Le soutien à l’Iran subit un sérieux revers dans le monde arabe
Titre original : Iran loses clout in Arab world
Par
Scott Peterson | Rédacteur de l’équipe de : The Christian Science Monitor De l’édition du 29 Novembre 2009
Adaptation: Marc Brzustowski pour :
30/11/09 Iran loses clout in Arab world
Parmi les multiples conséquences de ses élections controversées, l'Iran doit faire face à un soutien qui s'érode de la part de certains de ses amis, qui constituent une opposition radicale au milieu de ses ennemis.
Mahmoud Ahmadinejad a gagné les élections, lors d’une vague de fond controversée.
ISTANBUL, Turquie - L’Iran s’est toujours présenté comme un modèle utopique, depuis la Révolution islamique de 1979. Dès le premier jour où il a établi le « Gouvernement de Dieu », l’Ayatollah Ruhollah Khomeiny – le fondateur de la Révolution qui avait renversé le régime répressif pro-occidental du Shah Mohammed Reza Pahlavi – déclara que les Iraniens seraient « un exemple pour la globalité du monde opprimé ». Dans certaines régions du Moyen-Orient, Téhéran a représenté cet idéal – en offrant une résistance coriace face à Israël, d’abord, et en défiant un autre pays perçu comme l'autre « enfant terrible » : les Etats-Unis.
A présent, Presque six mois après une élection présidentielle controversée qui a déchiré le pays comme jamais depuis la naissance de la théocratie islamique, un nouveau discours apparaît à travers le monde arabe, selon lequel l’Iran n’est plus du tout considéré comme un demi-dieu politique. Assailli, durant les derniers mois, par le spectacle sanglant des nervis du régime écrasant les manifestations pour plus de démocratie, par des dizaines de morts, de tortures et les accusations de viols dans ses prisons secrètes, l’Iran perd en influence parmi certains de ses amis dans la région qui représentent une opposition tenace chez ses adversaires.
Beaucoup d’analystes, en fait, pensent que la répression autocratique en Iran pourrait bien marquer la fin des années d’expansion de la domination de l’arc iranien et chi’ite à travers de larges portions du monde arabe. Plus important, ils perçoivent que cette chute coïncide avec quelque chose de bien plus fondamental : la possibilité que la Révolution Islamique, 30 ans après son implantation, soit en train de perdre sa pureté et sa puissance – avec d’importantes implications pour l’Occident, notamment les Etats-Unis, dans une période de transition géopolitique au Moyen-Orient.
“Je pense que nous avons assisté au pic ascendant de la puissance de la République Islamique dans sa configuration actuelle”, dit Ali Ansari, directeur de l’Institut des Etudes Iraniennes à l’Université St. Andrew en Ecosse. L’influence iranienne a « décliné très gravement », explique M. Ansari. « Les états arabes ont savouré ce moment… Cela a des conséquences dramatiquement préjudiciables pour l’Iran. Dans le Golfe persique, les gens ont été sincèrement choqués – ils n’avaient jamais imaginé que le régime iranien traiterait sa propre population de cette façon. Ils pensaient que leurs propres gouvernements pourraient faire une chose pareille, mais là, il s’agissait d’un gouvernement révolutionnaire. Ils réalisaient brusquement qu’il n’y avait aucune différence. »
Peu de temps après le vote présidentiel controversé de juin, Sheikh Sayyed Hassan Nasrallah, le dirigeant du Hezbollah au Liban, a envoyé une lettre de félicitations au dirigeant religieux suprême en Iran, l’Alyatollah Sayyed Ali Khamenei. Il était l’un des tous premiers à le faire.
Mais, dans les jours qui suivirent, le religieux libanais charismatique, l’un des politiciens les plus populaires au Moyen-Orient, a reconnu que l’Iran se trouvait au beau milieu d’une “crise” et apparut comme ne soutenant particulièrement aucun bord plus que l’autre. Ceci a ouvert une brèche dans les degrés d’incertitude et d’ambiguïté ressentis à travers presque toute la région, à la suite de la « victoire écrasante » du Président Ahmadinedjad officiellement proclamée et les troubles qui ont alors éclaté.
A l’intérieur du pays, la légitimité populaire, cultivée avec tant de précautions par le régime islamique depuis 30 ans, a commencé à se dissiper comme la vapeur d’une glace en train de sécher. La Police, les membres de la milice et les vigiles partisans du régime ont envahi les rues pour frapper les iraniens « ennemis » afin de les soumettre. Des dizaines sont morts, au beau milieu de proclamations de tortures et de viols, 4000 ont été arrêtés, et 140 ont fait l’objet de procès de masse de type stalinien et filmés dans des vidéos mettant en scène leurs confessions qui étaient toutes supposées révéler – conformément aux charges d’accusation – une vaste conspiration étrangère visant à renverser le régime au cours d’une « révolution de velours ».
Pour un régime qui a toujours claironné sa légitimité comme quasi-démocratique, les tactiques postélectorales iraniennes ont pris la plupart des observateurs hors du pays par surprise.
“Les soutiens de l’Iran dans la région avaient parié avant et pendant les élections, que l’Etat islamique allait donner une leçon de démocratie et offrir un modèle de respect des règles islamistes », écrit le journal Al-Hayat, propriété saoudienne. « Ils ont perdu leur pari, et il est certain que les islamistes des pays arabes qui aspirent à participer au jeu politique pour monter au pouvoir ont perdu sur l’essentiel ».
Un autre récit d’al Hayat ne mâche pas, non plus, ses mots : « La vérité, en matière de mouvements révolutionnaires qui établissent une nouvelle légitimité à partir d’une illégitimité originelle, est qu'ils véhiculent très tôt en leur sein les semailles de leur propre déchéance ».
Le journal officiel du pouvoir égyptien, Al-Ahram a stigmatisé “l’outrage fait à la démocratie” et affirmé que le régime iranien devrait “ mettre fin à la vague de violence sanglante et écouter le point de vue de l’opposition iranienne qui rejette les résultats [des élections].
Beaucoup d’arabes, on peut en être sûr, n’ont jamais partagé la mystique iranienne, et leur indifférence ou même leur hostilité envers le régime de Téhéran n’a fait que se consolider depuis la « victoire éclatante » contestée de M. Ahmadinedjad.
“J’ai toujours été contre lui”, explique Omar Beydoun, en préparant une épaule d’agneau pour la faire griller dans son échoppe du quartier sunnite de Qasqas à Beyrouth. « Ahmedinedjad provoque beaucoup d’instabilité dans la région, ici au Liban avec le Hezbollah, en se mêlant des affaires palestiniennes, et parce qu’il tente de répandre le Chi’isme parmi les Arabes. Au fond, qu’est-ce que ça peut bien me faire, les luttes intestines en Iran ? Si ce n’est pas Ahmedinedjad, ce sera quelqu’un d’autre au moins aussi néfaste ».
L’avis de M. Beydoun est loin d’être isolé dans la région, où le soutien sporadique à l’Iran au sein des masses a rarement été encouragé par les Gouvernements arabes, qui sont, depuis fort longtemps, inquiets des motivations iraniennes, ainsi que de l’extension de l’influence chi’ite. A la vérité, cependant, depuis plusieurs années, l’étoile montante de la stratégie de l’Iran brillait au firmament, au moins autant que celle de l’Amérique apparaissait décliner. Cela a été particulièrement vrai après que le Hezbollah ait déclaré victoire contre Israël, soutenu par les Américains, lors de la guerre au Liban de 2006, et au moment où l’insurrection en Irak menaçait l’occupation américaine, en infligeant des pertes croissantes en vies américaines, en 2006 et 2007.
A l’époque, les responsables iraniens piaffaient à propos de l’impuissance des Etats-Unis, à l’article de la « mort ». Ils déclaraient que la démocratie occidentale avait « échoué ». On découvrait qu’Ahmedinedjad lui-même, lors d’un sondage égyptien, occupait la seconde place en tant que politicien le plus populaire de la région, après Nasrallah.
Cependant, la fascination pour l’Iran n’avait de rapport, directement, avec rien de particulièrement noble en provenance de Téhéran et, pour une part importante, elle a été de courte durée.
« Je crois que ce qui s’est passé en 2006 [avec ce sondage pro-Ahmadinedjad], c’est que les gens sont si anti-israéliens qu’ils auraient même pu, très brièvement, se considérer comme pro-iraniens, à cause du sort des Palestiniens, ou dans ce cas, celui des Libanais », explique Joost Hiltermann, le Directeur délégué au groupe de crise internationale dédié au programme Moyen-Orient à Washington. « Je pense qu’il n’existe pas de soutien spontané en faveur de l’Iran, dans la rue arabe ».
La façon dont l’Iran est perçu a, de tout temps, été crucial pour le Régime islamique. Il y a trente ans, il a décrété que « l’exportation » de la révolution constituait une priorité. Les grandes causes islamiques, comme l’état palestinien et le combat contre Israël –de même que combattre le « Grand Satan » d’Amérique et l’Union soviétique – devaient alors être systématiquement adoptées et soutenues.
Depuis lors, même si l’Iran chi’ite cherchait à soutenir les minorités locales chi’ites à travers la région, Téhéran a toujours pris la précaution de cultiver un message panislamique. Une analyse de la Rand Corporation réalisée pour le gouvernement américain et publiée en mai dernier, quelques semaines à peine avant l’élection[iranienne], faisait remarquer que l’Iran percevait l’opinion publique arabe comme un « vecteur important pour la projection de [son propre] pouvoir [d’influence] ». Peut-être avec une certaine préscience, elle ajoutait que le soutien populaire arabe était une "ressource stratégique inconstante » qui pourrait « rapidement basculer des louanges à la condamnation ».
Même au sein de la hiérarchie iranienne, plusieurs admettent le préjudice causé par le chaos postélectoral. Le Général-Major Mohammed Ali Jafari, commandant de l’élite de la force des Gardiens de la Révolution, qui a pris le contrôle de la sécurité à Téhéran, quelques jours après le vote, a reconnu que le désordre a conduit le système iranien « au bord de la chute » et « représente un revers à la crédibilité du régime ».
A l’extérieur du pays, les experts perçoivent la violence enclenchée comme le pic de l’iceberg d’une orientation autocratique qui minait déjà les fondations du gouvernement.
Massoumeh Torfeh, un expert iranien de l’Université de l’Ecole de Londres des études orientales et africaines, explique que « l’influence de Téhéran peut s’évanouir, parce que l’Iran est, de plus en plus, perçu comme un régime islamiste fondamentaliste, autoritaire, et pas comme l’un de ceux qui protègent les droits des Musulmans. Après tout, les gens qui souffrent dans les prisons iraniennes sont également musulmans. Les gens qui ont été tués durant les manifestations sont aussi des musulmans… Aussi je pense que leur réputation est, pour le moins, ternie ».
Plus largement, fait-il savoir, l’objectif des radicaux –l'Ayatollah Khamenei, Ahmadinedjad et un groupe de politiciens néoconservateurs soutenus par les Gardiens de la Révolution et la milice idéologique des Bassidjis – est de détruire tous les courants réformistes en Iran, ainsi que toute approche plus « conciliante » de gouvernement islamique ».
M. Torfeh ajoute : “Après trente ans [le système iranien] perd du terrain, il est de plus en plus usé, il se fait vieux. Il n’a plus d’idées innovantes, de nouvelle stratégie à offrir. Il n’est plus qu’un long discours de haine fondamentaliste et rien d’autre que cela. Khomeiny était très créatif à sa façon, selon la manière dont il a présenté l’Islam au monde. Mais il ne s’agit plus désormais que de l’aile radicale d’un mouvement, sa fin fondamentaliste. Je pense que ce sont les étapes ultimes ; cela s’oriente de plus en plus à droite, pour autant que cette notion existe »
La rhétorique officielle qui émane du régime, depuis l’élection est restée virulente. Khamenei a déclaré que la victoire d’Ahmedinedjad résultait d’un « arbitrage divin ». L’accueil des plaintes concernant les irrigularités et le décompte des preuves de fraude massive – parallèlement à des résultats officiels que les analystes de l’Iran considèrent comme virtuellement impossibles à réaliser, du fait de la mixité des composantes ethniques, sociales et politiques en Iran – n’ont pas réussi à provoquer un revirement du régime. Khamenei, en fait, a décrété tout refus d’accepter les résultats des élections comme étant « le plus grand crime ».
L’opposition demeure active et défiante. Elle a multiplié les occasions de se faire entendre avec des slogans supportant Mir Hossein Moussavi, le concurrent « modéré » qui a déclaré que l’élection avait été volée, en même temps qu'en arborant les photographies ensanglantées de Neda Soltan, la jeune étudiante de 19 ans tuée par un tireur du Basij. Les grafitis de l’opposition couvrent les murs des rues et des classes des écoles.
Le Hezbollah a été créé avec l’assistance de l’Iran en réponse à l’invasion du Liban en 1982. C’est l’unique organisation hors d’Iran qui adhère strictement au système de suprématie théologique d’un guide considéré comme infaillible, le Velayat-e-faqih de l’ayatollah Khomeny.
L’Iran fournit encore des financements et un armement significatifs au Hezbollah et tous ses membres jurent allégeance au système islamique aujourd’hui dirigé par Khamenei. Encore un exemple des dommages causés à l’image de l’Iran, Nasrallah, le dirigeant du Hezbollah, a dû admettre publiquement les « problèmes internes » de l’Iran. Egalement significatif le dirigeant ultraconservateur de la prière à Téhéran le vendredi, l’Ayatollah Ahmad Jannati, relatait dans un sermon de la mi-octobre, comment Nasrallah lui avait dit « qu’à la suite [des violences postélectorales], il avait reçu de nombreux appels du monde entier. Ils exprimaient leur désagrément et lui ont posé des questions. Ils lui ont dit à quel point tous les opprimés du monde et toutes les personnes d’esprit libéral avaient mis leurs espoirs en l’Iran ».
Une semaine avant le vote en Iran de juin, le Hezbollah lui-même subissait un revers lors de l’élection générale libanaise. On s’attendait à ce que le bloc qu’il dirige gagne une majorité de sièges au Parlement, mais en fait, il plafonnait à 45 %, contre le bloc soutenu par les Etats-Unis, qui conservait la majorité. Un autre revers a frappé la bonne réputation d’incorruptibilité de la milice, lorsqu’un homme d’affaire libanais proche du Hezbollah s’est fait prendre dans une vaste affaire financière de type Bernard Madoff, ayant consisté à tromper ses investisseurs.
“Je pense que vous pouvez, sommairement – et je serais très prudent quant au fait de pousser ce raisonnement trop loin- situer sur une carte les bouleversements et retournements subis par l’Iran, durant ces dernières années, et les mettre en parallèle avec ceux que le Hezbollah a, lui-même, subi, parce que nous avons constaté des dynamiques similaires », explique Nicholas Noe, l’éditeur en chef de Mideastwire.com, basé à Beyrouth.
Lui-même et d’autres pensent que, tout comme la crédibilité iranienne s’est érodée depuis les élections, il en va de même, -mais à un moindre degré- quant au rôle que le Hezbollah s’est assigné en tant que dirigeant légitime des chi’ites musulmans et comme membre essentiel de « l’axe de la résistance » qui tient tête à Israël et aux Etats-Unis.
C’est ainsi que le journal gauchiste As Safir de Beyrouth a prédit que “le patriotisme du Hezbollah allait s’amplifier plus que jamais, fondé sur un besoin croissant d’élargir sa base populaire et afin de compenser la perte d’un allié iranien décisif. »
L’impact des dégâts subis par “l’estampille « made in Iran” –pour reprendre l’expression de Mr Noe – peut encore s’en trouver limité, aussi bien au Liban que dans le monde arabe, plus largement. D’un côté, il n’y a seulement qu’une minorité de gens au Liban, même parmi les chi’ites, qui se tournent vers l’Iran pour s’inspirer de sa guidance spirituelle. D’un autre côté, beaucoup des alliés les plus proches de Téhéran – le Hezbollah, les partis chi’ites en Irak, le Hamas – sont déjà bien établis militairement et politiquement.
De plus, aussi longtemps que l’Iran continuera à envoyer de l’argent et des armes, les liens resteront puissants, sans considération pour ce qui se passe dans les rues de Téhéran. « La situation politique interne à l’Iran nous est égale », explique Abu Hassan, un commandant d’unité de la branche militaire du Hezbollah, en sirotant une tasse de thé sucré, dans la banlieue sud de Beyrouth. « Cela nous importe peu de savoir qui est le Président, tant qu’ils nous soutiennent. Nous n’interférons pas dans leur débat politique ».
Dans la Bande Occidentale de Cisjordanie, on peut même dire que l’admiration pour l’Iran se resserre. Malgré l’hostilité officielle de l’Autorité Palestinienne soutenue par l’Occident, à cause du renfort de l’Iran au Hamas, la perception de la crise électorale, pour un grand nombre, apparaît presque être un facsimilé de la vision de la ligne radicale à Téhéran. « Ahmadinedjad veut fonder la puissance pour son pays et lui-même. Et je pense qu’il est dans son droit », prétend le Sheikh Mahmoud Musleh, un membre du parlement à Ramallah, qui a été emprisonné durant deux ans après son élection en 2006.
"Les dirigeants comme Ahmadinedjad devraient servir de “modèle” au nations arabes », ajoute M. Musleh, en tripotant deux bandes de caoutchouc comme s’il s’agissait de pierres précieuses. Il blâme les « intérêts » étrangers comme étant responsables d’avoir fomenté les troubles. « Je sens à quel pointl e renseignement occidental transpire à travers les rues d’Iran et brise l’harmonie », dit-il. « Cela n’est pas dans nos intérêts de prendre position pour un côté ou l’autre… Notre intérêt est de conserver de bonnes relations avec qui que ce soit qui dirige l’Iran ».
Ce message est même porté plus clairement encore dans le labyrinthe du camp de réfugiés de Jalazoun, au sommet de Ramallah, où fleurissent les grafitis illustrant des mitrailleuses lourdes que surplombe le drapeau palestinien. Les hommes se rassemblent autour d’une télévision chantant les louanges de l’Iran. « Tout ennemi d’Israël est un ami des Palestiniens », explique Abu Mohammed. « De toute façon, aucun pays arabe n’est capable de combattre Israël de la façon dont l’Iran le fait ».
Avec toutes ces dissensions internes en Iran, tout ceci pose une question centrale pour ceux qui dirigent, à Téhéran : combien de temps encore pourraient-ils continuer à concentrer leurs efforts sur l’exportation de la Révolution ? Durant le chaos postélectoral, les manifestants ont clairement fait connaître leur exaspération concernant le soutien coûteux du régime à la résistance contre les Etats-Unis, Israël et l’Occident sur des champs de bataille lointains – spécialement en période de ralentissement de l’économie iranienne.
Leur slogan : “Pas plus Gaza que le Liban. Ma vie doit-elle être sacrifiée pour l’Iran ? »
Mais il demeure autant de raisons politiques que stratégiques pour que le régime continue d’envoyer de l’argent et des armes au-delà de ses propres frontières. Khamenei, concernant l’une d’entre elles, est connu pour avoir apprécié les manifestations de bonne volonté en provenance de la rue arabe durant les quatre premières années de la présidence Ahmadinedjad.
Un analyste qui a une longue expérience à Téhéran, explique qu’alors qu’il comprend la volonté de beaucoup d’Iraniens mécontents de se concentrer sur les problèmes internes, le régime s'appuie également sur une logique forte consistant à continuer d’exporter son influence. « Ils pensent que nous avons beaucoup d’ennemis dans le monde, et qu’il est préférable de déplacer les points chauds en dehors des frontières nationales, et de tenir ainsi nos ennemis occupés loin de chez nous », explique t-il.
Avec le blocage du processus de paix israélo-palestinien, l’Iran est aussi susceptible de trouver une nouvelle écoute dans toute la région, de façon à revitaliser l’axe de la « résistance », qui peut servir à maintenir l'attention loin de son propre fiasco électoral. Le président syrien Bachar al-Assad a suggéré que la « résistance » devrait rester la seule voie possible, pendant qu’on citait récemment Nasrallah, qui aurait précisé : « Ce à quoi nous assistons, c’est à un engagement absolu des Américains pour favoriser les intérêts d’Israël… alors qu’ils déconsidèrent la dignité des sentiments des peuples arabes et musulmans ».
Plusieurs sites internet conservateurs, à l’intérieur et à l’extérieur du pays pressent, en fait, l’Iran de revivifier son bellicisme contre Israël et l’Occident. « Ils revisitent cette idée qu'il faut exporter la révolution », explique Torfeh, à l’Université de Londres. « De nombreux individus disent que « Nous devrions impulser un second souffle à l’exportation de la révolution vers le monde, et travailler à régénérer le contenu de notre message. Ainsi, de toute évidence, il n’y a pas à se faire de souci à cause de l’impact [négatif] des derniers mois ».
La question la plus préoccupante reste : dans quelle direction le pays devrait-il aller globalement ? En Iran, même la signification de l’héritage de Khomeiny –souvent appelé « imam » par ses disciples en Iran –fait l’objet d’un débat houleux. Le père de la révolution iranienne aurait-il accepté une « évolution » naturelle et modérée, pour qu’elle [larévolution] demeure vibrante et viable, ainsi que les réformistes et de nombreux protestataires le pensent ?
Ou est-ce que ce sont les valeurs héritées de la guerre Iran-Irak des années 80 et une interprétation spirituelle stricte – des croyances qui excluent les "infidèles" du gouvernement et autorisent le matraquage des “ennemis”, même si ce sont des Iraniens fidèles – qu’il faut suivre ?
Paradoxalement, aussi bien un côté que l’autre perçoit que ce sont ses propres positions qui disposent de la logique la plus imparable. « De tous ces gens en prison, la plupart se considère comme les dignes disciples de l’Imam [ Khomeini] », remarque l’analyste de Téhéran. « Et tous ceux qui les torturent se considèrent également comme les mêmes dignes successeurs de l’Imam ».
• Ont contribué à ce reportage, Nicholas Blanford à Beyrouth, au Liban et Josh Mitnick, depuis Ramallah, en Cisjordanie.