Prix Reporter malhonnête 2010
reconnaissance annuelle de la couverture la plus biaisée et partiale du conflit au Proche-Orient. Honest reporting
traduction de Fabien MIKOL
Pour aschkel.info et lessakele.
Après le TOP TEN des antisémites 2010 par le Centre S.WIESENTHAL - ICI
Il est évident que cette liste devrait être beaucoup plus longue car elle ne prend pas en compte les horreurs que nous avons pu constater et que nous sert la presse francophone à longueur de temps.
Aschkel et Fabien
Dishonest Reporter Award 2010
http://www.honestreporting.com/articles/45884734/critiques/new/Dishonest_Reporter_Award_2010.asp
Mis à part l’échec des pourparlers, la plus grosse histoire proche-orientale de l’année se résume en un mot : la flottille.
Basant sa légitimité internationale sur l’accusation infondée de crise humanitaire, le mouvement Free Gaza a organisé nombre de tentatives pour briser le blocus israélo-égyptien par mer.
Par le passé, Israël avait autorisé de petits navires individuels à atteindre Gaza. Avant le Mavi Marmara, Lauren Booth – qui gagna le prix Honest Reporting de 2008 – était le nom le plus fréquemment associé avec ces expéditions.
Mais la taille des convois et le nombre des activistes tentant d’atteindre Gaza est devenu bien plus problématique que les coups ennuyeux d’une députée, au point qu’Israël ne pouvait plus se permettre de jouer le jeu plus longtemps. Le risque principal : autoriser un corridor par lequel le Hamas pourrait importer des armes, et permettre à des terroristes menaçant Israël d’entrer dans la Bande sous couvert d’aide humanitaire.
La flottille de Free Gaza a joué en mai un remarquable spectacle médiatique. Travail préparatoire des médias sociaux, une liste de passagers incluant un nombre considérable de journalistes et de militants, et beaucoup d’équipement numérique, le tout combiné afin d’offrir leurs histoires en ligne. En fait ils sont allés un peu trop loin : les vidéos obtenues par Tsahal incluaient celles de « militants de la paix » déclarant : « Je veux être un shahid », « Nous pouvons mourir en martyrs », ainsi que des scènes d’émeutiers préparant des barres de fer afin d’attaquer les soldats.
Mais l’armée israélienne a démontré sa propre maîtrise médiatique ; l’armée a filmé le raid et posté la vidéo en ligne. Le résultat ? La vidéo des forces de Tsahal en prise avec l’attaque violente des militants est devenue virale sur YouTube, contrant les prétentions selon lesquelles ces forces avaient intercepté le navire avec une agressivité inutile. Le passage du soldat se faisant battre par les émeutiers est devenu l’image la plus représentative de l’événement.
Les lecteurs ont pointé de manière éclectique d’autres problèmes couverts par Honest Reporting, dont surtout le statut des quartiers de Jérusalem-est, les allégations de trafic d’organes par Israël en Haïti, le double standard dans la couverture par les grands médias des victimes civiles selon qu’il s’agit de Palestiniens ou d’Afghans, et la détention par le Hamas du journaliste Paul Martin pendant un mois. Une autre mention de couverture honteuse incluait notamment :
Le journaliste norvégien Sidsel Wold se lançant dans une harangue contre le Dr. Manfred Gerstenfeld au cours d’une interview, forçant le professeur israélien à se taire dans sa propre interview.
« Comment », le talk show de George Galloway, censuré par le régulateur britannique indépendant des médias, Ofcom. Il était avéré que Galloway utilisait régulièrement les opinions alternatives des téléspectateurs pour fustiger Israël, violant les principes d’équilibre éditorial. Le talk show déménagea sur Press TV, la chaîne contrôlée par le gouvernement iranien.
Associated Press décrivant Ali Sweiti, un fugitif tué lors d’un raid pour l’arrêter, comme un « activiste ». (Il est responsable de cinq attaques armées et d’un attentat à l’explosif. Il a tué un policier israélien et blessé deux autres en 2004.)
Le journal gouvernemental égyptien, Al-Ahram, trafiquant la photo du sommet de la Maison Blanche. Peu crédible, l’éditeur en chef Omar Saraya déclara que la photo était une illustration.
Après que l’étudiant Nick Bergamini de l’Université de Carleton et son partenaire de chambre israélien furent quasiment lynchés lors d’une attaque antisémite à Ottawa, un reporter de CBC demanda à Bergamini s’il avait des ennemis qu’il pouvait interroger afin d’« équilibrer l’histoire » Le reportage fut finalement diffusé sans pouvoir citer « l’autre camp ».
Maintenant, voici les prix.
à Prix du dessin venimeux : Jeff Danziger
Le 25 mai, des terroristes palestiniens de Gaza firent exploser un âne tirant une charrette piégée près de la frontière avec Israël, tuant l’animal mais sans causer de pertes humaines. Lors d’une autre attaque le même jour, des obus de mortiers palestiniens lancés près d’Ashkelon entraînèrent un raid israélien de riposte sur les tunnels de Gaza.
Et quelle en fut la peinture par Jeff Danziger ?
à Prix de la source la moins fiable : Muawiya Hassanein, ministre de la santé de Gaza
En mars, Maan News rapporta la mort d’un garçon palestinien en se basant sur l’information de médecins de Gaza : « Muawiya Hassanein, directeur des services d’urgence de Gaza, a déclaré que Muhammad Zen Ismail Al-Farmawi, 15 ans, avait été tué par balle près de la frontière sud-est par les forces israéliennes, alors que des sources locales désirant demeurer anonymes ont dit que sa mort pouvait relever d’une affaire interne. Hassanein a dit que les ambulanciers étaient incapables de retrouver le corps à cause des tensions dans la zone, tandis qu’un porte-parole militaire israélien a déclaré n’avoir aucune connaissance de l’incident. »
Mais Farmawi était tout à fait vivant. Des soldats égyptiens ont attrapé le garçon dans un tunnel de Gaza, puis ont torturé Farmawi ainsi que ses amis. Maan News expliqua ainsi ces erreurs : « Muawiya Hassanein, ministre de la santé et directeur des services d’urgence à Gaza, a dit à Maan qu’après des « efforts importants et des contacts » pour retrouver le corps du garçon, des officiels l’avaient trouvé parmi les détenus. Il était supposé être mort dans les violences de jeudi après qu’une ambulance palestinienne fut interdite d’accès à la zone à la suite de rapports sur une mort par balle, expliqua Hassanein. Une autre explication de l’erreur serait que des résidents locaux avaient déclaré à Maan que si le garçon avait bien été tué, cependant l’armée israélienne n’était pas impliquée. La mort supposée était une « affaire interne », ont dit les locaux, insistant sur leur anonymat. »
Les services d’information comme le New York Times reprenant l’information d’origine ont aussi suivi la rectification. Mais des questions demeurent. Pourquoi les sources médicales de Gaza devraient-elles être exemptées de suspicion – en particulier depuis qu’elles travailles sous les auspices du Hamas ? Et de combien d’autres fausses morts a-t-on accusé à tort Israël ?
à Prix de la photographie la plus disproportionnée : Reuters
La maintenance des frontières par Tsahal est un travail de routine qui n’a jamais attiré le moindre intérêt des médias – du moins jusqu’à ce que Tsahal décide de retirer un arbre du côté israélien de la frontière en août. L’armée libanaise déclara que Tsahal pénétrait sur son territoire et ouvra le feu, entraînant une escarmouche mortelle. (Les Nations Unies confirmèrent plus tard que l’arbre en question était du côté israélien de la frontière.)
La couverture médiatique de l’explosion était suspecte. Il y avait bien trop d’images, trop de photographes, tous avec un accès impensable au front du côté libanais de la zone d’escarmouche, pour qu’il s’agisse d’une éruption « spontanée » à la frontière.
Lebanese soldiers take up position as U.N peacekeepers (in blue berets) gesture towards Israeli soldiers at the Lebanese-Israeli border in Adaisseh village, southern Lebanon August 3, 2010. REUTERS/ STR
Les photographes des autres services d’information étaient aussi disponibles, mais l’étude de cas des photos de Reuters par Honest Reporting souleva les plus troublantes des questions : Comment se fait-il que cinq photographes soient encouragés à couvrir un travail routinier de maintenance par Tsahal ? Comment ont-ils obtenu un tel accès sans restriction et en temps réel à la zone de combat ? Et pourquoi Reuters attribua-t-il, ce qui n’est pas dans ses habitudes, un quart des photos à des auteurs non identifiés ?
Les lecteurs avaient un autre os de Reuters à ronger avec les photos prises à bord du Mavi Marmara. Lorsque ses services retouchèrent les photos, les couteaux tenus par les « militants de la paix » avaient tout simplement disparu de la plupart des images publiées.
à Prix de la revue médicale « revue par ses pairs » : The Lancet
Le 2 juillet, The Lancet publia ce qui était qualifié de « meilleurs abstracts revus par nos pairs », tirés d’un meeting de la deuxième Conférence pour l’Alliance de la Santé Lancet-Palestine. Les recherches d’Honest Reporting sur les contributeurs de cette série de plusieurs articles révéla un choquant who’s who du mouvement anti-israélien Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS pour faire court).
Un article affirmait que des centaines de « colons » juifs, escortés par la police israélienne, s’étaient rués sur la mosquée Al-Aqsa le jour de la conférence. Un autre article prétendait sans vérification que Tsahal avait visé les ambulances pendant la guerre de Gaza. Et cet article blâmait Israël pour toutes les déficiences du système palestinien de santé en général.
Une critique particulière du Lancet vint toutefois du médiateur de CBC Kirk LaPointe. Après que CBC s’intéressa aux problèmes palestiniens de malnutrition discutés dans le Lancet, LaPointe, dans un email à un lecteur de Honest Reporting, nota avec lucidité :
« Dans ce cas, je crois que le public aurait dû bénéficier dès le début de l’inclusion plus large de données afin de comparer la malnutrition des enfants dans les Territoires avec celle qu’on peut constater ailleurs. A une époque d’immense information disponible, les médias ont la responsabilité d’utiliser la contextualisation pour aider le public à disposer d’une image plus large. Je suggérerait qu’une clarification soit incluse dans le corps des articles afin d’aider les lecteurs à comprendre la situation des Territoires en comparaison avec celle d’autres pays et régions. La question suivante peut alors émerger : Si cette information [comparative] avait été prise en compte dès le début, est-ce que l’histoire aurait seulement obtenu une couverture médiatique ? »
Qu’est-il arrivé à la surveillance par revue des pairs, censée mettre la barre haute sur ce qui est publié dans un journal médical tel que The Lancet ?
à Prix du manipulateur médiatique de l’année : Dahi Khalfan
Le chef de la police de Dubaï, le lieutenant général Dahi Khalfan, a réussi à garder l’assassinat de Mahmoud Mabhouh à la une des journaux, grâce à des conférences de presse innombrables incluant des vidéos de sécurité, une liste de suspects toujours croissante, et la condamnation du Mossad.
Mais Khalfan n’a jamais dévoilé aucun pistolet fumant [smoking gun], et des reporters tels que Paula Hancocks de CNN ont pu percer ce cirque médiatique :
« Tous les jours, sans exception, les journaux des Emirats Arabes Unis réservent une partie de la Une pour une mise à jour, une opinion – même le plus petit indice d’information nouvelle. C’est vraisemblablement l’intention du Lt. Gen. Dahi Khalfan. En offrant des amuse-gueules ici et là, l’histoire reste vivante et la focalisation internationale se poursuite sur l’agence de renseignement israélienne du Mossad, dont Khalfan soutient qu’il est sûr à 100% qu’elle est derrière cette opération. »
Un résultat de ce théâtre de Khalfan : qu’Israël ait ou non tué Mabhouh, le Mossad a l’air cool.
à Prix de la pire nécrologie : Octavia Nasr
La carrière de vingt ans d’Octavia Nasr s’est écrasée à la suite d’un post de 99 caractères sur son compte Twitter-CNN : « Triste d’apprendre la mort de Sayyed Mohammad Hussein Fadlallah… Un des géants du Hezbollah que je respecte beaucoup… »
Qu’est-ce que Nasr pouvait exactement « respecter » à propos de Fadlallah, un des fondateurs du Hezbollah ? Son approbation du manifeste du Hezbollah, qui décrit « la nécessité de détruire Israël » ? Les liens de Fadlallah avec la prise d’otage en 1979 de l’ambassade américaine à Téhéran, avec l’attentat à la bombe en 1983 des quartiers des Marines à Beyrouth, ou son soutien au massacre de Mercaz HaRav Kook en 2008 ? Ou encore, sur son lit de mort, sa fatwa autorisant les attentats-suicide ?
La défense plus nuancée de Nasr en 4.371 caractères ne fut pas assez pour son employeur. CNN l’a renvoyée après la publication de son tweet par Honest Reporting.
à Prix de la conséquence ironique inattendue : Electronic Intifada
Electronic Intifada (EI) avait fait des vagues en cherchant à obtenir la mutation d’Ethan Bronner, chef du bureau de Jérusalem du New York Times. Pourquoi ? Parce que le fils de Bronner avait fait son service militaire dans l’armée israélienne, ce qui constituait pour EI un conflit d’intérêt. Le directeur de publication Carl Hoyt fut d’accord, mais lorsque le directeur exécutif Bill Keller s’opposa à toute réaffectation, tout le monde pensa que l’affaire était close.
Seulement la controverse fit sortir de force un autre reporter du New York Times. Taghreed El-Khodary expliqua au Palestine Center pourquoi la publicité soudaine autour du fils de Bronner la força non seulement à quitter son travail, mais aussi à quitter Gaza :
« Je ne veux pas risquer de perdre les sources que j’ai pu établir en beaucoup, beaucoup d’années. C’est un problème très sensible, comme vous savez, aussi parce qu’il est risqué et que vous avez beaucoup de groupuscules qui souhaiteraient se venger, et je pourrais être une bonne personne à attraper pour cela. »
Vers la fin de 2010, Bronner demeura chef du bureau ; Fares Akram couvre maintenant Gaza pour le New York Times, tandis que Khodary est désormais spécialiste du Moyen-Orient pour la fondation Carnegie. A notre connaissance, Electronic Intifada n’a jamais soulevé aucune question au sujet des reportages de Khodary, et Akram n’a aucunement signalé que sa couverture de Gaza pour la canard sioniste de Bronner avait endommagé sa carrière.
Pour ce qu’il en est du conflit d’intérêt, les directeurs éthiques devraient davantage s’inquiéter de leurs journalistes qui ont partie mêlée avec, ou vivent avec, et même sont mariés avec des activistes palestiniens. Le mariage notoire de Peter Jenning avec Hanan Ashrawi n’est que le haut de l’iceberg [pour la France, Benjamin Barthe est dans la même situation].
à Prix de la démission la plus tardive : Helen Thomas
2010 restera dans les mémoires pour la démission embarrassante, sinon tardive, de la correspondante vétéran à la Maison Blanche, Helen Thomas.
Thomas, qui travaillait à West Wing depuis 57 ans, avait déclaré devant la caméra de Rabbi David Nesenoff qu’« Israël devrait foutre le camp de la Palestine », et que les Juifs devraient retourner en Pologne et en Allemagne.
La vidéo devenant virale, Thomas s’excusa et annonça sa démission. Mais elle démontra plus tard combien ses excuses étaient sans valeur : « Free Press l’interrogea à propos de ses commentaires, qui selon des critiques étaient anti-israéliens. « J’ai payé le prix pour cela », dit Thomas, longtemps correspondante à la Maison Blanche. « Mais cela valait le coup, j’ai dit la vérité ». »
Cette démission n’avait que trop tardé. Politico a souligné le fait que Thomas était la seule journaliste/commentariste avec un siège régulier dans une salle de presse (briefing room) remplie de reporters, et très peu de journaux publiaient ses analyses de toute manière. Ainsi qu’un reporter déclara au Hill : « Mais je ne crois pas que quiconque soit surpris par ses remarques anti-israéliennes. Elle n’a jamais fait secret de son animosité contre Israël. »
à Prix de la légende photographique de l’année : The Guardian
Le Guardian avait offert la légende suivante sous cette image :
« La photographe, Ilia Yefimovich, est au bon endroit au bon moment et a capturé cette scène dramatique en utilisant une grande profondeur et une grande vitesse d’obturation. »
En fait, quand la voiture de David Be’eri était arrivée au tournant, les caméramans d’Associated Press, d’Al Jazeera et d’EPA (parmi d’autres) se trouvaient aussi par hasard « au bon endroit au bon moment ». Les photographes et les enfants lanceurs de pierre se nourrissent de leur présence mutuelle, donnant une nouvelle signification à l’embuscade journalistique.
à Prix de l’honneur le plus immérité : Paul McGeough
Paul McGeough, le correspondant du Sydney Morning Herald qui participait à la flottille pour Gaza, a reçu un malavisé Prix Walkley, la version australienne du prix Pulitzer, pour sa couverture du raid israélien sur le Mavi Marmara.
La couverture de première main par McGeough échoua à faire la moindre lumière sur l’organisateur islamiste radical du convoi, IHH, information qui était disponible avant même que le journaliste ne fit ses plans de voyage. Il n’a pas non plus rapporté le fait qu’IHH avait spécifiquement recruté des individus pour attaquer les soldats israéliens, ou que Tsahal avait trouvé des gilets pare-balles, des équipements de vision de nuit et des viseurs de fusil, des scies, des couteaux, des masques à gaz et des lances-pierres. Plus encore, le langage de McGeough trahissait un biais négatif envers Israël : en particulier l’usage du mot « terreur » pour ses titres, et sa description des soldats « chassant comme des hyènes ».
Quelques mois plus tard, McGeough donna une conférence où il révéla combien le but principal du convoi était de provoquer Israël afin de l’entraîner dans une situation embarrassante, avec aussi pour objectif d’aider à modeler un narratif : « Dans le story-telling, les mots peuvent être des balles. Bien sûr, les événements arrivent et, comme les Israéliens ont coutume de dire, les faits sont créés sur le terrain. Mais les mots choisis par les participants et les observateurs modèlent le narratif qui résonnera dans la région et dans le monde. (…) Un des premiers objectifs explicites des bateaux envoyés à Gaza nous vient de Michael Shaik, l’activiste australien qui importa l’idée. Comme il l’expliqua, il voulait révéler la violence inhérente d’une occupation israélienne qui bien trop souvent échappe au narratif du conflit à cause de la répugnance étrangère devant l’usage palestinien d’attaques suicide ou de roquettes. »
Il est difficile d’y voir les mots d’un observateur détaché d’une mission humanitaire.
à Prix spécial de la nage entre les extrêmes : Jane Corbin, BBC Panorama
A la mi-janvier, le programme documentaire vedette de la BBC, Panorama, visita Jérusalem. Titré « une marche dans le parc », un critique d’Honest Reporting détailla pourquoi l’expédition de Jane Corbin était tout sauf innocente. Pour ne pas faire court, Corbin :
- diffusa l’opinion propre à la BBC selon laquelle tout ce que fait Israël à Jérusalem-Est est illégal
- dénia tout droit juif dans la ville, comme si les liens du judaïsme avec Jérusalem n’avaient débuté qu’en 1948
- rapporta faussement que 30-40 maisons allaient être démolies parce que la mairie devait épuiser son budget
- maquilla les violations palestiniennes des droits de construire
- omis de signaler qu’une famille palestinienne expulsée d’un bâtiment de Sheikh Jarrah ne payait plus son loyer
- affirma que les projets archéologiques étaient contrôlés par des « groupuscules de droite ».
Toutefois, Corbin se rattrapa en août avec un reportage Panorama sur le Mavi Marmara (voir la partie une et deux). En un étonnant revirement, ce documentaire conduisit les supporters des Palestiniens à dénoncer la BBC comme pro-israélienne.
à Prix du reportage malhonnête de l’année : Time Magazine
C’était un vote serré, mais Time a battu ses ignobles concurrents avec une couverture de septembre titrant : « Pourquoi Israël se fiche de la paix ». Un extrait est en ligne sur le site du Time.
Il y avait quatre raisons principales pour faire « gagner » ce magazine.
La couverture : figurant une étoile juive faite de pâquerettes insouciantes, avec en titre « Pourquoi Israël se fiche de la paix ». Le titre supposait que les Israéliens se moquent de la paix ; la seule matière à discussion était pourquoi.
La signification de la couverture d’un magazine est plus qu’une simple question d’attirer l’attention avec un visuel malin et un titre accrocheur. L’image et le titre créent le cadre dans lequel les lecteurs interpréteront l’article. (Voir plus loin ce qu’un titre mieux nuancé aurait pu légitimement dire.)
Dans ce cas, la couverture du Time ne pouvait que porter préjudice à quiconque la voyait dans les kiosques à travers le monde. Les artistes graphiques impliqués dans le processus de design et les directeurs qui l’ont approuvé sont responsables.
Comme si la couverture n’était pas suffisamment offensive, elle fut dans les kiosques dans le monde entier pendant la semaine du Nouvel An juif. Ouch.
L’article : écrit par Karl Vick, relativement nouveau en Israël, était à côté de la plaque. Cet article aurait eu absolument besoin d’un remplissage de première main avec un échantillon représentatif de la société israélienne pour se permettre de soutenir des propos aussi radicaux que celui de la couverture du Time.
Cela aurait requis les observations de vieux sabras nés en Israël qui ont tout vu, de jeunes entrepreneurs high-tech avec beaucoup à perdre dans le conflit, de nouveaux immigrants se faisant leur trou, des étudiants d’Université pouvant émerger comme de futurs dirigeants, des Arabes israéliens du triangle du nord avec un enjeu particulier pour la paix, des résidents des quartiers mixtes juifs-arabes de Haïfa, des personnalités orthodoxes qui voient Israël et le conflit à travers des verres religieux, des évacués de Gaza encore en lutte, etc.
A la place, on présenta aux lecteurs un voyage à Ashdod, où l’échantillon israélien de Vick consista en deux commerçants venus de Russie, une vieille dame et son amie serveuse. Tous les autres commentaires étaient tirés du genre de personnes que l’industrie médiatique utilise pour porte-parole : commentateurs journalistiques, politologues, militants et politiciens.
Les images : des Israéliens se prélassant sur la plage, une mère assise sur un banc public avec un bébé souriant dans sa poussette, un garçon israélien sur un vélo regardant une section de la clôture de sécurité en train d’être démantelée, images accompagnées de légendes telles que : « Les Palestiniens ne sont plus guère vus comme une menace stratégique. Une nuisance, oui. »
La nuance : il y a eu trop de lecteurs qui utilisèrent l’article avec des relents antisémites pour les ignorer. Vick n’est pas antisémite, mais son écrit renforça involontairement les stéréotypes, ainsi que l’explicita Abe Foxman : « Le sous-texte suggère insidieusement que les Juifs israéliens sont obsédés par l’argent, ce qui fait écho au mensonge antisémite ancien selon lequel les Juifs s’intéressent plus à l’argent qu’à tout autre chose, en l’occurrence ici faire la paix avec les Palestiniens. »
Israël veut la paix, mais est sceptique concernant les efforts de paix, et entreprennent de vivre leur vie. Si cela avait été la focale de Time, cela aurait pu être une bien meilleure tranche de journalisme. Peut-être que Time aurait alors eu un aperçu sur la désillusion des Israéliens à l’égard du leadership palestinien ou la préoccupation des faucons israéliens à l’égard de l’Iran. Peut-être que Time pourra un jour soulever la question : « Pourquoi les Palestiniens ne sont pas intéressés par la paix. » Ne rêvons pas !
Pour finir : un titre plus honnête de couverture aurait été formulé ainsi : « Pourquoi Israël est sceptique envers la paix ? » Mais ça n’aurait pas été aussi sexy pour attirer les lecteurs de magazine, n’est-ce pas ?
Vick a de quoi mériter dans ce prix, mais ce dernier concerne Time tout entier. Unir une histoire et une couverture est un travail d’équipe. Rédacteurs, photographes, artistes graphiques et un ensemble d’éditeurs ont laissé trop de traces de doigt sale sur le timing, la tonalité et le look de ce numéro du 13 septembre 2010. Time se fiche simplement d’Israël.
Fabien MIKOL - Pour © 2010 aschkel.info et © 2010 lessakele