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L’Affaire Al-Dura : De l’erreur à la faute
Ecrit par Dora MarracheDimanche, 5 décembre 2010 03:47
L’Affaire Al-Dura? Comme vous tous, je l’avais oubliée jusqu’à ce jour d’octobre 2010 où j’ai écouté Philippe Karsenty nous expliquer cette affaire et la polémique qui l’entoure. Pourquoi faire ressurgir une affaire qui date de dix ans ? Rares sont ceux qui s’en souviennent, et n’eût été l’obstination de P.Karsenty, on n’en aurait plus entendu parler
Rappel des faits
L’affaire Al Doura est née de ce reportage présenté par France 2, le 30 septembre 2000, et au cours duquel on voit un père et son fils tenter de se protéger des balles des soldats de Tsahal. Charles Enderlin, correspondant de France 2 à Jérusalem, commentait les images en ces termes: « 15 heures. Tout vient de basculer près de l’implantation de Netzarim, dans la bande de Gaza. Les Palestiniens ont tiré à balles réelles, les Israéliens ripostent. Ambulanciers, journalistes, simples passants sont pris entre deux feux. Ici, Jamal et son fils Mohammed sont la cible de tirs venus des positions israéliennes. Mohammed a douze ans, son père tente de le protéger. Il fait des signes […], mais une nouvelle rafale. Mohammed est mort et son père gravement blessé. Un policier palestinien et son ambulancier ont également perdu la vie au cours de cette bataille. »
On sait que l’image à elle seule a force de loi ; l’ image « choc », de surcroît, a un impact considérable, à fortiori quand un tel commentaire l’accompagne.
On comprend pourquoi P. Karsenty nous dit « L’affaire al Doura » est une des accusations les plus graves contre l’Etat d’Israël depuis sa création. C’est l’image qui a sans aucun doute le plus choqué dans le monde, cette dernière décennie »
Philippe Karsenty affirme que ce reportage est une pure fiction, Charles Enderlin, auteur du reportage, affirme le contraire. Nous sommes face à deux versions totalement antinomiques. Nous écoutons les arguments de l’un et de l’autre et nous tentons de nous faire une idée. Pas facile dans la controverse qui entoure cette affaire de prendre une position bien tranchée d’autant plus que, de toute évidence, les medias ne donnent à leurs auditeurs ou à leurs lecteurs qu’une seule version, celle de Charles Enderlin. Pour eux, Israël doit être coupable, il ne peut en être autrement. L’hypothèse voulant que des Palestiniens aient tiré sur d’autres Palestiniens leur semble impossible à envisager. Or, on ne peut prendre position que si on a eu la chance d’avoir accès aux deux thèses. Alors, de Charles Enderlin et de Philippe Karsenty, qui dit vrai?
À la lumière de la centaine de preuves quasi irréfutables présentées par P. Karsenty, du jugement de la Cour d’appel , des prises de position de personnalités comme Alain Finkielkraut, Élie Barnavi, ex – ambassadeur israélien en France redevenu historien, ou Richard Prasquier, président du CRIF, on ne peut qu’adhérer à la thèse de P. Karsenty et conclure que, de toute évidence, tout concorde pour affirmer que la scène a été montée de toutes pièces, qu’il s’agit là d’une mise en scène machiavélique destinée à présenter une fois de plus les Palestiniens comme les victimes de Tsahal, et c’est encore une fois le symbole du combat de David contre Goliath.
Qui plus est, la lecture de l’arrêt du Tribunal nous conforte dans notre choix. En effet, on peut y lire ce qui suit : » Richard LANDES, journaliste, professeur à l’université de Boston, entendu en qualité de témoin par les premiers juges, a déclaré que, selon lui, après avoir étudié les rushes de Reuters et le reportage de Charles ENDELIN, avec lequel il s’est entretenu, la probabilité que la mort de l’enfant présentée par celui-ci serait une mise en scène était « supérieure à 95% ».
Certes, il semble bien qu’il y ait eu complot. En revanche, j’ai beaucoup de mal à croire que Charles Enderlin ait fomenté ce complot avec les Palestiniens. Quand il se dit victime d’un complot, il dit vrai, mais il n’est pas victime d’un complot de la droite israélienne comme il ne cesse de le répéter: il est victime du complot tramé par les Palestiniens et de la confiance qu’il a mise en ce cameraman.
Premier stade : Le complot
Mon hypothèse est que Charles Enderlin a été mystifié par son caméraman Talal Abu Rahma en qui il avait – en qui il a peut-être toujours – une confiance aveugle.
Je suis alors portée à imaginer le scénario suivant :
1. Talal Abou Rama fait partie de la poignée de journalistes autorisés à filmer à Gaza, à condition qu’ils se plient au desiderata de l’Autorité Palestinienne. D’ailleurs, le caméraman avait été arrêté à deux reprises pour avoir filmé des images qui avaient déplu à Yasser Arafat.
2. Les Palestiniens savent que Talal Abu Rahma jouit d’une réputation sans faille aux yeux de Charles Enderlin et de France 2 , qu’il travaille avec eux depuis 1988 et qu’il ne s’est jamais rendu coupable de la moindre faute. Alors, je suis tentée de penser que les Palestiniens, dont la propension à passer pour des victimes et à inventer des histoires est légendaire, auraient incité le caméraman à filmer une scène “tragique” qui incriminerait Israël et discréditerait son armée aux yeux du monde. Et j’imagine aisément qu’il ne fut pas difficile de le convaincre de tourner ce reportage pour deux raisons : d’une part, il est dévoué à la cause palestinienne : « J’ai choisi le journalisme pour défendre la cause palestinienne “ avait-il déclaré au journal marocain “Le Matin du Sahara” ; d’autre part, il savait que C. Enderlin ne serait pas sur le terrain puisqu’il était retenu à Ramallah – (et si ceci faisait partie du complot ourdi par les Palestiniens ?), donc qu’il pourrait opérer plus facilement.
Deuxième stade : L’erreur de C. Enderlin
« Le contraire de la vérité est la fausseté, écrivait Emmanuel Kant ; quand elle est tenue pour vérité, elle se nomme erreur »
La suite est facile à imaginer : le caméraman remet le film à C. Enderlin qui ne prend pas la peine de s’assurer de l’authenticité de ce reportage. Pourquoi l’aurait-il fait? Il n’a jamais eu le moindre soupçon sur le travail de son caméraman qui lui est dévoué depuis si longtemps.
Les propos suivants qu’on peut lire dans son blog sont révélateurs de la confiance aveugle qu’il a en Talal Abu Rahma . « Imaginons la situation suivante : Éric Conan se trouve sous le feu au milieu du carrefour de Netzarim, à la place de Talal et me dit : « L’enfant est mort, les tirs étaient israéliens ! » Eh bien, je ne l’aurais pas diffusé ! Non pas que je doute de la crédibilité de cet estimable journaliste, mais il n’était pas caméraman accrédité par France 2. Et puis, je n’avais jamais travaillé avec lui et ne savais pas s’il était capable de repérer l’origine et la nature de tirs. En compagnie de Talal, j’ai couvert depuis 1988, des dizaines et des dizaines d’accrochages entre l’armée israélienne et des Palestiniens. À plus d’une reprise, nous nous sommes trouvés ensemble sous le feu. Son témoignage est des plus crédibles… »
D’après moi, à ce moment-là, C. Enderlin n’envisageait nullement les conséquences dramatiques de son reportage sur l’état d’Israël, et même hors d’Israël puisque, rappelons-le, le journaliste américain Daniel Pearl a été égorgé quelque temps après pour venger la “mort” de Mohamed Al-Dura.
Ce qui importe avant tout pour C. Enderlin, c’est de prendre de vitesse les autres journalistes qui, devait-il penser, tout comme lui voudraient un scoop sur cet événement . Il ignorait à ce moment-là que son caméraman était bien le seul à avoir filmé cette scène. Alors, on peut supposer que C.Enderlin commente largement le vidéo à partir des informations que lui a fournies son Talal Abu Rahma sans même remarquer qu’il y a certaines invraisemblances, certaines incohérences : la position de l’enfant qui, selon ses dires, vient de recevoir une rafale de balles; les 45 mn de tirs qui supposent que les soldats israéliens se seraient acharnés sans interruption pendant 45 mn sur ce malheureux père et son fils. Il s’empresse ensuite d’envoyer son reportage à France 2 qui le visionne sans remarquer la moindre incohérence et en autorise la diffusion.
Peut-être aussi Enderlin voyait-il une fois de plus l’occasion de montrer aux non-juifs que, bien que juif et franco-israélien, il ne prend pas nécessairement le parti d’Israël. Ce qui compte pour lui, c’est sa notoriété, c’est l’image du journaliste ”sans peur et sans reproches” que France 2 et les medias français ont de lui.
Jusque –là, C. Enderlin ne s’est rendu coupable en somme que d’avoir commis une erreur, c’est-à-dire d’avoir énoncé des affirmations fausses, mais persuadé qu’il s’agissait de vérités. Certes, ii a fait preuve d’un manque de professionnalisme, mais comme il était de bonne foi , comme il croyait dire la vérité, on lui aurait pardonné. Il aurait été blanchi aux yeux des Israéliens, il aurait blanchi Israël aux yeux de la communauté internationale .
Troisième stade : De l’erreur à la faute
« Une erreur ne devient une faute que lorsqu’on ne veut pas en démordre » (Ernst Jünger)
Quand il a appris que les journalistes de l’Associated Press et de Reuters, qui se trouvaient sur les lieux au moment du « drame », n’avaient pas vu cet événement, ne l’avaient pas filmé, C.Enderlin aurait dû, en bon reporter, se poser des questions et demander des explications à son caméraman. Il ne l’a pas fait.
Vinrent ensuite la diffusion du reportage de la télé allemande soutenant la mise en scène, puis l’accumulation de preuves quasi irréfutables accumulées par la Ména et par P. Karsenty. Il me semble impossible que le doute ne se soit pas installé dans son esprit et qu’il n’ait pas réalisé son erreur. Il avait encore la possibilité de se rétracter, de faire preuve de courage et de reconnaître son erreur. Loin de le blâmer, on l’aurait glorifié. Après tout, l’erreur est humaine. “C’est le propre de l’homme de se tromper», disait Cicéron, mais il ajoutait « seul l’insensé persiste dans son erreur ». Et ce fut précisément insensé, de la part de C. Enderlin, de persister dans son erreur et de choisir le mensonge. Quand on lui demande comment il peut affirmer que les tirs venaient du fortin israélien puisqu’il n’était pas sur les lieux de l’événement, il se contente de répondre qu’ « un reportage TV est un travail d’équipe”, explication qui ne nous convainc pas. D’autre part, le CRIF avait demandé que Jamal Al-Dura se soumette à des examens médicaux pour vérifier s’il avait bien été blessé le 30 septembre 2000. Or, celui-ci, peut-être sur les conseils de C.Enderlin, même si ce dernier affirme le contraire, refuse et va jusqu’à déposer plainte pour diffamation contre Actualité juive.
C. Enderlin , me semble –t-il a choisi le mensonge. Or le mensonge, contrairement à l’erreur, suppose la mauvaise foi : dans le mensonge, on choisit d’induire les gens en erreur en énonçant un fait qu’on sait contraire à la vérité.
Et ce faisant, C.E se rend coupable d’une faute qui se définit en droit comme « l’action, volontaire ou non, ou encore l’omission qui porte atteinte au droit d’autrui en lui causant un dommage. »
Pourquoi aurait-il persévéré dans l’erreur et choisi de tromper les auditeurs ?
Difficile de le dire, l’être humain est d’une grande complexité, et je ne suis ni psychologue ni psychiatre pour me prononcer sur les raisons qui ont dicté sa démarche. Je me permets tout simplement d’envisager certaines hypothèses.
- Le besoin de protéger son caméraman. Tout d’abord, il me semble que si
C. Enderlin n’a pas songé en rédigeant son reportage aux conséquences sur Israël, en revanche, il redoute, s’il reconnaît son erreur, les conséquences sur son caméraman et sur ses amis palestiniens.
- L’orgueil l’empêche de reconnaître son erreur. Il craint pour sa réputation, il ne veut pas que son image soit ternie. Il se considère comme un des meilleurs journalistes, sinon le meilleur, et ne peut consentir par le fait même à avouer son erreur, un peu comme si une longue carrière journalistique garantit l’absence de quelque erreur que ce soit. Il n’a pas même admis qu’il y ait – et je cite “quelques erreurs factuelles, quelques maladresses” .
Je crois que c’est d’ailleurs aussi l’orgueil qui lui dicte cette conduite de victime. Il aime à se faire passer pour quelqu’un dont la valeur n’est pas reconnue, il suscite ainsi de l’empathie, voire de la pitié et, au bout du compte, il fait figure de héros. Il suffit d’écouter l’entrevue qu’il a accordée à Michel Desautels de Radio-Canada pour s’en convaincre.
- le déni de la réalité : il ne peut admettre que l’homme qui à ses yeux est “blanc comme neige” ait pu le trahir.
- À moins qu’il n’ait peut-être fini par croire qu’il n’avait rapporté que la vérité. Après tout, ne suis-je pas moi-même, alors que j’élabore un scénario, portée à croire qu’il est tout à fait plausible.
Conclusion
Cette affaire devra connaître son épilogue. Israël a enfin brisé le silence, et le Bureau du Premier ministre a émis un communiqué qui est clair, dans lequel il précise qu’ « on connaît les pratiques des Palestiniens » et il rappelle « tout particulièrement la campagne d’horreur qui prétendait attribuer à Israël un “massacre” à Jénine, qui n’a jamais eu lieu, ainsi que de l’épisode où un « mort » était tombé du brancard et avait commencé à marcher. Au vu de ces cas, on est en droit de s’attendre à ce que les médias vérifient minutieusement de tels reportages, et qu’ils évitent de publier des allégations non vérifiées. (…) il est clair à présent, qu’il était faux de faire endosser la responsabilité dans l’affaire Mohammed Al Dura à Tsahal et à l’Etat d’Israël. »
La vérité, quelle qu’elle soit, devra apparaître et la chaîne publique France 2 ne pourra éviter longtemps encore le vrai débat. Il en va de la crédibilité des journalistes.
S’il s’agit d’une campagne de diffamation destinée à le museler comme il le laisse entendre, à l’abattre professionnellement parce que, dit-il, il avait « mis à mal, dans «Le rêve brisé», la version israélienne sur les responsabilités dans l’effondrement du processus de paix d’Oslo », C. Enderlin devrait réagir. . Au lieu de se lancer dans une longue litanie de plaintes destinée à attendrir les lecteurs sur le martyre que sa famille et lui endurent depuis dix ans, le reporter de France 2 devrait analyser le reportage en profondeur, se pencher sur les preuves de ses adversaires et tout mettre en œuvre pour fournir une contre – argumentation solide qui invaliderait la thèse de P. Karsenty et faciliterait l’émergence de la vérité, On nous dira que c’est l’objet de son livre, mais en réalité ce livre sert essentiellement à le présenter comme une victime de la droite israélienne.
En revanche, s’il y a eu trucage, donc imposture médiatique, ce dont nous sommes nombreux à être convaincus, C.Enderlin devrait le reconnaître et assumer, avec son caméraman, les conséquences de cette faute, quelle qu’en soit la gravité.
Après tout, a-t-il mesuré la gravité et les conséquences planétaires de cette falsification de la vérité ? La lui pardonnera-t-on un jour? J’en doute fort, l’humiliation cette fois sera terrible, mais infime en comparaison du tort qu’il a causé à “son pays”, ces images de la « mort » de l’enfant ayant justifié des crimes et plusieurs attentats qui ont fait plus de mille morts.
C’est sans doute parce qu’il est conscient des ravages qu’a entraînés son manque d’éthique et des conséquences auxquelles il s’expose s’il dévoile maintenant la vérité qu’il a choisi de manipuler tout le monde, mais tout a une fin et l’Affaire Al-Dura ne fera pas exception.