Par son comportement, le régime s’est déjà condamné
mardi 29 mars 2011 - 00h25, par
Le bain de sang qui a endeuillé plusieurs régions syriennes doit se prolonger, le régime ayant appelé ses partisans à manifester ce mardi 29 mars pour soutenir Assad. Mais le peuple n’est pas prêt à oublier, encore moins à pardonner le passé terroriste du régime. De nouvelles révélations accablent Assad dans l’assassinat de Rafic Hariri et la disparition de témoins.
Le régime syrien est en mauvaise passe, à en croire les communiqués hostiles publiés par ses opposants, y compris les kurdes qui se sont jusque-là tenus à l’écart. Plusieurs mouvements politiques kurdes affirment attendre que la mobilisation s’étende sur l’ensemble du territoire pour entrer en scène. Car, ils ne veulent pas donner l’occasion au régime de les accuser d’une quelconque tendance indépendantiste. En attendant, les tribus multiplient les appels à la mobilisation et menacent de prendre les armes pour venger Deraa et Lattaquié, les deux villes les plus endeuillées, avec plus de 130 morts et des centaines de blessés. Les promesses d’une future levée de l’état d’urgence, en vigueur depuis mars 1963, ne convainquent personne. D’autant plus que la loi d’exception ne sera abrogée qu’une fois une autre loi de lutte contre le terrorisme aura été votée !
Plusieurs signes laissent présager la fin proche du régime :
Le régime a appelé les Syriens à manifester mardi 29 mars pour soutenir le président Bachar Al-Assad dans tout le pays. Selon l’usage syrien, les écoliers, collégiens et lycéens, ainsi que les ouvriers et les syndicalistes seront associés par la force.
Selon plusieurs sources, le régime a décidé d’armer les sections ouvrières du Baath pour faire face à toute désobéissance des forces de l’ordre. Un policier aurait déjà été abattu par son supérieur, mercredi dernier à Deraa, pour avoir refusé de tirer sur les manifestants. Quatre autres militaires sont portés disparus depuis samedi, pour les même raisons.
Le recours aux milices privées. Le projet d’armer les ouvriers du Baath n’est pas nouveau. Déjà, les bandes armées dirigées par Maher Al-Assad, frère du président et commandant de la Garde présidentielle, et la milice privée de son cousin Namir Al-Assad, sévissent à Lattaquié et Tartous, sur la côte syrienne. Certains estiment que cette région est convoitée par Assad pour y installer un Etat alaouite si le régime actuel devait s’effondrer.
L’utilisation des armes lourdes contre la population. La semaine dernière, la Garde présidentielle a bombardé Deraa par hélicoptères. Aujourd’hui, la ville est encerclée par les chars d’assaut. Le recours massif aux armes lourdes et aux massacres à grandes échelles attestent que le régime est fragile et ne tient que par la terreur.
Les tribus syriennes et les partis d’opposition sont décidés à poursuivre la mobilisation jusqu’à la chute de la dictature. Ils appellent à la désobéissance civile et invitent les fonctionnaires et autres employés de rester chez eux pour paralyser le pays. Ils promettent d’accentuer la pression pour « renverser le dictateur avant le 65ème anniversaire de l’indépendance (17 avril 1946) ».
Le régime se voile la face, refuse de regarder la réalité du pays et de concevoir que les Syriens puissent aspirer à la liberté, à l’heure d’internet. Pour Damas, les Syriens restent des mineurs et leur refuse l’accès au 21ème siècle. Bien au contraire, il brasse du vent et leur vend des promesses creuses, jamais tenues.
Damas persiste à attribuer la révolte du peuple compressé depuis 48 ans à des comploteurs étrangers. « Ceux-ci alimenteraient le confessionnalisme pour diviser le pays », affirme la conseillère du président Assad. Bouthaïna Chaabane accuse aussi les islamistes radicaux d’être à l’origine des troubles, au service de l’étranger. Cliquez ici pour relire « les révélations inquiétantes d’un officier syrien : le régime songe à commettre des attentats pour justifier la répression ». A cet égard, les observateurs lient l’enlèvement de sept touristes Estoniens dans la Bekaa libanaise, jeudi dernier, et l’attentat contre une église de Zahlé, dimanche, à ce plan machiavélique syrien qui consiste à exporter sa crise et à déstabiliser l’ensemble de la région. Or, le cafouillage dans la communication syrienne est révélateur de l’embarras du régime, lui qui avait excellé dans la manipulation de l’islamisme et du terrorisme. Il avait ouvert son territoire à Al-Qaïda pour s’installer en Irak. Il avait installé et armé le Hezbollah et le Fatah Al-Islam au Liban, ainsi que le Hamas et le Jihad islamique à Gaza... Sans oublier son soutien au FPLP-CG et autre Fatah-Intifada et PKK... autant de groupes terroristes financés, armés et exploités par Damas, à des degrés divers.
Le comble est qu’au moment où certains porte-voix de Damas accusaient les Etats-Unis, et particulièrement Jeffrey Feltman, d’avoir fomenté le complot contre le régime syrien, « champion de la résistance », Assad aurait envoyé plusieurs émissaires à Washington lui proposant un marché pour sauver son régime. Selon le quotidien koweïtienne « Al Raï Al Am », du 27 mars, Assad aurait demandé aux Américains « d’exercer des pressions sur les médias, notamment arabes (« Al Jazeera », « Al Arabiya » et « Orient ») afin de réduire leur couverture des événements en Syrie et de lui permettre d’éradiquer la contestation ». Il leur aurait également demandé d’intervenir auprès de la Jordanie pour interdire l’utilisation de son réseau de téléphonie mobile par les habitants de Deraa -région frontalière) notamment pour diffuser les images de la répression. En contrepartie, Assad aurait promis de s’éloigner de l’Iran, de signer la paix avec Israël et de collaborer avec le Tribunal international pour le Liban, en chargeant le Hezbollah et en lui attribuant l’assassinat de Rafic Hariri. Selon le journal koweïtien, les Américains auraient rappelé aux intermédiaires d’Assad que le Tribunal international était indépendant et qu’il leur était impossible d’y intervenir.
Précipitation et maladresse : le début de la fin ?
Ce dernier point est capital pour le régime syrien, puisqu’il a balayé, d’un seul coup, toute sa stratégie de défense face à la justice internationale, en accusant le Tribunal d’être politisé et instrumentalisé. Or, c’est Assad en personne, à travers ses émissaires, qui vient de se condamner doublement en proposant ce chantage. Une première fois en voulant politiser le Tribunal, une seconde fois en proposant d’accuser le Hezbollah pour sauver sa propre tête. Car, il n’est pas certain, dans ce cas de figure, que le Parti chiite et Hassan Nasrallah acceptent d’être sacrifiés sur l’autel syrien.
De plus, de nouvelles révélations embarrassent le régime syrien et la famille Assad. Un site syrien a diffusé, vendredi dernier, une vidéo du massacre de la prison de Saidnaya, commis en juillet 2008, une semaine avant la visite de Bachar Al-Assad à Paris.
Selon un officier syrien, appelé à témoigner devant le Tribunal international dans l’affaire Hariri, et qui serait à l’origine de cette « fuite fatale pour le régime », le massacre de Saidnaya visait à « supprimer des témoins encombrants » [lire également nos analyses sur les autres éliminations : Abdbelkarim Abbas etGeorges Al-Gharbi et Mohammed Fawwaz, ou encore Imad Maghnieh etMohammed Sleimane].
Le site à l’origine de cette vidéo affirme que parmi les nombreux cadavres filmés sous les décombres de la prison figure celui d’Ahmed Abou Adass, le kamikaze apparu sur la vidéo revendiquant l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais, remise à la télévision « Al-Jazeera » quelques minutes après l’explosion. Abou Adass n’aurait ainsi pas été tué dans l’attentat du 14 février 2005 à Beyrouth, mais le 5 juillet 2008 à Damas. Les enquêteurs internationaux avaient émis des doutes sur l’identité du kamikaze, puisque les tests ADN pratiqués sur les débris retrouvés à Beyrouth ne correspondaient pas aux empruntes génétiques d’Abou Adass. Plusieurs sites libanais avaient divulgué un document signé par le général Jamil Sayyed, l’un des agents syriens au Liban, confirmant la remise d’Abou Adass aux Services syriens trois semaines avant l’attentat contre Hariri. Le site affirme en outre que sur la vidéo, on distingue Maher Al-Assad (en civil) qui aurait supervisé l’opération contre les prisonniers.
Au pire, cette vidéo confirme que le régime syrien est impliqué dans l’assassinat de Hariri, au mieux dans la destruction de preuves, élimination de témoins et obstruction à la justice internationale. Désormais, quoi qu’il fasse, Assad est condamné sinon par le Tribunal international, du moins par son propre peuple.
Khaled Asmar
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