Un scénario machiavélique
Le général iranien Murtada Cachemiri aurait supervisé l’opération contre l’Eglise Notre Dame de la Délivrance
vendredi 19 novembre 2010 - 16h48, par Khaled Asmar - Beyrouth
L’hebdomadaire libanais « Al-Shiraa » publie, dans son dernier numéro (13-20 novembre 2010), des informations particulièrement graves concernant l’attentat commis le 31 octobre dernier contre l’église de Bagdad. Le journal reproduit en effet des révélations que lui auraient faites des sources irakiennes et affirme les publier sans aucune modification.
« Al Shiraa » affirme en effet avoir reçu, de sources irakiennes bien informées, des informations importantes concernant le massacre de l’église Notre Dame de la Délivrance, qu’il reproduit en l’état :
Les révélations du site américain WikiLeaks ont mis en cause l’Iran et le Premier ministre irakien sortant Nouri Al-Maliki, dans plusieurs affaires de terrorisme en Irak. Ces fuites et la campagne médiatique qu’elles ont suscitée en Occident devaient gravement nuire à la candidature de Maliki à sa propre succession, face à Iyad Allawi. Aussi, l’Arabie saoudite et l’Egypte s’étaient mobilisées pour faire front derrière Allawi pour réduire l’influence iranienne en Irak. Face à cette situation, l’Iran a décidé de frapper fort.
En choisissant les Chrétiens comme cible, Téhéran a visé plusieurs objectifs :
Détourner l’attention sur son rôle dans le terrorisme en Irak. Cette diversion vise également à occulter les agissements de Nouri Al-Maliki et de son parti Al-Daawa, impliqués dans plusieurs affaires de terrorisme, de torture, de prisons secrètes et de corruption.
Adresser un avertissement musclé au Vatican, au lendemain du Synode pour les Chrétiens du Moyen-Orient tenu quelques jours auparavant à Rome. Le message iranien est clair : les chrétiens seront visés si la campagne de Wikileaks se poursuivait. (NDLR : depuis, l’Occident se lamente sur le sort des chrétiens irakiens, oubliant Wikileaks et son fondateur Julian Assange. La justice suédoise vient d’ailleurs de lancer un mandat d’arrêt européen à son encontre pour agressions sexuelles. D’aucuns voient une tentative d’étouffer le site et taire ses révélations).
Attribuer indirectement le crime contre l’église à l’Egypte, en lançant des revendications relatives aux coptes et réclamant la libération d’islamistes au pays de Pharaon.
Exercer des pressions sur les Etats-Unis pour imposer la candidature de Maliki (NDLR : ce qui fut fait), avec la menace d’une dégradation sécuritaire qui empêcherait les Américains de se retirer d’Irak comme convenu, en 2011.
Concernant les détails de l’opération, les mêmes sources ajoutent :
L’opération a été confiée au général iranien Murtada Cashemiri, en étroite collaboration avec Sadek Al-Rekabi, un adjoint de Nouri Al-Maliki et ancien agent iranien recruté en 1986 et connu sous le pseudonyme Abou Jaafar Al-Iraki. Celui-ci collaborait également avec les Services syriens, et avait contribué à l’attentat contre l’ambassade d’Irak au Liban (Beyrouth), au début des années 1980. Cashemiri et Rekabi ont recruté sept terroristes qui avaient participé au jihad en Tchétchénie, dont un pakistanais du nom de Sabghat Allah Othman.
Selon le plan de l’opération, les terroristes devaient investir une église chrétienne pendant l’office et appeler un numéro de portable qui leur a été fourni pour réclamer la libération de prisonniers islamistes en Egypte. Mais le numéro fut celui de la télévision « Al-Baghdadiya » qui devait alors diffuser la conversation en directe, contre une enveloppe de 150.000 dollars. Le journaliste Aoun Al-Khashlouk, qui avait mis au point ce plan, a reçu 30.000 dollars sur son compte en Syrie. Après la prise d’otage des fidèles, un terroriste devait se faire exploser, pour terroriser le monde et donner l’impression qu’il s’agit bien d’une opération d’Al-Qaïda. Les autres terroristes devaient alors résister trois jours, en vue d’entamer des négociations avec eux.
En parallèle, un autre plan d’opération avait été établi et communiqué au Premier ministre. Il consistait à donner l’assaut, uniquement par les forces irakiennes, et à tuer tous les terroristes (pour éiminer tous les témoins) très rapidement pour éviter toute intervention alméricaine. Ainsi, les Iraniens ont usé d’un double langage et d’un double plan d’opération.
Les mêmes sources ajoutent que la fermeture pour quelques jours de la chaîne Al-Baghdadiya, qui a diffusé les communications des terroristes, n’est qu’une sanction pour la forme, déjà payée 150.000 dollars.
NDLR :
Notons que des sources irakiennes ont affirmé, deux jours après l’attaque meurtrière de l’église, que les barrages fixes des forces de l’ordre qui étaient dressés dans les environs de l’édifice chrétien avaient été levés moins de deux heures avant le début de l’attaque. Ce qui semble étayer ces accusations qui, rappelons-le, proviennent d’une source irakienne impossible à confirmer. Il revient à l’intelligence des lecteurs de faire la meilleure lecture de ce texte, avec la prudence qui s’impose.
Notons par ailleurs que l’hebdomadaire « Al Shiraa » a consacré un éditorial du même numéro à « Al-Qaïda et Michel Aoun sont les principaux outils iraniens pour chasser les chrétiens d’Irak et du Liban ». Notons à cet égard que le journal « Al-Akhbar » (Hezbollah) avait publié le 5 novembre une « analyse » de Fidaa Itani qui a fait « le lien entre les menaces proférées par Al-Qaïda contre l’Egypte et les Chrétiens de Bilad Al-Sham » (Grande Syrie), affirmant que « le Liban n’existe pas dans la littérature des islamistes mais fait partie de la zone géographique de Bilad Al-Sham ! ». Plus graves sont à juste titre les allégations d’Al-Akhbar qui laissent planer une menace sur les Chrétiens du Liban, menaces facilement attribuables à Al-Qaïda. Ce faisant, le Hezbollah accentue la pression terroriste sur les Chrétiens souverainistes tout en s’alliant aux Chrétiens opportunistes, dont notamment le général Aoun que beaucoup de Libanais et des Français qui viennent de le recevoir désignent désormais par « Pétain du Liban ».
Or, ce scénario machiavélique trouvera malheureusement des relais en Occident, parmi une certaine catégorie de personnes autoproclamées « intellectuelles », qui ne cessent de dénoncer « un complot américano-sioniste consistant à vider le Moyen-Orient de ses Chrétiens pour favoriser le choc des civilisations ! ». Consciemment ou inconsciemment - ce qui est peut-être plus grave encore - ces « intellectuels » favorisent le machiavélisme iranien en dénonçant « le complot occidental destiné à protéger Israël », ou en promouvant la thèse des « Chrétiens Arabes », oubliant au passage que ces Chrétiens sont - et resteront - dans cette région depuis 20 siècles, soit 600 ans avant l’avènement de l’Islam.
Traduction et synthèse de Khaled Asmar
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