merci Dora
LETTRE OUVERTE À MONSIEUR STÉPHANE HESSEL (1/2)
Par Dora Marrache
pour Radio-Shalom Montréal et © 2011 aschkel.info
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Sa précédente chronique ; LA GAUCHE : UN DANGER POUR LA SURVIE D’ISRAËL
Comme ma lettre est trop longue pour être diffusée en totalité sur les ondes de Radio-Shalom, je me trouve dans l’obligation de la présenter en deux parties.
« Pour persuader, souvent la parole a plus de poids que l’or. »
Démocrite
Monsieur Hessel;
Il y a quelques jours, j’ai appris au bulletin d’information de Radio-Canada, l’arrivée dans les librairies de votre opuscule intitulé « Indignez-vous ! », titre qui revient sans cesse comme un leitmotiv pour convaincre les lecteurs de la nécessité de se trouver un « motif d’indignation ». Et pour les réveiller de leur torpeur sans doute, car ce titre n’est pas sans rappeler le « Réveillez-vous ! » des Témoins de Jéhovah. Les medias français nous en avaient suffisamment rebattu les oreilles pour que nous ne soyons pas le moins du monde surpris de l’arrivée de votre « livre » au Canada. Ce succès de librairie, disait-on, n’a d’égal que celui du Petit Prince. À une différence près, devrait-on ajouter, c’est que la comparaison s’arrête là. Toute comparaison avec ce chef-d’œuvre de Saint-Exupéry serait, à mes yeux, un sacrilège.
A quoi le succès de votre mini - pamphlet est-il dû ? C’est la question qu’on se pose et à laquelle je vais tenter de répondre. Est-ce au titre percutant que vous avez choisi et qui se répète comme une litanie à l’intérieur du texte ? À son prix très bas ? À la longueur du texte qui répondrait aux attentes des lecteurs ? Au sujet qui y est traité ? À moins que ce ne soit à son auteur ?
De toutes ces hypothèses, il n’en est qu’une seule que je retiendrai. Le titre ? Non, parce qu’on n’achète pas un livre simplement parce que le titre nous plaît, tout comme le prix d’un livre ne justifie pas qu’on l’achète. D’ailleurs, les titres à 3 euros fourmillent, mais ne fracassent pas pour autant des records de vente. On n’achète pas un livre en fonction de ce critère, du moins pas dans mon esprit. Encore moins parce qu’il s’agit d’un texte court, sinon les recueils de nouvelles connaîtraient le même succès.
En fait, on achète généralement un livre parce que le sujet qu’il traite nous intéresse ou encore parce que son auteur est un auteur connu. Dans le cas de votre « livre », certains diront que le sujet est la vraie raison de son succès. Franchement, Monsieur Hessel, en quoi votre article est-il révolutionnaire comme je l’ai entendu dire? Avait-on besoin que vous énumériez pour nous des sujets d’indignation dans le monde ? « Dans ce monde, dites-vous, il y a des choses insupportables ». Heureusement que vous êtes là, Monsieur Hessel, pour nous mettre sous les yeux toutes ces choses que nos yeux ne voient pas !
Les Français qui sont montés aux barricades pour protéger leur retraite s’étaient indignés avant même que vous ne le leur conseilliez. Combien de gens se sont portés également à la défense des Sans-papiers sans même avoir lu votre opuscule, et je dirais même sans vous connaître ? La course « au toujours plus » ? Bien avant que vous n’en parliez, d’autres se sont révoltés et ont opté pour « la simplicité volontaire». Ne croyez-vous pas que nous sommes en mesure, sans aide extérieure de porter un jugement sur les nombreuses injustices à travers le monde, et de nous indigner ? Vous savez pertinemment que vous n’apportez strictement rien de nouveau, que ce que vous dites a été dit et redit. Mais j’en viens à me demander si les medias, aveuglés par votre notoriété, ne se sentiraient pas obligés de faire l’éloge de votre article, peut-être même sans l’avoir lu.
D’ailleurs, s’il est un sujet qui devrait susciter votre indignation au plus haut point, c’est le sort des enfants dans le monde, et ce quelles que soient leur race, leur couleur de peau ou leur religion. Voyez-vous, à travers la répartition inéquitable des richesses, répartition que l’on ne peut imputer dans bien des cas qu’à Mère Nature, je ne retiens qu’une seule et unique conséquence: les enfants. Les enfants défavorisés en qui je ne peux m’empêcher de voir, comme le disait si bien Saint-Ex en regardant un enfant de travailleurs, « Mozart qu’on assassine » .
Votre « motif d’indignation », dites-vous, c’est Israël, et je crois que, comme beaucoup de lecteurs, c’est tout ce que j’ai retenu de la lecture de votre pamphlet. Je vous entends m’objecter qu’il ne s’agissait pour vous que de donner un exemple. Vous ne pouviez pas mieux choisir, M. Hessel ! Ce minuscule État est devenu – je ne vous apprends rien - le bouc émissaire du monde Vous savez que c’est le sujet d’actualité, celui qui fait couler beaucoup d’encre, vous n’avez pas même besoin de vous étendre sur le sujet puisque beaucoup de vos admirateurs sont gagnés à vos idées et que votre objectif est de les inviter à manifester davantage leur réprobation vis-à-vis d’Israël.
Je reste convaincue que c’est à vous et à votre « motif d’indignation » que votre plaquette doit son succès. En effet, cet opuscule pas plus long qu’une chronique, voire même plus court, n’aurait jamais été le livre le plus vendu, et n’aurait peut-être jamais trouvé d’éditeur, n’eût été le nom qui figure sur la couverture. Un nom à tout le moins très évocateur pour tous ceux qui s’intéressent aux griefs que l’on porte contre Israël, et inutile de préciser que ceux-là se comptent par centaines de milliers. Je dirais même que si votre pamphlet avait été traduit dans d’autres langues, entre autres en arabe - il le sera certainement, ce n’est qu’une question de temps – vous connaîtriez un succès planétaire que vous envieraient tous les Prix Nobel.
En quoi votre nom est-il garant d’un succès de librairie ? Vous n’êtes ni un auteur de best-sellers comme Marc Lévy ni un auteur dont l’œuvre a été couronnée par des prix littéraires, ce qui expliquerait de telles ventes. Alors, en quoi votre personnalité a-t-elle contribué au succès de ce minable pamphlet qui n’en est même pas un ?
En répondant à la question, je vais vous permettre de constater, Monsieur Hessel, que j’ai retenu la leçon que vous donnez et que j’ai suivi vos conseils : je me suis trouvé un sujet d’indignation, un sujet hors des sentiers battus, je vous le concède, un sujet que vous n’avez sans doute pas même envisagé. Voyez-vous, Monsieur, je n’ai point eu besoin de m’interroger, vous m’avez fourni un sujet qui suscite mon indignation et il porte un nom : Stéphane Hessel.
Bien sûr, j’ai conscience que je ne pourrai peut-être le partager qu’avec moi-même, je suis consciente que je vais m’attirer les foudres de tous vos admirateurs pour ne pas dire vos adorateurs. Mais j’ai choisi, dans la situation actuelle, de ne pas rester neutre, j’ai choisi de m’engager. Certes, je n’ai pas la prétention de vous faire concurrence – de toute façon ce serait difficile dans le cadre du sujet que j’ai choisi - mon but est simplement de profiter des ondes et de sites en ligne pour tenter de convaincre de rares auditeurs ou lecteurs que vous n’êtes pas l’homme pour lequel vous passez. On me dira que c’est peine perdue, que vous avez des millions de lecteurs qui ne jurent que par vous. Cela s’entend, mais je ne resterai pas pour autant les bras croisés
Alors, puisque j’avance que le succès de ce livre s’explique par son auteur, qui êtes-vous donc Monsieur Hessel ?
1. Vous passez pour un co - rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme aux yeux d’un grand nombre de vos admirateurs qui se sont fiés à ce que disent de vous les medias ;
2. Vous vous présentez comme Juif, ancien résistant et rescapé des camps de Buchenwald et de Dora ;
3. Vous vous dites pacifiste convaincu ;
4. Vous êtes un détracteur acharné de l’État d’Israël et en même temps un ardent défenseur des Palestiniens.
Tous ces ¨titres¨ ont suffi à faire de vous l’enfant chéri des medias, et expliquent le véritable triomphe qu’a connu votre livre.
Or, de ces titres dont vous vous affublez - ou dont on vous affuble - seuls sont incontestables ceux d’ancien résistant et de détracteur de l’État d’Israël. Pour tous les autres, vous vous comportez, pardonnez-moi le mot, en usurpateur. Comme vous pouvez le constater, je n’ai pas la langue de bois, le langage politiquement correct n’est pas mon fort.
1. Stéphane Hessel, co-rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Je suis indignée de voir un homme, qui a atteint un âge vénérable, tromper le monde en laissant croire, des années durant, qu’il est un co-rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Ce n’est que le 10 décembre 2008, donc 60 ans après sa signature, que vous avez été contraint, lors d’une interview sur le site de l’ONU, de révéler la vérité et de déclarer : « Au cours des trois années, 1946, 1947, 1948, il y a eu une série de réunions, certaines faciles et d'autres plus difficiles. J'assistais aux séances et j'écoutais ce qu'on disait mais je n'ai pas rédigé la Déclaration. »
Cette confession est on ne peut plus claire, et je ne m’explique pas pourquoi vous avez attendu si longtemps avant de la faire, ni pourquoi les journalistes persistent à vous présenter comme un des signataires de ce texte.
En effet, Le 17 mai 2010, vous êtes interviewé par le magazine Jeune Afrique qui vous présente comme le co-auteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme, et vous vous gardez bien de rectifier le tir.
Le 12 octobre dernier, on pouvait lire dans Le Nouvel Observateur « (…) Stéphane Hessel, résistant rescapé de Buchenwald et co-rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen ».
Et sur le site Rue 89, le 13 novembre 2010, que vous vous êtes engagé dans la Résistance, que vous avez été « capturé et torturé par la Gestapo, déporté à Buchenwald et Dora, avant de participer, à la Libération, à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'homme aux Nations unies naissantes.»
De deux choses l’une, soit les journalistes ignorent toujours que vous n’êtes pas un co-rédacteur dudit document, soit ils veulent continuer à vous faire passer pour tel.
2. Stéphane Hessel, Juif
Je suis profondément indignée de vous entendre dire que vous vous intéressez au conflit israélo-palestinien parce que vous êtes originaire d’une famille juive. Que vous ayez choisi de soutenir la cause palestinienne, soit. Mais que vous justifiiez votre choix par vos origines juives me laisse tout à fait perplexe. Vous vous réclamez du judaïsme de façon ostentatoire alors que vous ne l’êtes ni par votre mère, fille d’un banquier prussien protestant, ni par votre père. Et pourtant, vous osez déclarer, dans l’émission « Ripostes » de Serge Moati, en 2008, « Mon père était juif ». Or, à ma connaissance, votre père était allemand, de souche juive polonaise, certes, mais converti au protestantisme. Peut-être bien pour éviter de devoir
supporter le poids de cette judéité .
Je ne pourrais pas même dire que ce sont les nazis qui ont fait de vous un Juif puisque vous n’avez pas été déporté en tant que juif, mais en tant que résistant. Cela fait tout une différence, vous le savez, et c’est sans doute pourquoi vous avez eu la vie sauve et pourquoi vous n’avez pas connu l’horreur des camps. Mais je comprends que vous aimiez vous présenter comme Juif déporté, vous donnez ainsi l’image d’une victime et suscitez l’empathie.
Certes, nul ne met en doute votre engagement dans la Résistance, c’est tout à votre honneur et à ce titre vous suscitez mon admiration, mais ni plus ni moins que celle que m’inspirent tous ceux qui se sont engagés dans la Résistance au péril de leur vie
Souvenez-vous, Monsieur Hessel, de ce temps, ô pas si lointain, où vous n’auriez jamais osé dévoilé vos origines, où vous en aviez honte. Non pas que vous n’en ayez plus honte, aujourd’hui, loin de là : vous êtes un de ces Juifs habité par la haine de soi, un « self hating Jew ». Et à ce titre, vous êtes un « collabo », et vous n’avez même pas l’excuse d’avoir choisi de pactiser avec l’ennemi pour sauver votre vie, comme ce fut le cas de ceux de la Deuxième Guerre
Alors, pourquoi revendiquer une identité qui vous déplaît, que vous vous êtes employé à cacher dans le passé, que vous abhorrez et qui de surcroît n’est pas la vôtre ? Ce n’est certainement pas parce que le sort des Juifs est plus enviable aujourd’hui qu’il ne l’était autrefois.
En fait, vous revendiquez cette identité dans le but non avoué, mais bien réel, de donner plus de poids aux calomnies et aux fausses accusations que vous proférez contre l’État d’Israël. Quoi en effet de plus convaincant que les propos anti-juifs tenus par un Juif, surtout quand ces accusations émanent d’un Juif qui « a participé » à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme? Vous vous faites ainsi l’avocat de l’antisémitisme qui, dès lors, est justifié et légitimé, donc non condamnable.
Dora Marrache
Radio-Shalom Montréal