Qui n'a jamais touché du bois ? Enroulé précieusement un fil rouge autour de son poignet ? Ou encore accroché une Hamsa (main de Fatma) dans sa maison ? Tous ces petits rituels ont beau trouver leur origine dans les temps les plus reculés, ils n'ont pas perdu une miette d'intérêt à nos yeux.
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Jamais nos sociétés n'ont-elles été aussi rationalistes. Jamais, pourtant, n'ont-elles autant fait commerce de porte-bonheur, de remèdes miracles et autres ruses prophylactiques.
Véritables ressources contre le mauvais œil ou simples légendes profitant aux charlatans ? La réponse appartient à chacun. Seule certitude : toute cette magie, puisqu'il s'agit bien de cela, trouve sa raison d'être dans la peur. Or, tant qu'il y aura des hommes sur terre, l'angoisse et l'anxiété seront de ce monde.
C'est ce que nous rappelle le Musée de la Bible de Jérusalem à travers sa nouvelle exposition "Anges et démons". Ouverte au public depuis le 5 mai dernier, cette première initiative du genre nous propose un mystérieux voyage au fil des ans pour découvrir les différents usages de la magie.
"L'idée vient de Filip Vukosavovic [conservateur]", confie la directrice du site Amanda Weiss. "Au départ, il voulait traiter de l'évolution de la magie dans le monde entier. Mais devant l'ampleur de la tâche, il a préféré se concentrer sur la communauté juive, depuis la destruction du premier temple jusqu'à nos jours." Ce qui n'enlève rien à l'intérêt du sujet. Bien au contraire.
Comment penser ensemble magie et judaïsme ?
A la seule évocation des mots "magie" et "judaïsme", notre esprit s'éveille. Les deux termes ne sont-ils pas incompatibles ? Comment concilier paganisme et religion dans une même exposition ? Et finalement, où se trouve la limite entre les deux ?
Autant de questions qui supposent de définir au préalable ce que l'on entend par "magie". Car depuis l'apparition de l'homme sur terre, les usages de la sorcellerie ont eu deux buts distincts : soit porter préjudice à quelqu'un ou quelque chose, soit, à l'opposé, se protéger du mal. Le premier type, communément appelé "magie noire", est formellement interdit par les textes bibliques ('Vous ne permettrez pas à une sorcière de vivre' Exode 22:17 ; 'Ne doit figurer parmi vous aucune personne qui utilise la divination, un devin, ou un enchanteur, ou une sorcière, ou un médium, ou un nécromancien (interrogation des personnes décédées dans un but divinatoire, NDLR)' Deutéronome 18:10-11). Le second type, qualifié par certains de "magie blanche", a toutes ses raisons d'exister.
De nombreux rabbins ont même contribué à son développement. Le Talmud ne dit-il pas, en référence au mauvais œil : "Sur cent décès, seul un est d'origine naturelle" ? "La magie est bel est bien présente dans la tradition juive, il n'y a qu'à observer autour de nous tous ces objets aux pouvoirs surnaturels censés nous protéger de la jalousie, des maladies, de la vermine...", rappelle Amanda Weiss. "La Hamsa, l'œil... font partie de notre quotidien, mais ils n'ont rien de religieux. Ils sont là en complément, pour nous apporter une énergie supplémentaire."
Et la Kabbale dans tout ça ? Magique ou non ?
L'efficacité de toutes ces amulettes n'est bien entendu pas démontrable. Au pire, leurs propriétaires auront dépensé leur argent pour rien. Au mieux, ils se sentiront rassurés. Mais à en croire Yoël Benharrouche, jamais leurs problèmes ne seront réglés en profondeur.
Enseignant expérimenté de Kabbale, ce rav hiérosolomytain tient à différencier son savoir de la magie, y compris blanche. "La magie ne se nourrit que de superstitions. Elle manipule la peur des gens en leur faisant croire que leur problème c'est ce qu'ils expérimentent à l'instant T. Comme si on disait à un enfant que l'eau vient du robinet. Alors que sa source se trouve bien plus loin, bien plus profonde."
Et ce n'est pas parce que la sorcellerie utilise de nombreux codes de la Kabbale que les deux se confondent. "La Kabbale est la science universelle des secrets de la vie. Elle est censée apporter plus de lumière au monde et requiert un véritable effort de la part de celui qui décide de l'étudier.
Elle exige un comportement moral irréprochable, des codes de vie stricts et un changement en profondeur." On est certes bien loin des recettes magiques ancestrales prônées par certains "sages". Comme celle qui conseille de brûler un œuf sur lequel on a marqué le nom de celui qu'on aime pour obtenir son cœur.
Toujours est-il que certains y croient dur comme fer. La preuve en images à la fin de l'exposition qui propose une série de témoignages de personnes qui font usage ou ont bénéficié de la magie avec succès. Même la conservatrice assistante, Oree Meiri, confie son trouble après un an et demi de préparation. "Je ne peux ni affirmer que ce sont des sornettes, ni assurer que cela est vrai. Si au départ j'étais plutôt sceptique, aujourd'hui je suis un peu perdue", avoue-t-elle en souriant.
Exposition Anges et démons, la magie dans le monde juif à travers les âges
Musée de la Bible à Jérusalem
Dimanche, lundi, mardi et jeudi : de 9h30 à 17h30
Mercredi : de 9h30 à 21h30
Vendredi et veilles de fêtes : de 9h30 à 14h
Samedi et jours de fête : fermé
Téléphone : 02-5611066
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