de biens sociaux
Des comités d’entreprise vont-ils être mis à contribution, comme cela s’est déjà passé et a été relevé à EDF par certains syndicalistes opposés à ce que des fonds, provenant d’un salaire différé, des fonds légalement destinés aux salariés du secteur, contribuent à une activité de nature politique par définition non conforme aux buts légaux de fonds sociaux d’entreprises ? Parce que ce serait aussi un abus et un détournement de biens sociaux, utilisés sans conformité avec leurs buts statutaires et légaux.
Vous tenez-vous informés des discours des dirigeants du Hamas ?
N’avez-vous pas pris connaissance des récentes déclarations de Fatih Hammad, ministre Hamas de l’information à Gaza ?
Si oui, pourquoi continuez-vous à donner un nombre de victimes civiles de la riposte israélienne à la guerre déclenchée par le Hamas, qui est supérieur de plus de 400 au nombre indiqué par le ministre Hamas ?
Pourquoi continuez-vous à parler de victimes, principalement civiles, alors que le représentant du gouvernement du Hamas indique que plus de 50% des victimes étaient des combattants ?
Concernant le financement, on m’objectera certainement, que ce n’est pas le NPA, avec ses quelques milliers de membres revendiqués, à la cotisation souvent modeste, ni le PCF qui a déjà du mal à payer le loyer de son local et à équilibrer sa presse, ni les autres partenaires annoncés, qui pourront mettre quelques millions d’euros dans la mise en œuvre de l’expédition guerrière annoncée dimanche dernier. Mais peut-être, irais-je aussi, si j’étais journaliste, demander bien respectueusement aux ambassades d’Iran et d’Arabie saoudite : Messieurs, est-ce avec vos fonds que le Marmara français va pouvoir appareiller pour rallier la grande armada annoncée pour mai prochain, l’escadre vengeresse de tous ceux qui prétextent un embargo alimentaire et sanitaire inexistant pour aller en découdre, espérant ainsi créer les conditions permettant d’expulser, une nouvelle fois, les Juifs de leur terre.
Voici pourquoi, aujourd’hui, je regrette de ne pas disposer de la précieuse carte.
Cette carte, ce n’est pas tout à fait comme la carte et l’uniforme de la police qui peut vous interroger après vous avoir convoqué, mais quand même… Si tous ces sympathiques personnages, si tous ces hommes et ces femmes dirigeant le PCF, la Confédération CGT, le PG, le NPA, les Verts, et tutti quanti, si ces diplomates, comme un seul homme, refusaient un entretien avec un journaliste et s’opposaient à donner une réponse claire, -oui ou non-, aux quelques questions posées, on serait légitiment en droit de penser que ces braves gens s’apprêtent à puiser dans la poche de leur adhérents (militants politiques ou syndiqués) et/ou celle de salariés (via tel ou tel Comité d’entreprise), et celle du contribuable communal et régional. On serait aussi en droit de penser que ces honnêtes dirigeants ne seraient qu’une collection de menteurs professionnels cherchant à instrumentaliser une indignation sans fondement, une indignation crée artificiellement, pour des buts politiques et guerriers reprenant les objectifs de la coalition du mufti Husseini et d’Adolphe Hitler.
On serait en droit de le faire savoir et de saisir, pour ces raisons, les juridictions compétentes. Ensuite, ce serait à elles de dire si c’est légal ou illégal de financer une opération de guerre privée aux moyens de fonds sociaux dont, par définition légale ou statutaire, ce n’est ni le but ni la fonction actuelle.
Alain Rubin