Le chef de l’Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas a fait des déclarations contradictoires ces derniers jours concernant la violence et la guerre contre Israël. Devant un public anglophone, Abbas a assuré qu’il n’aurait jamais recours à la violence ; en arabe, il a affirmé qu’il rejoindrait les Etats arabes dans une guerre contre Israël : Abbas à un public occidental : « ‘Je suis engagé vers la paix, mais pas pour toujours’, a affirmé M. Abbas. ‘Cela ne veut pas dire que j’aurai recours à la violence – jamais. De ma vie, je ne le ferai jamais. Mais je ne peux pas rester assis à mon bureau à jamais à ne rien faire.’ » Abbas à un public arabe : « J'ai répété plus d’une fois que si les Arabes veulent la guerre – nous sommes avec eux. » Abbas a fait la déclaration contre la violence dans une interview avec Bernard Avishaï pour le New York Times Magazine. La déclaration était destinée à un public international et a été rapportée dans le New York Times le 27 janvier 2011. Abbas a fait la deuxième déclaration où il n’écarte pas l’option de la guerre lors d’une rencontre avec des journalistes égyptiens et d’autres pays arabes. Cette déclaration était destinée à un public arabe et a été publiée dans le journal quotidien officiel de l’Autorité palestinienne Al-Hayat Al-Jadida le 24 janvier 2011. Abbas a précisé qu’il était opposé à la violence aujourd’hui parce que les Palestiniens en étaient incapables et parce que la communauté internationale y était opposée. Il n’a pas dénoncé la violence en tant que moyen : « Nous ne souhaitons pas avoir recours à une lutte armée à cause de notre [manque de] capacités et parce que le climat international ne le permet pas. » Les dirigeants de l’AP ont maintes fois, au cours des pourparlers de paix de 2010, dépeint la non-violence contre Israël comme une stratégie. Ils ont à plusieurs reprises utilisé un langage contrit, expliquant aux Palestiniens l’aspect rationnel de la non-violence. Nabil Chaath, membre du parlement, membre du comité central du Fatah et ancien ministre des Affaires étrangères de l’AP, a prononcé une série de discours justifiant l’arrêt de la violence, qu’il explique être dû à la conjoncture du moment : « A l’heure actuelle [la lutte armée] n’est pas possible, et n’est pas efficace », a-t-il affirmé. Il a évoqué « l’incapacité à s’engager dans la lutte armée » et souligné que « [ceci] est devenu indésirable aujourd’hui » et que « la conjoncture internationale ne nous le permet pas ». Chaath a également rappelé le « droit de revenir à un conflit armé si nous considérons que c’est dans l’intérêt de notre peuple ». (Voir citations intégrales ci-dessous) Abbas a réitéré à trois reprises en 2010 sa volonté de se joindre à une guerre globale arabe : d’abord à la Ligue arabe en mars, puis en juillet et une fois encore aujourd’hui : Voici les transcriptions des déclarations de Mahmoud Abbas (le gras a été ajouté) : Le 24 janvier 2011, rencontre avec des journalistes égyptiens et d’autres pays arabes : « Le Président [Abbas] a souligné qu’en septembre, les dirigeants palestiniens feront passer une résolution dont personne n’a jamais osé rêver, si les options valables concernant le processus de paix venaient à échouer… Le Président Abbas a stipulé que l’Initiative de paix arabe était la solution idéale au conflit arabo-israélien… Il a précisé que l’Autorité palestinienne a diffusé l’Initiative de paix dans les médias israéliens et dans les ‘rues’, afin de la porter à l’attention des Israéliens. Il a souligné qu’il soutenait les options que les [Etats] arabes choisiraient, et ajouté : ‘J’ai affirmé plus d’une fois que si les Arabes voulaient la guerre – nous sommes avec eux. Je ne peux me battre seul. Nous avons tenté une action militaire pendant la seconde Intifada et durant l’attaque sur Gaza en fin 2008 et début 2009, suite au refus [du Hamas] de renouveler le cessez-le-feu, et cela nous a menés à la destruction. 25 % des maisons de Gaza sont toujours en ruine.’ Il a pointé qu’il s’opposait à une action militaire et que selon lui ces opérations populaires de résistance à l’implantation et à la barrière [de sécurité] ont apporté des résultats positifs évidents à la cause palestinienne. Il a rapporté que 50 % des participants à ces démonstrations sont des Israéliens, et 25 % sont des étrangers. Il a ajouté : ‘Nous sommes déterminés à poursuivre cette activité, et nous ne souhaitons pas avoir recours à la lutte armée, à cause de notre [manque de] capacités et du climat international qui ne nous l’autorise pas. » [Al-Hayat Al-Jadida, le 24 janv. 2011] Le 6 juillet 2010, à la résidence de l’ambassadeur de l’AP en Jordanie, s’adressant à des écrivains et à des journalistes : « Nous sommes incapables d’affronter l’armée israélienne, et ce point a été abordé au sommet de la Ligue arabe en mars à Syrte (Libye). Là je me suis tourné vers les Etats arabes et je leur ai dit : ‘Si vous voulez la guerre, et que vous tous allez combattre Israël, nous sommes pour. Mais les Palestiniens ne se battront pas seuls, parce qu’ils sont incapables de le faire.’… ‘La Cisjordanie a été totalement détruite et nous n’accepterons pas qu’elle le soit à nouveau’, en plus de ‘l’incapacité à affronter Israël militairement.’ » [Abbas lors d’une rencontre avec des écrivains et des journalistes à la résidence de l’ambassadeur palestinien en Jordanie, Al-Hayat Al-Jadida (Fatah), le 6 juillet 2010] Voici les transcriptions des déclarations du membre du parlement palestinien Nabil Chaath (le gras a été ajouté) : Le membre du parlement Nabil Chaath (1) : « … la lutte armée, qui est devenue aujourd’hui indésirable » «Le membre du parlement Dr Nabil Chaath, membre du Comité central du Fatah et Commissaire aux Relations extérieures... a souligné que la stratégie déclarée du Fatah pour combattre est d'adopter une lutte ‘non violente’ contre Israël, parce que le Fatah n'a pas la capacité de reprendre la lutte armée qui n'est plus souhaitable à l’heure actuelle, bien que c’est là le droit du peuple palestinien, comme l’ont garanti tous les traités et les résolutions internationaux... Chaath a souligné que la lutte non violente n'est pas moins honorable que la lutte armée, et que la choisir ne revient pas à se soumettre aux exigences israéliennes." [Al-Hayat Al-Jadida (Fatah), le 20 mai 2010] Nabil Chaath (2) : « la lutte armée pour le moment… n’est pas efficace » «Le fait que nous ayons pris actuellement nos distances avec la lutte armée ne signifie pas un rejet total... Il a ponctué qu’en raison des difficultés du conflit, le peuple palestinien doit diversifier sa manière de combattre – tout en mettant l'accent sur l'importance de la lutte armée, qui a jeté les bases de l'existence de l’État et contribué à en maintenir le droit et à le présenter au monde - d'autant plus que la lutte armée n'est pas possible à l'heure actuelle ou n'est pas efficace, en raison des difficultés auxquelles est confronté le peuple palestinien » [Al-Hayat Al-Jadida, le 21 mai 2010] Nabil Chaath (3) : les négociations sont « tactiques » et « temporaires » « Le Dr Nabil Chaath, Commissaire aux Relations extérieures et membre du Comité central du Fatah... a déclaré que la décision de reprendre des négociations est une décision tactique, c'est-à-dire, temporaire et qu'elle a pour but de se défendre... et elle dépend de la possibilité qu'a l'Autorité palestinienne d'obtenir des résultats tangibles de cette manière-là. Il a conclu : ‘même la résistance utilise des tactiques de défense pour ne pas rater d'occasions’. » [Al-Dustour (Jordanie), le 10 juin 2010] Nabil Chaath (4) : les Palestiniens reviendront à la violence quand ce sera « dans l’intérêt de notre peuple ». «Le Dr Nabil Chaath, membre du Comité central du Fatah... a souligné que ‘le peuple palestinien a le droit de se défendre et a le droit d’avoir recours à la lutte armée. Nous l'avons fait pendant cent ans. Le Fatah l'a menée [la lutte armée] pendant 23 ans et le Hamas l'a adoptée depuis 15 ans. Nous sommes fiers de tous nos Shahids (martyrs), et nous avons le droit d'avoir recours à la lutte armée lorsque nous considérons que c'est dans l'intérêt de notre peuple’. »[Al-Hayat Al-Jadida (Fatah), le 7 juin 2010] Voici un article du New York Times citant Mahmoud Abbas :
Les mémoires d’Olmert évoquent un presque accord de paix au Moyen-Orient
Par Ethan Bronner JERUSALEM - Ehoud Olmert, l'ancien Premier ministre d'Israël, affirme dans ses nouvelles mémoires que lui-même et Mahmoud Abbas, le président palestinien, étaient très proches d’aboutir à un accord de paix il y a deux ans, mais que les hésitations de M. Abbas, les propres problèmes juridiques de M. Olmert et la guerre israélienne à Gaza ont mis un terme à leurs pourparlers. Peu de temps après, un gouvernement de droite israélien est arrivé au pouvoir... Dans une interview séparée, M. Abbas a confirmé la majorité des propos de M. Olmert... L’article de M. Avishaï doit être publié dans le Times Magazine le mois prochain... «Je suis attaché à la paix, mais pas pour toujours», a dit M. Abbas. Cela ne veut pas dire que j’aurai recours à la violence – jamais. De ma vie, je ne le ferai jamais. Mais je ne peux pas rester assis à mon bureau à jamais à ne rien faire. » Il a affirmé que Washington devait jouer un rôle actif, sinon «les espoirs de paix s'effondreront et la région sera contrôlée par des extrémistes." [The New York Times, le 27 janv. 2011 |