La Turquie n’a de cesse de réclamer des “réparations” et des excuses d’Israël pour l’envoi de sa flottille, où 50 militants proto-terroristes de l’IHH ont exercé leurs talents contre une opération légitime de police sur le Mavi Marmara.
Mais la Turquie “préfère” oublier et faire oublier au Monde entier trois crimes de masse majeurs relevant du génocide et crime contre l’humanité envers les Arméniens, de l’épuration ethnique et de “génocide culturel” contre les populations kurdes, de l’épuration ethnique et de l’occupation contre la population chypriote.
Ce n’est que dans le but de masquer les propres crimes contre l’humanité de son pays qu’Erdogan a lancé la campagne d’agression favorable au Hamas (aux mêmes théories génocidaires contre les Juifs) contre Israël.
Lorsque la Turquie se serait sincèrement lancée dans l’aggiornamento de ces “ombres au tableau” turc, alors peut-être son actuel gouvernement sera t-il habilité à réclamer l’examen de conscience d’Israël sur les faits, tels qu’ils se passent à Gaza, ou tels qu’ils se sont produits et ce que sont les responsabilités exactes de l’affaire programmée par la Turquie, du Mavi Marmara.
Qu'enfin justice soit rendue !
Par 'Haim Ouizmann
Pour aschkel.info et lessakele.
Arméniens massacrés: photo prise par l'Ambassadeur américain
H.Morgenthau
Sarah Aharonson (1890-1917), la célèbre héroïne du mouvement sioniste Nili (abréviation de «Netsa'h Israël Lo Yeshaqer» «L'Eternité d'Israël ne saurait mentir») relate avoir assisté, impuissante, au génocide du peuple arménien, minorité chrétienne non-armée riche d'un passé de 2500 ans. Le 25 novembre 1915, elle quitte l'Empire ottoman et au cours d'un long voyage en train qui la ramène de Koushta (Istanbul) vers la Palestine (*1), elle devient le témoin, malgré elle, du transfert de milliers d'Arméniens qui, jetés sur les routes, sont cruellement et sauvagement assassinés. Cette vision d'hommes, de femmes et d'enfants impitoyablement abattus par le gouvernement ottoman ne la laisse point indifférente. Elle comprend ainsi qu'un sort semblable attend les Juifs de Palestine alors occupée par l'Empire ottoman, ce qui la pousse à rejoindre son frère Aharon au sein du mouvement Nili pour lutter aux côtés de l'Empire britannique contre les Turcs avec Eytan Balkind, qui, affecté au quatrième commandement armé de Djamal Pasha avoue avoir, lui aussi, été témoin de l'assassinat de 5000 Arméniens brûlés vifs. Près d'un million et demi d'Arméniens sont exterminés dans l'indifférence générale (24 avril 1915). Comment le peuple juif, le «petit reste», le «tison sauvé du feu», victime de l'extermination organisée dans l'apathie et l'impassibilité quasi-totales, peut-il rester insensible, sourd et amnésique? L'indifférence à l'égard de cette minorité qui aujourd'hui vit en Israël n'équivaut-elle pas seulement à servir les intérêts turcs mais aussi, d'une certaine manière, à adopter envers le génocide arménien ce même silence, cette même indifférence, que le peuple juif a reproché aux Nations d'avoir observé pendant la Shoah. Pourtant, quelle ironie! Le terme de «génocide» fut créé et prononcé pour la première fois en 1944, par Raphaël Lemkin (1900-1959) s'exprimant au sujet de l'extermination arménienne. Nul ne peut nier la troublante ressemblance entre le génocide arménien et le génocide juif: février 1915: création de bataillons de travail destinés à être liquidés (commandos de travail dans les camps); l'Organisation Spéciale (OS) est chargée exclusivement d'organiser la destruction de la population arménienne (création des SS); 27 mai 1915: Le Comité central du Comité Union et Progrès (CUP ou en turc, Ittihad = union) passe une «Loi provisoire de déportation»; Mai à juillet : Transfert de la population arménienne jusqu'au désert de Syrie. Sans nourriture ni eau, elle est peu à peu décimée au cours de marches de la mort; 29 septembre: le télégramme de Talaat Pacha à la préfecture d'Alep confirme l'ordre d'extermination de l'ensemble du peuple arménien (Conférence de Wannsee: «la solution finale»). Nombre d'historiens s'accordent à penser que l'indifférence du monde face à l'extermination arménienne encouragera Hitler à élaborer son plan qui aboutira à la Shoah. En 1939, il dira: «Qui se rappelle de l'extermination du peuple arménien» (Louis P. Lockner «What About Germany» p. ( 11-12 .
Télégramme adressé par Talaat à la préfecture d'Alep le 29 septembre 1915:
Il a été précédemment communiqué que le gouvernement, sur l'ordre du Djémièt a décidé d'exterminer entièrement tous les Arméniens habitant en Turquie. Ceux qui s'opposeraient à cet ordre et à cette décision ne pourraient faire partie de la forme gouvernementale. Sans égard pour les femmes, les enfants et les infirmes, quelque tragiques que puissent être les moyens de l'extermination, sans écouter les sentiments de la conscience, il faut mettre fin à leur existence.
Par son histoire sanglante, le peuple juif a, plus que toute autre nation, le devoir moral et politique de rappeler aux jeunes générations que le génocide arménien constitue un
fait historique incontestable et incontournable en agissant contre l'oubli et le déni du peuple arménien. Les tentatives du Professeur israélien Yaïr Oron, spécialiste de la question arménienne, d'introduire l'enseignement du génocide arménien dans les programmes scolaires lorsque Shoulamit Aloni et Yossi Sarid occupaient le poste de ministre de l'Education, ont maintes fois échoué. Pour ne pas froisser la sensibilité turque et bouleverser les relations diplomatiques, militaires, touristiques et économiques avec le gouvernement turc, Shimon Perès, alors ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement d'Ariel Sharon, demanda à Abe Foxman, le premier dirigeant de la «Ligue contre la diffamation», d'adoucir l'«embarrassante» terminologie de génocide arménien par le terme «tragédie».
Il s'agit pour Israël de cesser de mener une «political correctness» en rappelant au premier ministre Erdoğan que «le Parlement européen, l'Association des chercheurs sur le Génocide, l'Institut de recherche sur la Shoah et le génocide (Jérusalem) et l'Institut sur le Génocide ont reconnu que l'extermination des Arméniens par le gouvernement turc fut un crime contre l'humanité selon la Convention de Genève de 1948 au sujet du Génocide» (Yaïr Oron, "Genocide, Extermination du peuple arménien, oubli et déni" Ed. Universitée Ouverte en Hébreu p.162). Le gouvernement d'Israël et la Knesset doivent impérativement se ranger sur la position de grands pays démocratiques comme le Canada, l'Allemagne, la Pologne, les Etats-Unis et la France (Loi votée en 2000 sous le gouvernement de Jacques Chirac) qui malgré les incessantes pressions turcs ne sont pas laissés intimidés en décidant de reconnaître le génocide arménien. Il faut souligner que le gouvernement turc a toujours craint qu'une telle décision soit enterimée par Israël car l'influence et l'autorité moral de ce dernier, en raison de la Shoah, s'avère encore plus imposant que celui des Nations du monde. Pour preuve, Abdullah Gül, le President turc tenta en 2007, par l'intermédaire d'Israël de faire pression sur les Etats-Unis, la plus grande puissance mondiale afin de convaincre le gouvernement Bush et le Congrès américain de ne pas officialiser par la loi le génocide arménien. Dans le cas contraire, Israël porterait toute la responsabilité de l'échec. Finalement, la loi du Congrès américain est votée (mars 2010) rétablissant une injustice historique de plus de quatre-vingt quinze ans.
Notre espoir, nous Juifs amis du peuple arménien dont l'humiliation et la souffrance sont nôtres, est que l'année 2010 sera celle d'un véritable revirement de conscience et que nos députés de la Knesset suivront la courageuse décision du Congrès américain en votant, enfin, la loi permettant la reconnaissance du génocide du peuple arménien et par ce biais renforceront les grands principes de liberté de conscience et d'expression fondateurs de l'Etat hébreu.
(*1) La Palestine devient l'état d'Israël à la déclaration d'indépendance (1948)
La négation du génocide arménien : La Turquie et le syndrome de Macbeth
La perpétration du génocide arménien se tint d'avril 1915 à juillet 1916, même si on peut noter des massacres résiduels en 1917 et 1918, ceux-ci devant être considérés comme un parachèvement du génocide (Yves Ternon, Les Arméniens, histoire d'un génocide, Le Seuil, 1977).
Le point de départ est constitué par le désarmement des soldats arméniens au sein de l'armée ottomane, puis par l'arrestation les 24 et 25 avril 1915 à Constantinople des notables et intellectuels arméniens, déportés puis mis à mort. Cette "intelligentsia" décimée est évaluée entre 200 et 600 personnes. Le génocide culmine en 1916 avec l'organisation de déportations à grande échelle, des convois d'Arméniens (environ 870 000 personnes) convergeant par voie ferrée vers Alep en Syrie. Les déportés sont envoyés sur deux axes : au sud, vers la Syrie, le Liban et la Palestine ; à l'est, le long de l'Euphrate où ils sont parqués dans des camps de concentration. En juillet 1916, expulsés vers les déserts de Mésopotamie, ils sont tués ou meurent de soif.
Les deux tiers des Arméniens vivant sur le territoire de l'actuelle Turquie ont été exterminés au cours du génocide qui fut planifié et exécuté par le parti au pouvoir à l'époque, le Comité Union et Progrès. Ce Comité, plus connu sous l'appellation de "Jeunes-Turcs", dirigeait l'Empire ottoman engagé aux côtés des Empires centraux dans le premier conflit mondial.
Ces massacres à grande échelle sont considérés comme l'un des premiers génocides du XX° siècle, ayant coûté la vie, selon la communauté des historiens, à 1 200 000 Arméniens (les Arméniens parlant de 1 500 000 et les Turcs de 600 000 à 800 000) sur une population totale de 2 millions de personnes.
LA RECONNAISSANCE DU GENOCIDE
La communauté des historiens
La grande majorité des historiens s'accorde à reconnaître le caractère génocidaire des massacres de 1915. Plusieurs historiens et spécialistes de l'Holocauste, dont Elie Wiesel, ont publié un article le 9 juin 2000 dans le New York Times déclarant "incontestable la réalité du génocide arménien et(incitant) les démocraties occidentales à le reconnaître officiellement." Pierre Vidal-Naquet affirme pour sa part "qu'il est évident que dans le cas du massacre des Arméniens, l'Etat turc est négationniste."
L'analyse historique du génocide s'est faite difficilement, sur la base de départ des témoignages des survivants, ainsi que des observateurs étrangers (en particulier dès 1915 par les rapports des diplomates neutres et les témoignages des membres des missions, écoles et hôpitaux situés dans l'empire ottoman). Les principaux responsables du génocide, condamnés à mort par contumace, avaient pris la fuite en 1918 en détruisant les documents compromettants.
Néanmoins, l'ouverture progressive des archives officielles ottomanes a permis de mieux cerner les responsabilités. La mise en oeuvre du génocide a été le fait des dirigeants du parti des Jeunes-Turcs Ittihadistes, un parti nationaliste révolutionnaire officiellement connu sous le nom deComité Union et progrès (CUP) avec à sa tête Enver Pacha. Les Jeunes-Turcs considéraient les Arméniens comme un obstacle à leurs aspirations panturquistes, prônant l'union de toutes les nations turcophones, et touranistes, tendant à se rattacher à de mythiques racines asiatiques : regrouper tous les peuples touraniens de l'Anatolie à l'Altaï. Les Jeunes-Turcs ont tenté de réécrire l'histoire en rattachant la race turque, par-delà la période ottomane, aux Mongols de Gengis Khan, aux Huns d'Attila, voire aux Hittites de la haute Antiquité (André Laramé, "24 avril 1915, le génocide arménien" : http : //www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=19150424)
Car, comme fondement du génocide, il y a le souci de la purification ethnique, l'extermination totale des Arméniens ( et aussi des Grecs et des Juifs), les éléments non-turcs de la population.
LA POSITION DE LA TURQUIE
L'actuel gouvernement turc adopte la position officielle de non-reconnaissance du caractère génocidaire de l'extermination planifiée des Arméniens durant le premier conflit mondial. Par ailleurs, il condamne vigoureusement toute reconnaissance du génocide par des gouvernements ou Parlements étrangers (reconnaissance par le Parlement européen le 18 juin 1987 ; reconnaissance par le Parlement français le 29 janvier 2001).
La Turquie qualifie les événements de 1915-1916, en relation avec le conflit mondial, comme le "prétendu génocide arménien" ou de "tueries" en minimisant le nombre des victimes. Le corps diplomatique turc est en première ligne sur la scène internationale pour diffuser la version officielle : c'est la raison pour laquelle beaucoup d'entre eux furent la cible d'attentats conduits par l'Armée secrète arménienne de libération de l'Arménie (Asala).
En Turquie même, l'arsenal juridique permet de poursuivre ceux qui contestent la version officielle : le nouveau Code pénal , notamment par son article 305, punit de trois à dix ans de prison tous "actes contraires à l'intérêt fondamental de la nation"; si l'opinion est publiée dans la presse, la peine peut être augmentée jusqu'à quinze ans de prison. Même si officiellement le génocide arménien n'est pas mentionné dans l'article 305, des personnes s'exprimant sur le génocide ont été traduites devant les tribunaux (ainsi l'écrivain Orhan Pamuk en 2005).
Une cohorte d'historiens stipendiés colporte la version du régime turc niant la réalité du génocide arménien (Yves Ternon, op. cit.) Ces révisionnistes se contentent de parler de massacres ou de tueries, de déportations rendues nécessaires par les circonstances, en prenant bien soin de minimiser le nombre de victimes.
Malgré ces dénégations, l'Association internationale des historiens spécialisés dans l'étude des génocides (International Association of Genocide Scolars) regroupant la majorité des historiens européens et d'Amérique du Nord, a adressé une lettre ouverte au Premier ministre turc le 13 juin 2005 lui rappelant que des centaines d'historiens, de nationalités différentes, indépendants de tout gouvernement, s'étaient prononcés avec objectivité sur la réalité du génocide arménien : "Nier la réalité factuelle et morale du génocide arménien relève non pas de l'étude historique mais d'unepropagande destinée à affranchir les coupables de leurs responsabilités, en accusant les victimes, et en effaçant la signification morale de leurs crimes." ("Letter to Prime Minister Recep Tayyip Erdogan", 13 juin 2005)
L'argumentation en faveur de la négation du génocide repose sur trois piliers :
la minimisation du nombre des victimes (évalué entre 300 000 et 500 000 alors que les estimations neutres oscillent entre 1 million et 1 500 000)
la contestation d'une préméditation et d'une planification orchestrées par le gouvernement Jeune-Turc
le retournement de culpabilité en plaidant la légitime défense contre la traîtrise arménienne (les Arméniens devenant les premiers responsables de leurs malheurs) et l'indignation toute sélective face à l'occultation des représailles des milices arméniennes vis-à-vis des populations civiles turques
Face aux documents existants (archives officielles ottomanes, rapports des témoins oculaires), ces arguments biaisés pèsent de peu de poids :
La minimisation du nombre des victimes ne résiste pas à l'examen
La préméditation et la planification de l'extermination résultent des archives ottomanes elles-mêmes et ont été mises en évidence par le procès des Unionistes de 1919 et le procès de Teilirian de 1921
Même si certains Arméniens, sujets ottomans, et d'autres, sujets russes de Transcaucasie, ont participé à des représailles contre les Turcs, ces exactions limitées ne justifiaient en aucune manière une extermination totale des populations arméniennes. Il est attesté, en effet, que les ordres de déportation ne visaient pas uniquement la zone de guerre afin de contrecarrer une éventuelle trahison, mais concernèrent bientôt toute la population sans distinction, et en particulier les femmes et les enfants : "(...) Je dis donc que cette extension des mesures futl'acte de fanatisme de race le plus infâme, le plus cynique, le plus criminel que l'histoire humaine ait pu enregistrer, que cet acte fut commis uniquement parce que les Turcs se rendaient compte de leur grande infériorité, du point de vue de la capacité économique et de la civilisation, relativement à cet élément non turc, et voulaient rétablir par la force l'équilibre en leur faveur (...)" (Harry Stuermer, correspondant allemand de la Kölner Gazette, cité par Gérard Chaliand et Yves Ternon, 1915, le génocide des Arméniens, Editions Complexe, 2006)
Ce point de vue du correspondant allemand sur place est partagé par le consul germanique Rössler, en poste à Alep (Rapport du 27 juillet 1915) : "Je suppose que mes rapports précédents ont démontré que le gouvernement turc a de beaucoup dépassé les limites des mesures justifiées de protection contre des intrigues arméniennes, réelles ou présumées, et que par l'extension aux femmes et aux enfants des ordres dont il a imposé l'exécution aux autorités dans les formes les plus dures et les plus rigides, ce gouvernement poursuit consciemment la destruction d'aussi grandes parties que possible du peuple arménien par des moyens empruntés à l'Antiquité et qui sont indignes d'un gouvernement qui veut être l'allié de l'Allemagne. Il a, sans nul doute, voulu se servir de la circonstance qu'il se trouve en guerre avec la quadruple Entente, pour se débarrasser de la question arménienne dans l'avenir, en ne laissant subsister que le moindre nombre possible de communautés arméniennes organisées. Il a sacrifié des hécatombes d'innocents avec les quelques coupables." (Cité par Chaliand et Ternon, Ibid.)
Quant au chiffre de un million de Turcs assassinés par les Arméniens, il n'a jamais reçu l'ombre d'un commencement de preuve.
LES ENJEUX POLITIQUES POUR LA TURQUIE
La reconnaissance officielle d'un génocide en 1915, au-delà de l'implication morale assimilant les Turcs aux nazis, entraînerait des enjeux financiers et territoriaux importants pour la Turquie actuelle. Une telle reconnaissance ouvrirait la voie à des demandes de dommages et intérêts, l'Etat turc au plan du droit international pouvant être contraint de payer des réparations pour les préjudices humain, moral et matériel, comme l'Allemagne fut contrainte de le faire après la Shoah.
Sans compter une éventuelle restitution de territoires à l'Arménie : en effet le traité de Sèvres de 1920 (jamais appliqué) consacrait une "République indépendante d'Arménie" sur la partie orientale de l'empire ottoman : l'actuelle Turquie de l'Est, berceau des Arméniens (mont Ararat). Mais cette éphémère République (1918-1920), battue par Mustafa Kemal, fut victime de la collusion entre la Turquie kémaliste et la Russie bolchévique. Elle perdit des territoires et fut intégrée en 1936 à l'URSS en tant que République socialiste. A son indépendance définitive le 21 septembre 1991, l'Arménie est amputée des 9/10ème de son territoire initial.
JEUNES TURCS ET KEMALISTES MEME COMBAT : MUSTAFA KEMAL A PARACHEVE LE GENOCIDE
Mustafa Kemal, marchant dans les pas du panturquisme hérité des Jeunes-Turcs, va parachever le génocide en liquidant les derniers foyers arméniens. Il écrase dans un bain de sang (200 000 victimes) la République d'Arménie établie par le traité de Sèvres, de septembre à décembre 1920 avec l'aide des Soviétiques. Par ailleurs, il soumet le foyer arménien de Cilicie (Petite Arménie) où 160 000 Arméniens rescapés du génocide ont trouvé refuge : 25 000 victimes. Le dernier massacre intervient à Smyrne en 1922 : les Arméniens sont chassés définitivement.
L'actuelle République Turque, fondée par Mustafa Kemal en 1923, ne peut accepter la réalité du génocide sans se saborder politiquement. En effet, à la fondation, la majorité des dirigeants étaient issus des rangs des Jeunes-Turcs. Reconnaître le génocide arménien, c'est scier les piliers de la République kémaliste.
C'est notamment l'opinion de Taner Akçam, sociologue et historien, professeur au Centre pour l'étude de l'Holocauste et des génocides, un des premiers universitaires turcs à avoir reconnu le génocide arménien : les auteurs du génocide font partie des fondateurs de la République de Turquie fondée sept ans plus tard.
"(...)pour mener la guerre d'indépendance nationale, Mustafa Kemal s'est aussi servi d'individus appartenant au parti Ittihad ve Terakki poursuivis pour crimes contre les populations arméniennes et grecques, ainsi que des notables contraints à la résistance par la peur de la vengeance des Grecs et des Arméniens. Pour tous les membres recherchés du parti Ittihad ve Terakki, et notamment ceux de l'Organisation spéciale qui a directement commis les massacres, participer à la guerre d'indépendance était une question de survie. Ils se trouvaient face à une alternative : se rendre et être condamnés lourdement voire exécutés, ou passer dans la résistance et l'organiser (...)
Ce tableau d'ensemble peut permettre de mieux comprendre la raison pour laquelle le génocide arménien est devenu un tabou. Accepter que parmi les "grands héros qui ont sauvé la patrie" certains ont été des assassins et des voleurs aurait eu sans nul doute un effet particulièrement destructeur. Aussi la voie de la négation paraît-elle plus aisée à ceux qu'effraie toute initiative pouvant ébranler les certitudes que les Turcs ont sur la République et l'identité nationale. Il existe cependant une autre voie : que le pays, au nom de valeurs démocratiques, prenne une certaine distance avec son propre passé" (Taner Akçam, "Le tabou du génocide arménien hante la société turque", Le Monde diplomatique, juillet 2001)
Par ailleurs, la spoliation des biens arméniens a favorisé l'accumulation primitive du capitalisme et l'essor d'une bourgeoisie d'affaires turque.
Dans ces conditions, Mustafa Kemal s'est cru obligé, un peu comme De Gaulle pour la France en 1945, de modifier le roman national en un grand récit mythique des origines qui, en coupant le cordon ombilical avec l'empire ottoman, allait évacuer le souvenir des Arméniens exterminés.
De là, est né le tabou du meurtre primitif qui aurait entaché la naissance de la nouvelle nation, l'apprentissage d'une "vérité officielle" transmise de génération en génération, évoquant le "prétendu génocide" et présentant les Arméniens comme des traîtres. Face à la question arménienne, Mustafa Kemal est le continuateur zélé de l'empire ottoman.
LE SYNDROME DE MACBETH
Pour un pays qui prétend intégrer l'Union européenne et se conformer à son héritage moral, notamment le respect des droits de l'homme, une telle voie est non seulement souhaitable mais impérative. La Turquie, toutes proportions gardées, doit avoir le courage, comme l'Allemagne nazie, de faire face à son histoire. Ce faisant, elle se grandira aux yeux des autres nations, alors qu'actuellement, elle traîne derrière elle, de manière schizophrénique, le boulet du déni.
Et comment un pays pourrait-il sérieusement prétendre qu'on lui refuse son billet d'entrée européen au prétexte d'une islamophobie, alors que lui-même refuse de reconnaître le génocide planifié de populations chrétiennes ?
Car cet "acte honteux", selon l'expression de Mustafa Kémal lui-même, a été fondamentalement motivé par l'ancestrale haine du musulman turc contre le giaour, l'infidèle chrétien, porteur des héritages iranien, grec, romain puis byzantin, toléré par les conquérants arabes et asiatiques, mais rendu esclave par l'oppression ottomane.
Car le sang ne peut s'effacer : "Le sang, dit-on, appelle le sang", nous dit Shakespeare. Il crie vers le ciel en réclamant justice. Macbeth ne peut nier son destin qui est celui d'un assassin et le spectre de Banquo surgira toujours au milieu des convives qui sombreront dans la folie.
Toujours, le spectre de ces cohortes de milliers d'hommes, séparés des femmes et des enfants, précurseurs d'autres martyrs en d'autres temps et d'autres camps, décapités, pendus, fusillés, massacrés, émasculés, agonisants du typhus exanthématique, ensevelis dans des charniers, parqués dans des camps de concentrations, déportés dans des déserts arides, affamés, assoiffés, achevés sans pitié par les milices kurdes et des mahométans fanatiques, viendra hanter la conscience de la Turquie.
Jusqu'à ce jour, la tache de sang est indélébile, c'est la tache de Macbeth.
Daniel Clairvaux