Le Salut viendra-t-il de Rome? Rassurez-vous chers lecteurs, je n’ai pas entrepris de quelconque processus de conversion, et je ne nourris aucune estime particulière pour le Pape Benoît XVI. Mais au creux de ces vagues d’actualités grises et pessimistes, je veux juste évoquer un fait d’une extrême importance qui s’est déroulé en Israël il y a une dizaine de jours, dans un quasi-silence médiatique, mais qui m’a sacrément réchauffé le coeur : le Sheikh Abdul Hadi Palazzi, Imam et de la Grande Mosquée de Rome a effectué une visite en Israël.
Ce fait rarissime et insolite aurait normalement dû attirer les meutes de journalistes israéliens toujours prompts à couvrir les faits et événements qui vont dans le sens de la « paix et la réconciliation au Proche-Orient». On les imaginait déjà jouant des coudes pour qui arriverait le premier à placer son micro devant la bouche du dignitaire, et espérer de lui un message qui satisferait leurs attentes et ceux de leurs amis politiques. Mais seulement voilà : Abdul Hadi Palazzi n’est pas un Imam comme les autres. Dire qu’il est « modéré » sur la question israélo-palestinienne serait lui faire injure car cet homme – qui est toujours vivant ô miracle – est un fervent ami d’Israël, et défend des thèses qui feraient rougir de honte nos « likoudnikim » parfois trop timorés !
Voyez plutôt ce que ce responsable religieux dit, écrit et enseigne aux Musulmans dont il a la charge dans la « Ville Eternelle » : « Nous Musulmans, devrions nous réjouir que les Juifs soient retournés en Israël et qu’ils y aient fondé un Etat ». Ou encore : « il est évident que les Juifs retournés en terre d’Israël font reverdir les terres de Palestine, comme si cette terre reconnaissait ceux à qui elle appartient ». Grandiose ! Vous comprendrez donc que nos grands journalistes qui ont juré fidélité au post-sionisme et au palestinisme, ne pouvaient décemment pas mettre en exergue la visite de cet Imam atypique et aux idées gênantes, qui leur ferait en plus la morale sur leur abandon identitaire !
Abdul Hadi Palazzi n’a d’ailleurs pas eu besoin d’eux pour se rendre au Musée du Goush Katif, à Jérusalem, d’où il a « espéré que les gouvernements israéliens cesseraient de céder des territoires aux Palestiniens », puis à Hevron, depuis laquelle il a lancé un appel solennel au peuple juif : « N’abandonnez pas Hevron !»
Et alors que le mot « sionisme » est devenu une grossièreté dans le monde entier, et que ceux qui s’en réclament (encore) sont assimilés à des monstres, l’Imam de Rome déclare fièrement « Je suis sioniste » et ne se gêne pas pour dire « qu’il se sent proche des idées défendues par des formations de la droite religieuse telles que le Ihoud Leoumi ».
La 1ere chaîne de télévision israélienne a été la seule à proposer une interview à Abdul Hadi Palazzi. Répondant à Yaakov Ahimeïr sur la question kitch des « deux Etats pour deux peuples » (à l’ouest du Jourdain), il a été sans ambiguïté : « Israël ne doit pas permettre la création d’un Etat palestinien supplémentaire ! Le Jourdain est une frontière naturelle qui coupe la Palestine historique (la vraie) : à l’Ouest l’Etat juif, et à l’Est, un Etat palestinien puisque la Jordanie est majoritairement peuplée d’Arabes palestiniens ». Ce n’est ni du Eldad, ni du Landau ni même du Marzel, c’est du Abdul Hadi Palazzi !
Et à propos de la question centrale, celle de Jérusalem, Palazzi a adopte une position unique parmi les dignitaires musulmans, comme ceux de la Chrétienté d’ailleurs : « La seule manière de préserver les libertés religieuses des trois principales religions, est qu’Israël soit seul à avoir la souveraineté sur la Vieille Ville ».
Ils ne sont ni majoritaires, loin s’en faut, ni trop visibles ou bruyants – et pour cause – mais ils existent. Il y a dans le musulman des personnes qui sont du même avis que cet Imam, qui condamnent avec la plus grande vigueur les dérives de leur religion, et manifestent leur sympathie pour l’Etat juif. Ils ont pour nom Wafa Sultan, Nonie Darwish, créatrice de l’association « Arabs for Israel », Abdel Khader Amlou, Joseph Farah, Irshad Manji et bien d’autres encore. Le courageux Mufti Palazzi a créé en Italie la Société d’Amitié Islamo-israélienne, et dispense son enseignement à qui veut l’entendre. Chacun dans sa sphère poursuit son travail de fourmi face à tous ceux qui détiennent pour le moment le haut du pavé, et s’expriment par la violence, l’intolérance et le mensonge.
J’avoue que j’ai ressenti comme un goût de félicité et de « Fin des Temps » lorsque j’ai entendu ce Juste parmi les Nations parler d’Israël et des Juifs. Il y a des moments comme cela où l’on cesse de désespérer du monde qui nous entoure.
par Daniel Pipes
History News Network
18 janvier 2010
http://fr.danielpipes.org/
Version originale anglaise: T. E. Lawrence, American Strategist
Adaptation française: Anne-Marie Delcambre de Champvert
Un excellent article de Bertram Wyatt-Brown, « Lawrence d'Arabie : image et réalité », dans le journal de la société historique (« the Journal of the Historical Society »), décembre 2009, pages 515 à 548, retrace la réputation [qui fut celle] de T.E Lawrence (1888-1935), au cours du siècle dernier, depuis ses exploits remarquables pendant la Première Guerre mondiale et son célèbre récit de ces évènements dans « les Sept Piliers de la Sagesse » (1926).
Le compte-rendu de Wyatt-Brown sur le rôle de Lawrence, depuis 2006, quand il a eu un impact profond sur le corps expéditionnaire américain en Irak, fut vraiment pour moi une nouvelle [surprenante].
Wyatt-Brown se concentre sur le résumé de Lawrence de 2800 mots de leçons apprises au cours de la guerre, publié dans le Bulletin arabe, (« The Arab Bulletin »)le 20 août 1917 et portant le titre extrêmement modeste de « vingt-sept articles ». Dans ce document, Lawrence exprime ses « conclusions personnelles auxquelles il est arrivé progressivement alors que [il] travaillait dans le Hedjaz et qu'il a mises sur le papier comme attrait pour les débutants dans les armées arabes ». Il ajoute que les règles « sont censées s'appliquer juste aux Bedu [Bédouins] ; gens des villes ou Syriens exigent un traitement totalement différent . » Ses conseils comprennent des idées telles que « gagner et conserver la confiance de son chef »; « Etre réservé dans les rapports intimes avec les subordonnés » et « s'attacher avec force au sens de l'humour. »
Wyatt-Brown explique le rôle récent de ce mince et archaïque document.
Une attention renouvelée [portée] à la compréhension militaire de Lawrence sur l'insurrection au Moyen-Orient peut avoir été d'une grande aide dans la réforme de la politique américaine en Irak, une fois que le général David Howell Petraeus eût pris ses fonctions.
Selon la journaliste Linda Robinson, avant d'assumer le commandement, le général avait étudié les écrits de Lawrence pendant des nuits. Il avait consacré une attention spéciale aux difficultés que Lawrence avait affrontées pour organiser les Bédouins. Petraeus avait fait en sorte que ses officiers supérieurs lisent les « vingt-sept articles » et « les Sept Piliers de la Sagesse. »
La réforme principale sous les ordres du général Petraeus a porté sur la conduite [à tenir ]des officiers et des soldats envers les dirigeants et les civils irakiens, en formant des alliances armées avec les sunnites prêts à rompre avec Al-Qaïda. Petraeus a vite compris que la structure de pouvoir en Irak était ancrée dans la politique tribale. Les directives devaient[donc] tenir compte de ce schéma au Moyen-Orient…Il a adopté une pièce maîtresse de la compréhension par Lawrence de la lutte de guérilla. Dans l'Army War College , à Fort Leavenworth, au Kansas, Petraeus, David Kilcullen, et d'autres stratèges ont travaillé sans relâche sur la nouvelle stratégie, les observations de Lawrence fournissant un utile point de départ.
Comme Lawrence lui-même le faisait, Petraeus utilisait de généreuses distributions d'argent comme « lubrifiant »[pour faciter] de bonnes relations avec les tribus irakiennes. Il a aussi fait sienne la maxime de Lawrence : « N'essayez pas d'en faire trop avec vos propres moyens, même si vous pouvez effectuer la mission mieux que les forces . indigènes" . Le général a remanié cela et c'est devenu : le pays d'accueil faisant quelque chose de passable, c'est généralement mieux que si nous faisions cela bien.
« vingt-sept articles », écrit Wyatt-Brown, « est devenu une sorte de bible pour les experts américains actuels chargés des problèmes d'occupation et de contrôle » en Irak.
En fait Lawrence [a réalisé l'exploit] digne d'éloges d'avoir été quasiment plagié sans une ligne de reconnaissance dans le manuel de contre-insurrection de l'Armée des Etats-Unis.. Avec Petraeus ayant préfacé un avant-propos, le document a été compilé à Fort Leavenworth, en 2005. Conras Crane, un historien du War College (Ecole de Guerre) et le lieutenant-colonel John A. Nagl ont dirigé une équipe d'experts. Lorsque l'université de Chicago a publié une édition [de ce manuel, celui-ci] a reçu une large couverture [médiatique] qui en a presque fait un best-seller. Un nombre considérable de passages, cependant, paraphrasaient le travail de Lawrence, selon l'anthropologue Roberto Gonzalez.
Petraeus lui-même voulait reconnaître la dette envers Lawrence pour l'avoir aidé à développer ses idées de contre-insurrection. Le général a souligné, dans un article dans « Military Review » (Revue militaire), que Lawrence avait donné ce conseil : « C'est leur guerre, et vous êtes ici pour les aider, pas pour la gagner pour eux ». Une notion, a déclaré Petraeus, « autant pertinente au 21 ème siècle qu'en son temps, au Moyen-Orient, pendant la Première Guerre Mondiale. »
Wyatt Brown voit le changement inspiré par Lawrence comme lourd de conséquences, pouvant sauver « un nombre énorme de vies américaines et irakiennes ». Ironie du sort , les idées de Lawrence, quoique bien moins mises en évidence, étaient plus significatives dans l'engagement américain au Moyen-Orient qu'elle ne l'avaient été en son temps.
Il attribue la profondeur des idées de Lawrence sur la culture tribale à plusieurs facteurs : « Des années de formation à étudier le Proche-Orient, son histoire, ses traditions, » apprenant l'arabe dialectal, visitant la région en 1909 et effectuant plus de 1760 kilomètres , la majeure partie à pied. Cet intérêts a grandi, a conclu Wyatt-Brown, à partir de son amour non conventionnel des Bédouins et de leurs habitats.
Commentaires
(1) parcourir plus de 1100 miles (plus de 1760 kms), principalement à pied, constitue une éducation enviable en soi.
(2) Les grands stratèges ont parfois une formation inhabituelle et même excentrique.
(3) La chose la plus difficile à apprendre, pour un occidental sur le Moyen-Orient- plus encore que la langue arabe- est le rôle constant de la culture tribale. Pour obtenir des informations sur une étude récente, voir la culture et le conflit au Moyen-Orient (Prométhée)(« culture and conflit in the Middle East », éditions Prometheus), de Philip Carl Salaman, un livre que j'ai fortement recommandé.
(4) La technologie militaire a tellement changé au cours du siècle passé que la guerre contemporaine apparaît complètement différente de la Première Guerre mondiale mais la dimension humaine a à peine changé. Par conséquent un Clausewitz ou un Lawrence conservent leur importance.
[Lundi 18/01/2010 23:58]