Alors que les ‘Frères Musulmans’ gagnent davantage de pouvoir, Tsahal doit augmenter ses réserves et augmenter la dimension de ses forces d’au moins une division. La couverture des récents évènements en Egypte est une preuve de plus que les élites occidentales ne peuvent distinguer les arbres de la forêt. Au cours de la semaine passée, les principaux journaux ont consacré leur couverture relativement en profondeur, aux actions répressives des autorités militaires égyptiennes pour soumettre les protestataires de la place Tahrir du Caire, en particulier pendant la grande manifestation de vendredi dernier.
C’est à dire qu’ils ont donné une couverture en profondeur consacrée à réprimer en force une autre force. Ni l’armée, ni les protestataires n’appellent à se battre encore en Egypte, s’ils l’avaient jamais fait. C’est le boulot des ‘Frères Musulmans’.
La proche motivation de la manifestation de vendredi dernier était ce que les dénommés révolutionnaires de ’Twitter’ et de ’Facebook’ considèrent comme le lenteur de l’armée à répondre à leur exigence de la tête du président expulsé Hosni Moubarak sur un plateau. L’armée a répondu en annonçant que Moubarak et ses fils seront jugés pour des crimes capitaux le 3 août.
Au-delà de la soif de sang, les présumés petits angelots libéraux des media occidentaux exigent une annulation des résultats du referendum tenu en mars sur la séquence des élections et de la réforme constitutionnelle. Le vote à cette élection a été largement considéré comme le vote le plus libre dans l’histoire de l’Egypte. 77 % du public a voté pour tenir des élections parlementaires et présidentielles en septembre et nommer les membres d’une assemblée constituante parmi les membres élus du prochain Parlement, pour préparer la nouvelle constitution de l’Egypte.
Les protestataires ont légitimement mesuré que les élections précoces ouvriront la voie au contrôle de l’Egypte par les ‘Frères Musulmans’, puisqu’ils sont la seule force politique organisée en Egypte. Mais ensuite, les libéraux ont déclaré qu’ils voulaient une direction populaire.
Les protestataires via ‘Facebook’ ont exigé le départ immédiat du pouvoir de Moubarak en janvier. Ils ne voulaient pas négocier l’offre de Moubarak d’utiliser le reste de son dernier mandat pour guider l’Egypte dans un processus quasi-démocratique qui aurait pu empêcher les ‘Frères Musulmans’ de prendre le dessus.
Dans leur monde de fantasmes – qu’ils habitent avec les intellectuels occidentaux – le destin des nations est déterminé par le nombre de « suiveurs » sur votre page ‘Facebook’. Ainsi, quand ils avaient le pouvoir d’empêcher la prise de contrôle démocratique par les islamistes en janvier, ils l’ont gâché. Alors qu’il est trop tard, ils essaient de vaincre à travers des émeutes ce qu’ils ont échoué à gagner dans les urnes, discréditant ainsi leurs protestations de défense des valeurs libérales.
Leur nouvelle idée a été explicitée la semaine dernière lors d’une conférence parrainée par l’UE au Caire. Selon les media égyptiens, ils espèrent convaincre l’armée qu’ils protestent contre le remplissage de l’assemblée constitutionnelle d’une manière qui empêche les ‘Frères Musulmans’ de contrôler le processus. Comme Hishan el-Bastawisy, ancien juge à la Cour d’appel et candidat à l’élection présidentielle l’a expliqué : « Ce pour quoi nous pouvons pousser maintenant, c’est que le Conseil Suprême des Forces Armées mette en place des garanties pour le choix de l’Assemblée Constituante, dans ce sens qu’il ne reflète pas la majorité parlementaire ».
De même pour les Libéraux Démocrates d’Egypte.
De même pour l’armée, ses actions à ce jour montrent clairement que ses commandants en chef ne se considèrent pas comme les gardiens de la direction laïque en Egypte. Au lieu de cela, ils se voient comme les instruments d’une transition du laïcisme autoritaire de Moubarak vers l’islamisme populiste de ‘Frères Musulmans’.
Depuis qu’elle a contraint Moubarak à la démission, la junte militaire a adoubé le Hamas, la branche palestinienne des ‘Frères Musulmans’. Ils ont été instrumentaux pour le gouvernement d’unité palestinien qui ouvrira la voie à la victoire du Hamas lors des élections palestiniennes législatives et présidentielles programmées à l’automne.
Puis il y a le Sinaï. Depuis la révolution, l’armée a permis que le Sinaï devienne une base majeure non seulement pour le Hamas mais aussi pour le jihad mondial. Comme le Premier ministre Benyamin Netanyahou en a prévenu lundi dernier, les autorités égyptiennes n’affirment pas leur autorité sur le Sinaï et des jihadistes du Hamas, d’al Qaïda et d’autres groupes inondent la péninsule.
La décision la semaine dernière d’ouvrir la frontière égyptienne avec Gaza au passage de Rafah est une nouvelle preuve de ce que l’armée est favorable à la prise de contrôle de l’Egypte. Alors que les émules du ‘New York Times’ éclairent la signification de la décision en soulignant que les restrictions que l’Egypte a mises en place sur les voyages palestiniens, le fait est que les Egyptiens viennent d’accepter la souveraineté du Hamas sur une frontière internationale.
Beaucoup en Occident mettent en avant qu’étant donnée la terrible situation économique de l‘Egypte, il n’y a aucune possibilité pour l’armée de tourner le dos aux USA et à l’Europe. De toutes façons, l’Egypte fait face à un effondrement économique. D’ici la fin de l’été, elle sera incapable de nourrir sa population du fait d’une rupture des stocks de céréales. D’ici novembre, ses réserves de changes seront asséchées.
Mais plutôt que de tout faire pour convaincre des investisseurs et des gouvernements étrangers que le marché de l’Egypte est sûr, la junte militaire prend des mesures qui détruisent la crédibilité du marché égyptien. Pour complaire aux protestataires obsédés par Moubarak sur la place Tahrir et aux ‘Frères Musulmans’, l’armée refuse de remettre en place les expéditions de gaz naturel vers Israël.
Non seulement l’Egypte se refuse à elle-même des millions de dollars de revenus en coupant les expéditions de gaz vers Israël (ainsi que vers la Jordanie, la Syrie et le Liban), mais encore elle détruit sa réputation de place crédible pour les affaires. Et selon le New York Times, elle rend aussi impossible au gouvernement Obama une aide à l’économie égyptienne. Le Times a rapporté la semaine dernière que les USA ont lié la promesse du président Barack Obama d’annuler 1 milliard de dollars et de garantir 1 milliard de dollars de prêt aux autorités égyptiennes si elles affirment leur autorité sur le Nord du Sinaï. Cela signifie probablement qu’ils doivent renouveler leurs expéditions de gaz vers Israël et combattre le terrorisme.
Le fait que l’armée semble préférer faciliter l’effondrement économique de l’Egypte plutôt que de prendre la mesure impopulaire de renouveler les expéditions de gaz en Israël devrait mettre un terme à toute idée que les intérêts économiques surpassent les sentiments politiques. Cette situation ne fera qu’empirer quand les ‘Frères Musulmans’ prendront le contrôle de l’Egypte en septembre.
Et ne vous méprenez pas. Ils ont bien l’intention de prendre le dessus. Comme ils l’ont fait dans le sens du referendum constitutionnel en mars, les ‘Frères Musulmans’ utilisent leurs mosquées comme bureaux de campagne. Le message est clair : « Si tu es un bon musulman, tu voteras pour les ‘Frères Musulmans’ ».
Quand Moubarak a été renversé en janvier, les ‘Frères’ ont annoncé qu’ils se limiteront à 30 % des sièges parlementaires. Le mois dernier, le pourcentage se montait à 50 %. Selon toute probabilité, les ‘Frères Musulmans’ se battront et gagneront la majorité des sièges du Parlement égyptien.
Quand Moubarak a été renversé, les ‘Frères Musulmans’ ont annoncé qu’ils ne mettraient pas en lice un candidat pour la présidence. Quand le conseil de la shura dirigeant les ‘Frères Musulmans’ et le chef du syndicat des médecins Abdel Moneim Aboul Fotouh ont annoncé le mois dernier qu’il est candidat à la présidence, les ‘Frères Musulmans’ ont bien vite nié qu’il est le candidat du mouvement. Mais il n’y a aucune raison de les croire.
Selon un article paru jeudi dans l’édition anglaise du quotidien ‘Al- Masry al-Youm’, les ‘Frères Musulmans’ jouent pour vaincre. Ils invoquent les stratégies du fondateur du mouvement, Hassan al-Banna, pour établir un Etat islamique. Sa stratégie comprenait trois étapes : l’endoctrinement, le gain de pouvoir et la mise en oeuvre. Al-Masry al-Youm cite Khairat al- Shater, l’architecte de l’organisation des ‘Frères Musulmans’, « comme ayant récemment affirmé que les ‘Frères’ en sont actuellement à la seconde étape et se lancent progressivement vers la troisième étape.
Maintenant que nous comprenons qu’ils s’apprêtent à mettre en oeuvre leur objectif d’Etat islamique, nous devons nous interroger sur la signification pour l’Egypte et la région.
Dimanche, le président des ‘Frères Musulmans’ Mohammed Badie a donné un entretien à la télévision égyptienne, repris sur le site Internet en anglais des ‘Frères Musulmans’ iquwanweb.com. Les déclarations de Badie indiquaient que les ‘Frères Musulmans’ mettront fin à tout songe de démocratie en Egypte en prenant le contrôle des media. Badie a déclaré que les ‘Frères Musulmans’ s’apprêtent à lancer une chaîne d’informations publique, “avec un engagement pour l’éthique de la société et les règles de la foi islamique”.
Il a aussi exigé que la radio et la télévision d’Etat commencent à diffuser des enregistrements des discours et des sermons de Banna. Enfin, il s’est plaint de l’hostilité contre les ‘Frères Musulmans’ de la majorité des organes de media privés en Egypte.
De même pour Israël, on a demandé à Badie comment l’Egypte dirigée par les ‘Frères Musulmans’ réagirait si Israël menait une action militaire contre le Hamas. Sa réponse fut assez honnête. Comme il le formula : « La situation changera dans un tel cas, et l’on entendra la voix du Peuple égyptien. Tout gouvernement au pouvoir devra respecter le choix du Peuple, quel qu’il soit, comme dans toute démocratie ».
En d’autres termes, la paix entre Israël et l’Egypte mourra pour des raisons populistes.
Jusqu’à présent, les réponses d’Israël à ces développements stratégiquement désastreux ont été muettes et insuffisantes. Mercredi dernier, le ministre de la défense a annoncé qu’Israël accélère la construction de la barrière à la frontière entre l’Egypte et Israël. On prévoit la fin de la construction de la barrière de 210 km de long d’ici la fin de 2012.
Alors que c’est une décision importante étant donnée la fusion effective de Gaza vers le Sinaï avec l’ouverture de la frontière, elle ne répond pas à la menace qui approche de l’Egypte en elle-même. Elle ne répond pas au fait qu’avec l’expulsion de Moubarak, une effusion d’hostilités auparavant peu imaginable avec l’Egypte est désormais devenue éminemment pensable.
Face à la perspective d’une Egypte dirigée par les ‘Frères Musulmans’ en septembre, le gouvernement d’Israël doit commencer à se préparer à la fois diplomatiquement et militairement à une nouvelle confrontation avec l’Egypte.
L’intoxication de l’Occident par le mythe du ‘Printemps Arabe’ signifie qu’actuellement les vents politiques sont du côté de l’Egypte. Si l’Egypte devait commencer une guerre avec Israël, ou seulement soutenir le Hamas dans une guerre contre Israël, au minimum, le Caire bénéficierait du même traitement de la part de l’Europe et des Etats-Unis que le gouvernement du Liban dominé par le Hezbollah et dont l’armée a profité en 2006. Pour bloquer cette possibilité, le gouvernement doit commencer à éduquer les faiseurs d’opinion et les dirigeants politiques en Occident sur la nature des ’Frères Musulmans’ et devra aussi appeler à couper toute aide militaire des USA à l’Egypte.
Militairement, le gouvernement doit augmenter la dimension du commandement Sud de Tsahal. Les forces armées égyptienne comprennent plus d’un million d’hommes en armes. L’arsenal de l’Egypte comprend de tout, depuis les F- 16 juqu’aux tanks ‘Abrams, aux navires de guerre de première catégorie, aux missiles balistiques, jusqu’aux ponts sophistiqués pour traverser le Canal de Suez.
Tsahal doit augmenter ses réserves et augmenter la dimension de ses forces d’au moins une division. Elle doit aussi entamer son entraînement à la guerre dans le désert, développer et acheter des plateformes conventionnelles appropriées.
Avec les Iraniens qui s’apprêtent désormais à passer du développement de capacités nucléaires au développement de têtes nucléaires, et avec les Palestiniens qui font monter leur guerre politique et planifient leur prochaine guerre terroriste contre Israël, il apparaît que personne au gouvernement ni au sein de Tsahal ne veut envisager les implications stratégiques de l’inversion de l’Egypte de l’état de partenaire de paix à celui d’ennemi.
Mais Israël n’a pas à décider ce que font nos voisins. Nous ne pouvons que prendre les mesures pour minimiser leur capacité à nous nuire.
Il est temps de passer à la pleine vitesse.
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