Ahmadinedjad harangue les foules libanaises à mourir pour l’hégémonie chi’ite et s’en retourne vers son Iran sous les verrous
Par Marc Brzustowski
Pour © 2010 lessakele et © 2010 aschkel.info
On ne peut ni exagérer la portée des formules exterminatoires, tellement coutumières, du Maître de Téhéran, ni minimiser l’ampleur de la catastrophe à laquelle le visiteur du 3 ème type condamne ses hôtes libanais en les annexant à l’axe qu’il dirige.
Le Hezbollah, son bras armé, avait manifestement procédé aux battues rassembleuses de ses partisans, tant à Dahiyeh, dans ses quartiers réservés de Beyrouth, que dans ses fiefs du Sud, comme à Bint Jbeil. Les discours enflammés qui étaient dédiés à ces martyrs désignés volontaires ne variaient guère de leur ligne, désormais, bien rôdés : « Les sionistes vont disparaître » (par enchantement charismatique, sans doute).
Venu tiré parti de la supposée « divine victoire » qui a vu le Hezbollah reculer de 50 kms jusqu’au Litani et son chef atteint de neurasthénie à vie se barricader dans son bunker et ne plus en sortir que par vidéos enregistrées, Ahmadinedjad sait motiver les foules : après avoir promis 450 millions de $ au gouvernement libanais et avoir déboursé un premier milliard à la reconstruction des villages du sud, il propose aux heureux bénéficiaires de renoncer à ce qu’ils viennent ainsi d’acquérir chèrement.
Car tel est le challenge autodestructeur auquel il destine ses fervents supporters venus le remercier de ses largesses. Un prêt pour emprunter le chemin du sacrifice sur l’autel du Velayat e-Feqih, dont les Iraniens eux-mêmes ne veulent plus.
Mais on peut comprendre qu’il ne boude pas son plaisir de profiter de ces bains de foules en apparence spontanés, lorsque les incidents sont constants à domicile, depuis sa réélection contestée et jamais entérinée par le peuple d’Iran.
Gageons que les Libanais ne soient, finalement, pas plus idiots que ceux qui, à Téhéran, manifestent en criant : « ni Hezbollah, ni Hamas, je meurs pour l’Iran ! ». Tant qu’il s’agit d’écouter leur « bienfaiteur » égrener ses exigences de remboursement par le prix du sang, il ne s’agit jamais que de donner le change par la figuration. Mais, en contresignant ce pacte avec les pieds et les acclamations, ils sont, de fait, engagés par cette dette empoisonnée. Et ils ne le sont pas moins, pour l‘édification de l’empire pasdaran que ne le sont les malheureuses victimes de la répression dans les principales villes d’Iran.
Et, tant que le peuple perse résiste encore, les Libanais, ces « malgré-nous », enrôlés de gré ou de force dans le programme d’Ahmadinedjad pour le Moyen-Orient, ont encore le choix de repousser l’heure du sort fatal qu’il leur réserve. Qu’ils le sentent obscurément ou qu’ils préfèrent ne pas comprendre ce qui se passe là-bas, leur destin est lié.
Le Liban, peuple et gouvernants, devraient tirer quelque enseignement de l’expérience de leurs homologues vivant sous le régime tyrannique de leur visiteur. Ainsi, les médias officiels de celui-ci déclaraient sans vergogne, que les « Sionistes » avaient orchestré, avec leurs complices américains et les pouvoirs arabes vendus à Sion, le « faux sauvetage » des mineurs chiliens bloqués sous terre, pour détourner l’attention du monde du périple messianique d’Ahmadinedjad à Beyrouth. Il doit falloir des nerfs à toute épreuve pour supporter les retournements de sens paranoïdes de l’actualité la plus banale ou eceptionnelle en complot mondial. Il faut sûrement vivre enfermé dans une bulle de propagande auquel soi-même on ne croit plus pour accepter de gober et de tenter vainement de faire avaler à l'entonnoir médiatique de telles inepties maladives. Et pourtant !
Pourtant, ce qui ne marche plus en Iran, Ahmadinedjad entreprend de le ressusciter dans sa lointaine province, parmi les plus éloignées de son royaume ubuesque, peut-être avant la jungle des FARC. Ahmadinedjad se persuade que la soumission qu’il ne parvient pas à imposer dans ses frontières sera mieux exportée et mieux acceptée ailleurs.
Lorsqu’un pouvoir atteint de tels sommets d’isolement dans sa propre folie, contre son propre peuple et tous ceux qui l’entourent, il y a fort à parier qu’il est, chaque jour, plus déstabilisé et sensible à la guerre de l’information, menée de l’intérieur ou de l’extérieur.
Ainsi, lorsque le Président de cette République islamiste contre son gré vante la puissance militaire qu’il apporte dans ses bagages à Beyrouth, une base de missiles à Khoramabad, au sud-ouest kurde, prend feu, dans un mystérieux accident qui a toutes les allures du sabotage. Sur le plan humain, 18 hommes d’élite des Pasdaran y laissent la vie et 14 sont grièvement blessés. Sur le plan militaire et technologique, ce sont des Shahab 3, ces fameuses ogives qu’Ahmadinedjad promet, au même moment, de lancer dans un déluge de feu destructeur sur Israël, qui sont les vecteurs de la mort de ses meilleurs soldats et techniciens.
Qu'il prétende que c'est un accident et la fiabilité de ses armes de guerre laisse vraiment à désirer. Il ne peut donc accuser les éternels boucs-émissaires de ses fiascos, qu'ils soient Sionistes ou éléments de minorités révoltées par sa politique ségrégative envers les non-chi'ites. Qu'il affirme le contraire, et il continue de semer les germes de la révolte contre l'injustice, contraire aux valeurs au nom desquelles son idéologie a dit conduire les révolutions moyen-orientales.
Comment donc Ahmadinedjad parvient-il à conserver sa pieuse assurance en proférant ses appels incendiaires quand le feu qu’il veut répandre au Sud-Liban se retourne contre ceux-là mêmes, chargés d’acheminer leurs missiles les plus perfectionnés vers ses séides libanais promis au même sort ?
La configuration dans laquelle se trouve le pouvoir iranien aujourd’hui est celle du serpent qui se mord la queue. Allumer la mèche d’une guerre au Sud-Liban ne garantit en rien la pérennité du pouvoir pasdaran à Téhéran ni son immunité aux coups qui lui sont portés par les rebellions ethniques, par la rue verte ou les mouvements de grève du Bazar. Peut-être cela ne lui permettrait-il que de retarder l'échéance de sa destitution.
Un tel régime aux abois est plus fragile, sur le plan économique, politique, ou de la faiblesse de persuasion de sa propre propagande autosuggérée, que l’URSS quelques mois ou années avant la chute du mur de Berlin. Aucune démocratie ne peut aujourd’hui, l’ignorer. Aussi a-t-il grandement besoin d’opérations de communication comme ce happening de Beyrouth ou Bint Jbeil comme pour se régénérer, poursuivre le mythe d’une puissance régionale aujourd’hui chancelante sur son socle-même.
Une révolution ne s’exporte bien que lorsqu’elle conserve encore suffisamment d’ascendant sur sa propre population, soit par la foi enthousiaste qu’elle engendre, soit par la peur qu’elle inspire. L’Iran a t-il, aujourd’hui, encore les moyens de sa propagande ? Ses alliances même sont scellées dans une rivalité hégémonique à peine feinte, par la Turquie ou la Syrie, qui ne rêvent, finalement, que de tirer leurs propres marrons du feu, en agitant l’épouvantail iranien ou son supplétif de Daniyeh.
Les démocraties perdent leur temps à vouloir négocier avec un gouvernement lancé à ce point dans une fuite en avant. Si l’on doit redouter une guerre avec un pays, une milice ou ses alliés, elle pourrait bien être essentiellement motivée par la crainte de l’effondrement, la stimulation de réflexes nationalistes et le carburant du désespoir d’un régime qui ne sait pas qui sera le prochain « traître » à sa ligne de conduite et ses objectifs, l’instant d’après le déclenchement d’un conflit.
Les moyens à déployer sont ceux d’une guerre de l’information sans répit sur les réalités sombres de ce pouvoir, la répression qu’il exerce, les failles sécuritaires auxquelles il est constamment confronté dans ses provinces, malgré ses tentatives d’étendre sans fin ses tentacules sur les pays voisins, comme l’Irak ou le Liban.
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