Professeur en Sciences Politiques
A Tel-Aviv
La question des réfugiés
Comme nous l'avons vu, le véritable obstacle à la conclusion d'un accord de paix entre Israël et les Palestiniens est la question du soi-disant "droit au retour." Entre le sommet de Camp David en juillet 2000 et la proposition d'Éhud Olmert en novembre 2008, Israël a cédé sur la question de Jérusalem et sur la question des frontières, mais pas sur la question des réfugiés palestiniens.
L'exigence palestinienne sur la question des réfugiés se traduirait par l'entrée en Israël d'environ 10 millions d'Arabes (un chiffre, entre parenthèses, qui semble être indexé au taux d'inflation puisqu'il augmente d'année en année). Cela signifierait que les Juifs ne constitueraient plus que 40% de la population de leur propre pays et donc qu'Israël cesserait d'être l'Etat nation du peuple juif. Comme l'avait clairement expliqué le Ministre égyptien des Affaires étrangères Muhammad Salah al-Din dans une interview avec le quotidien Al Misrile 11 octobre 1949: "Il est évident que les Arabes exigent le retour des réfugiés en Palestine pour liquider Israël." Ou comme le déclara le Président égyptien Gamal Abdel Nasser au journal Zuercher Woche le 1er septembre 1961: "Si les Arabes reviennent en Israël, Israël cessera d'exister."
Même un journal comme The Economist, qui ne mâche pourtant pas ses mots sur Israël, a écrit récemment à ce sujet qu'accepter l'exigence palestinienne sur le "droit au retour" consisterait à réparer une injustice en en créant une autre.
Les Palestiniens savent que les Etats-Unis et l'Europe ne les soutiennent pas sur la question du "droit au retour." Il y bien sûr des franges relativement marginales des opinions publiques américaine et européenne qui les soutiennent sur cette question, mais il ne s'agit pas d'un soutien au niveau des dirigeants.
D'où la tentative palestinienne de présenter le retour des réfugiés palestiniens comme un droit de l'homme reconnu par le droit international. L'idée et de présenter le refus israélien sur la question des réfugiés palestiniens comme une violation des droits de l'homme et une violation du droit international. Cette idée fait son chemin, lentement mais sûrement.
Les Palestiniens affirment que d'après les résolutions de l'ONU, et en particulier la Résolution 194 de l'Assemblée générale (adoptée en décembre 1948), Israël a l'obligation de réintégrer les réfugiés palestiniens de 1948, ainsi que leurs descendants. C'est faux. Les résolutions de l'Assemblée générale ne constituent que des recommandations et n'ont pas force exécutoire en droit international. Donc Israël n'est en aucun cas tenu d'exécuter une résolution qui n'est pas exécutoire. Mais au-delà du fait que la Résolution 194 est une recommandation non exécutoire, elle ne recommande pas à Israël de réintégrer les réfugiés arabes de 1948, ainsi que leurs descendants.
Voilà ce que dit la Résolution 194 de l'Assemblée générale des Nations Unies: "Les réfugiés qui souhaitent retourner dans leurs maisons et vivre en paix avec leurs voisins doivent être autorisés à le faire (…) Ceux qui décident de ne pas revenir seront indemnisés pour la perte de leurs biens."
La résolution ne parle pas de réfugiés palestiniens, mais de réfugiés. Et pour cause: le conflit israélo-arabe de 1948 a créé un double problème de réfugiés, à savoir 900,000 réfugiés juifs expulsés des pays arabes et des territoires de l'ancien mandat britannique sur la Palestine conquis par les armées arabes, et 600,000 réfugiés arabes palestiniens ayant fuit leurs maisons sous l'injonction des armées arabes pendant le conflit de 1948. Les pays arabes exigent d'indemniser les réfugiés palestiniens, mais ils refusent d'indemniser les réfugiés juifs.
Par ailleurs, comment peut-on imaginer que les descendants des réfugiés palestiniens de 1948 souhaiteraient, comme le dit la résolution 194, "vivre en paix avec leurs voisins?" Comme le disaient clairement Salah al-Din et Nasser dans les interviews que je viens de citer, le but du retour des réfugiés est de mettre fin à l'existence d'Israël par la démographie et pas de vivre en bon voisinage. Cela fait trois générations que les réfugiés palestiniens et leurs descendants vivent dans des camps au Liban et ailleurs et qu'ils sont éduqués dans la haine d'Israël. À l'évidence, ils n'ont aucune intention de vivre en paix avec leurs voisins, et ne se conforment donc pas à l'exigence explicite de la Résolution 194.
Le droit international ne reconnaît pas de droit au retour collectif, mais uniquement un droit individuel. Comme l'explique le juriste suédois Stig Jägerskiöld, la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 et la Convention internationale sur les Droits civils et politiques de 1966 ne s'appliquent "qu’à des individus faisant valoir leurs droits individuels. Il n’y a jamais eu ici aucune intention de répondre aux demandes des masses humaines qui ont été déplacées par suite d’une guerre ou d’un transfert politique de territoire ou de population, tels que la transplantation de populations ethniquement allemandes d’Europe de l’Est pendant et après la Seconde Guerre mondiale, la fuite des Palestiniens de ce qui allait devenir Israël, où l’exode des Juifs des pays arabes."
Donc le droit international ne reconnaît pas un droit collectif des réfugiés palestiniens de 1948 de revenir en Israël. Mais si un tel droit existait, cela ne devrait pas poser problème. Des 600,000 réfugiés palestiniens de 1948, probablement 200,000 sont encore en vie aujourd'hui, et la plupart sont âgés. Pour en finir avec le conflit, Israël serait prête à les réintégrer. Mais d'après les "calculs" des Palestiniens, ils sont aujourd'hui plusieurs millions –entre 4 et 10 selon les versions. Comment sommes-nous passés de 600,000 à 10 millions?
Tout simplement à cause d'une définition aberrante qui ne s'applique qu'aux réfugiés palestiniens. Il y a aujourd'hui dans le monde deux types de réfugiés: les réfugiés, et les réfugiés palestiniens. Tous les réfugiés du monde, sauf les réfugiés palestiniens, sont sous la responsabilité du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. Il n'y que pour les réfugiés palestiniens qu'une agence spéciale des Nations Unies, l'UNWRA, a été créée en 1949. Inutile de dire qu'aucune agence spéciale de l'ONU n'a été créée pour les réfugiés juifs expulsés des pays arabes et musulmans. Mais cette discrimination n'est pas uniquement institutionnelle. Elle a trait avant tout à la définition même du statut de réfugié par le Haut Commissariat et par l'UNWRA.
Pour le Haut Commissariat, un réfugié est une personne expulsée de son pays. Point. Mais pour l'UNWRA, cette définition se transmet de génération en génération à tous les descendants des réfugiés palestiniens de 1948 ad vitam æternam. C'est pourquoi le nombre de réfugiés dans le monde ne cesse de diminuer, tandis que le nombre de réfugiés palestiniens ne cesse d'augmenter. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. De 60 millions en 1948, le nombre de réfugiés dans le monde est passé à 17 millions aujourd'hui. Mais dans le cas des réfugiés palestiniens, le nombre est passé de 600,000 en 1948 à 10 millions aujourd'hui.
Mais l'absurdité des définitions de l'UNWRA de s'arrête pas là. D'après l'UNWRA il suffit, pour être considéré comme réfugié palestinien, d'avoir résidé pendant au moins deux ans dans le Mandat britannique en Palestine avant la guerre de 1948. Autrement dit, un ouvrier égyptien venu trouver du travail à Jaffa en 1946, et qui serait reparti en Égypte en 1948 pour fuir les hostilités, est aujourd'hui considéré par l'UNWRA comme un réfugié palestinien. Et s'il n'est plus en vie, ses enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants (bref, tous ses descendants ad vitam æternam) sont considérés comme des réfugiés palestiniens. Et il ne s'agit pas là de chiffres anecdotiques, puisqu'il y a eu une forte immigration arabe vers la Palestine ottomane puis britannique dès le début du 20e siècle, en particulier à cause des opportunités offertes par l'économie créée par le Yishuv (la communauté juive de Palestine). Comme l'avait écrit le Président Roosevelt à son Secrétaire d'État dans une note datée du 19 mai 1939: "Depuis 1921, l'immigration arabe en Palestine a été bien plus élevée que l'immigration juive."
Imaginez si le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés appliquait les définitions de l'UNWRA aux 25 millions de réfugiés nés du partage du sous-Continent indien en 1947, aux 15 millions de réfugiés allemands expulsés d'Europe de l'Est en 1945, ou au million et demi de Grecs expulsés de Turquie en 1922. D'après cette même logique, un pays comme la Pologne devrait accueillir les dizaines de millions de descendants des réfugiés allemands de 1945. Et il faudrait également que les centaines de millions de descendants des réfugiés hindous et musulmans de 1947 retraversent en sens inverse les frontières de l'Inde et du Pakistan.
Et la liste des aberrations ne s'arrête pas là. Pour les Palestiniens, pour l'UNWRA, le petit-fils d'un ouvrier égyptien ayant quitté Jaffa en 1948 après y avoir vécu pendant deux ans a le droit de s'installer aujourd'hui à Jaffa. En revanche, le petit-fils d'un Juif de Hébron qui a été assassiné lors du pogrom organisé par Hadj Amin al-Husseini en 1929, et dont la famille vivait à Hébron depuis plusieurs dizaines de générations, lui, n'a pas le droit de revenir à Hébron.
Autrement dit, l'État juif devrait intégrer des millions de réfugiés arabes fictifs, mais l'État palestinien, lui, ne tolérera pas un seul juif en son sein et expulsera tous les Juifs qui vivent actuellement au-delà de la ligne verte. Ce qui me mène à mon quatrième point.
La question des minorités et des frontières
Le conflit israélo-palestinien n'est pas unique en son genre. Il s'agit d'un conflit entre deux nationalismes qui se disputent un même pays et qui ne veulent pas vivrent ensemble dans le cadre d'un État binational. Bien que différent à de nombreux égards, ce conflit est semblable à celui qui oppose jusqu'à aujourd'hui les Hindous et les Musulmans dans le sous-Continent indien. La Grande-Bretagne, qui était la puissance coloniale aussi bien en Inde qu'en Palestine, porte une lourde part de responsabilité dans l'aggravation des tensions entre Hindous et Musulmans, et entre Juifs et Arabes. Fidèle à sa stratégie de "diviser pour mieux régner" ("Divide and Rule"), la Grande-Bretagne proposa l'idée de partage entre deux pays, tant en Inde qu'en Palestine.
En 1937, la Commission Peel proposa la division de la Palestine entre un État arabe et un État juif. Elle proposa également des échanges de populations pour que Juifs et Arabes soient respectivement réintégrés dans leurs futurs États. La Commission prit d'ailleurs pour exemple l'échange de populations entre la Grèce et la Turquie en 1922.
Le principe de la partition, cependant, n'implique pas l'absence de minorités. Il y a une minorité musulmane en Inde et une minorité hindoue au Pakistan. Mais lorsqu'il s'agit du conflit israélo-palestinien, la solution de la partition (ou ce que l'on appelle aujourd'hui "deux États pour deux nations"), exclut a priori l'idée qu'il puisse y avoir une minorité dans chaque État. Ou plus exactement, il doit y avoir une minorité arabe dans l'État juif (elle est aujourd'hui de 20%), mais pas de minorité juive dans l'État arabe.
Et si un Juif de Hébron, dont la famille y vit depuis des dizaines de générations (avant même l'invasion de la Palestine par les Arabes au 8e siècle), préférerait y rester en tant que citoyen de l'État palestinien? Pour lui, vivre à Hébron est plus important que de réaliser ses aspirations nationales dans le cadre d'un Etat nation juif. Pourquoi le choix (qui n'est pas un choix facile) entre vivre en tant que minorité dans la ville de ses grands-parents et vivre comme majorité dans une autre ville doit-il exister uniquement pour les Arabes palestiniens mais pas pour les Juifs israéliens?
En théorie, il n'y aucune raison pour qu'il y ait une minorité arabe en Israël et pas de minorité juive en Palestine. Mais en pratique, nous savons pourquoi cela n'est pas réaliste. Tandis qu'Israël est à la fois un État nation et un État de tous ses citoyens (c'est-à-dire un Etat nation où la minorité arabe jouit des même droits civiques que ceux de la majorité juive), l'État palestinien, lui, sera uniquement un Etat nation (ou même un État islamique au vue de la montée du Hamas) qui ne tolérera pas le moindre juif.
Il suffit de se souvenir du sort des Israéliens qui furent lynchés à Ramallah le 12 octobre 2000 sous les acclamations d'une foule en délire. Après quinze ans d'une propagande antisémite haineuse dans les médias, les écoles et les mosquées de l'Autorité palestinienne, on voit difficilement comment une minorité juive pourrait être tolérée et vivre en sécurité dans l'État palestinien.
Donc le partage territorial prévu entre Israël et les Palestiniens, contrairement au partage du sous-Continent indien entre l'Inde et le Pakistan, est unique en son genre puisqu'il n'envisage l'existence de minorités que dans l'un des deux pays issus dudit partage.
Au moment du retrait unilatéral israélien de la Bande de Gaza en 2005, certains habitants juifs de la Bande de Gaza avaient publiquement exprimé leur préférence de rester dans leurs villages après le retrait israélien et de devenir des citoyens palestiniens. Il leur était plus important de rester dans leurs maisons en tant que minorité que de vivre ailleurs en tant que majorité dans leur propre Etat nation. La réponse du Gouvernement israélien était que leur sûreté et leur vie même en tant que minorité juive sous souveraineté arabe serait menacée. Malheureusement, c'est vrai. Mais je pose la question: Pourquoi l'Europe, pourquoi le monde, tolèrent cette intolérance palestinienne à l'égard des Juifs qui expriment leur désir de vivre en tant que minorité dans le futur État palestinien?
Et ce partage, comment doit-il se faire? Sur la base de quelles frontières? À cette question, la plupart des gens répondent: "Sur la base des frontières de 1967, bien entendu." Encore une réponse qui prouve à quel point il faut remettre les pendules à l'heure.
D'abord, je me pose une question. S'il suffit de revenir à ce que l'on appelle à tort "les frontières de 1967" pour arriver à la paix avec les Palestiniens, comment se fait-il qu'il n'y avait pas la paix avant 1967? Les Palestiniens ont fini par convaincre le monde que l'occupation est la cause du conflit. Mais, en réalité, l'occupation est la conséquencedu conflit. C'est précisément parce qu'on était en état de guerre avant 1967 et que les pays arabes déclenchèrent la guerre de juin 1967 qu'Israël s'est retrouvée en situation d'occupant.
Par ailleurs, l'expérience des quinze dernières années prouve que l'équation entre conflit et occupation est fausse. D'abord l'occupation israélienne en Cijordanie et à Gaza a pris fin en 1995 avec le retrait israélien de tous les villes et villages palestiniens et avec l'établissement d'un gouvernement autonome palestinien. Est-ce que cela a mis fin au conflit? Au contraire: c'est précisément après le retrait israélien que les vagues de terrorisme palestinien ont commencé a frapper les civils israéliens dans des proportions sans précédent. Même chose dans la Bande de Gaza: en 2005, Israël a déraciné des centaines de familles juives et rasé tous les villages juifs. Israël voulait prouver qu'elle était prête à faire des concessions douloureuses pour la paix et à démanteler ce que les Palestiniens appellent "les colonies." Et qu'avons-nous eu en retour? Des milliers de roquettes tirées quotidiennement sur nos maisons, nos écoles, et nos usines.
Encore une fois, s'il suffisait de se retirer aux lignes de 67 et de démanteler toutes les habitations juives de Judée-Samarie pour arriver à la paix, comment se fait-il qu'il n'y avait pas la paix avant 1967? Tout simplement parce que cette théorie simpliste est fausse.
Alors, vous me direz: avec l'Égypte, on est revenus à la frontière de 67, et on a eu la paix. C'est vrai. Ou, plus exactement, c'est partiellement vrai, puisque la paix entre Israël et l'Égypte est purement formelle. C'est une paix froide, sans échanges commerciaux et culturels. Depuis trente ans qu'Israël et l'Égypte ont signé un accord de paix, aucun chef d'État égyptien ne s'est rendu en Israël (à l'exception de la visite éclair de Moubarak pour les funérailles de Rabin).
Avec les Palestiniens, les choses sont plus compliquées, car il y a un contentieux sur la question des réfugiés et sur la question de Jérusalem. Mais il y a également un contentieux sur la question des frontières.
Avec l'Égypte, la question des frontières ne posait pas problème, puisqu'il y avait une frontière internationale reconnue entre l'Égypte et Israël avant la guerre de juin 1967. Mais entre Israël et les Palestiniens, le concept même de "frontières de 67" est inexact.
Il n'y a jamais eu de frontière internationale reconnue entre Israël et les Palestiniens et il n'y a jamais eu d'État palestinien indépendant conquis et occupé par un pays tiers.
En 1947, la commission spéciale des Nations Unies créée pour trouver une solution au conflit en Palestine britannique, l'UNSCOP, recommanda le partage du Mandat britannique entre un État arabe et un État juif. Le 29 novembre 1947, l'Assemblée Générale des Nations Unies approuva cette recommandation par un vote majoritaire. Mais, comme nous l'avons vu tout à l'heure, les votes de l'Assemblée Générale ne sont que des recommandations et n'ont pas force exécutoire en droit international. Donc, contrairement à une idée reçue, l'ONU n'a en rien créé Israël. L'ONU n'a d'ailleurs pas le pouvoir de "créer" des États.
Les frontières proposées par le plan de partage de l'UNSCOP auraient pu théoriquement devenir des frontières internationales reconnues si le plan avait été accepté et mis en place par les parties. Mais ces frontières potentielles devinrent nulles et non avenues dès l'instant où les pays arabes et les Palestiniens rejetèrent le plan de partage et engagèrent une guerre d'extermination contre la population juive de la Palestine britannique. À l'issue du conflit, le nouvel État d'Israël réussit à repousser l'agression arabe. Conscientes de leur défaite, les armées arabes (à l'exception de l'armée irakienne) signèrent des accords d'armistice avec Israël à Rhodes en 1949.
Les Accords de Rhodes n'établirent pas des frontières, mais des lignes d'armistice. Non seulement des lignes d'armistice, mais des lignes d'armistice qui furent clairement et explicitement définies comme "temporaires" dans les accords, parce que les pays arabes l'exigèrent. Ils ne voulaient pas, en effet, que ces lignes d'armistices puissent être considérées comme permanentes ou, pire, comme des frontières, ce qui pour eux aurait constitué une reconnaissance de facto d'Israël. Aujourd'hui, les Palestiniens et les pays arabes parlent de "frontières de 1967" alors qu'à l'époque ils ne voulaient surtout pas entendre parler du mot "frontière." Ils ont complètement retourné leur position à ce sujet.
Après la signature des Accords de Rhodes en 1949, les Palestiniens et les pays arabes auraient pu établir un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza. Pendant les dix-huit années qui s'écoulèrent entre les Accords de Rhodes et la Guerre des Six Jours, les Palestiniens et les pays arabes s'abstinrent de créer un État palestinien. Au lieu de cela, l'Égypte et la Jordanie s'emparèrent des territoires destinés aux Palestiniens d'après le plan de partage de l'ONU (ou plutôt ce qu'il en restait après les Accords de Rhodes).
Lorsque l'Égypte et la Jordanie envahirent respectivement la Bande de Gaza et la Rive occidentale du Jourdain, elles le firent dans une guerre d'agression, mais elles n'envahirent pas un territoire souverain. Parce que les territoires en question n'étaient pas un État souverain et ne faisaient pas partie d'un État, il y avait là un vide juridique, et donc il ne s'agissait pas d'une occupation au sens légal du terme. Mais la Jordanie alla plus loin, puisqu'elle annexa la rive occidentale du Jourdain, qu'elle renomma "Cisjordanie." La communauté internationale ne reconnut pat cette annexion (à l'exception de la Grande-Bretagne et du Pakistan).
Donc quand Israël s'empara de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza pendant la Guerre des Six Jours, elle ne traversa pas une frontière mais une ligne d'armistice temporaire. Et elle ne conquit pas des territoires souverains avec un statut juridique reconnu par la communauté internationale. Par ailleurs, tandis que l'Égypte et la Jordanie conquirent la Bande de Gaza et la rive occidentale du Jourdain dans une guerre d'agression, Israël s'empara de ces territoires dans une guerre de légitime défense –ce qui a des implications en termes de légitimité et de légalité.
La présence israélienne en Judée-Samarie est plus légale et plus légitime que la présence jordanienne à l'époque, précisément parce que la présence israélienne est le résultat d'une guerre d'autodéfense, alors que la présence jordanienne était le résultat d'une guerre d'agression. Par ailleurs, le droit des Juifs de vivre en Judée-Samarie a été reconnu par le Mandat de la SDN en 1922, un document de droit international qui n'a jamais été abrogé.
Tout cela pour dire qu'il n'y pas de justification légale à un retrait israélien aux lignes d'armistice de 1949. En s'emparant de la Cisjordanie en juin 1967, Israël n'a pas envahi un pays souverain avec une frontière internationalement reconnue. Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la résolution 242 du Conseil de Sécurité des Nations Unies n'exige pas d'Israël un retrait aux lignes d'armistice de 1949.
La Résolution 242 a été adoptée en novembre 1967, alors que la guerre était finie depuis le mois de juin, c'est-à-dire cinq mois plus tôt. Pourquoi? Parce que les négociations furent ardues entre les membres du Conseil de Sécurité qui voulaient un retrait israélien total et inconditionnel (comme l'Union soviétique et la France), et ceux qui voulaient que le retrait israélien soit conditionné par un accord de paix et que son étendue soit sujette à négociation (comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne).
La Grande-Bretagne, qui présidait le Conseil de Sécurité à l'époque, finit par faire accepter sa version de la résolution qui lit le retrait israélien à un accord de paix avec les belligérants, et qui n'exige pas un retrait israélien total mais un retrait de territoires ("withdrawal from territories"). La formule demandée par la Russie et la France était "from all the territories" puis "from the territories" mais c'est finalement la formule "from territories" qui a été retenue. Ces négociations figurent dans les travaux préparatoires du Conseil de Sécurité. Tant Lord Caradon, qui était à l'époque le représentant de la Grande-Bretagne aux Nations Unies, que Georges Brown, qui était le Ministre britannique des affaires étrangères, ont témoigné de ces négociations et ont confirmé que c'est la version anglaise qui fait autorité.
Le fait que la France ait traduit "from territories" par "des territoires"au lieu de traduire par "de territoires" parce qu'elle n'avait pas eu gain de cause n'a aucune implication juridique.
Donc le droit international n'exige pas d'Israël de se retirer aux lignes d'armistice de 1949 dans le cadre des négociations avec les Palestiniens, et certainement pas de les "compenser" avec des territoires israéliens souverains en contrepartie des territoires qui seraient annexés par Israël au-delà des lignes de 1949.
Cela inclut la question épineuse de Jérusalem, ce qui me mène à mon cinquième et dernier point.
La question de Jérusalem
À la question "comment dit-on Jérusalem en Arabe" les gens répondent généralement: al-Quds. Ce qui n'est pas faux, mais il s'agit là d'un terme récent. Car à l'origine, les Arabes appelaient Jérusalem Bayt al-Maqdis, ce qui est bien entendu la translittération arabe de l'HébreuBeit Hamikdash, qui signifie "Le Temple de Jérusalem." Avant le conflit de l'époque moderne, les Arabes reconnaissaient, dans leur langage même, le passé juif de Jérusalem.
Et tel était le cas jusqu'à récemment. Un guide touristique publié par le Conseil musulman suprême en 1924 dit la chose suivante à propos du Mont du Temple: "Ce site est l'un des plus vieux du monde. C'est là que fut érigé le Temple de Salomon." Plus récemment encore, l'historien palestinien Araf al-Araf (qui était un proche collaborateur de Hadj Amin al-Husseini, et qui ne peut donc pas être soupçonné de sympathies pro sionistes) écrivit dans son livre Tariah al-Quds (publié en 1951), que le Mont du Temple est "sur le Mont Moriah mentionné dans le Livre de la Genèse (…) Il fut acheté par David pour construire le Temple, mais c'est son fils Salomon qui le construisit en l'an 1,007 avant l'ère chrétienne." Le même al-Araf écrit dans son livre Une histoire détaillée de Jérusalem (publié en 1961) que "Le Mur des Lamentations est la partie extérieure du mur du Temple érigé par Hérode. Il est fréquemment visité par les Juifs, surtout le 9 du mois de Av. Là, ils commémorent une histoire glorieuse et inoubliable."
Je rappelle ces faits parce que, aujourd'hui, les Palestiniens nient purement et simplement l'existence même du Temple de Jérusalem, ainsi que tout lien historique et religieux entre le peuple juif et la Ville sainte.
À la Conférence de Camp David en juillet 2000, le Président Clinton fut abasourdi d'entendre Arafat nier l'existence du Temple de Jérusalem. Il ne s'agissait pas là d'une simple provocation, mais de ce qui est devenu un mythe palestinien. Ce négationnisme est repris par les Arabes israéliens eux-mêmes, qu'il s'agisse de Raed Salah (le chef de file du mouvement islamique d'Israël), des membres de la Knesset, ou anciens membres de la Knesset, Abdulmalik Dehamshe et Muhammad Barakeh, et du Président du Comité de Suivi Arabo-Israélien Shuki Khatid. Tous ont affirmé récemment que le Temple de Jérusalem n'a jamais existé et que les Juifs n'ont par conséquent aucun droit historique et religieux sur le Mont du Temple.
Ce négationnisme historique remonte à l'époque de Hadj Amin al-Husseini, le Mufti de Jérusalem nommé par les Britanniques. Jusqu'au dix-septième siècle, il n'y avait aucun consensus entre les savants musulmans concernant l'endroit précis où Mahomet attacha son cheval lors de son passage à Jérusalem. Ce n'est qu'à partir du début du vingtième siècle que al-Husseini affirma que le site en question était le Mur des Lamentations. Comme par hasard, c'est précisément à cette époque que les Juifs commencèrent à prier de façon régulière au Mur. Mais bien qu'il ait soudainement déclaré ce site sacré pour l'Islam, al-Husseini en fit un dépôt d'ordure et de déchets humains pour tenter d'empêcher les Juifs d'y prier. Étrange façon de traiter un lieu saint.
Al-Husseini ne se contenta pas d'inventer des théories farfelues niant l'existence du Temple et décrétant que le Mur des Lamentations était un lieu saint islamique (bien qu'il le profana lui-même, comme nous l'avons vu). Il propagea également des théories du complot sur la volonté des Juifs de s'emparer du Mont du Temple pour reconstruire le Temple de Jérusalem (remarquez d'ailleurs la contradiction: comment les Juifs pouvaient-ils reconstruire le Temple, si celui-ci n'avait jamais existé?). En 1929, il affirma que les Juifs étaient sur le point d'envahir le Mont du Temple, ce qui incita les Musulmans à la violence et au massacre de Hébron de 1929. Arafat ne fit que répéter ce scénario en septembre 2000 lorsqu'il affirma qu'Israël menaçait la Mosquée d'Al-Aqsa sur le Mont du Temple. C'est ce qui déclencha l'"Intifada d'Al-Aqsa."
Arafat reprit également à son compte la "transformation" par al-Husseini du Mur des Lamentation en un site islamique. À plusieurs reprises, Arafat a affirmé que le véritable nom du Mur des Lamentations est Al Buraq, c'est-à-dire le lieu où Mahomet a attaché son cheval, et que cela est écrit dans le Coran. Bien entendu, cela est complètement faux. Le Coran ne mentionne ni Jérusalem ni le Mur des Lamentations, et la théorie selon laquelle c'est là que Mahomet aurait attaché son cheval est une invention de al-Husseini. En février 2001, le Mufti de Jérusalem publia un fatwa déclarant que le Mur des Lamentations fait partie de la Mosquée Al-Aqsa. Ce qui est complètement aberrant. Le Mur des Lamentations est le dernier vestige du Second Temple –un vestige qui existait 635 années avant la construction de la mosquée en l'an 705.
Ce négationnisme a des conséquences. Nier l'histoire d'autrui, c'est n'avoir aucun respect pour sa foi, pour ses valeurs, pour ses lieux de mémoire. Et ce n'est donc pas un hasard si les lieux saints du judaïsme ont été systématiquement profanés et détruits par les Palestiniens et par les Jordaniens. La Jordanie a violé les Accords d'Armistice de 1949, qui régissaient entre autres le statut des lieux saints juifs de Jérusalem-Est. D'abord, elle ne permit pas aux Juifs de venir prier au Mur des Lamentations. Ensuite, elle fit détruire les 58 synagogues et écoles juives de la Vieille Ville de Jérusalem. Enfin, elle profana le cimetière juif du Mont des Oliviers, utilisant les pierres tombales pour la construction de routes, de camps militaires, et de latrines.
L'Autorité palestinienne, quant à elle, a également violé les clauses des Accords d'Oslo régissant le respect des lieux saints juifs. En septembre 2000, elle fit détruire le Tombeau de Joseph à Shekhem (Naplouse), ainsi que l'ancienne synagogue de Jéricho. Elle en appela également à la "libération" du Tombeau de Rachel à Bethlehem, affirmant qu'il s'agissait en réalité d'une ancienne mosquée. Et, depuis 1996, elle se livre à des actes de vandalisme archéologique sur le Mont du Temple pour effacer toute trace des deux Temples de Jérusalem.
En 1996 et en 1999, le Wakf (qui est contrôlé par l'Autorité palestinienne) a construit deux énormes mosquées sous le Mont du Temple: La Mosquée des Étables de Salomon en 1996, et la MosquéeAl Aksa Al-Qadim en 1999. Dans les deux cas, le Wakf fit des travaux de forage énormes et jeta plusieurs milliers de tonnes de débris qui contenaient des vestiges archéologiques. Des dizaines de vestiges archéologiques, dont des inscriptions hébraïques et des étoiles de David, furent retrouvés par des archéologues israéliens dans les poubelles municipales de Jérusalem, mais la plupart des vestiges jetés par le Wakf ont été perdus à jamais.
Donc d'un côté les Palestiniens nient l'existence du Temple, mais d'un autre côté ils font tout pour effacer les témoignages de son existence.
Nous savons quel est le sort des lieux saint juifs sous souveraineté musulmane. Et nous savons quel est le sort des lieux saints musulmans sous souveraineté juive. Dès juin 1967, Israël vota des lois garantissant la liberté de culte et la protection des lieux saints des trois religions monothéistes. Israël est le seul pays de la région qui a prouvé son respect pour les lieux saints des autres religions.
Même lorsque les pays arabes tentèrent de prouver le contraire grâce à leur majorité automatique à l'ONU, ils furent contredits par les faits. Dans les années 70 et 80, il y avait ce rituel à l'UNESCO pour vérifier les soi-disant destructions archéologiques israéliennes à Jérusalem-Est. À chaque fois, l'UNESCO nomma une commission sous la direction du Professeur Raimond Lemaire (un archéologue belge). Et à chaque fois, le Professeur Lemaire rejeta les accusations des pays arabes, et prouva qu'Israël était extrêmement respectueuse des sites musulmans.
Ceux qui en appellent à la re-division de Jérusalem ne semblent pas être conscients du fait qu'une re-division entraînera la profanation et la destruction des lieux saints juifs et des lieux saints chrétiens, tandis que les lieux saints musulmans et chrétiens sous souveraineté israélienne sont respectés et préservés.
Il existe des dizaines de propositions et de solutions pour un partage de souveraineté sur le Mont du Temple. Mais le problème n'a pas trait à la souveraineté; il a trait à la reconnaissance du passé juif. En décembre 2000, le Ministre israélien des affaires étrangères, Shlomo Ben-Ami, tenta in extremis d'arriver à un accord avec les Palestiniens sur le Mont du Temple. Il était prêt à remplacer la souveraineté israélienne sur le Mont du Temple par une souveraineté palestinienne exclusive, mais à condition que les Palestiniens reconnaissent le fait que ce site est cher aux Juifs, et à condition que le Wakf y cesse son vandalisme archéologique. Mais même cette proposition fut rejetée par les Palestiniens, qui n'étaient pas prêts à s'engager à laisser les Juifs prier au Mur des Lamentations dans le cadre d'un transfert de souveraineté.
Je me souviens jusqu'à aujourd'hui d'un débat que j'avais organisé à l'Université de Tel-Aviv en mars 2007 entre le député arabe israélien Ahmad Tibi et Shmuel Berkowitz, le plus grand expert israélien sur la question des lieux saints. Lors du débat, Berkowitz finit par demander à Tibi: "Je ne comprends pas. Pour moi, le Mont du Temple fait partie de mon patrimoine national, historique et religieux en tant que Juif. Mais je reconnais qu'il fasse également partie de votre patrimoine national, historique et religieux en tant que Musulman. Pourquoi refusez-vous de reconnaître l'importance que ce site revêt pour moi, tout en exigeant que je reconnaisse l'importance qu'il revêt pour vous?"
Cette question demeura sans réponse. Et tant qu'elle restera sans réponse, re-diviser Jérusalem ne résoudra pas le conflit. Ce qui me mène à ma conclusion.
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Il est possible de contrer la propagande arabe tout simplement en disant la vérité. Et la vérité, contrairement à ce que l'on entend souvent dire, est que:
Israël ne fait pas obstacle à la paix et à la solution de deux États pour deux nations;
Reconnaître Israël comme État juif, cela signifie reconnaître le droit des Juifs à disposer d'eux-mêmes;
Le droit international ne reconnaît pas aux réfugiés palestiniens et à leurs descendants un droit au retour en Israël;
Le droit international n'exige pas d'Israël un retrait aux lignes d'armistice de 1949;
Aucun accord ne sera possible sur Jérusalem tant que les Palestiniens nieront l'histoire juive et tant qu'ils ne montreront aucun respect pour les lieux saints juifs.
Ce sont là des faits, quelles que soient les opinions politiques de chacun. Mais encore faut-il que les Juifs d'Europe redressent les contre-vérités qui sont devenues monnaie courante. Comme l'a dit Edmund Burke: "Il suffit, pour que la mal triomphe, que les gens de bien ne fassent rien."