Le Bal des Parrains à Beyrouth : Gouvernorat maffieux contre Tribunal International
Par Marc Brzustowski
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Bachar al Assad est venu à Beyrouth rappeler qui était le parrain, capo de tutti capi de la grande famille des clans maffieux-terroristes qui ensanglantent le Moyen-Orient.
Depuis quelques temps, la menace d’inculpation, par le Tribunal International de la Haye, de plusieurs lieutenants d’Hassan Nasrallah, s’est faite plus précise : parmi eux, Mustapha Badr A-Din, alias Elias Saab, cousin d’Imad Mughniyeh, le chef des opérations extérieures du Hezbollah, qui a trouvé la mort à Damas, en 2008.
Pourquoi est-il déterminant que l’enquête internationale sur la mort de Rafic Hariri aboutisse enfin et que les responsables soient châtiés comme ils le méritent?
1) D’abord, le chapelet de condamnations qui s’annonce aurait la fonction symbolique de sanctionner pour la première fois un cycle d’attentats massifs restés impunis depuis 1982-83, au Liban et sur la scène internationale. Ils ont causé la mort d’au moins 553 personnes et blessé à vie 2964 innocents, depuis l’attentat contre l’Ambassade américaine au Liban, le 18 avril 1983, faisant 63 morts et 120 blessés. On se souvient des enlèvements et assassinats du chef de la CIA, William Buckley, de Michel Seurat, anthropologue du CNRS, en 1986, enlevé avec Carton, Fontaine et Kauffmann, qui ont, eux, fait l’objet de marchandages. 5 soldats israéliens ont connu le même sort, après le retrait du Liban-Sud, dont 2 en octobre 2000. La dernière opération du Hezbollah dans ce domaine, le 12 juillet 2006, a déclenché une guerre de 33 jours, qui semble avoir provisoirement passé l’envie à la milice chi’te de recourir à ce procédé.
Le 23 octobre 1983 : deux camions piégés explosaient simultanément devant les casernes des «marines» américains et de l'Armée française à Beyrouth. 241 marines américains et 56 parachutistes français de la Force multinationale sont tués. La veille de l'attentat, les deux futurs « martyrs » étaient longuement reçus par le guide spirituel du Hezbollah, cheikh Mohamed Hussein Fadlallah, décédé, il y a peu, tranquillement dans son lit.
Entre décembre 1985 et septembre 1986, 13 attentats (dont 2 avortés) à Paris font au total 13 morts et plusieurs centaines de blessés. Toutes les pistes remontent au Hezbollah et à l’Iran.
En 1992 : le Hezbollah revendique l’explosion de l’Ambassade d’Israël en Argentine, qui fait 29 morts, 242 blessés et ravage complètement le bâtiment.
Un militant du Hezbollah fait, ensuite, exploser son van bourré d'explosifs devant un centre juif de Buenos Aires en 1994, tuant 85 personnes et faisant plus de 200 blessés.
Le 20 novembre 2000 : une bombe placée sur une route en Israël fait sauter un autobus qui menait des enfants de Kfar Darom à leur école de Neve Dkalim, dans le Sud de la bande de Gaza. Il y a deux morts (deux adultes) et 9 blessés, dont 5 enfants. L’attentat a été revendiqué conjointement par trois groupes, dont un inconnu, le Hezbollah en Palestine.
Suspendons-là le récit martyrologique des exactions planifiées par l’architerroriste Imad Mughniyeh. Si l’on se reporte à la commission d’enquête sur le 11 septembre 2001, on lui doit aussi la formation opérationnelle des premières cellules d’al Qaeda depuis 1992, au Soudan, sous l’égide du cacique islamiste al-Tourabi, qui hébergeait Ousama Ben Laden, à l’époque. Celui-ci était très admiratif des coups d’éclats du Hezbollah et les copia si minutieusement que l’élève a surclassé le maître, au palmarès de l’horreur. Moughniyeh n’a payé qu’une fois ses innombrables crimes, le 12 février 2008, en plein centre sécurisé de Damas, lorsque son 4x4 Pajero Mitsubishi a explosé. Ses épigones peinent à le remplacer, malgré la reprise d’un modus operandiqui équivaut presque à une signature, le 16 juillet dernier, à Ciudad Juarez au Mexique. Cette ville jumelle d’El Paso, au Texas, est le théâtre d’une guerre des cartels de la drogue, dont une partie des profits alimente la guerre terroriste de la milice libanaise, par le contrôle et le racket de ses diasporas.
2) Evidemment, là n’est pas l’objet du Tribunal International sur le Liban. Il se concentre sur des évènements intérieurs survenus en 2005, autour de la disparition du père de l’actuel Premier Ministre.
C’est de mise en coupe réglée du Liban dont il s’agit. Bachar al-Assad n’était donc pas seul à venir faire serment de protection au Hezbollah, qu’il utilise, depuis sa création comme une armée supplétive. En avril 2008, lorsque le gouvernement libanais a voulu contrôler le matériel électronique de surveillance de l’aéroport de Beyrouth, entre les mains de« l’état dans l’état », une flambée de violence ranima le spectre de la guerre civile. La brouille fut dénouée à Doha, au Qatar, mais dura jusqu’à la formation d’un gouvernement d’union nationale, après que le Hezbollah obtienne un score décevant aux élections de juin 2009.
L’émir du Qatar, Cheik Hamad ben Khalifa Al Thani, est donc, légitimement du voyage, à titre de marieur entre les factions et de trésorier de crise. Il a survolé en hélicoptère le fruit de ses investissements dans la reconstruction du Sud-Liban, après la guerre de 2006. Le geste est ambigu, puisqu’on peut l’interpréter comme un coup de pouce à la milice semeuse de guerre. Il laisse entendre qu’elle dispose d’un crédit illimité, en cas de nouvel embrasement. Le Qatar a coutume de jouer les bons offices pour l’ensemble des protagonistes du Moyen-Orient, traitant sans exclusive, y compris les intérêts iraniens, cela va sans dire.
L’Emir Hamad bin Isa Al Khalifa du Bahrein, dominion qui dispose d’une forte minorité chi’ite agitée, et le Roi Abdallah d’Arabie Saoudite étaient également de la partie. Ce Cercle restreint laisse songer à une répartition des rôles : Syrie et Qatar représentant les intérêts de l’Iran, absent ; le Bahrein et Abdallah, ceux du Royaume saoudien, protecteur de la dynastie Hariri en péril.
Assad s’est insurgé contre quiconque tenterait de s’en prendre au Hezbollah : à l’entendre, la mise en route de ce Tribunal serait une véritable entreprise de « déstabilisation » du Liban. Le dictateur syrien a fait un appel solennel à l'enterrement de première classe de la procédure contre au moins huit membres du groupe terroriste. Il a, tout bonnement, menacé le tribunal d’insurrection de ce qu’il appelle « la résistance » contre lui et ses agents.
Face à ces imprécations, la partie adverse est demeurée attentive... et prostrée : Abdallah, qui était présent pour faire contrepoids, pas plus que l’Emir du Bahrein, n’ont pipé mot. Une délégation du Hezbollah doit aller à Damas se concerter sur les suites à donner à cette "incursion du droit international" dans les affaires arabes. Plusieurs hypothèses circulent en coulisse : la démarche des régimes du Golfe aurait eu pour vocation d’inciter Assad à prendre ses distances avec la milice compromise de Nasrallah. Il est plus que douteux qu’il en aille ainsi.
Le rapport de force n’est guère en faveur des Emirats et du Royaume Wahhabite. L’Iran reste une menace de tous les instants, grâce aux minorités chi’ites qu’il contrôle sur le pourtour du Golfe. Il a besoin de la puissance de feu du Hezbollah, qui les coordonne, au Yémen comme au nord d’Israël, pour poursuivre sa marche forcée vers l’obtention de l’arme nucléaire.
Au besoin, Téhéran le rappelle, en ordonnant un attentat contre le réseau Al-Arabyia à Bagdad, financé par l’Arabie Saoudite, mené par ses réseaux chi’ites à la solde des Pasdaran. S’est également rouvert un front de diversion depuis Gaza, par le tir d’une roquette perfectionnée sur Ashkelon, le vendredi 30 au matin. Un important dirigeant de la branche armée du Hamas, Issa al-Batran, -qui avait précédemment échappé à 5 tentatives d’élimination, dont une durant « Plomb Durci »- a trouvé la mort dans les représailles israéliennes qui ont suivies. La réplique a visé 3 symboles de l’infrastructure du Hamas à Gaza :
- - le commandant paramilitaire al-Batran, chargé de l’assemblage des missiles et roquettes au nord de Gaza ; 8 de ses lieutenants ont également été blessés, dans le bombardement du Bastion « Nasser », l’ancien QG d’Arafat à Gaza. C’était le centre de commandement et de contrôle de Tel al-Hawa. L’endroit aurait servi de centre de formation des cadres du mouvement. Le Hamas s’y serait restructuré de la même façon que le Hezbollah. Et l’Iran y avait investi 250 millions de $, qui viennent de partir en fumée.
- - Etaient également visés : une fabrique d’armement, dans le centre de Gaza
- - et un tunnel de contrebande permettant l’acheminement d’armes et de biens courants revendus au marché noir.
Lorsque Bachar al Assad évoque la mise en branle des réseaux de la présumée « résistance » à l’Occident et à Israël, lui-même ou d’autres joignent le geste à la parole.
Le Tribunal pour le Liban est un précédent, visant à ré-instituer le droit au Pays du Cèdre et mettre le « holà » dans le cycle terrorisme/représailles. Jusqu’à ce jour, le droit sans la force y est impuissant. Tout laisse à croire, au travers des récents incidents contre la Finul, qu’il le restera. Car on imagine mal un commando de police onusienne se saisir des séides du Hezbollah impliqués dans le meurtre d’Hariri père, un beau matin de septembre, à l’heure du laitier…
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