Wikileaks, boute-feu, jette de l'huile iranienne au Bahreïn et change Dagan en Nostradamus
par Marc Brzustowski
Pour © 2011 lessakele et © 2011 aschkel.info
Une fois de plus, pas grand-chose dont on ne se doute déjà, dans les dernières publications d’Assange sur Wikileaks. On veut croire que ce pourfendeur de diplomatie correcte se veut le chevalier blanc qui impose enfin une transparence diafane sur le monde des coups tordus obscurs venus de nulle part et des crocs-en-jambe entre alliés.
Mais l’effet d’aubaine de ce nouveau business à sensation est surtout d’être sans la moindre retenue et de mettre les pieds dans le plat au moment opportun pour envoyer une bombe incendiaire dans le lit du voisin. Ma foi, celui-ci s’en dépêtrera comme il peut et tant pis si cela fait des morts, de nombreux morts et quelques dirigeants cocus de plus sur la planète.
Off-the-record, off-limits, le Mammouth Wikileaks écrase les prix du scoop! Place à l’info politique pornographe, celle qui voit tout, partout, tout le temps. Rêve démiurgique, antitotalitaire, qui, précisément, dépasse son maître : trop d’information, non seulement tue l’info, mais peut aussi participer du déséquilibre du monde.
Un paramètre que n’a pas intégré la tendance, c’est que les pays les plus démocratiques et les mieux sécurisés ne craignent guère un scandale de plus ou de moins. Cette façon de procéder les rafraîchit, dans le flux en tir tendu de l’évènementiel qui blase. Une presse déjà libre peut se permettre un écart de plus. Par contre, les pays en effervescence, les pouvoirs fragilisés peuvent se trouver d’autant plus déstabilisés que la révélation aurait pour effet de venir amplifier la rumeur et, qui plus est, servir le thé au « Jasmin » (c’est de saison dans le monde arabe) aux agitateurs et dictateurs qui ont, le plus, intérêt à ce que les autres tombent avant eux.
Voilà, c’est dit : il existe un contrat moral implicite entre presse et liberté, qui puisse aussi « s’encombrer » d’une déontologie poussant à ce que la liberté progresse et non qu’elle fasse machine arrière par vent debout. Assange n’en a cure.
Ainsi, l’ami « Weaky leaks » (tuyau faiblard) nous confirme que des liens épisodiques seraient bien en train de se développer entre les services secrets israéliens et des émirats proches de l’Arabie Saoudite, comme le Bahreïn, sous les coups de boutoir de l’Iran, actuellement. Téhéran ne cherche rien d’autre que la cuiller de caviar que lui tend Assange, lorsqu’Ahmadinedjad lance les chiens hurlants de sa presse orientée et sous contrôle pour exploiter le vent des révoltes, notamment, chi’ites. Mais, cela va de soi, il fera aussi tout pour que celles-ci ne viennent pas ébranler son propre régime et celui de ses comparses, comme Assad dans la tourmente depuis 3 semaines.
Méïr Dagan et/ou ses proches lieutenants auraient donc rencontré le roi Hamad al-Khalifa, qui admet, dans un câble de 2005, que ces relations iront en s’amplifiant. Cette date correspond, précisément, au retour d’Ahmadinedjad à l’avant-scène, là où les négociations sur le nucléaire vont aller de provocation en provocation et où l’hégémonie iranienne menace les voisins, attendant seulement le signal du retrait américain d’Irak.
Un autre câble israélien perçoit le Maréchal Tantawi, actuel chef suprême du Conseil militaire, comme un « obstacle » au contrôle des trafics d’armes vers Gaza, alors qu’il loue les efforts de son compère du renseignement, Omar Souleiman, dans le même domaine. Pas de doute, les papiers d’Assange ne semblent pas tomber au hasard, mais cibler précisément des personnalités encore en fonction, comme pour brouiller un peu plus des relations déjà tendues ou en « griller » d’autres auprès des foules, jugés trop « proches » de l’ennemi sioniste. Et, s’il ne le fait pas exprès, le résultat sera, sans doute, le même aux prochaines élections de septembre en Egypte.
Dans un autre document de 2009, un membre du renseignement extérieur (Mossad, pour les férus de sensations fortes), prévoit que le Hezbollah se prépare pour une guerre longue, d’au moins deux mois, contre Israël (soit le double de la période précédente en 2006) : il évalue sa capacité de nuisance à 20 000 missiles. Le groupe terroriste libanais compte lancer entre 400 à 600 roquettes par jour contre Israël, dont au moins 100 sur Tel Aviv, perçu comme centre névralgique à affaiblir en priorité.
En novembre 2009, Yoav Galant, responsable de la région sud, aurait informé les Américains qu’Israël n’en aurait pas assez fait, précédemment (« Plomb fondu »), qui prenne la mesure réelle des priorités sécuritaires, au sujet de la menace venant du Hamas : sur le court terme, que le groupe terroriste soit juste assez fort pour maintenir le cessez-le feu, qui régnait de facto sur la Bande de Gaza ; de moyen terme, l’empêcher de renforcer sa mainmise politique. L’objectif de long terme resterait qu’Israël ne soit pas conduit à devoir reprendre le contrôle et la pleine responsabilité de la population de Gaza, à la place, soit du Hamas, soit d’une Autorité Palestinienne qui n’est pas près d’y revenir.
Faire dire à Yuval Diskin, alors chef du service intérieur (Shabak), que certains dirigeants des partis arabes israéliens abusent des droits démocratiques dont ils ne partagent pas les valeurs, tient, aujourd’hui, de l’enfance de l’art, depuis la « loi Azmi Bishara » et la disparition de celui-ci à l’étranger.
Quant à prouver la hauteur de vision du chef de l’Aman, Amos Yadlin, dès 2007, affirmant que le régime d’Assad ne survivrait pas à une autre guerre contre Israël, mais surtout, celle de l’ancien directeur du Mossad, Méïr Dagan, que tous les régimes limitrophes, dont l’Egypte, la Jordanie, la Syrie et le Liban, sont instables, tout cela est déjà largement documenté par l’information officielle en temps réel, sans qu’Assange n’y ajoute son grain de sel. Cela tient au plus, de l’hommage du vice publivore à la vertu du culte de la discrétion.
On retrouve, également, deux autres larrons de l’actualité dans ces indiscrétions pour débutants : Bachar al Assad, encore lui, aurait refusé d’intercéder dans le dossier Guilad Shalit. De même, le cacique syrien se serait opposé, avant de revenir sur ce point, au retour de la dépouille d’Elie Cohen, même dans le cadre de pourparlers de paix, en faisant une clause non-négociable de fierté nationale. En d’autres termes, il n’a jamais souhaité avancer d’un iota, ne serait-ce que sur des sujets symboliques, contrairement à tout ce que les diplomaties française et américaine ont laissé croire ces dernières années. Par contre, l’opportuniste Saïf al Islam Kadhafi, aujourd’hui sous les projecteurs, aurait proposé ses services aux Américains pour faire avancer cette cause. On voit, par là, que la « valeur » de cette détention du jeune soldat franco-israélien va bien au-delà des relations conflictuelles entre Hamas local et Israël, mais qu’il est la condition de survie du groupe terroriste sur la scène internationale.
Merci, Julian Assange, de nous inonder de tout ce que nous savions déjà. Sans vous, la face du monde en serait au point auquel elle ressemble étrangement aujourd’hui…