Election ou référendum ? La campagne pour la présidentielle en Iran s'est achevée par des attaques d'une violence inouïe du président sortant, le fondamentaliste Mahmoud Ahmadinejad à l'encontre de ses trois opposants, Mir Hussein Moussavi et Mehdi Karoubi, soutenus par les réformateurs, et le conservateur Mohsen Rezaï. Des attaques telles, que, lorsqu'ils se rendront aux urnes, vendredi 12 juin, les électeurs se verront pratiquement confrontés à un unique choix : pour ou contre un nouveau mandat de M. Ahmadinejad.
Candidats. Les quatre en lice (Mahmoud Ahmadinejad, Mohsen Rezaï, Mehdi Karoubi, Mir Hussein Moussavi) ont été sélectionnés parmi les 475 inscrits (dont 42 femmes) par le Conseil des gardiens (6 religieux, 6 juristes) avant d'être admis à se présenter.
Vote. Pour gagner, il faut 50 % des suffrages plus 1 voix au premier tour, le 12 juin. Sinon, un second tour est prévu le 19 juin. Les Iraniens de plus de 18 ans sont appelés à voter, soit 46,2 millions d'habitants sur 70 millions. La seule élection à deux tours a eu lieu en 2005 et elle a été gagnée par M. Ahmadinejad, succédant au réformateur M. Khatami.
Président. Il a droit à deux mandats de quatre ans. Chef du gouvernement, il définit la politique économique, les grandes lignes de la diplomatie et, à la tête du Conseil national de sécurité, contrôle les forces armées et les services de renseignement. Il nomme le chef de la télé d'Etat. Il est sous l'autorité du Guide suprême, Ali Khamenei, qui a le dernier mot sur les dossiers sensibles, tel le nucléaire.
Campagne. La campagne 2009 a été marquée par des innovations : l'apparition des épouses de candidats (Mmes Moussavi et Karoubi) au côté de leur mari, la multiplication des débats télévisés en direct (6) et l'utilisation des SMS.
Pour ou contre quatre années supplémentaires de ce retour artificiel à l'esprit des premiers temps de la République islamique, voulu par M. Ahmadinejad, lorsque l'Iran, au sortir de la révolution de 1979 jouait les citadelles assiégées, seul contre tous, et tentait d'exporter sa révolution ? Pour ou contre quatre nouvelles années de confrontation avec l'Occident, à l'heure où le nouveau président américain,Barack Obama, tend enfin la main après trente ans de rupture entre les deux pays ?
Pour ou contre ce populisme économique qui a vu gaspiller les pétrodollars et laisse le pays avec l'angoisse d'une inflation à plus de 23 % et d'un chômage officiel à 10 %, tandis que la société iranienne, toujours plus évoluée, se voit toujours plus brimée ?
Pour ou contre, enfin, cet extrémisme verbal qui, de la négation de l'Holocauste au refus de négociations claires sur un dossier nucléaire soupçonné de comporter un volet militaire, a mis l'Iran au ban des nations, lui a valu trois séries de sanctions internationales et lui a interdit d'exercer les responsabilités de la puissance régionale qu'il est dans les faits ?
A tout cela, la rue, dans la plupart des grandes villes, semble répondre "non". Même si c'est un "non" si bruyant et désordonné que l'on a du mal à en mesurer la profondeur. Mercredi soir 10 juin, des millions d'Iraniens ont boycotté la dernière apparition à la télévision d'Etat du président, qui a traité plus de quarante fois en vingt minutes ses adversaires de "menteurs".
Beaucoup avaient préféré manifester, avec des concerts de klaxons dans le centre de Téhéran, Mashad, Ispahan... Les autres candidats, dont le temps de parole était infime par rapport à celui accordé à M. Ahmadinejad, n'avaient même pas accepté de participer.
Les intellectuels, les artistes, les féministes, des mollahs progressistes, des révolutionnaires de la première heure qui se sentent trahis par l'évolution de l'Iran et bon nombre de ces étudiants que l'on disait apolitiques et désespérés par la politique se sont mobilisés et leur réponse est, là aussi : "Non."
La République islamique peut-elle radicalement changer ? Absolument pas, disent les analystes. Les rivaux de M. Ahmadinejad sont tous des fils fidèles de la révolution qui ont servi la République : M. Moussavi comme premier ministre ; M. Karoubi, président du Parlement ; M. Rezaï, chef des Gardiens de la révolution. Leur nationalisme sans faille ne leur fera pas renoncer au nucléaire civil, mais tous ont compris que cette élection est cruciale. Une chance pour l'Iran d'assumer ses responsabilités et de sortir de l'impasse. Tous sont partisans d'une "détente" et d'un dialogue avec l'Occident.
Tous, surtout MM. Moussavi et Karoubi, qui veulent être - un peu plus - à l'écoute de la société. Et sans conteste, M. Moussavi, qui tente un "pont" entre les fondamentalistes déçus par M. Ahmadinejad et les réformateurs, serait le plus à même de créer l'union nationale, nécessaire à un nouveau départ.
Mais que répondront, vendredi, les Gardiens de la révolution, devenus, comme dans l'ancienne URSS, le "conglomérat industrialo-militaire" qui tient le pays et ont été choyés ces dernières quatre années ? Que diront les miliciens bassidjis promus socialement sous M. Ahmadinejad ? Et les paysans pauvres qui, faute de mieux, ont eu de l'argent directement de ce président "fils du peuple" comme eux, lorsqu'il emmenait son gouvernement siéger en province ?
Sans parler de ces réseaux de services secrets et cet entrelacs puissant de contacts et d'intérêts au plus haut de l'Etat tissés par M. Ahmadinejad. Une question qui n'est pas anodine puisque, devant les mises en garde des autres candidats, le ministère de l'intérieur a précisé, mercredi, que l'élection se tiendrait "dans la plus grande transparence". Et que les diverses milices, mises en cause dans l'élection de 2005, seraient tenues à l'écart.
Et surtout que fera le Guide suprême, Ali Khamenei, "neutre" en apparence mais jusqu'ici derrière M. Ahmadinejad ? Là, quelque chose a peut-être bougé. S'il est vrai que M. Ahmadinejad a eu "carte blanche" pour s'imposer au premier tour (sa meilleure chance), peut-être a-t-il franchi la ligne rouge au sein même du sérail iranien. En accusant dans un débat télévisé l'un de ses prédécesseurs à la présidence, le pragmatique Ali Akbar Hachémi Rafsandjani, de"corruption" et d'avoir bradé le pays à l'Occident, il a mis à nu les rivalités internes au plus haut de l'Etat. Un tabou.
Non que les Iraniens se fassent trop d'illusions sur leurs dirigeants, leurs fortunes ou leurs ambitions, mais jamais cela n'était arrivé sur la place publique. M. Rafsandjani a écrit une lettre ouverte au Guide - fait rarissime - après s'être vu refuser un droit de réponse à la télévision d'Etat, demandant "réparation". La lettre publiée par les journaux est explicite : il y est question de "pacte rompu", de "déviation" et elle s'achève par une mise en demeure. Si la plus haute autorité de la République islamique "ne peut pas ou ne veut pas" remédier à cela, "comment se sentir encore lié au système" en place ?
Un épisode que beaucoup ont interprété comme une tentative en sous-main de la part du Guide, à l'occasion de l'élection, pour renforcer son pouvoir, en discréditant M. Rafsandjani qui occupe le poste stratégique de président de l'Assemblée des experts. Assemblée qui désigne le Guide, contrôle ses actions et peut le démettre.
L'impair de M. Ahmadinejad, qui en a trop fait, a mis le Guide en porte-à-faux, déclenché peut-être un tsunami souterrain dans les équilibres fragiles du pouvoir au moment où la République islamique aurait le plus besoin d'unité. Y aura-t-il une sanction ? Réponse là aussi le 12 juin.
Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a accusé ses rivaux réformistes aux élections présidentielles iraniennes d'entretenir des liens avec des "organismes sionistes". Le tyran iranien a énuméré dans un discours télévisé les accomplissements de son gouvernement et accusé ses rivaux de présenter des informations mensongères sur l'économie du pays. "Pourquoi utilisez-vous ces fausses données pour me faire passer pour un menteur ? Quel intérêt y a-t-il à faire cela ?", a demandé Ahmadinejad, accusant ses rivaux de falsification de documents.
Actu.co.il
[Mercredi 06/10/2009 17:05]