Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 novembre 2009 1 02 /11 /novembre /2009 21:40

Le dilemme de la modernité.

La Wissenschaft des Judentums entre fidélité et rupture.

 

Par Sacha BERGHEIM


pour http://aschkel.over-blog.com et

http://lessakele.over-blog.fr



La Wissenschaft des Judentums, ou Science du Judaïsme, est un mouvement culturel qui émerge en Allemagne autour des années 1820 avec le projet de sauver l'essence du judaïsme par une étude scientifique de son histoire.



***



Quelle est l'origine de ce mouvement novateur qui initie les études juives modernes ?



http://schule.judentum.de/projekt/franckel.JPG
Zacharias Frankel  (1854 Direktor des "Jüdisch-Theologischen Seminars" in Breslau

La Science du Judaïsme est l'héritière de la Haskalah, plus généralement connue comme Lumières juives, dont l'émergence coïncide avec la fin du sabbataïsme.


Plus précisément, c'est dans le contexte de luttes internes aux communautés ashkénazes du monde germanique (contre les crypto-sabbataïstes) et de houleux débats autour de l'enseignement juif (fallait-il l'ouvrir aux sciences profanes ?) que la Haskalah va rechercher, sous l'instigation notamment de Moshé Mendelssohn, une formulation philosophique de la religion juive.


Dans Jerusalem, ou sur le pouvoir religieux et le judaïsme, Mendelssohn s'interroge sur le sens de la modernité juive et, après une défense vigoureuse de la religion juive, suggère l'abandon de règles comme le 'herem, au profit d'une meilleure compréhension de la religion elle-même comme « religion naturelle et Loi révélée ».


La recherche du judaïsme dans son essence n'est pas l'apanage de Mendelssohn, auteur, parmi de nombreux essais, d'une traduction du Tana'hen allemand (imprimé en caractères hébraïques) et d'un Bi'ur renommé.


http://img2.webster.it/BDE/100/175/17581954z.jpg


La forme d'exégèse spirituelle que Maïmonide avait déployée dans la confrontation érudite et profonde des sources juives (Bible, Talmud, Midrash), l'avait conduit à une critique des traditions imagées au profit d'un retour vers le coeur du judaïsme, incarné par exemple par les articles de foi ou par ses travaux de compilateur.


Cette tendance rationaliste sera reprise par ses successeurs, comme Moshé de Narbonne ou Eliahu Delmedigo dans Behinat haDat, va servir de modèle et d'objet d'étude aux intellectuels juifs de la Science du Judaïsme.



Les successeurs de la première Haskalah berlinoise, qui s'achève dans le premier quart du 19ème siècle, font face à l'éclatement du cadre de la vie juive et à la substitution de la sujétion collective aux princes (les communautés étaient « protégées » par les autorités) par un devoir de loyauté individuelle à l'Etat (en France) ou à la confession dominante (luthérienne, réformée ou catholique) en Allemagne.



De surcroît, la population juive des pays germaniques est confrontée à partir de 1815 à l'affirmation publique d'un nationalisme allemand profondément xénophobe, comme en témoigne la Wartburgfest de 1815. La même année, Friedrich Fries publie un essai violemment hostile à toute amélioration de la vie des Juifs : Sur la revendication des Juifs à la citoyenneté allemande.



Issus de milieux le plus souvent pauvres, et ayant suivi des cours dans les universités allemandes, les intellectuels juifs répondent à ce contexte hostile et au dilemme de l'émancipation par la fondation d'un Cercle Scientifique (Wissenschaftszirkel) dont les conférences se tiendront entre novembre 1816 et juillet 1817.



Le Culturverein, institution centrale de la Wissenschaft des Judentums.



Le 7 novembre 1817, sept jeunes intellectuels juifs se retrouvent à Berlin en vue de fonder une Association culturelle, (Verein für Cultur und Wissenschaft des Judenthums) sur le modèle de celles que prônait Fichte en vue de restaurer le tissu national allemand.


Le Culturverein se donne pour but d'assurer la survie du judaïsme hors d'un cadre traditionnel de transmission, qui était selon leur analyse voué à la disparition. Pour cela, il s'agissait de favoriser l'accès à l'instruction des Juifs, en établissant un Institut scientifique qui, une fois actif, envisagerait la création d'écoles juives ouvertes sur le monde profane et conscientes de leurs racines.


Il s'agissait aussi pour eux de lutter contre la marginalisation sociale des minorités juives disséminées en Allemagne, ce qui en faisait des victimes faciles lors des émeutes et des pogroms (dont les émeutes dites Hep Hep de 1819).



Immanuel Wohlwill annonce dans un texte progammatique de 1819 (Comment concevoir la science du judaïsme) qu'une telle Science inclut tout savoir portant sur toute la production intellectuelle juive, que ce soit dans les domaines du droit, de l'histoire, de la philosophie, de la religion.


Son projet est donc associé à une volonté de restauration de la dignité juive, dans une société environnante globalement judéophobe, et part du constat que la survie du judaïsme après les destructions des Royaumes juifs ou du Temple est dûe à l'élaboration d'un noyau centré autour d'un unviers strictement religieux. Mais, selon lui, cette tradition s'est solidifiée avec le temps, jusqu'à en perdre son essence spirituelle d'origine, au profit d'une pratique répétitive.


De nombreux partisans des Lumières juives, étaient en effet aussi hostile au Talmud, et ce préjugé était sans cesse invoqué par les intellectuels chrétiens (tel que l'abbé Grégoire) comme le début d'une acceptation des Juifs au sein de la société. En effet, l'abandon du Talmud était considéré comme la première condition d'une conversion.


Pour autant, un des premiers travaux de la Science du Judaïsme va porter sur l'histoire de la littérature rabbinique, sous la plume de Leopold Zunz qui avait étudié dans sa jeunesse en yeshiva.



C'est donc un univers culturelle et intellectuel contrasté que représente la Science du Judaïsme avec des contributions d'auteurs aussi différents que Leopold Zunz (principal artisan de la Science du Judaïsme, auteur d'études importantes sur les piyyutim ou la littérature rabbinique), Eduard Gans (hégélien, président du Culturverein, et qui en 1822 sera interdit d'enseignement avant d'être intégré à l'université allemande en 1829 une fois converti), Isaac Markus Jost (historien réformiste, rationaliste et critique systématique du Talmud), Franz Delitzsch (orientaliste chrétien protestant, éditeur du Migdal Oz de Luzzatto, et en même temps partisan zêlé des conversions), Matthias Jakob Schleiden (hébraisant chrétien, auteur d'un essai sur la contriction des auteurs juifs du Moyen-Âge à la diffusion des savoirs), Salomon Yehuda Rapoport (maskil galicien, talmudiste et lecteur de Pierre Bayle, traducteur d'Esther de Racine en hébreu, et biographe de Saadia Gaon), Na'hman Krochmal (talmudiste, historien, auteur de Moreh Nebuke ha-Zman en réponse à Maïmonide), le talmudiste et philosophe Samuel Luzzatto etc.


Heinrich Heine en fera partie en 1822, ainsi que d'anciens mendelssohniens ayant lutté en faveur de l'égalité des droits à la fin du 18ème siècle, comme Lazarus Bendavid ou David Friedländer.



***



La Science du Judaïsme se veut un examen scientifique de l'héritage juif, devant faire ressortir son essence rationnelle dont la connaissance assurerait la pérénité.

Ses partisans sont animés du souci de donner au judaïsme sa place dans la culture universelle, en le rendant accessible et intelligible, mais avec des moyens profanes tels que l'exégèse ou la philologie.


Pour autant, la brève durée de l'expérience du Culturverein, dissous en 1823, aura une influence considérable sur le judaïsme allemand, sur les études juives (notamment autour de la revue mensuelle: Monatsschrift für Geschichte un Wissenschaft des Judentums éditée à partir de 1851) et sur la pédagogie des écoles juives au cours du 19ème siècle.


Partager cet article
Repost0
18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 09:01


Sacha nous offre son superbe documentaire qui montre la civilité des Arabes en 1948

Retrouvez tous les documentaires de Sacha Bergheim sur son site :
http://contrecourant1.wordpress.com/

1948-a_-rabbi-sepharade-tentant-de-negocier-la-reddition-des-juifs-de-jerusalem_-juin-48

Un Rabbi sépharade de Jerusalem supplie de négocier le départ des Juifs dans les parties occupées par la Légion arabe

 

1948-b_-deux-rabbins-attendant-une-audience-aupres-des-autorites-militaires-arabes-pour-obtenir-la-survie-des-juifs-de-jerusalem

Dans l'attente d'une audience aurpès des autorités militaires arabes à Jérusalem

1948-c_-prisonniers-juifs-escortes-par-des-troupes-arabes-avant-leur-jugement_-juin-48

Prisonniers juifs escortés par les troupes arabes avant leur jugement

1948-d_-prisonniers-juifs-dans-lattente-de-leur-sentence

Prisonniers juifs dans l'attente du verdict

1948-e_-employes-de-la-croix-rouge-aidant-les-refugies-juifs_-jerusalem_-j-phillips

Des employées de la Croix Rouge aident les réfugiés juifs

1948-f_-familles-juives-attendant-devant-leurs-maisons-leur-evacuation-_juin-48

Familles juives attendant devant leurs maisons leur évacuation

La même rue mise à sac par les arabes

La même rue mise à sac par les arabes

1948-h_-incendie-des-quartiers-juifs-de-jerusalem-par-les-troupes-arabes_-le-regard-effraye-de-rachel-levy-7-ans-_28-mai-1948_-photo-john-phillips

Incendie des quartiers juifs par les troupes arabes. Au premier plan, la petite Rachel Levy, 7 ans.

1948-i_-les-destructions-causees-par-les-troupes-arabes-provoquent-la-fuite-des-juifs-de-jerusalem-par-la-porte-de-sion-_juin-48

Les destructions causées par les troupes arabes provoquent la fuite des Juifs de Jérusalem par la Porte de Sion

1948-j_-familles-juives-expulsees-de-jerusalem-_juin-48

Familles juives expulsées de Jerusalem

1948-k_-expulsion-des-habitants-juifs-de-jerusalem-occupee-par-la-legion-arabe_-juin48

L'expulsion des habitants juifs menée par les soldats de la Légion arabe

 

1948-l_-refugies-juifs-fuyant-jerusalem_-jphillips

Réfugiés juifs de Jérusalem

1948-m_-destruction-du-quartier-juif-de-jerusalem-a-la-dynamite

La destruction des quartiers juifs de Jerusalem à la dynamite lors de l'annexion de Jerusalem par la Légion arabe

1948-n_-destruction-du-quartier-juif-a-la-dynamite-21

La destruction des quartiers juifs de Jerusalem

Photos John Phlilips, Jérusalem, juin 1948 (photo représentant Rachel Lévy, 28 mai 1948)
Partager cet article
Repost0
14 octobre 2009 3 14 /10 /octobre /2009 09:43

 

 

EPISODES PRECEDENTS

1er épisode :http://aschkel.over-blog.com/article-35735696.html
2
eme épisode : http://aschkel.over-blog.com/article-36018532.html
3eme épisode : 
http://aschkel.over-blog.com/article-36331989.html 
4eme épisode : 
http://aschkel.over-blog.com/article-36651257.html 


Tous mes remerciements à Sacha.
 http://contrecourant1.wordpress.com/


************************************************************************************************************
File:Altneuland.jpg


Lire Herzl, c'est d'abord chercher à comprendre l'écrivain et l'humaniste.

Un homme instruit, profondément lucide sur les enjeux modernes de la restauration d'un Etat juif, mais aussi conscient de la vulnérabilité de son peuple dans une Europe façonnée par cet « enseignement du mépris » qui ira jusqu'à l'indifférence à la souffrance infligée aux Juifs moins de cinquante ans après la publication d'Altneuland.

Un homme qui sait aussi reconnaître l'altérité et soutenir les émancipations futures comme celle de l'Afrique.

Un homme loin des clichés que son nom recouvre bien trop souvent.



L'ignorance des racines véritables du sionisme conduit bien des judéophobes contemporains à se présenter, avec quelques complicités aussi inopinées que marginales, comme les défenseurs du judaïsme contre le sionisme. Pour être plus précis, les défenseurs autoproclamés d'un judaïsme folklorique, insignifiant, grotesque.

De Drumont à Dieudonné et de Hitler à Ahmadinejad, de l'apprenti dictateur minable, au pion dangereux d'une théocratie mafieuse et à l'initiateur d'un génocide.


Pour autant, le retour d'exil des Juifs ne trouve son origine que dans et par la tradition, transmise avec amour et dévotion en dépit même des persécutions et des destructions.


Car on oublie trop souvent comme l'histoire, ponctuée de périodes paisibles, reste une trame de souffrances et d'épreuves. Et c'est bien par rapport à la sainteté de la terre d'Israel que l'être-juif prend sens.

Le sionisme n'est pas le succédané d'un monde européen sécularisé, ou encore moins le produit d'une assimilation ou d'une idéologie. Herzl montre précisément comme le sionisme, même le plus laïc et antireligieux, n'émerge que dans cette filiation que David Littwak exprime avec justesse : « nous sommes les héritiers de Rabbi Aqiba... »



À ceux qui veulent réduire le peuple juif à un concept, à un principe ou à une idée, le sionisme pragmatique prôné par Herzl a offert une réponse originale :

l'unité restaurée du peuple juif est la condition d'un progrès futur pour l'humanité.

Le particularisme du peuple juif retrouve en Israel sa vocation de porteur de Lumières pour les nations, porteur du monothéisme, porteur des commandements et de l'éthique, et avec Altneuland, un peuple médiateur entre l'Orient et l'Occident.



Mais un peuple souverain, qui sait le prix de cette liberté si chèrement acquise.


Au début de la cinquième partie, Löwenberg exprime son souhait de participer à la nouvelle société, mais en quoi, après plus de vingt années loin du progrès pourrait-il contribuer à la nouvelle société ? Être juif dans la terre de ses aïeux, avec une éducation sur le sol européen le conduit à chercher les moyens de préparer la société sioniste fondée sur la coopération au passage au statut d'Etat reconnu internationalement et dotés d'institutions.



Les voyageurs se rendent ensuite à Jérusalem.

Ils retrouvent la vieille ville qu'ils avaientaperçue vingt ans auparavant, une vieille ville entourée de ses murailles, surplombée des dômes des mosquées et des églises.

Ils passent à côté du Palais de la Paix qui abrite une fondation destinée à apporter de l'aide à tous les peuples du monde dans le besoin. Ce qui n'est pas sans évoquer le programme Mashav d'aide internationale en faveur des pays pauvres.

Quel contraste avec la ville moderne, traversée par des trams, percée de larges avenues où les gens recherchent l'ombre des arbres, des écoles, des commencers.



Puis, à proximité de la vallée de Kedron, ils découvrent un batiment majestueux de marbre blanc et d'or : le Temple. Reconstruit par Herzl comme symbole de la restauration juive sur sa terre.

Le Temple, symbole continuité et de fidélité se trouve reconstruit et Löwenberg assiste à l'office du shabbat avec ses amis.

« Et c'est précisément là, à Jérusalem, que l'on retrouvait toutes les formes d'entraide, que le genre humain, au cours de l'histoire de l'humanité, avait recherché contre la souffrance : celles incarnées par la croyance, l'amour et le savoir. »

« Ici, on mobilise toutes les énergies, non pas uniquement pour le pays et ses habitants, mais tous les pays et tous les peuples. » Car « il y a sur terre encore beaucoup de plainte seule un effort commun peut avoir des effets et soulager les souffrances ».

L'office commence avec Le'ha dodi, ce qui lui rappelle les poèmes de Heinrich Heine, et le temps « où les juifs avaient honte de tout ce qui était juif ».

La restauration du Temple comme symbole de l'accomplissement du sionisme, du retour du peuple juif dans la terre où ses dons peuvent s'exprimer sans retenue et où sa piété se révèle aussi dans la liberté.

« Les Juifs avaient prié avec piété dans de nombreux temples, pauvres ou riches, dans toutes les langues des pays de l'exil. Ce D; invisible, leur D., tout-puissant, ne pouvait qu'avoir été de près ou de loin partout le même. Mais il n'y a toujours eu qu'un seul Temple, ici uniquement. »



Après shabbat, le premier jour de la semaine, ont lieu les élections des délégués en vue du Congrès sioniste, dont les voyageurs avaient entendu parler à l'occasion d'un débat qui avait eu lieu lorsqu'ils s'étaient rendus à Tibériade.

Des élections marquées par une indéniable pluralité, des débats vifs et des engagements vigoureux qui ne sont pas sans anticiper la démocratie israélienne.

Afin de quitter l'ambiance électrique, Kingscourt et Löwenberg partent rencontrer Isaak, un peintre, qui leur rappelle que « l'académie juive a pour mission de chercher tout ce que chacun a de mieux pour le bien de l'humanité. »

Ce qui surprend Löwenberg, c'est que la crainte que les Juifs européens avaient face au mouvement sioniste, bien souvent assimilé à un chiliasme intempestif et vain, cette crainte s'était évanouie dans la réalisation même du sionisme qui était devenu un mouvement de progrès, d'éducation et de culture.


En écoutant Miriam chanter un poème de Goethe tiré de Wilhelm Meister : « Connais-tu le pays où fleurissent les citronniers », ce pays de rêve, Löwenberg se dit pour lui-même : « Oui le voici. »


Et alors que David vient d'apprendre sa victoire aux élections et que s'ouvre le congrès sioniste, Kingscourt et Löwenberg décident alors de demander à faire parti de la nouvelle société et de faire du sionisme la contribution au progrès que façonnent déjà tous les membres juifs et non-juifs de la société d'Altneuland. Un pays où le rêve de liberté et de dignité est devenue réel !


Altneuland 

Erets Yisra'el

Partager cet article
Repost0
29 septembre 2009 2 29 /09 /septembre /2009 09:32


1er épisode :http://aschkel.over-blog.com/article-35735696.html
2
eme épisode : http://aschkel.over-blog.com/article-36018532.html
3eme épisode : 
http://aschkel.over-blog.com/article-36331989.html 


Tous mes remerciements à Sacha.
 http://contrecourant1.wordpress.com/




La difficulté des historiens à caractériser le sionisme provient sans doute de ses enjeux politiques et idéologiques. Car cela revient à accepter plusieurs postulats, eux-mêmes mis en cause par de pseudo-historiens alterjuifs : le premier est l'unité indéfectible du peuple juif, le second est sa dimension non ethnique (en dépit de sa transmission par la mère) mais volontaire, être Juif de naissance ou de coeur, le troisième concerne le droit à l'autonomie juive, corollaire de la reconnaissance de l'antisémitisme chrétien comme crime.

Que le sionisme soit laïc, religieux, ashkénaze ou séfarade ne suffit pas à en épuiser le sens. Car cette filiation nationale et théologique repose fondamentalement sur une « politie juive », selon le mot de Daniel Elazar, c'est-à-dire sur une communauté d'individus partageant un destin, une histoire, des valeurs, des rites, des traditions en commun, et partageant des institutions dont le but a été, est et restera précisément l'unité du peuple comme témoignage de l'Alliance et des Lois données à Moshé au mont Sinaï. La créativité juive dans l'histoire y trouve son inspiration. Et c'est dans ce sens qu'il faut comprendre le projet de nouvelle société juive telle que l'envisage Herzl.


***

File:Altneuland.jpg

Le quatrième livre s'ouvre sur le Seder de Pessah, fêté chez les Littwak en compagnie de Reshid Bey, Löwenberg, Kingscourt, de Mme Gothland, ainsi que du révérend Hopkins et du père Ignaz.



Cette fête, la plus juive qui soit, tirait sa signification plus loin dans le passé des hommes que toute autre dans le monde. Pratiquée depuis de si nombreus siècles, ... et le monde s'était depuis tranformé, des peuples avaient disparu, d'autres étaient apparus dans l'histoire, le monde était devenu plus vaste, des continents inconnus étaient sortis des mers – mais seul un peuple, ce peuple, était toujours là, comme avant, préservant des traditions inchangées, fidèle à lui-même et gardant le souvenir des souffrances de ses aïeux. C'est avec des mots vieux de milliers d'années que le peuple de la servitude et de la liberté priait l'Eternel, son D. – Israel !

En intitulant l'avant-dernière partie de son roman « Pessah », Herzl prend le contre-pied de l'image traditionnelle de Juif assimilé qui lui a été bien trop souvent attribuée.

Certes, son inspiration est autant religieuse que profane, et il conçoit le judéité comme nationale avant d'être d'essence confessionnelle. Pour autant, ce qui relie le projet sioniste à la terre d'Israel plonge son coeur dans les racines de la Torah et du Talmud.



Nous lisons aujourd'hui dans notre ancienne Haggadah comment les Sages autrefois, dans une soirée comme celle-ci, se rendirent ensemble à Bene-Berak, et s'entretinrent toute la nuit de la sortie de Mizraim. Nous sommes les héritiers de Rabbi Eliezer, d'Asarias, de Rabbi Aqiba et de Rabbi Tarphon. Et voici notre nuit de Bene-Berak. Ce qui est ancien se transforme dans ce qui est nouveau. Nous devons avant tout accomplir notre Seder de la façon dont nos aïeux l'accomplissaient...

Il y eut une nouvelle Egypte, et il s'est produit une même sortie hors de cette nouvelle Egypte... Nous avions le devoir de devenir des hommes nouveaux, et nous avions le devoir de ne pas rompre la fidélité avec nos anciennes racines.



L'image est saisissante : le retour en Israel comparé à la sortie d'Egypte. La même liberté recouvrée. Et un même souvenir du prix de la liberté.

Un Seder à la croisée du destin du peuple et de la relation du peuple avec son D.

Un Seder à la croisée de la tradition et de la modernité.



Face au dilemme posé par l'assimilation, Herzl propose une lecture de la vie juive qui se trouve entièrement libérée du carcan de l'exil.

En effet, selon Herzl, reprenant en cela les tenants de la Wissenschaft des Judentums, l'école historique judéo-allemande du début du 19e, le lien avec la terre d'origine a été maintenu grâce à la pratique religieuse et à la persévérance des rabbins dans les temps d'exil et de persécutions.

Le retour en erets Yisra'el fait du peuple juif un peuple à la fois comme les autres, et distinct en même temps puisque son passé marqué par la persécution le rend capable de dépasser les conflits entre nationalités.

Altneuland témoigne de la fidélité de Herzl à la tradition dans un contexte européen où la néo-orthodoxie de Hirsch s'opposait à la réforme engagée.


Herzl retrace ensuite l'histoire des débuts – romancés – du retour en Israel, sous la forme d'un discours d'un des pères fondateurs, Joseph Lévy, directeur générale de la chambre d'industrie.

Ce tableau historique imaginaire n'en révèle pas moins le dualité du projet sioniste qui est tant une réponse à l'antisémitisme qu'une restauration fondée sur des principes de paix et de progrès.

La « société nouvelle pour le peuplement de la Palestine », crée en vue d'un retour du peuple juif sur sa terre, signe un accord avec la puissance tutélaire, les autorités turques, qui prévoit le versement initial de 2 millions de livres sterling – la monnaie internationale et la plus chère de l'époque – ainsi qu'un versement de 1,5 millions par an pendant 30 années, complété d'un quart des recettes de la « société nouvelle » à destination du Trésor ottoman.

Il s'agit là d'une étonnante inversion du postulat antisémite d'un goût perverti du peuple juif pour la thésaurisation, le capital et le refus du travail de la terre. La liberté achetée à prix d'or et l'effort continu des Juifs sionistes pour créer de rien leur pays sur leur terre sont deux réponses en quelques sortes aux accusations sordides dont les juifs viennois étaient l'objet.

L'achat des terres est aussi une réponse indirecte au monde musulman, dans la mesure où le sionisme n'est pas une conquête mais une participation au progrès selon des bases légales.

La « société nouvelle », société par actions, deviendra précisément une « société coopérative » une fois l'établissement juif garanti, afin d'en assurer la pérenité, et de trouver un « un équilibre entre le capital et le travail ». Allusion aux conditions sociales dramatiques que les ouvriers connaissaient en Europe à cette époque.

La restauration se manifeste par l'achat de terres, puis de plantes, de matériel agricole, de biens de consommation, permettant la création d'infrastructures, le percement d'un canal entre la Mer Morte et la Mer rouge pour produire de l'électricité.

Le souhait de Herzl était précisément, par l'intermédiaire de Joe Lévy, de faire de cette aliyah un retour définitif, et non uniquement un refuge temporaire. Des ingénieurs et des techniciens y travaillent d'arrache-pied, afin de faire en sorte que les premiers immigrants puissent dès leur arrivée se sentir chez eux et à leur tour participer à la réussite de la nouvelle société juive.

En revanche, nous nous trouvions dans notre patrie, notre terre... Les gens que nous nourrissions créaient en même temps les moyens futurs de subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs successeurs.

Une société ouverte, pionnière, active : La confession ou la nationalité ne fut jamais prise en compte. Tous ceux qui voulaient travailler la terre d'Israel était bienvenu.

Car le but est explicite : Il était question d'ériger une véritable république moderne, fondée sur l'éducation par l'art, sur la réforme agraire, sur la mise en oeuvre de l'égalité, sur les droits sociaux, sur le rôle de la femme dans une société civilisée, sur le développement des techniques scientifiques et appliquées,...

Il est saisissant de constater que l'innovation constitue pleinement l'identité israélienne contemporaine. Si pour Herzl, les véritables fondateurs d'Altneuland ont été les ingénieurs en hydrologie, car du drainage des marais, de l'irrigation, ou encore de la construction de barrages, a pu être menée cette vie nouvelle pour le peuple juif et tout ceux qui veulent participer à cette société nouvelle, active et égalitaire.

Les progrès ressemblèrent à un printemps rapide, tel qu'on le voit dans la nature quand les arbres desséchés commencent soudainement à reverdir. Et chaque jour marquait la rapidité de notre progrès... Et c'est ainsi que le lait et le miel purent couler à nouveau dans la patrie des Juifs, et elle était à nouveau ce qu'elle avait été : la Terre Promise.

Le sionisme est souvent, trop souvent présenté comme une idéologie. À ce titre, il ne serait qu'un interprétation du monde, une simple idée guidant les actions des hommes, un projet déraciné et presque dangereux.

Or, comme il le souligne dans ce roman programmatique, Herzl tient à rappeler que le mouvement sioniste n'est pas un mouvement politique, ce n'est pas une théorie. C'est la prise en main par le peuple juif de son propre destin.

Loin de toutes les disqualifications morales dont les pseudo-justiciers des droits de l'homme accablent généralement le sionisme, le retour en Israel du peuple juif contient en lui-même un impensable pour les cultures qui l'ont opprimé pendant des siècles et réduit à un archétype négatif : le peuple juif acquiert sa liberté.

Les multiples et incessantes campagnes de dénigrement, de calomnies et de haine qui ponctuent, aujourd'hui encore, le temps médiatique, s'avèrent être l'indice évident que cette limite, dans la pensée collective, à la compréhension du sionisme et de la réalité d'Israel, est pleinement un obstacle à la paix.

En humaniste, Herzl pensait que l'exemplarité du sionisme, son extraordinaire force de mobilisation des énergies individuelles dévouées au bien commun, auraient raison de l'irrationalité de la haine antijuive.

Car il pensait que : la difficulté de l'entreprise ne nous a pas écrasés, elle nous a régénérés.

Contre tous xeux qui encore tiennent à scinder le judaïsme du sionisme, Herzl montre avec conviction que le sionisme est pleinement le fruit de la créativité du judaïsme moderne.


Partager cet article
Repost0
21 septembre 2009 1 21 /09 /septembre /2009 11:50

1er épisode :http://aschkel.over-blog.com/article-35735696.html
2
eme épisode : http://aschkel.over-blog.com/article-36018532.html


Tous mes remerciements à Sacha



Les débats historiographiques concernant le sionisme sont, aujourd'hui encore, hésitant à affirmer la nature pleinement politique et assimilée du mouvement, ou au contraire sa dimension religieuse et traditionaliste. Chacune des analyses ayant des implications politiques ou idéologiques contemporaines qui relèvent soit de la défense d'Israel, soit de sa contestation radicale.

Fin lecteur d'Alkalai et des sionistes religieux, et fin connaisseur de la pensée politique européenne moderne, Herzl est également convaincu que la forme moderne d'une souveraineté juive doit passer par l'intégration d'une norme politique commune. La racine religieuse restant l'assise de l'affirmation politique du peuple juif. L'institution politique restaurée sa meilleure défense.

Pour Herzl, la portée du sionisme va bien au-delà de la survie du peuple juif. Il est levier d'émancipation et de progrès pour tous les peuples, pour les peuples noirs ou les peuple arabe, enchainé dans des siècles de despotisme et de tyrannie dont l'état misérable des arabes de Palestine témoignait pour Herzl, lors de son séjour en Erets en 1898.

Altneuland est d'une étonnante actualité. Cette émancipation réalisée, qui aujourd'hui, en constatant les écarts de niveau de vie entre Arabes israéliens et Arabes syriens notamment, ne peut que lui donner raison dans son approche universaliste du sionisme, qu'il définit dans le troisième Livre du roman.

SACHA BERGHEIM 

___




File:Altneuland.jpg

Les voyageurs sont invités à se rendre à Tibériade pour fêter le Seder de Pessah en famille, en compagnie de Reshid Bey et de l'architecte Steineck et d'autres invités.

Sur le trajet, les voyageurs aperçoivent la vie en Israel, le multiculturalisme et l'organisation des nouveaux villages.

Une réalité nouvelle que Sarah, la femme de David, résume avec force : La vie ici a plus de saveur que partout ailleurs... C'est un vrai jardin d'Eden.

Herzl décrit les cultures maraîchères d'exportation qui sont produites dans les villages à proximité des villes, notamment dans la vallées de Yezreel. Une richesse due au travail et à l'organisation des villages en corporations, incluant Juifs et Arabes.

Or, ce multiculturalisme que les ennemis d'Israel ne veulent concevoir au nom d'une antériorité de la présence arabe, est l'illustration de l'ouverture intrinsèque du sionisme. Comme le précise Reshid Bey, il y avait déjà une civilisation, du moins de façon rudimentaire. Mon père avait planté des orangers. [...] Mais il est vrai que nos rendements on augmenté depuis que nous disposons de voie de communication vers le monde entier. Et tout cela n'a pris de la valeur qu'avec l'immigration juive.

Contrairement à une idée généralement répandue, Herzl n'ignore pas la part arabe de la population, et à nouveau, le roman paraît tout à fait visionnaire lorsqu'il décrit l'amélioration des conditions de vie des bédouins et des Arabes sous l'impulsion sioniste.

Une réalité à l'oeuvre de nos jours, et qui partait des impressions laissées sur Herzl par le voyage de 1898 en terre d'Israel.

Kingscourt demande : Est-ce que les habitants de la palestine n'ont pas dû partir? Je veux dire que si une partie y trouve son compte, cela ne prouve pas que l'ensemble ait trouvé le sien.

À quoi Reshid Bey répond : Pour nous ce fut une vraie bénédiction.

Face à la réaction circonspecte des visiteurs, Reshid Bey décrit la situation antérieure :

Les gens ne possédaient rien ; c'est sûr qu'ils n'avaient alors rien à perdre. Alors que dans le nouveau système, ils y ont tout gagné, des opportunités de trouver du travail, de quoi se nourrir, pouvoir savourer le bien-être. Cela n'a plus rien à voir avec les misérables villages arabes de la fin du 19e siècle. Les habitants demeuraient dans des maisons en torchis qu'on aurait à peine laissé aux animaux...

Herzl – historien a alors en tête les images de ces pionniers des mouvements Bilu ou Ahavat Tsion qui ont draîné les marais du pays, construit des canaux, assaini la terre.

 

Reshid Bey ajoute, désignant des champs autour d'eux : Je me souviens encore que dans mon enfance, il n'y avait ici que des marais. Ces pauvres gens sont depuis bien plus heureux. Rien de leur croyance ou de leur mode de vie n'a été changé. Dans l'esprit de Herzl, les lieux de culte sont considérés comme res sacrae, les synagogues côtoient les mosquées et les églises en harmonie.

Kingscourt: Mais ces musulmans ne voient -il pas ces juifs comme des intrus ?

Herzl – optimiste pensait sans doute que les idéologies ne prendraient pas le pas sur le progrès ou la paix : Est-ce que vous considéreriez comme un bandit quelqu'un qui ne vous prend rien et vous apporte tout ? Les Juifs nous ont permis de nous enrichir, pourquoi devrions-nous leur en vouloir? Ils vivent avec nous comme des frères. Je n'ai jamais eu parmi mes corréligionnaires un ami comme David Littwak. Tous ces lieux de culte se tiennent côte à côte, et je crois que nos prières rejoignent le même chemin dans le ciel.



Le sionisme de Herzl est un hymne à la fraternité et à la terre.

Ce que l'on ne savait pas, c'était combien notre cher pays était beau. Certainement, beaucoup a été fait grâce au travail et à la mise en culture, mais le charme naturel de ce don de D. est resté pendant tant de siècles ignoré, oublié. D. a béni notre terre.



Dans Altneuland, Herzl tient aussi à retracer les débuts difficiles du sionisme, et notamment l'opposition de certaines autorités rabbiniques : pour eux, Sion était partout sauf précisément là où est Sion.

Question toujours débattue de la restauration territoriale du peuple, à laquelle Herzl offre une réponse nuancée, rappelant les premières années du mouvement politique. C'est à cette occasion qu'il formule la critique la plus vive envers certaines élites juives européennes, parmi les plus assimilées, pour qui l'intérêt matériel avait conduit à un déni culturel des plus funestes. Car à cette époque, lors des débuts amers, dans le ghetto, l'idée nationale ne convenait pas aux plus riches d'entre nous. C'est alors qu'ils ont inventé une fable, selon laquelle le judaïsme avait pour but d'enseigner aux peuples. En raison de quoi il faudrait vivre dispersés.

Décrivant la nouvelle société, Herzl choisit le principe de la libre association, orientée vers un but progressiste et émancipateur. D'où le fait que l'État pour les Juifs qu'il souhaite n'est pas un État peuplé de seuls Juifs, mais une Communauté ouverte, partage  :

Si quelqu'un s'associe à nous, s'il reconnaît notre société, s'il en accepte les devoirs, alors il profitera de tous les droits que nous avons; notre devise doit être et devra rester : Homme, tu es mon frère. La force de ce pays ce sont ces gens qui travaillent à le construire.



D'où l'attitude de Löwenberg qui se rend compte de la futilité de ses vingt années passées loin de toute réalisation, par pur égoïsme: je vois maintenant que j'ai manqué de faire mon devoir. J'aurais pu y participer, j'aurais dû participer à cette oeuvre merveilleuse de renaissance nationale. Mais il avait donné sa parole à Kingscourt de renoncer au monde.



Après avoir parcouru ensuite des étendues de champs de sésame, tournesol, blé, maïs, les visiteurs découvrent Tibérias, devenue une ville thermale aussi renommée que la Riviera française. Ils rencontrent les parents Littwak, ainsi que le frère de l'architecte Steinecke. Ce dernier est professeur dans un institut en virologie qui pratique une recherche appliquée notamment dans le domaine de la malaria, dont les futurs traitements seront partagés en particulier avec l'Afrique.

De façon tout à fait révolutionnaire à son époque et en opposition définitive avec le colonialisme,Herzl se fait par l'intermédiaire de Steinecke le défenseur de l'émancipation noire et la paix dans le monde.

Il y a encore dans le monde une question, celle du malheur des peuples noirs, que seul un Juif peut comprendre dans sa douleureuse étendue. Je n'ai pas honte de dire, quand bien même on me trouverait ridicule : après avoir vécu l'émancipation des Juifs, je voudrais avoir ma part dans l'émancipation des Noirs. C'est pourquoi je travaille à la mse en valeur de l'Afrique. Chaque homme doit vivre dans sa patrie. C'est alors qu'ils deviendront plus bienveillant les uns avec les autres.



Löwenberg, qui retrouve la classe moyenne juive viennoise qu'il avait quittée des années auparavant, s'étonne de la disparition de l'antisémitisme.

Là s'exprime sans doute l'optimisme de Herzl, ainsi que la dimension utopique de son roman.

En effet, Herzl agit et pense en pragmatique : l'antisémite perd sa force dès lors qu'il perd ses motifs les plus visibles. Moins de concurrence pour les marchands chrétiens, donc fin du motif économique. Moins de prolétariat juif misérable, donc fin du motif sociologique (criminalité).

Le cercle de l'accusation et de la persécution cesse de se refermer sur les communautés chassées d'une région à l'autre de l'Europe. Et même l'absence des Juifs en Europe laisse apparaître avec plus de lumière leur apport au progrès, et les peuples commencent à regarder le peuple juif différemment, comme un égal, comme un peuple ayant réalisé sa renaissance par le travail et la dignité. Car les pionniers du peuple juif en sont d'autant plus capables qu'ils se trouvent sous la protection de la maison d'Israel dont le travail gratifiant sert la liberté et l'honneur du peuple juif.

Partager cet article
Repost0
13 septembre 2009 7 13 /09 /septembre /2009 15:14



1er épisode :http://aschkel.over-blog.com/article-35735696.html

Herzl est généralement connu à travers des raccourcis où le fondateur du sionisme pragmatique ne serait qu'un Juif assimilé doublé d'un opportuniste, oscillant entre l'option ougandaise et les flatteries de Juif de cour auprès des puissants, du sultan Abdülhamid II et de l'empereur Guillaume II à l'antisémite ministre de l'intérieur russe Plehve.

Qui plus est, en ces temps de judéophobie parée de l'alibi antisioniste, Herzl devient l'incarnation du colonisateur cynique, à l'origine d'une invention déracinée, le sionisme.

Pour autant, en 1902 paraissait à Leipzig, deux ans avant qu'il ne décède, un roman intitulé Altneuland, dont le sous-titre faisait office de programme : « Si vous le voulez, ce ne sera pas un rêve. »

Nous vous proposons un parcours dans ce roman, afin de découvrir ou re-découvrir la pensée de Herzl et son humanisme pétri d'attachement au peuple juif.

En 1897, le Premier Congrès Sioniste de Bâle marque la naissance du mouvement sioniste pragmatique. Pour son initiateur, Theodor Herzl, cela semblait improbable, mais cinquante années plus tard, ce n'était plus un projet, c'était une réalité.

En 1902, il publiait 
Altneuland, un roman qui prenait pour thème la restauration du peuple juif sur sa terre. 
Roman utopique, pour les contemporains de l'auteur, roman quasi prophétique, pour nous, alors que nous avons fêté les soixante ans de l'Etat pour les Juifs tant espéré par Herzl.

Je vous propose de partir en cinq étapes à la découverte de ce roman, plutôt méconnu, où l'analyse de la société juive ashkénaze dans l'Empire austro-hongrois s'associe avec un attachement délicat et indéfectible à la terre d'Israel et à la renaissance nationale et culturelle du peuple juif.


SACHA BERGHEIM








File:Altneuland.jpg


ALTNEULAND

de

THEODOR HERZL
2ème Episode
 


Résigné, Löwenberg se décide à suivre un certain N.O.Body, pseudonyme derrière lequel se cache, Kingscourt, un allemand originaire de Prusse qui a fait fortune aux Etats-Unis et qui, las du comportement des hommes, a choisi de vivre retiré du monde au coeur d'une île du Pacifique.

Après vingt années de rupture avec la monde, le yacht de Kingscourt se retrouve en Mer rouge.

Nous sommes en 1923 et les deux amis, Kingscourt et Löwenberg sont curieux de découvrir ce que l'Europe est devenue. Bien sûr, au moment où Herzl écrit son roman, il n'est pas question d'une guerre mondiale.

A Port-Saïd, ils sont surpris d'apprendre que les bateaux ne passent plus vraiment à travers le canal de Suez. Comment les trajets entre l'Europe et l'Asie se faisaient-ils alors ?

Un capitaine de navire allemand leur en donne la clé: le trafic entre l'Europe et l'Asie empruntait depuis une nouvelle voie : la Palestine.

Incrédules, ils précisent : Nous sommes partis depuis longtemps. Nous avons connu la Palestine comme un pays désert.

Le capitaine leur répond en riant : – Un pays désert ?... Vous trouverez à Haifa et à Jaffa les navires les plus rapides pour rejoindre les ports européens ou américains.

Kingscourt demande alors à Löwenberg : Qu'en pensez-vous ? Ne devrions nous pas visiter une nouvelle fois le pays de vos aïeux ?



Nous sommes au printemps 1923, et à peine aperçoit-il la terre d'Israel depuis le navire que Löwenberg s'exclame : Un miracle s'est produit !

Vingt ans après leur première visite, vingt ans après avoir quitté l'Europe dévorée par la judéophobie, les deux hommes découvrent une toute autre réalité.

À peine descendus de leur bateau, les yeux ébahis, et la mine un peu empruntée, ils sont abordés par un homme qui les a observé avec une curiosité similaire :

Êtes-vous le Docteur Friedrich Löwenberg ?

Stupéfait qu'on puisse connaître son nom, ou même encore s'en souvenir, ce dernier acquiesce avant de demander: Mais qui êtes-vous ?

–  Sans doute ne vous souvenez vous plus de moi. Je suis David Littwak, répond l'inconnu.

–  Le garçon qui se tenait devant le café Birkenreis ?

–  Oui, celui que vous avez sauvé de la misère avec ses parents et sa soeur.

David Littwak, le gamin de Vienne qui était parvenu à demander au serveur du café Birkenreis que le Dr Löwenberg était décédé en montagne, et qui, depuis, chaque années, respectait la Jahrzeit avec sa famille.

Commence alors une découverte de la ville moderne d'Haifa, faite d'étonnement renouvellée et de sincère admiration : la place des peuples, au nom évocateur, les palmiers, l'éclairage public électrique, les bâtiments, les voitures, les trams, tout attise la curiosité des deux voyageurs, fixant la foule à se mêlait des hommes du monde entier, des Arabes, des Perses, des Chinois, des Européens.

Tout à coup, Löwenberg reconnaît Schiffmann, présent lui aussi en terre d'Israel, comme « beaucoup d'autres Juifs de toutes les villes et de tous les pays ».



Löwenberg ne peut alors s'empêcher de demander comment cela a-t-il pu être possible ?

Schiffmann lui rappelle alors:

Les persécutions étaient sociales et économiques. Les magasins boycottés, les ouvriers affamés, les Juifs proscrits des professions libérales, sans parler des brimades et des souffrances morales qu'un Juif éduqué devait supporter au tournant du siècle. La judéophobie s'était répandue tant avec des nouveaux alibis qu'en se parant des plus anciens. Les progroms reprirent, et en même temps, on disait aussi que les Juifs empoisonnait la presse – comme au Moyen-Âge on les accusait d'empoisonner les puits –. Haïs par les ouvriers, qui leur reprochaient de prendre leur travail, quand ils étaient ouvriers, exploiteur et profiteur quand ils étaient patrons. Riches ou pauvres, ils étaient haïs de la même façon. Ils furent exclus des emplois publics. Partout dans le pays, ils étaient persécutés. Dans pareilles circonstances, il était clair qu'ils devenaient les ennemis d'une société pétrie d'injustice. En arrivant ici, nous nous sommes sauvés.



En quelques phrases, Herzl dresse de façon saisissante le portrait de la société mitteleuropéenne de la fin du 19e siècle, et anticipe l'accentuation de cette haine antijuive dont le national-socialisme sera l'expression la plus cruelle et la plus meurtrière.

Ce que nous révèle Altneuland dans la pensée de Herzl, c'est qu'il attribue au mouvement sioniste, non pas le principe du retour en terre d'Israel, que la tâche urgente d'assurer la survie du peuple juif. Mais pas seulement. Et c'est bien sur ce point que l'auteur se distingue d'un pur idéologue.

Sur notre terre, qui nous est chère, nous avons reconstruit une nouvelle société.

C'est la terre de nos pères.

Si l'hostilité européenne envers les Juifs lui semble définitive, il considère pour autant la renaissance culturelle du peuple juif sur sa terre serait à même de contribuer à forger une nouvelle identité. Reprenant en cela les thématiques de la régénération développée à la fin du 18e siècle, il envisage le projet sioniste comme un projet à valeur humaniste et universel. C'est un nouveau modèle de société qu'il aspire de ses voeux et qui est en mesure de lever les nationalismes.

Un paradoxe, sans doute, puisque le sionisme est une restauration nationale, mais il illustre cet appel à la fraternité à travers différents personnages comme Reshid Bey, arabe de Haifa et ami de David.

Son père a tout de suite compris l'intérêt d'une immigration juive. Il a participé à notre développement économique et il est devenu riche. Du reste, Rashid est aussi un membre à part entière de notre nouvelle société.



David Littwak incarne à lui seul cette mutation : le garçon misérable, subissant la conditio judaicad'Europe centrale dans toute sa dureté, est devenu un pionnier instruit, ouvert, dévoué à l'accomplissement de cette renaissance du peuple juif sur sa terre. Marié à Sarah et père d'un petit garçon, il a émigré d'Europe avec ses parents et sa soeur qui enseigne désormais le français et l'anglais dans un établissement pour jeunes filles.

Une situation qui n'aurait pas été possible ni même simplement concevable en Europe.

Commence alors la découverte du fonctionnement de la nouvelle société, fondée sur l'ouverture et le travail. Quiconque y est admis dès lors qu'il participe à l'amélioration de cette société.

La conception économique qui prévaut est celle d'une économie de marché associée à une structure coopérative. La terre est propriété de la nouvelle société, allouée aux membres pour une durée de 49 ans afin de prévenir la paupérisation et la spéculation foncière, selon le principe bien connu de l'année jubilaire.

Associant ingénieurs et paysans, chercheurs et ouvriers, cette société qui fait écho de façon remarquable à la société israélienne contemporaine, est fondée sur l'éducation et la santé, ainsi que la liberté de pensée et de presse.

L'intuition de Herzl réside précisément dans le fait que le renouveau juif est en lui-même porteur de valeurs et d'action, et que le sionisme ne pourrait jamais réussir une telle entreprise en n'étant fondé que sur une réaction à l'antisémitisme.

Et c'est là dans ce roman que s'exprime avec le plus d'enthousiasme le sionisme de Herzl.


3ème épisode lundi prochain

Partager cet article
Repost0
6 septembre 2009 7 06 /09 /septembre /2009 08:25

Parallèlement à la tentative -toujours périlleuse- de ne pas nous laisser noyés par les tumultes de l'actualité, nos blogs, aschkel.over-blog et Lessakel collaborent avec des pages qui nous rappellent qu'on ne peut comprendre le présent sans connaître les processus originels. C'est ce que fait, de main de maître, l'ami Sacha, sur : http://contrecourant1.wordpress.com/De concert avec lui, nous publions, en hebdomadaire, les cinq volets de son enquête passionnante sur la pensée de Théodore Herzl, ici introduite par une présentation d'Elie King. Bonne lecture à tous!.
Aussi sur http://lessakele.over-blog.fr/article-35737574.html

 

Par Elie Kling
http://www.actu.co.il/2009/08/herzl-une-nouvelle-et-indispensable-relecture/ 


La simple évocation de certains noms de personnages de l’histoire juive, aujourd’hui pourtant disparus, provoque encore chez certains d’entre nous des réactions extrêmes, voire carrément hystériques.

Je me souviens par exemple d’un cours que je donnais un jour dans la synagogue d’un hôtel à Eilat. On m’y avait invité pour animer le Seder et la fête de Pessah’. Je ne sais plus dans quel contexte j’ai mentionné le nom du fondateur du sionisme politique, Théodore Herzl. Aussitôt, l’un des participants se leva, rouge de colère, et se dirigea sans mot dire vers l’Arche Sainte pour la recouvrir d’un Talith. A l’assistance qui, tout comme moi, n’avait pas compris ce qui avait provoqué chez lui cette réaction surprenante, il expliqua, contenant difficilement son émotion: « Il est des noms qu’on ne prononce pas dans une synagogue! »… Apres la conférence et jugeant que notre homme avait probablement eu le temps de se calmer, j’allais le trouver pour m’excuser d’avoir pu le choquer et j’en profitais pour lui demander s’il aurait eu la même conduite pour le cas où j’aurais cité Spinoza ou Marx (Karl, pas Groucho).

-         Vous savez bien que ce n’est pas pareil, me répondit-il, excédé à nouveau par ce qu’il pensait être de ma part de l’évidente mauvaise foi!…

Binyamin-Zeev-Théodore Herzl est mort le 3 juillet 1904, à l’âge de 44 ans. Plus d’un siècle après, que savons-nous réellement de celui que les manuels d’histoire en Israël appellent « le visionnaire de l’Etat Juif »? Je suppose que si nous leur posions la question, beaucoup de Juifs, israéliens ou non, répondraient quelque chose du genre: « Herzl fut un juif assimilé, journaliste en poste à Paris, secoué par la dégradation du capitaine Dreyfus, et qui fut amené à chercher une réponse à l’antisémitisme sous la forme d’un refuge territorial quelconque pour le peuple juif, n’importe lequel faisant l’affaire ». Encore que je soupçonne que mon petit juif irascible d’Eilat aurait été plus direct encore (si tant est qu’il eût été en mesure de me répondre malgré son indignation). J’imagine fort bien de sa part une réponse ressemblant plutôt à ceci: « Herzl, juif honteux, n’avait qu’un but: la disparition du peuple juif. Au départ, il aurait souhaité convertir tout le monde au catholicisme mais se rendant compte des difficultés de la tâche, il opta pour une assimilation collective sous la forme d’un mouvement qu’il appela « sionisme » pour mieux masquer son objectif… »

En effet, on m’a fait récemment remarqué que certaines vidéos propageant ce même message et commentées par de respectables rabbins, circulaient en ce moment sur le net. J’ai visionné l’une d’entre elles et le moins que je puisse en dire avec certitude est que leurs auteurs n’ont jamais lu intégralement le moindre ouvrage du journaliste viennois (je n’ose en effet imaginer que l’ayant lu, c’est sciemment qu’ils déforment ainsi la réalité et lui font un tel procès d’intention). Reste à espérer que lesdits rabbins se renseignent davantage sur leur sujet avant de légiférer sur une question de Halakha, par exemple. Quoique pour reprendre une expression du regretté Pierre Desproges : »Si les gens ne parlaient que de ce qu’ils connaissent, est-ce que les communistes parleraient de liberté? »

Tout ceci, chers lecteurs, pour vous dire avec quel bonheur j’accueille la sortie de l’ouvrage de Georges WEISZ, « Théodore Herzl, une nouvelle lecture » paru chez « l’Harmattan ».

Weisz, sans jamais avoir partagé le virulent message véhiculé par les vidéos susmentionnées, avait sur le journaliste viennois, comme la plupart d’entre nous, les idées reçues contenues dans les lignes précédentes. Or, par une belle journée de l’été 1998, allongé sur une chaise longue au bord d’une magnifique piscine d’un Kibboutz de Haute Galilée, notre homme relisait distraitement le (seul) roman de Théodore Herzl, l’Altneuland, dans la traduction française de Paul Giniewski. Il fut alors stupéfait de découvrir à quel point les idées du fondateur du sionisme politique, telles qu’elles apparaissaient dans l’ouvrage, étaient éloignées de celles que l’on était en droit d’attendre de la part de ce Juif profondément assimilé qui constituait l’essentiel de l’image que Weisz en avait alors. De retour chez lui, l’ami Georges se précipita sur les autres ouvrages d’Herzl: le  »Judenstaat », bien sûr, mais aussi et surtout, son  fameux Journal, ainsi que ses autres écrits sionistes. Sa conviction était faite: l’homme qui avait réussi à placer sur la scène de la diplomatie internationale l’émouvante mais jusqu’alors irréalisable idée d’un retour en masse des juifs sur leur terre, n’était pas celui qu’on lui avait décrit jusque là. Certes, « cela n’en fait toujours pas un Hassid de Lijnask », comme aurait dit mon grand père, mais on est quand même très loin de l’image du juif déjudaïsé qui reste la sienne dans la conscience populaire d’Israël. Restait alors à savoir qui, comment, à quel moment et surtout pourquoi, on avait brossé d’Herzl un portrait tant éloigné de la réalité. L’ouvrage de Weisz est donc à la fois une tentative de réhabiliter l’homme, ou plutôt de lui rendre sa véritable image, et un acte d’accusation contre ceux qui se sont complaisamment portés volontaires pour jouer le rôle de son miroir déformant. Les premiers visés sont les historiens et penseurs laïques, sionistes ou non, qui avaient intérêt à créer un leader à leur image. Suivent ensuite tous ceux qui, opposés à ses thèses, furent trop heureux de leur emboîter le pas sans prendre la peine de vérifier les sources et donc l’authenticité du récit qu’ils en faisaient.

A lire le livre de Weisz, on apprend que Shimon Leibl, le grand père de Théodore était h’azan de la petite communauté de Zemlin dont le rabbin était alors le fameux rav Alkalaï, précurseur de l’idée que le temps était venu d’organiser le grand retour des Juifs sur leur terre; que son père, Yakob, fréquentait régulièrement la grande synagogue orthodoxe de Budapest et que Théodore y célébrera sa bar-Mitsva en lisant le maftir et en récitant la haftara « d’une voix forte et assurée ». On s’aperçoit aussi qu’Herzl a suivi des cours d’enseignement religieux dans une école primaire juive (on peut lire sur son bulletin scolaire que: « Théodore obtient de bonnes notes en matières hébraïques et d’excellents résultats en matières religieuses »), qu’il quitta le collège technique pour marquer son indignation devant une réflexion antisémite de l’un de ses professeurs, qu’il claqua violemment la porte de l’association des étudiants de laquelle il faisait partie suite à une soirée d’hommage à Wagner qui dégénéra en manif antisémite ( »se taire, c’est être complice », écrira-t-il dans sa lettre de démission), qu’il insulta un professeur de l’Université de Berlin dans une critique du livre antisémite que celui-ci venait d’écrire sur les Juifs ( »quand un esprit aussi cultivé… peut sortir un tel fatras d’infâmes stupidités, que peut-on espérer de la populace illettrée? ») et qu’il est obsédé par la question juive bien avant l’Affaire Dreyfus! On apprend aussi, malgré l’adoption provisoire au 6eme Congrès de la fameuse proposition ougandaise, à quel point Herzl est viscéralement lié à Erets Israël, qu’il appelle souvent en hébreu: « Erets Avosseinou », la terre de nos ancêtres! On est bien loin du Juif honteux et déjudaïsé que décrivent ses détracteurs ou ses biographes.

Parlons-en  de ses biographes! Chercheraient-ils à vouloir vider le projet herzlien de toute dimension juive qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. Jugez plutôt: le mercredi 25 Août 1897, Herzl arrive à Bâle pour veiller aux derniers préparatifs du 1er Congrès Sioniste qui doit s’ouvrir dimanche 29.  Chabbat, il se rend à la synagogue où il est appelé à la Thora. Voici le récit qu’il en fait dans son Journal, une semaine plus tard, dans le train qui le ramène à Vienne: « J’ai demandé à un ami de m’apprendre les « brokhès » (Herzl utilise le terme hébraïque retranscrit avec la prononciation ashkénaze. Herzl qui n’était plus monté à la Torah depuis fort longtemps avait oublié les paroles) et lorsque je suis monté à la Bima, j’étais plus tendu que pendant tout le congrès. Les quelques mots hébraïques de la Brokhé m’ont serré la gorge d’émotion plus encore que le discours d’ouverture et de fermeture du Congrès ou que durant la conduite des débats ». Or voici comment les 3 biographes classiques de Herzl rendent compte de l’événement et de sa charge émotive. Amos Elon parle de l’anxiété, du trac, ressenti par Herzl avant de réciter la difficile formule liturgique. Pawel affirme qu’il s’agit là d’une corvée assez désagréable que s’était imposée Herzl pour se concilier des Juifs religieux: « Il réussit à apprendre par cœur les quelques mots de la prière hébraïque, ce qui, se plaindra-t-il dans son Journal, lui arracha beaucoup plus de sueur que tout un long discours »! Quant à Alex Bein, il décide tout simplement de ne pas mentionner l’événement…

Et pourtant, le lendemain de son émouvante visite à la synagogue, où il a récité les mots hébreux qui proclament l’élection d’Israël par le don de la Torah, Herzl monte sous les applaudissements à la tribune du congrès ou il va prononcer son premier discours. Perfectionniste, soucieux des moindres détails tout au long de l’organisation de cette première réunion des représentants du Peuple Juif depuis la destruction du Temple de Jérusalem, Herzl, on s’en doute, a écrit et réécrit son discours, fignolé chaque phrase, pesé chaque mot. Or, de ce discours historique, voici quelle fut la première phrase: « Nous sommes pour ainsi dire revenus à la Maison. Le Sionisme est le retour à la Judaïté avant même d’être le retour au Pays des Juifs! »

Heureusement que les annales du Congrès existent toujours pour témoigner de la réalité de cette phrase explosive, la première de ce Congrès qui bouleversera l’Histoire Juive: vous l’aurez deviné, les biographes officiels l’ont tout bonnement oubliée…

Merci donc à Georges Weisz de nous l’avoir rappelé.

Arrêtez-moi si je dis des bêtises…






Comme vient de le rappeler à juste titre Elie King, Herzl est généralement connu à travers des raccourcis où le fondateur du sionisme pragmatique ne serait qu'un Juif assimilé doublé d'un opportuniste, oscillant entre l'option ougandaise et les flatteries de Juif de cour auprès des puissants, du sultan Abdülhamid II et de l'empereur Guillaume II à l'antisémite ministre de l'intérieur russe Plehve.

Qui plus est, en ces temps de judéophobie parée de l'alibi antisioniste, Herzl devient l'incarnation du colonisateur cynique, à l'origine d'une invention déracinée, le sionisme.

Pour autant, en 1902 paraissait à Leipzig, deux ans avant qu'il ne décède, un roman intitulé Altneuland, dont le sous-titre faisait office de programme : « Si vous le voulez, ce ne sera pas un rêve. »

Nous vous proposons un parcours dans ce roman, afin de découvrir ou re-découvrir la pensée de Herzl et son humanisme pétri d'attachement au peuple juif.

En 1897, le Premier Congrès Sioniste de Bâle marque la naissance du mouvement sioniste pragmatique. Pour son initiateur, Theodor Herzl, cela semblait improbable, mais cinquante années plus tard, ce n'était plus un projet, c'était une réalité.

En 1902, il publiait 
Altneuland, un roman qui prenait pour thème la restauration du peuple juif sur sa terre. 
Roman utopique, pour les contemporains de l'auteur, roman quasi prophétique, pour nous, alors que nous avons fêté les soixante ans de l'Etat pour les Juifs tant espéré par Herzl.

Je vous propose de partir en cinq étapes à la découverte de ce roman, plutôt méconnu, où l'analyse de la société juive ashkénaze dans l'Empire austro-hongrois s'associe avec un attachement délicat et indéfectible à la terre d'Israel et à la renaissance nationale et culturelle du peuple juif.


SACHA BERGHEIM




Mille Mercis Cher Sacha, pour ce magnifique cadeau de 5 épisodes fait au blog d'Aschkel et Lessakele.







THEODORE HERZL



File:Altneuland.jpg

ALTNEULAND

de

THEODOR HERZL


C'est une terre qui a marqué chacun des pas loin d'elle, une terre qui marque le passé et qui guide l'avenir de ceux qui désirent la rejoindre. Une terre qui n'était pour beaucoup qu'un souvenir, mais aussi appel et promesse : une invocation.

________________


le Shana haba'a be Yerushalayim ha Bnouyah

________________


Une terre toujours présente dans son absence, une terre, une destination. Une terre, un renouveau. Erets Yisra'el.


Le roman Altneuland de Theodor Herzl est généralement moins connu que son essai sur l'Etat pour les Juifs (Der Judenstaat). Pourtant, c'est sans doute dans ce roman que s'exprime avec le plus de sensibilité et de force l'amour du peuple juif pour sa terre.

Une terre, un pays, ancien et nouveau à la fois. Un pays qui n'est pas inconnu, un pays qui est un défi.

_________________

 

Altneuland

__________________


A l'instar des romans de Schnitzler ou de Roth, c'est dans l'Empire autrichien, plus précisément dans la Vienne impériale que se lève le rideau. Nous sommes en 1902.


Le Dr Friedrich Löwenberg est assis, seul, à une table de marbre, au café Birkenreis qu'il fréquente depuis qu'il est étudiant. Il est perdu dans ses pensées et se souvient de ses amis : Heinrich, qui s'est suicidé, et Oswald, parti au Brésil dans le but d'y fonder un établissement où le prolétariat juif pourrait prospérer, mais il y a contracté la fièvre jaune.


Il pense à sa solitude et à sa situation. Il espère épouser Ernestine Löffler, en vain, car il est ruiné. Un jeune homme l'aborde de façon inopportune, le jeune Schiffmann, qui fait parti également du cercle de connaissance des Löffler. Tous les deux se rendent chez cette famille de la moyenne bourgeoisie juive viennoise sans que Löwenberg ne sache pas qu'il s'agit des fiançailles d'Ernestine avec le fils d'un capitaine d'industrie aisé de Moravie. À peine arrivés, ils sont entourés de cette ambiance festive où les fiançailles peinent à faire oublier ni l'hostilité du monde environnant ni la misère des provinces de l'Est qu'ils ont quittées.


Herzl décrit la situation de ces Juifs, qui à la faveur des Edits de tolérance, ont vu certaines sphères de la société occidentale s'ouvrir timidement à eux, sans qu'ils ne puissent parvenir à une véritable égalité.

Sans cesse dépendant du bon vouloir des administrations pour les protéger, ils hésitent entre la fierté d'être Juif et le mimétisme permettant l'abandon de ce qu'ils vivent comme une marque de ségrégation.


Puis, l'un des invités déclare, au détour d'une conversation concernant les attaques contre les Juifs de Moravie : « Nous allons bientôt devoir porter à nouveau des signes infamants ».

« Il reste aussi la possibilité d'émigrer », déclare un rabbin présent dans l'assemblée.

« Émigrer où? », lui demande-t-on de manière sceptique.

« Depuis quelques années, il y a un mouvement qui s'appelle le mouvement sioniste. Il envisage de trouver une solution à la question de la place des Juifs en organisant une émigration massive, vers notre vieille patrie, vers la Palestine. », ajoute-t-il, laissant les invités pensifs.


La patrie, la terre des Juifs, une idée toujours présente à l'esprit, enfouie dans la mémoire, au profit d'une précaire acceptation dans la société chrétienne. Ce projet n'était-il pas risqué ? Vers un pays lointain ? Retrouverait-on la même vie qu'à Vienne ? Chacun des convives se mit à rire en pensant qu'ils postuleraient tous pour de devenir ambassadeur du nouvel Etat juif en Autriche.


À peine sorti, Löwenberg reprit le chemin du café Birkenreis, lieu de sociabilité viennois par excellence. Et il se souvient d'une curieuse annonce que lui avait montré Schiffmann un peu plus tôt : un certain N.O. Body recherchait quelqu'un qui n'avait plus d'attaches et qui souhaitait vivre une dernièr expérience. Il se décide à le contacter.


Devant le café, il retrouve le jeune garçon qui mendiait dans le froid, accompagné de son père. Löwenberg les aborde et prend le parti de venir avec eux. Il découvre alors la misère de cette famille venue de Galicie pour trouver du travail. La maman malade, le père, un homme bon et pieux, et le fils, courageux et fervent sioniste.


La première partie du roman de Herzl sait avec brio faire naître une curiosité pour chacun de ces personnages, chacun de ses héros à leur façon. Individualisé avec précision, chaque personnage est aussi représentatif de la situation du judaïsme germanique, à la croisée du modèle assimilationniste et des ferments du renouveau culturel et national présent parmi les communautés de l'Est, de la Galicie à la Russie.


En filigrane se dessine deux moments de l'antisémitisme européen.

On y trouve ces élites de la moyenne bourgeoisie qui ont pu quitter leshtetl à mesure que les administrations levaient péniblement et avec restriction les barrages menant à la liberté. Élites qui penseront qu'en taisant leur judéité ils parviendraient à devenir des citoyens à part entière, et qui vivront le drame de la haine nazie et l'effroi face à l'anéantissement qu'ils espéraient pouvoir éviter.

On y trouve aussi ce « prolétariat », comme on disait à l'époque, cette majorité de la population juive subissant l'arbitraire et la pauvreté, accusée des calmonies les plus insensées. Parlant plutôt yiddish mais maîtrisant les prières hébraïques traditionnelles, ce sont eux qui sont animés du sionisme le plus fervent, en tant qu'il les rattache à leur histoire et représente un espoir d'où il pourrait agir et construire leur avenir.


C'est par l'intermédiaire du personnage du Dr Löwenberg que Herzl parvient à nous faire découvrir ces deux mondes et à rendre la figure du jeune David particulièrement attachante. À partir de ce parcours individuel, Herzl fait de Löwenberg un regard intime et distant à la fois de ce « monde d'hier », comme le décrivait un autre écrivain juif viennois, Stefan Zweig, où toute l'Europe ahkénaze se trouve réunie.

C'est dans cette Vienne qui élira un maire sur un programme antisémite que se concentre la Bukovinie, les Balkans, la Hongrie et la Galicie jusqu'à la Pologne, ce monde vulnérable et prometteur qui trouve dans l'aspiration sioniste une véritable ouverture des portes des ghettos.


À suivre Dimanche prochain le 2ème épisode 

Partager cet article
Repost0

Traducteur/translator

 

 

France  ISREAL  English

Recherche

logo-lien-aschkel-copie-1.jpg

 

France  ISREAL  English
Traduire la page:
By
retour à l'acueil

------------------------------------- 

 

Communication and Information

 

Vous souhaitez 

- proposer un article ?
 - communiquer une info ?

Contactez la rédaction

bOITE-a-mail.jpg

-------------------------------

 

Nous remercions par avance tous ceux

qui soutiendront le site Aschkel.info

par un don

icone paypal

Paiement sécurisé


Consultez les dossiers

Archives

Mon livre d'or

 

 Livre_dor

 


 

Visites depuis la création du site


visitors counter

Catégories