Bien sûr, depuis l’autonomie du Kurdistan en 1991, il y avait eu des répétitions générales. Mais aujourd’hui, c’est une première. Alors, pour inaugurer l’élection au suffrage universel du président de la province et des 111 députés du parlement kurde, la foule est venue en masse. Deux bulletins de votes et un doigt badigeonné d’encre plus tard – pour éviter les fraudes – et voici la province rebelle d’Irak qui s’offre un nouveau départ. Peut-être, une échappée vers l’indépendance. Les résultats ne seront connus que d’ici quelques jours. Mais avec un taux de participation de 78% et vingt-quatre partis politiques en lice, le processus électoral a déjà des allures de victoire démocratique. Un « succès » a conclu le président de la Commission électorale Faraj al Haidari. « C'est la première fois de ma vie que j'ai l'impression de participer à une élection où il existe plusieurs choix et une vraie concurrence », a indiqué à l'AFP Ziz Hassan, un ingénieur de 44 ans, devant un bureau de vote à Souleimaniyeh, la deuxième ville du Kurdistan. Au moment du dépouillement les premières surprises apparaissent. A Souleimaniyeh, la jeune liste d’opposition Gorran semble avoir damné le pion à la liste « Kurdistania », menée par les mammouths politiques du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et de l’Union patriotique du Kurdistan (UDK). Représentés par l’actuel président du Kurdistan Massoud Barzani (PDK- conservateur) et le président du Parlement kurde et président d’Irak Jalal Talabani (UDK- libéral), les deux poids lourds du Kurdistan sont contestés par une société civile naissante. Si la jeune garde de Gorran, « changement » en kurde, menée par Noucherwan Moustapha reconnaît à ces poids lourds d’avoir lutté contre le régime autoritaire de Saddam Hussein, ils s’en prennent aux vieilles traditions claniques au Kurdistan et à la généralisation de la corruption. Malgré cette nouvelle offre politique, les sondages indiquent que le président sortant Massoud Barzani, 63 ans, devrait être reconduit dans ses fonctions. Si tel était le cas, le président pourrait se targuer du succès de son credo : plus d’autonomie pour le Kurdistan irakien. Branle bas de combat contre Bagdad Bagdad ne voit pas d’un très bon œil cet « été des peuples » kurde qui pourrait sonner le glas de l’Etat fédéral. Le Kurdistan, qui contrôle trois des dix-huit gouvernorats d’Irak, possède déjà son drapeau, son hymne national, ses représentations diplomatiques et même un service de sécurité, les Peshmergas. Aujourd’hui, le président Massoud Barzani revendique seize nouveaux secteurs. Dont la ville de Kirkouk, véritable pomme de discorde avec Bagdad. Considérée comme la capitale historique du Kurdistan, Kirkouk regorge de 13% des réserves pétrolières irakiennes. Forts de leur nouvelle légitimité démocratique, les nationalistes Kurdes pourraient s’aventurer à livrer bataille contre le gouvernement irakien. Mais pour le gouvernement, il n’est pas question de laisser cette ville stratégique aux mains des Kurdes. L’eau courante avant l’indépendance Malgré les tensions croissantes entre Bagdad et Erbil, la capitale kurde, l’ouverture d’un conflit est peu envisageable. Pour la majorité des Kurdes, l’amélioration de l’accès à l’eau courante ou à l’électricité passe avant l’indépendance. Et pour Bagdad, la lutte contre l’islamisme arabe est la priorité n°1. Si le parti d’opposition Gorran capte les voix de jeunes qui soutiennent coûte que coûte la cause des indépendantistes, les barons politiques de l’UDK et le PDK préfèrent faire profil bas face à Bagdad. Lundi 13 juillet, le Parlement kurde a reporté la date d’un référendum constitutionnel sur l’annexion des seize provinces revendiquées. Le référendum devait avoir lieu le 25 juillet – jour des élections présidentielles. Sous la pression de Bagdad, il a été ajourné. De son côté, le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, a tendu la main aux kurdes indiquant que ces élections étaient une étape « pour bâtir un Irak démocratique et jouir des richesses du pays dont la dictature [de Saddam Hussein] nous a privées ». Les velléités indépendantistes kurdes achoppent également sur les divisions internes au Kurdistan. Alors que les 40 millions de Kurdes sont éclatés entre la Turquie, l’Irak, la Syrie et l’Iran, la communauté kurde d’Irak est également morcelée. Il y a à peine dix ans, l’UDK et le PDK se livraient une guerre sanglante. Pour ferrailler, ceux-ci n’avaient pas hésité à demander l’aide de l’Iran, pour l’UPK, et de Saddam Hussein, pour le PDK. |
[Mardi 21/07/2009 11:33]