le peuple juif est le seul, dans le monde, que l'on veut renvoyer chez lui en lui interdisant d'y rester
Par Yéochoua SULTAN
Pour aschkel.info et lessakele.
Thomas, Obama, Sand…
Helen Thomas. Si je peux me permettre d'admirer une personne obligée de démissionner à l'âge de 90 ans pour des propos que je dénonce pourtant également, c'est qu'elle ne fait pas partie des «courageux grévistes» qui ailleurs se battent pour travailler le moins possible, et terminer leur carrière, quelle qu'en soit la portée ou l'insignifiance, à 60 années tapantes, pas une minute de plus! Il se pourrait fort bien que sans ce sacré dératé de cette Américaine, elle aurait poursuivi son travail de journaliste et de correspondante à la Maison Blanche jusqu'à 120 ans.
Mardi dernier, elle a refait surface et a confirmé que ses paroles n'avaient que rendu dans la plus grande sincérité la teneur de ses convictions profondes. Son seul regret, exprimé sur les ondes d'une station de l'Ohio, est qu'elle n'avait pas prévu au moment où elle se prononça pour la première fois, au mois de juin dernier, qu'elle allait être contrainte de quitter son poste. Elle s'est insurgée contre la sévérité de la censure qui frappe, selon elle, tous ceux qui se mettent à critiquer Israël, ou, par extension sincère, ceux qui, sans qu'elle ne l'ait précisé, nient la légitimité de son existence.
Pourtant, ce qui n'est pas admis chez elle l'est chez les «ennemis de l'occupant sioniste», les Frères arabes ou Ligues musulmanes en tous genres, qui obtiennent de la part des dirigeants occidentaux et autres médias un regard compatissant et compréhensif quand ils soutiennent: «Pour dédommager les Juifs de ce que vous leur avez fait, au lieu de leur accorder une patrie sur vos terres, vous vous êtes servis chez nous.» Encore cette semaine, nous avons entendu les réactions des mêmes politiciens de France, Russie, et USA, continuer à exprimer leur tristesse envers cette «injustice » en se déclarant profondément choqués que les Juifs osent poursuivre leur construction et publier un appel d'offre pour deux cent quarante malheureux logements.
Alors pourquoi Thomas doit démissionner là où Obama emploie toutes les ruses et toutes les menaces pour tenter en pharaon moderne que les Juifs cessent de croître et de se multiplier sur leur terre? Elle dit simplement: «Rentrez chez vous!», alors que l'autre dit: «N'allez pas chez les autres!» Et qu'on n'objecte pas que ce que dit Mme Thomas est plus grave, car elle leur dit de quitter toute la Palestine, alors qu'Obama semble leur dire de n'en quitter qu'une partie. Quand les membres de l'Olp, Fatah et autres exigent le retour de leurs «réfugies», qui sont des gens parqués et élevés dans des conditions révoltantes, uniquement pour servir de ce que l'on pourrait désigner sous l'appellation d'une nouvelle forme de chair à canon, qui servira, dans cette guerre par invasion latente, à coloniser la terre qui est censée être reconnue aujourd'hui encore en tant qu'Etat d'Israël, aucune pression n'est exercée par l'administration américaine en vue de leur faire renoncer à cette clause, ni à ces «fermes d'élevage» dans lesquelles sont élevés les générations des millions de descendants de gens qui ont ou auraient quitté la Palestine en 48, ces fermes qui ne révoltent aucun Etat bien pensant. La seule différence d'Obama à Thomas, c'est qu'elle a dévoilé le pot aux roses, c'est comme si elle avait dit: «Pourquoi leur dire de ne pas construire à Jérusalem-Est pour ensuite les submerger de plusieurs millions de "soldats" de l'Olp, Fatah et compagnie, autant leur dire tout de suite de quitter la région et de revenir de là où ils sont venus!?»
Une autre question peut se poser ici ; depuis que Mme Thomas a eu trente ans, elle a certainement pris connaissance de l'existence de l'Etat d'Israël. Alors, pourquoi avoir attendu si longtemps? La première piste est celle qui est développée plus haut: l'identification de la cause défendue par les dirigeants américains et européens à la cause des ligues et frères arabo-musulmans à un niveau jamais égalé dans le passé.
Mais d'autres développements s'insinuent en Europe, avant d'être transposés via les universitaires en Amérique. En tant qu'intellectuelle, elle a certainement eu vent de la «thèse » d'un certain Shlomo Sand, qui lui a jeté de la poudre, ou du sable, aux yeux. Une théorie qui se veut compliquée et qu'on hésite à contredire pour ne pas passer pour idiot veut que les Juifs établis en Israël, les Israéliens, ne soient pas les descendants des Judéens expulsés au moment où la Judée fut rebaptisée Palestine, mais les descendants de toutes sortes de peuples aux noms jamais entendus pour beaucoup, comme les quasi fabuleux Khazars, pourquoi pas les Ligures et les Ougarit, qui n'ont quant à eux en principe jamais mis les pieds en Israël. Ce Sand a obtenu pour son idée thomassienne de réinvention du peuple juif les éloges des milieux universitaires français. Il a prouvé, à en suivre sa dialectique, que les Juifs n'ont rien à faire en Israël, et c'est ce qu'à voulu dire aussi Helen Thomas, en apportant la conclusion logique de la tirade de Sand, dangereuse comme les sables mouvants ; autrement dit, si les Israéliens n'ont rien à faire ici, autant qu'ils retournent en Pologne, à défaut de pouvoir être relogés au pays des Khazars, le Kazakhstan, peut-être? Il se peut même que Thomas et Sand, à l'instar de Seguin et Courtois, et de Derosne, (qui ont découvert la morphine en 1804), ne se soient jamais rencontrés ni même concertés. L'idée a pu se révéler simultanément chez l'un et chez l'autre.
D'autres changements sont perceptibles dans la société «éclairée» dont la lumière vacille, quand une enseignante est suspendue par l'inspection académique, pour avoir consacré trop de temps à la Shoah. Des internautes qui n'ont pas dû aller beaucoup à l'école ont réagi sur les différents sites d'informations: «Comment, amener des enfants quatorze fois à Auschwitz, alors qu'il y a tant d'autres massacres dans le monde!» peu font attention au ridicule de cette tirade: comme s'il était possible de redoubler treize fois! Quant aux autres massacres, ils n'engagent pas la conscience collective de l'Europe, ses ressortissants bien éduqués ne s'étant pas trouvés au Rwanda ou au Biafra, et n'étant ni Tutsis ni Hutus. «Alors, parlez-nous un peu des autres massacres», nous somment les «réactionnaires» déposant leurs réactions, «mais laissez-nous oublier la Shoah, nous vous avons écoutés avec compassion, nous nous sommes identifiés avec votre souffrance, mais c'est fini ; la parenthèse est fermée!»
Ni le pouvoir rectoral ni les intervenants populaires ne veulent plus entendre parler de ce que l'Europe a fait aux Juifs depuis Hitler et Pétain. Cette exigence traduit le besoin d'une «bouffée d'oxygène», du besoin de s'extirper d'un piège que l'antisémitisme s'est creusé: «Laissez-nous oublier la Shoah, laissez-nous revenir à l'antisémitisme "normal", "traditionnel", que son souvenir nous interdit ; débarrassez-nous de l'antisémitisme antisioniste, qui fait par ricochet dévorer nos pays par l'expansion islamiste.» C'est ce qu'exigent en filigrane les académies et autres particuliers, quand ils suspendent des gens dont les démarches vont rendre immuable ce souvenir. «Encore quelques années de souvenir de la Shoah, de soutient à la cause "palestinienne" et nos beaux pays libres sombreront dans le totalitarisme saoudien.»
La diatribe de Thomas a bénéficié d'un climat particulier, mais tout juste pas encore suffisamment mûr pour passer inaperçu, ou mieux, pour être approuvé. Paradoxalement, le peuple juif est le seul, dans le monde, que l'on veut renvoyer chez lui en lui interdisant d'y rester: «Retournez d'où vous venez!» «Mais bien sûr, nous revenons chez nous, nous rebâtissons les ruines de la Judée». «Alors retournez en Allemagne!» «Mais nous en partons, vous nous en avez chassés». Le Juif vient de nulle part, pour toute cette même opinion. A supposer que Neil et ses deux compagnons aient bien été sur la lune, le progrès est encore trop faible pour y envoyer ceux qui ne sont ni d'Europe, ni de Judée. Ce dialogue imagé, qui consigne dans des mots la réalité des rapports irrationnels entretenus par les nations du monde envers Israël les font sortir de leurs gonds.
Sand, Thomas, Kouchner, Obama, ou ceux qui voudrait qu'on leur parle du Rwanda, qui n'entache ni leur conscience ni leur mémoire, tous s'alignent sur un même front qui tend à délégitimer la présence d'Israël non seulement chez lui mais dans le monde. Alors pourquoi s'en prend-on spécialement à Helen Thomas? Peut-être voulait-on qu'elle prenne sa retraite mais qu'on n'osait pas le lui demander…