Si l’on veut savoir où l’on se trouve et, conséquemment, comment se comporter, il est nécessaire de regarder sa situation les yeux grands ouverts, surtout sans tenter de ne rien embellir ni dramatiser.
Toute autre attitude tient de l’autosuggestion ou de la propagande.
Partant de cette règle, force est de constater qu’Israël traverse une période de solitude dans ses relations internationales, tant au niveau des gouvernements que des peuples, dont on n’a pas souvenir depuis la création de l’Etat.
Parmi les nations civilisées, il n’y a guère que la Tchéquie qui fait exception à la pandémie de rejet qui nous frappe, et où l’on peut être à peu près certain de trouver un jugement équilibré relativement à la considération des questions nous concernant.
Il est vrai que l’amitié entre les Juifs et les Tchèques ne date pas d’hier, puisqu’à Prague, on trouve presque autant de musées consacrés au judaïsme, que de musées de toutes les autres sortes réunis. Ca n’est pas très étonnant, lorsque l’on constate que c’est la statue d’un rabbin qui trône sur la place centrale de cette ville.
Pas étonnant non plus, quand on fait l’effort de se rappeler que la majorité des dirigeants jugés lors des fameux procès de l’époque communiste étaient israélites. Et que la plupart d’entre eux avaient fait avancer la Tchécoslovaquie d’alors, en dépit de l’occupation soviétique.
Ici, en Israël, on n’oublie pas non plus que les premiers avions de chasses qui équipèrent notre armée de l’air, et participèrent à nous permettre de gagner notre indépendance, furent des Messerschmitt, fabriqués dans ce pays d’Europe centrale après la Seconde Guerre mondiale. Beaucoup de bonnes volontés et de sympathies pour notre cause furent nécessaires pour nous livrer ces appareils.
Au-delà de cette empathie, il existe d’autres points communs entre les deux nations, qui contribuent probablement à la solidité de cette relation privilégiée. Le plus important, à mon sens en tout cas, procède d’un "facteur d’impact" comparable : deux nations trop petites en nombre d’habitants pour devenir des grandes puissances, et, simultanément, trop présentes, historiquement, traditionnellement, industriellement et militairement pour passer inaperçues.
Rappelons, à propos de l’industriel et du militaire, qu’en 1939, les blindés fabriqués en Tchécoslovaquie, notamment les LT-35 et LT-38, étaient supérieurs à tous les chars manufacturés en Allemagne. Après le pillage de l’industrie tchèque par les nazis, entre autres du complexe Skoda, ces chars équipèrent des divisions entières de l’armée hitlérienne.
Beaucoup de politiciens et d’officiers hébreux ont, par ailleurs, construit notre armée en songeant aux paroles de Neville Chamberlain au sujet de la Tchécoslovaquie. Lorsque la France et la Grande-Bretagne, qui s’étaient pourtant engagées par traité à défendre les frontières de la démocratie tchèque, la livrèrent au contraire à Hitler, le 1er ministre anglais déclara que son pays n’allait tout de même pas risquer la guerre "pour ce pays lointain dont on ne connaît pas grand-chose".
Reste, qu’à l’exception de la Tchéquie et de la portion majoritaire de sa population, l’Etat hébreu cherche ses amis à la longue vue et au microscope. Et des relations décentes avec un pays de dix millions d’habitants ne suffisent certes pas à développer une stratégie diplomatique globale.
On pourrait assurément se dire que nous sommes (presque) les seuls justes sur Terre, mais cela ne participe pas d’une réflexion stratégique.
Ce genre de repli autarcique et narcissique mène au désastre, car plus aucun pays ne peut s’exclure totalement de la communauté des nations. Chacune est tributaire des autres pour ce qu’elle ne produit pas, tributaire des autres pour les relations commerciales et l’apport de devises, indissociable de la capacité à se défendre.
Au reste, les boîtes de vitesses de nos chars sont anglaises et tous nos avions sont américains. Sans eux et les pièces détachées qui les maintiennent en service, il nous faudrait affronter les Iraniens avec des arcs et des flèches. Ce, pour autant, encore, que l’on trouve sur place suffisamment de bois pour en faire.
Dans cet article, je ne me demande pas "pourquoi les autres ne nous aiment pas", question que les rédacteurs de notre agence traitent en abondance, mais "quelles sont les conséquences de ce désamour".
En vérité, elles sont terribles !
Essayez donc de prendre la parole devant un parterre de syndicalistes européens modérés – ce que je tente de faire au moins une fois l’an – qui n’ont pas lu la moindre ligne de ce que vous écrivez, qui ne connaissent rien de vos idées et de vos préférences, mais se contentent de réagir en ne considérant que le fait que vous êtes un intellectuel israélien. Vous saisirez alors immédiatement ce qu’est la haine, à quel point elle peut être profonde, et le peu qui lui est nécessaire pour qu’elle se déclenche.
Cette posture, aussi désagréable que représentative d’un état d’esprit largement répandu, traduit en fait une situation qui dépasse de très loin le seul isolement diplomatique.
Aujourd’hui, n’en déplaise à M. Attali, qui me semble débarquer d’une planète étrangère au système solaire, l’Etat hébreu doit faire face à un antagonisme quasi général, qui atteint également, et de plein fouet, les Israélites qui refusent la dénonciation automatique d’Israël.
Ceci suffit-il à décrire la pandémie actuelle comme une crise aigue d’antisémitisme ?
Absolument. D’une part, parce qu’il suffit de se promener en Europe pour s’apercevoir que toutes les institutions appartenant à la communauté israélite sont transformées en camps retranchés, et qu’elles sont gardées en permanence par des hommes en armes.
Ces mesures ont été prises en réponse à des centaines d’actes violents dirigés contre cette communauté, et non à titre préventif. Il faudrait que quelqu’un se portât volontaire pour conter à Jacques Attali le martyre d’Ilan Halimi, et des circonstances environnementales qui l’ont rendu possible.
Ca n’est pas, comme il ose le prétendre, un coup de propagande des sionistes.
S’il ne s’agissait encore "que" des agressions antijuives, on pourrait attribuer à une frange marginale et non-représentative de la société européenne des intentions antisémites.
Mais la situation est autrement plus sérieuse, car l’épidémie a déjà gagné les responsables politiques des grandes démocraties. Ce, de la manière la plus préjudiciable et incontestable que l’on puisse imaginer : l’acceptation d’une attitude d’exception à l’encontre d’Israël. La plus grave des formes de ségrégation.
Il existe aujourd’hui, au sommet des pyramides décisionnelles des démocraties, une façon de traiter les relations avec tous les Etats, et une autre, spécifique, de régenter les relations avec l’Etat d’Israël.
Une double mesure qui, disons-le une fois pour toutes, à haute et intelligible voix, n’a strictement rien à faire avec les actions de l’Etat hébreu.
Exemple, le traitement du rapport Goldstone au Conseil onusien des droits de l’Homme : le Conseil en question ne s’est penché, le plus arbitrairement du monde, que sur les allégations de crimes de guerre qu’aurait commis Tsahal à Gaza.
Avoir appliqué à Israël ce traitement unique, en l’épargnant au Sri-Lanka, au Soudan, à la Russie, aux Etats-Unis et ses alliés en Irak et en Afghanistan, à la France pour son rôle dans le génocide des Tutsis porte un nom, toujours le même : ségrégation.
Pour que le Théâtre-Guignol autour du rapport Goldstone ait un sens, il aurait fallu que l’examen des "actions" de l’armée française au Rwanda en 1994, ait également lieu, avec audition des témoins, à Genève et non à Kigali.
Il faudrait, de même, que les instances internationales définissent ce qu’est une riposte militaire disproportionnée, avant qu’elles ne l’appliquent à un seul Etat. L’invasion de la Géorgie par les chars de Poutine, après l’intervention de Tbilissi afin de rétablir l’ordre dans sa province d’Ossétie du Sud, était-elle proportionnée ?
A partir de combien de bombes que des terroristes tirent intentionnellement sur vos civils, après combien de morts au sein de ceux-ci, est-il "proportionné" de réagir militairement. Dans le cas d’Israël, huit mille roquettes tirées sur ses villes ont été considérées insuffisantes par l’ONU.
Il est évidemment plus important que ces questions soient posées devant le Conseil des droits de l’homme, réuni, chaque fois, en session extraordinaire pour traiter de ces choses, que de leur apporter des réponses dans l’urgence.
Plus important, non seulement pour Israël mais, pour que la préservation des droits de l’homme dans le cadre onusien recèle le moindre sens, de considérer pourquoi la Russie est-elle épargnée en Géorgie et en Tchétchénie, et pourquoi Israël est-elle seule à subir l’examen.
L’existence de cette autre ségrégation anti-israélienne, qui ne provoque aucun tollé parmi les nations dites démocratiques, démontre à elle seule à quel point la planète se moque toujours de la question des droits de l’homme, les démocraties n’ont aucune intention de lui apporter des solutions. Tant pis pour ceux qui souffrent d’en être privés, la majorité des êtres humains, la priorité appelle à participer à la stigmatisation d’Israël.
Tant pis pour les Tamouls, les Tibétains, la population Nord-coréenne, les femmes qu’on excise toujours à tours de bras, les homosexuels qu’on pend au bout des grues en Iran, et qu’on décapite à la Mecque, les condamnées chinois, qu’on exécute d’une balle dans la nuque à l’issue de procès sommaires. Tant pis pour ces milliards d’individus privés de Goldstones ; il faut condamner Israël.
Rosanna Al-Yami : 60 coups de fouet
parce qu’elle est correspondante d’une chaîne ayant commis une impudicité.
Les droits de l’homme trop occupés à condamner Israël
[Mardi 27/10/2009 22:20]