Blocus, eaux internationales, arraisonnement. Qui dit vrai ? A qui profite l'affaire ?
par Sacha Bergheim
pour Aschkel.info et Lessakele
La plupart des médias statuent sur l'illégalité de la procédure d'arraisonnement, quand ils n'omettent pas sciemment les agressions d'une violence inouïe contre les membres de Tsahal.
Le procédé est habituel : lorsqu'un militant du Hamas et un soldat israélien sont tués lors d'une attaque menée à la frontière entre Israel et Gaza, le filtre médiatico-idéologique s'empare de l'affaire prenant l'apparence d'une agence de pompes funèbres annonçant la mort d'un "palestinien", avec la volonté précise de faire passer le militant armé pour un "civil" dont éventuellement on nous révèle le nom (un nom, est-il vérifié ? Il y a souvent un flottement sur les identités, entre les témoignages contradictoires recueillis par les journalistes-agents de presse du Hamas), tandis que le soldat est enfermé dans son anonymat sous l'entité abstraite de "l'armée".
Pour autant, les textes juridiques existent, donnant toute légalité à Israel.
1-Tsahal a agi dans les eaux internationales donc n'a aucun droit pour prendre le contrôle du navire. FAUX.
Les "eaux internationales" commencent au-delà de la zone exclusive économique (ZEE) de 200 miles. La position de la flottille dans la ZEE israélienne au large d'Ashdod donne entièrement raison à Tsahal. Il s'agit d'un jeu sur les mots puisque les "eaux territoriales" elles concernent 12 miles marins.
Toutefois, les activités de surveillance, contrôle et éventuellement l'arraisonnement d'un navire sont tout à fait légaux dans la limite de 200 miles marins. Dans tous les cas, la flottille ne se trouvait pas dans les "eaux internationales" donc l'intervention est légale.
2-Le blocus est illégal? FAUX.
En effet, si l'on suit la Convention de San Remo sur la législation internationale concernant les conflits armés sur mer (Quatrième partie, section 2), un blocus est un moyen légal (le Hamas a déclaré la guerre à Israel et refuse toujours de reconnaître son existence).
Seul le Conseil de Sécurité peut juger de la légalité du blocus en droit international. Ce qu'il n'a pas fait, en raison de l'impossibilité de prouver (article 120.b de la même Convention) que le blocus porte dommage aux populations civiles (comparés à d'autres exemples où un blocus n'a pas été jugé illégal (par exemple celui de Jaffna par l'armée sir lankaise) alors même que les civils étaient sévèrement touchés, le Conseil de Sécurité n'est pas en mesure de statuer l'illégalité du blocus).
Les livraisons israéliennes quasi quotidiennes vers Gaza (lorsque le mouvement islamique ne s'oppose tout simplement pas à l'entrée de denrées sur son territoire) et le souci légitime de lutte contre l'intense trafic d'armes vers le Hamas donnent a fortiori légalement raison à Israel.
3-L'arraisonnement est illégal ? FAUX.
Selon la Convention de San Remo (1994) Troisième partie, section 4, §67-a, un navire suspecté de trafic, contrebande ou de forcer un blocus, peut, après avertissement (ce qui a été fait par la Marine israélienne, vidéo à l'appui), et refus clair et explicite du navire (que l'on entend nettement), être visité, fouillé ou capturer. En d'autres termes, si un navire agit de façon hostile, il peut être arraisonner.
Les activistes avaient publiquement déclaré vouloir frocer le blocus légal en droit international. La Marine israélienne a donc agi en toute légalité, et aurait été également en droit de couler le navire. L'arraisonnement était donc légal.
4-L'usage de la violence par Israel était illégal. FAUX.
Si les passagers ont le droit de manifester leur opposition (notamment par une résistance passive ou symbolique), de protester, il n'y a aucune légalité à la réaction violente dans le cadre légal de l'arraisonnement. Les images ont prouvé de façon flagrante que les activistes ont agressé les commandos israéliens(qui ont compté des blessés, attestant de la violence de l'attaque), ces derniers ont alors le droit d'utiliser la force suffisamment pour assurer leur légitime défense et la prise de contrôle légale du navire.
Dans cette affaire de la "flottille", cette stratégie de communication bien huilée, opérant depuis une dizaine d'années déjà, devient une véritable censure dès lors qu'elle tente, avec acharnement, de gommer la violence des militants prétendûment pacifistes, de crainte de donner, a posteriori, raison à Israel. Se met donc en place un série de lieux communs incontournables, comme on l'a vu, sur "l'illégalité", ou la dénonciation d'une "barbarie" (?) imaginaire, destinés à étouffer toute contestation possible à la version officielle de l'usage disproportionné de la violence et de l'assaut sanglant.
Nouveau chapitre dans cette version de l'accusation du "meurtre" contre les civils, l'arraisonnement de la "flottille" avait cependant, à n'en pas douter, trois buts, que les médias, curieusement, n'osent pas lier les uns aux autres, privilégiant les constats d'une supposée "guerre médiatique", "guerre de version".
Ces trois finalités peuvent être décrites de la façon suivante :
1-Participer à la destitution morale d'Israel, en cherchant à présenter l'éthique de son armée comme un paravent en croyant fournir la "preuve" de son "inhumanité", première étape légitimant le meurtre antijuif. Les images avant et pendant l'arraisonnement du Mavi Marmara sont explicites : les militants se préparent fanatiquement au jihad dans un élan de judéophobie (rappel, très à la mode, du meurtre des Juifs de Khaibar) rarement dénoncé dans les médias européens. Raviver la haine antijuive sert de couverture aux agissements diplomatiques douteux de certains pays et de diversion aux chancelleries occidentales embarassées par leurs compromissions.
2-Assurer un leadership turc -sous l'égide de l'idéologie pan-islamiste et jihadiste des Ikhwan- à la guerre contre Israel. Dans le contexte d'une Egypte en pleine crise de succession, dont le mur souterrain de Rafah s'avère un échec, et dont le régime hésite à lâcher du lest aux frères musulmans, la Turquie organise sa nouvelle mise sous tutelle du Proche-Orient, en accord avec l'Iran et par crainte de laisser Teheran seul maître et commanditaire. D'où le soutien et le relais apporté par le gouvernement turc AKP aux relais de l'Iran dans la région : Syrie, Hezbollah, Hamas. Mahmud Abbas, qui n'en est pas le client, se trouve de facto mis sur la touche, ce qui explique son empressement à parler de "massacre" pour ne pas perdre complètement la face dans l'opinion publique arabe.
3-Faire passer en second, troisième, dixième plan, les menées bellicistes et polémogènes de l'Iran. L'AIEA publie un rapport sur les activités de l'Iran qui dispose de suffisamment d'uranium enrichi pour procéder à la fabrication de deux bombes. Hasard du calendrier ou calcul méthodique : la "flottille" devait arriver à Gaza le jour même. Comptant sur le fonctionnement répétitf de la presse occidentale et sur le peu de hâte des chancelleries d'admettre leur nouvelle défaite face à Tehran, les commanditaires de la flottille savait l'effet produit par cette affaire de blocus. Exit de l'actualité le leurre de l'accord turco-iranien sur le nucléaire, place à la dénonciation morale d'Israel. C'est beaucoup plus rentable, et cela laisse à d'autres le soin de prendre ses responsabilités face au dossier brûlant de Teheran. Il ne fait pas de doute que, pareil à 2002 où le refus de la guerre d'Iraq par Paris révélait surtout sa peur de mettre au jour ses liens peu glorieux avec l'Iraq de Saddam, les grandes capitales européennes ne souhaitent pas afficher au grand jour l'argent sale tiré du juteux commerce (en particulier sur les activités à double usage) avec la République islamique.
Dans ce contexte, la voix de la stricte déontologie ne trouve guère d'écho dans les médias ayant pignon sur rue. En dépit des diffusions massives d'accusations infondées contre la mesure d'arraisonnement, dont on déplore le déroulement et les victimes, Internet permet encore, mais pour combien de temps, à l'internaute soucieux de son indépendance d'esprit de se forger une opinion libre où il n'est pas réduit à un rouage idéologique dans une guerre larvée qui ne dit pas son nom.
[Mercredi 02/06/2010 14:05]