Turquie-Israël : ça va mal finir.
Par Jacques Sayag
pour Aschkel.info et Lessakele
Les claques turques à Israël n’en finissent pas de pleuvoir.
Et si le ministre des Affaires étrangères d’Ankara Ahmet Davutoglu ponctue ses insultes par un rappel que “la sécurité des diplomates et touristes israéliens, comme celle des Juifs turcs est l’honneur de notre nation”, ce n’est que pour retenir l’Etat hébreu par le col afin qu’il continue de résister, encore un peu, et sans vaciller, à ses coups de massue successifs.
Israël reste stoïque, certes, et ne cède pas aux violentes provocations turques...un peu comme pour nous laisser penser qu’il y a anguille sous roche, et que tout ne va pas aussi mal qu’il y paraît entre les deux alliés stratégiques de....naguère.
Ou bien, c’est qu’Israël s’attend à recevoir la claque de trop avant de répliquer.
Penser qu’Erdogan ne pourrait pas se permettre de franchir la ligne rouge à cause des prétentions européennes de son pays, ou de son rôle au sein de l’OTAN, c’est ne strictement rien comprendre à ce qui se déroule sous nos yeux depuis quelques mois.
Le turc ne veut pas d’Europe : il a choisi, c’est évident, de se désoccidentaliser au plus vite. Se tournant vers le monde arabo-islamique en se faisant le chantre de la cause des radicaux palestiniens avec autant de démagogie, il parie sur une position bien plus alléchante que celle qu’il pouvait espérer en glissant davantage vers l’Ouest.
Dans l’OTAN, Reccep Erdogan sait qu’il peut jouer les trouble-fête quand il veut. L’accord stupide sur le nucléaire iranien et son opposition systématique à toutes nouvelles sanctions contre le régime des Ayatollahs est un message clair à l’Occident tout entier, et pas seulement aux Américains. Il dit en substance qu’il ne faut pas compter sur les ottomans pour juguler la folie des grandeurs perse car il n’y va de l’intérêt ni des uns ni de l’autre pour l’instant.
Il devient donc patent qu’un tel jeu n’offre pratiquement aucune possibilité d’entente avec Israël. Au contraire : je persiste à croire que la Turquie de l’AKP cherche le conflit.
D’abord pour finir de museler les quelques militaires locaux qui s’opposent à la perspective islamique de leur gouvernement, et ensuite pour prendre le pas sur la Syrie et devenir le maître d’oeuvre incontournable de l’avenir de la région. Où les turcs ne manquent pas de ressources, si l’on peut s’exprimer ainsi.
La flottille n’est qu’un épiphénomène magistralement orchestré, et je ne comprends pas que les stratèges israéliens, sachant qui sont les membres de l’IHH qui naviguaient vers eux, n’aient pas réagi différemment à la provocation. Avant même le départ du Mavi Marmara des côtes cypriotes, par exemple. Un sabotage n’est pas plus un casus belli qu’une autorisation d’embarquer délivrée aux suppôts d’Al-Qaïda en Turquie.
Cessons de nous cacher la réalité : le bras de fer a commencé, et c’est à celui, d’Israël ou de la Turquie, qui le perdra, qu’il reviendra de subir le Moyen-Orient de l’autre.
Dans ce contexte, il n’est pas très productif de continuer à finasser. Bien entendu, il ne faut pas perdre de vue que, jusque là, l’amitié turque présentait plus d’avantages que d’inconvénients et qu’en la perdant ce ne sont pas les avantages qui restent. Soit, mais sera-t-il stratégiquement supportable, dans un futur très proche, de servir de marchepied à un poids aussi lourd ? A un poids qui ne cherche qu’à écraser.
Il n’est pas utile d’entrer ici dans certains détails, mais Israël a aussi beaucoup d’atouts dans son jeu. Plus qu’on ne le croit. Il n’est donc pas dit qu’en poussant le bouchon encore plus loin, Erdogan soit indéfiniment à l’abri d’une réaction brutale de l’Etat Juif.
Gesticuler autant et s’agiter effrontément sous ses nouveaux clients, n’est pas forcément une marque d’idiotie : les turcs savent qu’une rupture des relations avec Israël n’est pas vraiment dans leur intérêt immédiat.
Alors que, pour Israël....mais c’est une autre histoire...
Jacques Sayag