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7 février 2011 1 07 /02 /février /2011 16:31

 

Terre juive, terre arabe :


la question de la propriété foncière

 

comme désinformation et propagande. (2/3)

 

Par Sacha Bergheim

Pour © 2011 contrecourant1© 2011 aschkel.info

 

Première partie > Terre juive, terre arabe: la question de la propriété foncière comme désinformation et propagande (1/3)

 

Il importe de rappeler le constat initiale: il existe peu d'études d'ensemble fiables sur la question, et l'accès aux sources présente de nombreux manques, de nombreuses lacunes, ne permettant pas de déterminer avec exactitude le rapport exact entre la propriété foncière arabe, le type de fermage et la proportion de terres cultivées effectivement.

 

L'affirmation déclamatoire d'une possession entière du territoire du mandat par les habitants arabes de la Palestine est aussi illusoire qu'idéologique: cela reviendrait par exemple, en extrapolant de façon similaire, à prétendre que le Sahara algérien, dont les limites ont été établies par la France, est une propriété algérienne de toute éternité et qu'il atteste d'un lien consanguin entre la terre et le peuple.

 

Tout au plus pourrait-on conclure que le Sahara constitue l'espace de vie et d'échanges de populations nomades... et que l'histoire du judaïsme en Afrique du Nord est également liée à cet espace semi-désertique de flux et d'échanges (Juifs de Touat,...)

Mais en aucun cas, l'espace lui-même ne peut en toute décence être l'objet d'une identification à un projet nationalisme. Sans quoi nous aboutissons à la formulation d'un Lebensraum aux funestes connotations.

 

La réforme ottomane de 1858 et 1873

 

La Réforme du code de la propriété ottomane de 1858-1859 répondait à plusieurs besoins :

  • - exercer un contrôle sur l'espace, sur le modèle européen,

  • - effectuer partiellement un recensement (lié à la conscription),

  • - augmenter les revenues liées aux taxes foncières,

  • - légaliser les formes d'utilisation de la terre (et notamment celles des grands propriétaires, qu'ils soient issus de la hiérarchie administrative ou militaire ottomane, ou de l'élite arabe du Levant)

 

Pour plusieurs raisons (refus de participer au service militaire dans l'armée ottomane, refus de payer les taxes, méconnaissance de la législation de la part de paysans analphabètes, pratiques corrompues des intermédiaires locaux), l'enregistrement de la propriété ne s'est pas faite conformément à la réalité de terrain: en ce qui concerne les terres enregistrées, les bénéficiaires en ont été les chefs de village, les fonctionnaires ottomans, les marchants, et l'administration ottomane, mais l'essentiel des terres arables étant cultivée sans titres individuels de propriété.

jericho-copie-1.jpg

Vue de la ville de Jéricho - autour de 1880

 

Cette situation va perdurer jusqu'aux années 1930 où on ne compte par exemple que moins de 50 000 dunams de terres enregistrées sur près de 12 millions de dunams du district de Beersheba.

Et pour cause!

Il n'empêche que l'historiographie pro-arabe présentera l'Etat juif issu de la partition comme regroupant 55% de la Palestine, sans mention de ces 40% désertiques. Affirmer en revanche que l'Etat juif, selon le Plan de partition de 1947, dispose de moins de 30% des terres arables est à la fois plus proches de la réalité et moins mobilisateur dans l'idéologie anti-israélienne.

hartsion-ph-bonfils.jpg

Une Palestine surpeuplée ? Vue sur les alentours du Mont Sion - Jérusalem

Photo Bonfils - autour de 1880

 

Depuis la Réforme ottomane de 1858, des colons allemands (piétistes) sont présents en Palestine et commencent à mettre en valeur une terre considérée – comme l'ensemble des témoignages de l'époque le corroborent – comme une terre peu peuplée, mal cultivée et à défricher.

Il faut comprendre la loi d'émancipation de 1873 comme s'inscrivant dans le cadre de cette mesure d'attraction de colons visant à valoriser la terre. Et ce n'est qu'à partir de 1873 que les habitants juifs de « Palestine » sont autorisés à détenir des titres de propriété en leur noms, sans que l'ensemble des restrictions ne cessent concrètement. Les premières parcelles achetées seront dans des zones marécageuses, infestées de paludisme, sablonneuse.

 

Quelles sont les différents statuts juridiques de la terre durant la période ottomane ?

 

Pour bien comprendre en quoi la distinction entre terres « arabes » et terres « juives » est fallacieuse, il faut avoir en tête que la terre, en droit ottoman, relève de plusieurs catégories juridiques et de plusieurs usages.

 

Ainsi, la propriété foncière à titre privé correspond au mulk, qui peut être également identifié comme terre n'appartenant pas au gouvernement.

 

Le miri désigne la terre arable appartenant à l'Etat, dont des individus peuvent acheter un droit de métayage et cultiver la terre. Non cultivée au bout de trois années, ou sans droits payés à l'Etat, elle est désignée alors comme mahlul, et redevient propriété légale de l'Etat.

 

Il existe d'autres catégories de propriété :

  • - le waqf correspond à la terre possédée par des institutions religieuses musulmanes (comme le Zawiyah hindiyah, propriété de Musulmans venant d'Inde et établie en Palestine mandataire),

  • le matruka qui est une terre utilisée à titre collectif comme les routes, les pâturages, mais elle appartient à l'Etat.

osman-manzil--batiment-zawiyat-hindiya-1945-photo-ahmad-al-.jpgOsman Manzi, bâtiment principal du Waqf indien du Zawiyat Hindiyyah (1945) Phot Ahmad al ansari

  • - le mewat, propriété d'Etat, non réclamée, et représentant autour de 60% de la terre. Elle est parfois cultivée mais sans enregistrement légal. Le rapport Hope-Simpson définit le mewat comme la terre située au-delà de deux kilomètres d'un village et sans propriétaire enregistré.

  • - le musha, sous-catégorie du miri ou du mulk, est une propriété collective constituant le principal mode de propriété foncière. Le plus souvent elle est aux mains de propriétaires urbains, absents, laissant les travaux agricoles à des manoeuvres.

  • - le mudawara (ou jiftlik) constitue des domaines d'Etat. Les trois principaux étaient autour de Beersheba, Beit Shean et de Jericho.

L'église grecque orthodoxe dispose de large propriétés, notamment autour de Jérusalem rangée dans la catégorie de waqf et dont la validité est encore aujourd'hui scrupuleusement respectée par l'Etat d'Israel (la knesseth par exemple est sur un bail de long terme d'un waqf grec-orthodoxe).

 

L'absence d'un cadastre complet démontre que l'essentiel des terres en Palestine ne relevaient d'aucun titre de propriété. Les cartes ne mentionnent aucun finage (limite des terres appartenant à un village) mais seulement les routes et quelques bâtiments (maison du mukhtar par exemple).

Qui plus est, une part importante de terres défrichées par les pionniers juifs comme les zones marécageuses  ou incultes (rocailleuses), défrichées par les haloutsim, étaient comptabilisées parfois comme terres incultes et non arables, ce qui rappelle à nouveau la relativité des assertions dans ce domaine.

kfar-etsion-pionniers-paysans.-24-08-1943.jpgLes paysans juifs du Kfar Etsion 1947

 

Comment calculer la surface cultivée par la population rurale arabe en Palestine mandataire?

L'Institut d'Etudes palestiniennes s'appuie en réalité, non sur les titres de propriété, mais de l'assiette du calcul de l'imposition foncière, qui incluait les terres utilisées pour les habitations, les lieux communs (places du village, routes) et n'offrent finalement qu'une indication partielle, relative, de la propriété réelle de la terre, et de là, de la proportion de terres cultivées.

Paradoxalement le seul chiffre fiable concerne la propriété dite « juive » indiquée dans le Cadastre des établissements juifs reconnu légalement par les autorités mandataires en 1926 lors des essais pour régulariser l'enregistrement de la propriété foncière.

 

Un accès inégal à la propriété foncière mais une productivité différente

 

En dépit des termes du Mandat qui précisait explicitement que les Britanniques devaient favoriser l'installation sur terres d'Etat et non cultivées des populations juives – qui représente la majorité de la surface de la Palestine mandataire – , l'accès juif à la terre a sans cesse été restreint.

L'achat d'une parcelle par un Juif se faisait directement par un contact épistolaire avec le propriétaire, souvent hors de Palestine, soit indirectement par le biais de fonctionnaires, intendants des propriétaires vivant en Palestine, soit enfin dans une minorité des cas, avec les autorités des villages (le mukhtar, les anciens).

differents-contrats-de-proprietes-fonciere-saa-copie-1.jpg

Différents contrats, titres de propriété des premières parcelles juives - 1890

 

 

La légalisation des ventes de terres à des Juifs se faisait au prix du marché, tandis que l'enregistrement des titres de propriété auprès de l'administration britannique par un Arabe se faisait à titre forfaitaire, soit entre 7 et 14% de leur valeur réelle.

 

Lorsque le gouverment britannique chercha en 1930 à attribuer les terres relevant du jiftlik ou du mewat, (autour de 959 000 dn) ils n'octroyèrent que 98 000 aux Juifs, réservant le reste aux Arabes, de façon à exclure ultérieurement les Juifs d'achat de terres d'Etat, une grande partie fut donc enregistrée au profit de propriétaires arabes, ce qui était en oppostion avec les termes du Mandat qui précisait à l'article 6 que la puissance mandataire devait encourager et permettre l'acquisition de terres d'Etat aux immigrants juifs.

 

Cette discrimination, que les Juifs avaient connue sous le règne ottoman (et en Europe) est réintroduite en 1940 par les Britanniques lors de l'adoption du British Land Sale Act faisant suite au "White Paper" de 1939.

erusalem.-Jewish-protest-to-White-Paper-1939.jpg

Manifestations à Jérusalem contre le "Livre Blanc"

soumettant l'entrée de réfugiés juifs européens (au moment où le nazisme s'étend à l'Europe)

à la bonne volonté des leaders extrémistes arabes. 1939

 

Il introduit une différenciation de la terre selon le propriétaire: ainsi, seule sur 5% des terres les achats sont possibles en faveur des Juifs. 95% restant pouvaient être échangés entre acheteurs et clients arabes.

Plus précisément, le reste de la terre était divisée en deux groupes, le premier sur 32%, les transfert ne pouvaient avoir lieu qu'entre Arabes, réintroduisant de facto les législations discriminatoires ottomanes, et les 63% restant ne pouvaient faire l'objet d'aucune transaction.

 

Et les Britanniques continuèrent à limiter l'accès à la propriété si bien que l'Agence juive achetait des terres directement à des propriétaires arabes en passant par des intermédiaires arabes (22 000 dn en 1940, 14 000 dn en 1941, puis une moyenne de 13 000 dn par an durant la guerre, soit moins de 0,05% de la surface totale).

Gat-fonde-en-1941--12-feb-46.jpgLe kibbuts Gat fondé en 1941 - photo 1946

 

Cette pratique de vendre aux Juifs sur prix exagérés, dans le but d'en limiter l'extension, était encouragée par les Britanniques. En 1921, les Sursocks ont vendu autour de 4 piastres egyptiennes par dunam des terres, soit 60 fois le prix d'achat lors de l'enregistrement du titre de propriété.

 

De façon significative, les terres cultivées par les populations juives fournissaient deux tiers de l'apport fiscal aux autorités mandataires, et le secteur arabe un tiers, ce qui implique également un régime d'imposition différent et supérieur de quatre fois, rapporté à la surface supposée cultivée par les Juifs et par les Arabes.

Un tel niveau d'imposition indique en réalité un seuil de propriété de terres arables – et rendues arables – particulièrement élevé du côté juif et incompatible avec le chiffre de 5 ou 6%, voire 10% avancé par les sources pro-arabes concernant les biens fonciers « juifs » en Palestine.

k-Degania--vue-aerienne-Vallee-Jourdain-Kinneret--30-12-1.jpg

Vue aérienne sur Degania Alef / Degania Bet et des terres agricoles des kibbutzim du sud du lac Tibériade 1938

 

 

De surcroît, ce chiffre ne représente pas l'occupation réelle et l'utilisation réelle du sol, notamment en raison de nombreux transferts non enregistrés, de parcelles louées à des propriétaires arabes,...

 

En l'absence de relevé exactes du côté arabe, sur la base d'environ 6 millions de dunams de terres enregistrées et taxées en 1936, dont 2 millions environ cultivés par des Juifs selon l'estmation de Kenneth Stein (The Land Question in Palestine. University of California Press 1984) et sur la base d'une taxation quatre fois supérieure, on peut déduire que la propriété dite juive s'avère en réalité supérieure à un tiers (à l'exclusion de terres relevant du waqf) de l'ensemble des terres arables.

THE-FIRST-HARVEST-AT-KIBBUTZ-EIN-HANATZIV.-07-49.jpg

Récolte des céréales du kibbutz Ein Hanatsiv 1949

 

L'enjeu est d'importance: non seulement cette réalité de terrain conteste l'idée selon laquelle l'identité juive n'aurait aucun lien avec la terre.

 

La productivité agricole des exploitations juives dément l'affirmation selon laquelle l'Etat d'Israel naissant serait le bénéficiaire d'une société arabe prospère qu'il aurait spolié, pour au contraire révéler que progressivement s'est tissée une interaction, notamment économique, entre villages juifs et arabes, si bien que durant la guerre de 1948-49, de nombreux villages arabes dépendront quasi exclusivement de la fourniture par les autorités juives de biens agricoles. La vigueur et l'innovation du côté juif ont en rebanche nettement accentué le décalage avec une société arabe dont les élites refusaient la modernisation au bénéfice de ses citoyens; une situation qui prévaut encore aujourd'hui.

19576v.jpg

En direction de Kfar Saba: la route et l'électrification sont l'oeuvre des sionistes... 1946

 

A suivre...

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