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ELECTIONS : LA DEROUTE ANNONCEE DE L’UMP
Selon le bord auquel ils appartiennent, les politiques français analyseront les résultats des élections régionales avec plus ou moins de condescendance ou plus ou moins d’indulgence. Simples vagues ou tsunami, chacun trouvera sa propre interprétation en essayant de convaincre de sa bonne foi. L’élection de présidents de région de gauche pourrait ne pas préfigurer un sérieux revers pour Sarkozy mais un avertissement tout au plus. Son échec se trouve ailleurs compte tenu de l’état de l’opposition. En effet, le mouvement du Président avait devant lui un immense boulevard et il n’a pas su exploiter la situation extrême dans laquelle se débattaient ses adversaires politiques éclatés entre plusieurs formations antagonistes.
Formations antagonistes
Le Parti Socialiste, soumis à une guerre des chefs, est à la dérive parce qu’orphelin d’un nouveau leader charismatique capable de parler d’une voix forte. Martine Aubry va conforter sa position certes mais elle n’a pas encore acquis de stature de chef d’Etat. Le Modem, du centriste François Bayrou, n’a pas de stratégie nationale, hésite sans cesse sur son positionnement droite ou gauche et, à force de vouloir exister seul à tout prix, ignore souvent le courage politique quand il doit faire un choix douloureux. Le Parti Communiste, anachronique, est enterré depuis des lustres et il ne doit sa survie sous perfusion qu’à son auréole historique et aux miettes que lui concède son allié socialiste. Le Front National, qui n’a pas assimilé la nécessité d’une relève et qui laisse les nostalgiques pétainistes et les néo-nazis contrôler le parti et s’opposer à la nouvelle vague réformatrice menée par Marine Le Pen, s’enfonce dans l’oubli. Les Verts sont dissous au sein des formations traditionnelles car l’écologie devient une affaire nationale sinon mondiale. Enfin les groupuscules d’extrême-gauche survivent pour maintenir leur folklore habituel et stérile.
Pourtant, malgré toutes ces déconvenues de l’opposition, l’UMP n’a pas réussi à convaincre ses électeurs et devrait se pencher à présent sur les raisons qui l’ont menée à ce désastre. En cause de cet échec annoncé nous trouvons, pêle-mêle, les conséquences d’une politique spectacle du Président, le choix peu judicieux dans les priorités des réformes engagées, l’absence de visibilité de la politique économique et surtout l’oubli des promesses martelées pendant la campagne électorale. Les Français ont l’impression que seuls quelques privilégiés ont été servis alors qu’ils attendaient des mesures qui dopent l’économie, qui relancent la croissance et qui gonflent leur porte-monnaie. C’est pourquoi, pour toutes les classes sociales confondues, le désaveu sera total même au sein des villes par essence bourgeoises et conservatrices. Le paradoxe de ces élections locales confirme que le thermomètre politique est déréglé.
Les enseignements du scrutin
L’enseignement de ce scrutin dictera deux attitudes à l’appréciation de Nicolas Sarkozy. Ou bien il qualifie la décision des urnes de tsunami pour envisager un repli stratégique, pour décider de quitter la première ligne et pour remettre en ordre de marche un gouvernement sous la houlette d’un Premier Ministre plus indépendant et moins discret que Fillon. Il faudrait trouver pour cela un homme politique fort et courageux qui, à l’égal de Michel Rocard face à Mitterrand, oserait affronter le Président au risque de voir son avenir politique relancé ou compromis. Ou bien, fort de son égo et de la légitimité de son élection, il ne se sent pas concerné par ces résultats et s’accroche à ses fondamentaux. Dans cette option, il maintient Fillon au poste de fusible pour le cas où la morosité s’amplifie et se borne à un saupoudrage de nominations de nouveaux ministres sans grande conséquence sur sa mainmise de l’exécutif.
Il est fort probable que, passée l’euphorie du lendemain de l’élection régionale, l’ouverture à gauche devienne plombée tandis que peu de transfuges accepteront de se compromettre avec un président ayant perdu son auréole. Nicolas Sarkozy, refusant l’idée même de sa défaite, entérinera donc son deuxième choix statique qui risque alors de réactiver la bataille interne à l’UMP dont les leaders piaffent d’impatience pour entrer au gouvernement et qui ne pardonnent pas au Président d’avoir évincé ses principaux amis et ténors au profit de prises de guerre à gauche qui n’ont pas produit le résultat escompté. Les Kouchner, Mitterrand, Amara, Bockel, Hirsch et Besson risquent d’être sur un siège éjectable. Par ailleurs, comme toujours après un échec aux élections, la guerre des chefs va faire rage à l’UMP et l’on ne donne pas cher du patron du parti, Xavier Bertrand, qui aura du mal à calmer les ardeurs des postulants.
Ces élections prouvent cependant que la France continue à cultiver l’originalité d’avoir la droite majoritaire au Parlement et la gauche à la tête du plus grand nombre d’instances locales et régionales. Cette cohabitation, nouvelle formule, semble parfaitement convenir aux Français qui font preuve, en fait, d’une réelle maturité en ne confiant pas toutes les clefs du pouvoir politique au même clan. C’est pourquoi la perte des régionales emplie de confiance Nicolas Sarkozy pour les présidentielles de 2012.