| Chavou’ote est l'une des trois fêtes de pèlerinage (Péssa'h, Chavou’ote, Soukkote). Dès qu'un garçon pouvait gravir la montagne du Temple, son père était tenu de l'emmener « pèleriner ». à Jérusalem pour le présenter devant l'Éternel au Bét Hamikdach, à l'occasion de Péssa'h, de Chavou’ote ou de Soukkote... Les pèlerins étaient nombreux et affluaient de tous les coins du pays d'Israël. Les fêtes de pèlerinage étaient l'occasion de grandes réjouissances. Jérusalem ressemblait à une grande foire internationale avec des stands de marchands, des manifestations de loisirs, des rencontres d'études, des échanges commerciaux. Quiconque avait perdu un objet pouvait espérer le retrouver au lieu dit la Pierre des réclamations , située en hauteur, pour que tous puissent la voir. Chacun venait déclarer l'objet qu'il avait trouvé et les propriétaires devaient fournir les preuves que l'objet leur appartenait afin de le récupérer. | Dans le traité Beitsa , une discussion oppose Rabbi Eli’ézèr à Rabbi Yéhochou’a. Le premier pense qu'un jour de fête doit être entièrement consacré soit à manger et à boire, soit à étudier la Tora, tandis que Rabbi Yéhochou’a pense qu'il faut partager la jour née en deux: une moitié doit être consacrée à la nourriture du corps et l'autre moitié à la nourriture de l'esprit, c'est-à-dire à l'étude de la Tora. Rabbi Yo'hananedonne raison à Rabbi Yéhochou’a en apportant la preuve de la Tora. Il est écrit, d'une part : «Le 8e jour sera pour vous Atsérèt (fête de clôture)» (Nombres, 29,35) et d'autre part: «Ce sera une Atsérèt (fête de clôture) pour Hachèm» (Deutéronome, 15,8). Comment est-il possible de concilier les deux versets ? Ou bien toute la journée doit être consacrée à vous, c'est-à-dire à manger et à boire, ou bien toute la journée de fête devrait être consacrée à Hachèm, comme le pense Rabbi Eli'ézer. C'est pourquoi Rabbi Yéhochou'a dit: « Pour concilier les deux versets, il faut les interpréter ainsi:'Hétsio Lachèm, ‘Hétsio Lakhèm. « Une moitié pour Dieu, une moitié pour vous. » La journée de fête doit être à la fois une journée de réjouissances corporelles et de satisfaction de l'esprit. A la synagogue, au cours de l'office de Cha’harite, nous lisons les 'Assérèt Hadibérote (10 Commandements) rappelant ainsi la Révélation de D. au Sinaï, en présence de tout le peuple d'Israël. On a également l'habitude de marquer l'événement par une veillée d'étude. En effet, selon le Midrach, les enfants d'Israël ne s'étaient pas réveillés pour se présenter au rendez-vous avec Hachem au pied du mont Sinaï. La Tora n'a pas été donnée une fois pour toutes. Chaque juif doit accepter et recevoir la Tora comme étant son propre patrimoine. Afin d'être prêts à recevoir la Tora à Chavou’ote, nous passons toute la nuit à étudier les textes, autour d'une table bien garnie. Le Matane Tora (don de la Tora) n'est plus seulement un événement historique, mais un événe ment actuel qui nous concerne et nous engage. Chaque juif doit accepter la Tora comme si elle lui était spécialement destinée. C'est ce qui explique que la Tora emploie souvent la deuxième personne du singulier quand elle s'adresse à nous. | On reproche à Israël de garder jalousement sa Tora! Ce reproche est injuste, car l'Éternel avait commencé par proposer sa Tora à toutes les nations. Les descendants de 'Essav demandèrent: « Qu'est-il écrit dans la Tora ? » Alors l'Éternel répondit: « Tu ne tueras point » et les peuples se retiraient en disant « Maître du monde, comment pouvons nous accepter une Tora qui interdit de tuer? N'est-il pas écrit au sujet de notre ancêtre 'Essav : "Et tu vivras par ton épée" ? » Moav et Amone refusèrent la Tora parce qu'il y est prescrit de s'éloigner de tout inceste, les descendants d'Ismaël parce que la Tora interdit le vol et prescrit le respect du bien du prochain. Chaque peuple de la Terre trouva une raison pour refuser la Tora. Seuls les enfants d'Israël acceptèrent en disant: « Na’assé Vénichma'. » Nous ferons et puis nous écouterons. Et c'est ainsi que tout au long des âges les enfants d'Israël se soumirent aux Commandements, parfois sans en comprendre les fondements, simplement parce que ces Mitsvote constituent l'expression de la volonté divine. | Rabbi Yéhochou’aben Lévi enseigne: « Lorsque les enfants d'Israël quittèrent l'Égypte, ils étaient encore fatigués des durs travaux auxquels ils étaient astreints». Certains d'entre eux en contractèrent des infirmités. L'Éternel dit: « Il ne convient pas que je donne ma Tora à ces infirmes ». Que fit-il ? Il envoya les anges de service qui les guérirent. Lorsque les enfants d'Israël étaient au pied de la montagne du Sinaï, ils se sont présentés unis devant Dieu, d'un seul coeur, comme un seul homme ainsi qu'il est écrit : « Il campa au pied de la montagne » (Ch. 19/2). Leur union sera encore plus totale à Pourim : au moment d'un danger sérieux, le peuple oublie ses dissensions et retrouve son unité. Nous avons vécu de semblables périodes au cours de notre histoire mouvementée. | Tout le monde parle de la Révélation sur le mont Sinaï comme d'un événement exceptionnel, qui n'a pas eu son pareil dans le passé, et dont le caractère d'unicité fait qu'il n'aura pas son pareil dans l'avenir jusqu'à la fin des temps. La Révélation sur le Sinaï,l'apparition de l'Éternel au milieu des fumées et des flammes, du tonnerre et des éclairs, ne pouvait se produire qu'une seule fois. La raison en est simple. Le phénomène de la Révélation ne réside pas dans la transmission d'un ensemble de lois données pour la première fois à Israël. En réalité un certain nombre de lois morales, de règles de conduite et même de rites religieux avaient été déjà transmis à Israël avant même que les Hébreux aient atteint le pied du mont Sinaï. Pour ne citer que quelques exemples, mentionnons la circoncision qui remonte à Avraham, la Mitsva du sacrifice pascal et celle de la consommation des Matsote liées à la sortie d'Égypte. Le phénomène de la Révélation n'est donc pas unique dans son contenu, puisque Israël a reçu des lois avant et après le Sinaï, mais seulement dans sa forme, dans le phénomène lui-même: l'Éternel se révèle à tout un peuple, pour rendre tout un peuple responsable collectivement. Les enfants d'Israël qui ont entendu la parole divine et l'ont acceptée comme une Mitsva n'étaient pas tous des prêtres, ni tous des prophètes, ni tous des sages, mais des hommes et des femmes du peuple à qui l'Éternel s'est adressé directement pour les rendre directement, individuel lement et collectivement, responsables Désormais la Mitsva est confiée à tout un peuple qui en devient le garant et ce phénomène est unique en son genre dans l'histoire de l'humanité. C'est pourquoi cette Révélation du Sinaïa également un caractère unique, car une fois l'alliance conclue avec tout le peuple, elle devenait définitive. A partir du Sinaï apparaît une idée nouvelle et révolutionnaire, unique en son genre : le peuple composé d'individus devient une entité comme un corps humain dont les membres et les organes sont intimement liés. La Tora, élixir de vie pour l'humanité et nourriture indispensable pour l'univers, n'est plus l'apanage d'un seul individu, mais celui de tout le peuple. En d'autres termes, le peuple d'Israël se porte garant de l'accomplissement de toute la Tora, bien que chaque homme, pris individuellement, soit dans l'impossibilité de mettre toute la Tora en pratique. Le contrat moral passé avec D. devient possible. La Mitsva, quelle qu'en soit la nature, rituelle ou morale, n'est pas uniquement un moyen de perfectionnement moral pour l'individu, mais l'expression d'un engagement, d'un devoir au niveau collectif, bien que cha cun, séparément, en tire un bénéfice personnel. | Voici les Dix Commandements (‘Assérèt Hadibérote) que les juifs entendirent prononcer par uneVoix puissante pendant que le Mont Sinaï était enveloppé de flammes et de fumée. Les flancs de la montagne tremblaient pendant que l'on entendait le son puissant du chofar. 1. Je suis l'Éternel, ton D. qui t'ai fait sortir d'Égypte de la maison d'esclavage. 2. Tu n'auras pasd'autres dieux devant Ma face, tu ne te feras aucune idole ni aucune image de ce qui est en haut dans les Cieux ou en bas sur la Terre ou dans les Eaux au dessous de la Terre et tu ne les adoreras pas. 3. Tu ne proféreras pas en vain le nom de l'Éternel ton D. car l'Éternel ne laisse point impuni celui qui profère Son nom en vain. 4. Souviens-toi du jour du Chabbat pour le sanctifier. Six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le Chabbat consacré à l'Éternel ton D. Tu ne feras aucun travail, toi, ton fils, ta fille, ton serviteur, ta servante, ton bétail ni l'étranger qui se trouve dans tes portes. Car en six jours l'Éternel a créé les Cieux, la Terre, la Mer et tout ce qu'ils renferment et il s'est reposé le septième jour. C'est pourquoi l'Éternel a béni le septième jour et l'a sanctifié. 5. Honore ton père et ta mère afin que tes jours se prolongent sur la terre que l'Éternel ton D. t'a donnée. 6. Tu ne tueras point. 7. Tu ne commettras point d’adultère. 8. Tu ne voleras point. 9. Tu ne porteras point contre ton prochain un faux témoignage. 10. Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain ni rien de ce qui lui appartient. Telles furent les parolesimmortelles que le peuple d'Israël entendit tandis que la terre même tremblait au milieu du tonnerre et des éclairs. Épouvantés par un spectacle aussi terrible les juifs dirent à Moché : "Nous ne voulons plus entendre directement la Voix du l’Éternel, va toi même sur le Mont Sinaï et rapporte-nous Ses paroles". Par la suite D. communiqua à Moché l'une après l'autre toutes les lois du judaïsme. Moché les répéta au peuple et les transcrivit dans la Tora. Tous les autres nations finirent par reconnaître puis par accepter en grande partie ces lois données par D. à Moché et à son peuple : c'est le fondement de toutes les grandes religions monothéistes, c'est à dire de celles qui croient en un seul D. On comprend dès lors que les Dix Commandements aient été formulés à la deuxième personne du singulier: « Tu ne feras pas... Souviens-toi... Tu ne convoiteras pas... » Cette deuxième personne du singulier s'adresse à la fois au peuple et à chacun. C'est l'image du peuple d'Israël comparable à un corps humain, image qui a d'ailleurs été reprise en dehors d'Israël. Dans ce corps, chaque individu a son importance et sa fonction bien spécifique. Mieux, il est indispensable au bon fonctionnement de la collectivité, de même que chaque membre du corps est nécessaire au bon fonctionnement de tout l'organisme. C'est ainsi que chaque homme a une tâche particulière à accomplir, en fonction de sa naissance, de l'époque où il vient au monde, de l'endroit où il se trouve et des possibilités dont il est doté en venant au monde. Dans son grand amour pour l'homme, l'Éternel n'exige de lui, en définitive, que ce qui est dans ses possibilités. « On ne me demandera pas, disait Rab Zouchia, lorsque je comparaîtrai devant le Tribunal céleste, si durant ma vie j'ai été Abraham ou Moïse ou Rabbi 'Akiba, mais tout simplement si j'ai été Zouchia, c'est-à-dire moi-même. » L'homme sage est quiconque connaît sa place dans le monde et agit en fonction de sa vocation. Cette idée est illustrée par la disposition des enfants d'Israël dans le désert. On aurait pu penser qu'après le séjour des Hébreux en Égypte où ils étaient soumis à une discipline de fer ils auraient cherché à vivre dans l'anarchie dans le désert. Par l'influence réciproque de ces qualités, l'harmonie était ainsi atteinte. Voilà donc l'enjeu de la Révélation sur le Sinaï qui a marqué une ère nouvelle dans l'existence du peuple juif. Nous remercions le Rabbin Jacques Ouaknine qui nous a autorisé quelques passages de son livre "De générations en générations, être juif" | |