Trancher la tête de l’hydre Iran-Syrie-Hezbollah
Adapté par Marc Brzustowski
Pour © 2011 lessakele et © 2011 aschkel.info
| http://nationalinterest.org/commentary/slaying-the-syria-iran-hezbollah-hydra-5657
26 juillet 2011
Bien que les relations de longue haleine entre l’Iran, la Syrie et le Hezbollah ne soient un secret pour personne, les décideurs politiques américains se montrent singulièrement ineptes à faire le lien entre ces points et à faire pression simultanément sur tous les côtés à la fois. Si le régime de Téhéran était sur le point de tomber, Assad se trouverait isolé et forcé de faire des compromis avec ses frères arabes et autant avec les Etats-Unis ; si Assad était sur le point de tomber, les Mollahs seraient confrontés à des obstacles insurmontables pour continuer de soutenir le Hezbollah, et du fait de la chute de l’un ou de l’autre, des Mollahs ou d’Assad, les jours du dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah, seraient comptés (et, du fait de la chute des deux, son dernier jour serait presque arrivé). Washington a-t-il saisi l’occasion de faire rouler la boule, en faisant pression simultanément sur les trois adversaires, là où et dès qu'il le peut ? Pas le moins du monde.
Commençons par l’Iran. Alors que les relations avec Assad et le Hezbollah sont déterminants pour les Mollahs, leur avenir est bien plus directement dépendant des vulnérabilités économiques et des aléas propres à l’Iran, un fait que les Etats-Unis ne semblent, justement, pas saisir. Bien que Washington ait correctement renoncé aux options militaires contre le régime de Téhéran et se soit essentiellement concentré sur les sanctions économiques, il n’a pas choisi d’options, en matière de sanctions, qui pourraient effectivement forcer les Mollahs à devoir se soumettre ou s’effondrer. Dit plus simplement, les sanctions doivent imposer des difficultés suffisantes au régime pour le forcer à changer, sous peine d’être renversé par des bouleversement et manifestations populaires intérieures. (Agir) un petit peu ici et un peu là ne donne aucun résultat, excepté de provoquer des difficultés non-nécessaires sans apporter de rétribution significative. L’Iran a besoin d’échanges extérieurs pour financer ses importations et soutenir ses liquidités au niveau de ce qu’il juge être le taux d’échange approprié. Ainsi des tarifs pétroliers plus bas, une consommation de carburant domestique plus forte (laissant une part moindre destinée à l’exportation) et plus de demandes sur ses gains et réserves en matière d’échanges internationaux limités, constituent le talon d’Achille du régime de Téhéran.
Qu’est-ce que l’Amérique pourrait faire pour exploiter ces vulnérabilités? Elle devrait se focaliser sur les façons de dissuader l’investissement étranger en Iran, accroissant ainsi le coût des importations iraniennes et en faisant grimper la demande du secteur privé à l'égard des échanges extérieurs ( particulièrement en le poussant à faire sortir de l’argent du pays). Washington a adopté quelques lignes politiques allant en ce sens, qui provoquent une pression sur l’échange extérieur (ceci a été plus récemment démontré par l’incapacité de la Chine et de l’Inde à payer l’Iran en dollars, en échange de leurs importations de pétrole et par la dépréciation du riyal iranien). Mais il aurait pu faire bien mieux.
Washington aurait pu persuader les exportateurs de pétrole, particulièrement l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et le Koweit d’augmenter leurs exportations et de dépasser leur quota OPEP dans le but de faire baisser les prix du pétrole. Tout autant, c’était une grosse erreur, de la part de certains experts américains éminents de définir les sanctions sur les carburants contre l’Iran comme « la mère de toutes les sanctions ». Cette désignation était, tout simplement aussi stupide que contreproductive. Les sanctions sur le carburant ont permis à Ahmadinedjad de faire exactement ce que deux de ses prédécesseurs redoutaient d’avoir à faire : précisément, de réduire de façon radicale la consommation de carburant iranienne et ainsi, d’augmenter la disponibilité du commerce extérieur en faveur du régime (jusqu’à recevoir les félicitations du FMI pour la conduite de ce processus !). A la même époque, les Etats-Unis n’ont pas sanctionné la Banque Centrale d’Iran, ce qui aurait contribué à renchérir les coûts d’importation de l’Iran et mis plus de pression sur ses gains grâce au commerce extérieur. Pas plus que Washington n’a poursuivi une politique consistant à accélérer l’évasion de capitaux depuis l’Iran. L’effondrement économique iranien, amplifié par une pénurie d’échanges extérieurs, ne mettrait pas seulement la survie du régime en péril, mais aurait aussi réfréné sa capacité à soutenir la Syrie et le Hezbollah, puis, tout autant, sapé les fondements de ces deux autres adversaires des Etats-Unis.
Alors que le “Printemps arabe” a mis en péril le régime d’Assad, la Maison Blanche a d’abord prêté son soutien au dictateur syrien, prétextant en privé que la chute d’Assad allait accroître autant l’instabilité de la région que les tensions frontalières avec Israël. Une telle hypocrisie – consistant à soutenir les régimes oppressifs de Riyad, Manama et Damas, tout en proclamant un soutien sans faille aux droits de l’homme et aux valeurs de la démocratie – sape la crédibilité et l’influence des Etats-Unis au Moyen-Orient et au-delà. Tout se passe comme si l’Administration Obama n’était pas capable de voir plus loin que le bout de son nez. Il n’y a qu’à songer à ce que la chute d’Assad aurait pu avoir comme effet sur les Mollahs et le Hezbollah !
Les rendez-vous manqués par Washington a accordé un temps précieux à Assad, permettant à l’Iran d’accourir à la rescousse pour renforcer son allié arabe, grâce à un partage des renseignements, une main d’œuvre répressive plus brutale, du matériel pour réprimer les manifestations ainsi qu’une assistance financière qui faisait cruellement défaut, tous facteurs qui ont probablement permis à Assad de sauver la situation. Une chose est certaine : si Assad avait été renversé, les manifestants et le nouveau régime à Damas n’aurait rien oublié du soutien de Téhéran à leur oppresseur cruel, l’Iran s’en serait trouvé d’autant plus isolé, moins capable de protéger sa puissance régionale et plus préoccupé par ses voisins immédiats. Du coup, le Hezbollah aurait été laissé en suspens.
C’est bien envers le Hezbollah que les Etats-Unis ont de moindres moyens d'exercer directement un effet de levier. Le régime de Téhéran a besoin du Hezbollah pour protéger sa puissance au-delà des confins du Golfe Persique pour menacer les intérêts américains de façon plus large dans la région. Les Molahs feront tout ce qui sera en leur pouvoir pour soutenir Assad et le Hezbollah, parce qu sans leur mutuelle coopération, l’Iran verrait sa stature régionale diminuer à vue d’œil et il représenterait, de facto, un danger bien moindre pour les intérêts américains. Aussi longtemps que l’Iran et la Syrie soutiennent Hassan Nasrallah, les Etats-Unis ne peuvent pas faire grand-chose pour se confronter au Hezbollah et l’affaiblir de façon drastique – mais dès qu’ils l’abandonneraient à son sort, les Arabes du Golfe Persique et les Américains se trouveront en position de porter un coup fatal à l’existence même du Hezbollah.
Il se pourrait qu’il ne soit pas encore trop tard pour agir simultanément sur au moins deux fronts, afin de mettre Assad et les Mollahs (et, du même coup, le Hezbollah) sur la corde raide. Ces Etats doivent être isolés –et sont effectivement, déjà, isolés.
Hossein Askari est Professeur, d'origine iranienne, de commerce international et de relations internationales à l'Université George Washington.
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