Terre juive, terre arabe :
la question de la propriété foncière
comme désinformation et propagande. (1/3)
Par Sacha Bergheim
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Parmi l'ensemble des stéréotypes autour du conflit arabo-israélien, l'idée selon laquelle les sionistes auraient "volé" les terres possédées par les "Palestiniens" et auraient ainsi procédé à un "nettoyage ethnique" trouve dans la cartographie un des exemples les plus révélateurs de la guerre idéologique menée contre la présence juive en terre d'Israel.
Cette vision repose sur un paradoxe symptomatique :
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- à la fois, on nous annonce que, suite aux achats de terres, les sionistes auraient procédé à des dépossessions massives expulsant les paysans palestiniens, ce qui donne l'impression d'une ampleur désastreuse due à l'impérialisme des propriétaires terriens juifs;
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- à la fois, on apprend que les "statistiques" révèlere que les Juifs n'auraient eu de titres de propriété que sur 8% environ des terres de la Palestine mandataire en 1948. Autrement dit, plus de 90% des terres n'auraient pas été affectées par les acquisitions de terre.
Cette dialectique aboutit à deux conclusions:
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- l'ONU aurait attribué des terres "arabes" au futur Etat juif (55% de la Palestine mandataire)
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- l'Etat d'Israel aurait mené une expulsion systématique des populations arabes en vue de rendre irreversible la partition.
et permet de défendre deux des principales thèses de l'historiographie arabe:
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- l'autochtonie du peuplement arabe à l'opposé de l'allochtonie des populations juives venues essentiellement d'Europe (ce qui fait l'impasse sur l'arrivée des Juifs orientaux, expulsés des pays arabes)
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- l'illégitimité de la création d'un Etat juif autonome, et, à l'opposé, la revendication en faveur du "droit de retour" des réfugiés puisque l'essentiel d'Israel serait constitué de terres "volées".
D'une question cadastrale, nous passons à une revendication politique et une exclusion morale.
Or, que disent les archives à ce sujet ?
On remarquera tout d'abord que cette présentation biaisée de l'histoire, et notamment du Plan de partage de 1947, omet un élément fondamental: sur les 55% attribués à l'Etat juif, environ 40% sont constitués de terres désertiques du Negev, ce qui implique qu'en réalité, l'Etat juif disposerait de moins d'un tiers de terres non désertiques, donnant une toute autre perspective à l'attribution d'un territoire pour les populations arabes.
Une guerre de statistiques ?
Les chiffres et cartes des « pro-palestiniens » tendent à faire passer l'idée qu'il y aurait deux types hermétiques de propriété foncière, l'une juive, l'autre arabe.
De là proviennent les chiffres déterminant une part entre 6 et 10 % de propriété foncière juive selon les études. À l'inverse, plus entre 90 et 94% des terres seraient arabes. Or, cette catégorie regroupe terres publiques et privées, terres incultes et cultivées, tandis qu'on peut considérer que les terres acquises par les sionistes sont dans la grande majorité des cas cultivables.
Compte tenu de ces restrictions méthodologiques, l'Institut d'études palestiniennes (cité par exemple par wikipedia) annonce une part de 48% serait aux mains des « Arabes »la propriété dite juive couvrant 5,7%.
En ce qui concerne ces 48%, de qui s'agit-il au juste ? De propriétaires habitants en Palestine mandataire ou à Beirut ou au Caire ?
De plus, quelle est la proportion des grands propriétaires, parmi lesquels se recrutent le plus souvent les élites dirigeantes... et qui furent les premiers à vendre à des prix exorbitants des terres aux organisations juives?
Cette proprotion couvre-t-elle les villes, villages, routes?
Et qu'en est-il des biens religieux des institutions musulmans ou chrétiennes ?
Le district de Beersheba est alors censé occuper 46,3% des terres.
Le rapport de Sir John Hope-Simpson, qui s'était appuyé sur le relevé de Maurice Bennett, et qui est connu pour son opposition au sionisme, précisait au milieu des années 1930 que le district de Beersheba comptabilisait environ 1 160 000 dunams métriques, soit environ 116 000 ha de terres enregistrées comme propriété d'Etat, soit moins de 0,54% de la terre du district. En d'autres termes, moins de 1% du district ne relevait donc ni d'une propriété « juive », ni d'une propriété « arabe », alors que ce district était en grande partie occupée par le désert...
Cette quantification partiale et méthodologiquement contestable exprime en réalité le point de vue traditionnel arabe selon lequel la terre serait définitivement et en totalité « arabe » depuis la conquête et l'inclusion dans le dar al islam.
Qui plus est, l'Institut d'études palestiniennes omet sciemment l'interdiction faite jusqu'en 1873 aux Juifs d'accéder à la propriété foncière: le rapport à la terre n'est donc pas prioritairement un rapport d'ancienneté, vu que la présence juive, à l'image des discriminations subies en Europe, était principalement urbaine compte tenu de ces interdits.
L'enjeu réside moins dans la justification d'un point de vue primant sur l'autre que dans la compréhension la plus précise possible de la question agraire sur le territoire de la Palestine mandataire depuis le dernier quart du 19e siècle, et dans la possibilité d'établir un tableau aussi réaliste que possible.
Les routes construites par les Juifs dans la plaine du Sharon et utilisée par les paysans arabes relèvent-elles d'une « propriété juive »?
De même en l'absence de cadastre établissant des finages précis (l'étendue de chaque vilage) et l'utilisation des sols, comment parler d'une propriété arabe sur des terres en friche sans propriétaire non enregistré?
Aperçu de la question agraire par les photos d'archive
La réalité de terrain pose la question foncière en point de vue juridique (du côté juif, la légalité de l'acquisition est censée être la condition d'une existence qui n'est plus précaire et temporaire) car la présence agricole juive ne procède concrètement d'aucun nettoyage ethnique.
Vue sur les environs du kibbutz Hanita en Galillée - 1946
Plantation et arrosage d'un plan de vigne dans le Gush Etsion et vue sur les collines environnantes - 1947
Vue aérienne du kibbutz Maale Hahamishe - 1946
Paysages environnant le kibbuts Biria - 1945
Vue sur Tel Hai en contrebas, et vers la vallée de Houla - 1946
Vallée du Jourdain depuis Hazor - 1930
Tsur Moshe en 1937
Revivim dans le Negev, vue sur les champs nouvellement défrichés et irrigués par les pionniers - 1943
Verger planté par les villageois juifs près de Kfar Etsion 1947
Les débuts de défrichement autour du Gush Etsion - 1946
A suivre ...