Terre juive, terre arabe :
la question de la propriété foncière
comme désinformation et propagande. (3/3)
Par Sacha Bergheim
Pour © 2011 contrecourant1© 2011 aschkel.info
Deuxième partie
Première partie
Jéricho début du 20ème
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Daberath, Palestine 6 march 1901 | point d'eau mont carmel. 1900 |
Contrairement à toute une mythologie délayée dans le politiquement correct ambiant, il n'y a pas de Palestine heureuse avant l'arrivée du sionisme: la nakba est avant tout celle d'une société dont les élites ont privilégié la logique de guerre à la logique de progrès, et dont l'effondrement est l'aboutissement d'un déclin entamé depuis le milieu du 19e siècle. L'évolution de l'économie rurale arabe, ses implications sociales, ainsi que la prise en compte du phénomène du terrorisme, succédant aux razzias bédouines, permettent de jeter un regard différent sur la société arabe en crise mise en contact avec un monde juif effervescent sous l'impulsion du sionisme.
Kenneth Stein est considéré comme le spécialiste de la question agraire dans la société arabe de Palestine. Dans son étude sur “l'économie rurale entre 1947 et 1939” (Studies in Zionism. Vol. 8, no. 1 (1987); pp. 25-49), il montre que la relation à la terre est le produit d'une interaction entre la sujétion (rapport entre dominants et dominés) et la subsistance (système agro-pastoral extensif dégradé), avec une ligne de fracture triple entre monde des fellaheen et monde bédouin, monde rural et monde urbain, et à l'intérieur du monde rural, entre les dominants et les soumis. Ce système n'est pas cloisonné, de même que l'économie agricole arabe va rapidement être partie prenante de la mise en place du système économique juif.
Une large majorité de la population arabe, dans les premières décennies du 20e siècle, vit dans une économie de subsistance, selon différents degrés de pauvreté. Cette lutte constante pour la survie se concrétise dans une plus ou moins complète dépendance socio-économique au moment où le sionisme entame son œuvre de défrichement et de mise en valeur de la terre.
Sur la route de Jéricho - Photo Irvine ca 1900
Comme partout ailleurs au Moyen-Orient, si la terre est le pivot du pouvoir économico-politique, c'est qu'elle distingue ceux qui contrôlent, louent, vendent et bénéficient du travail agricole, et la paysannerie prise dans un étau entre les aléas climatiques et l'endettement. Autre caractéristique: ne disposant d'aucune autre alternative dans le commerce, l'industrie, les ateliers, les paysans n'ont guère de possibilité de mobilité sociale, tandis que l'absence d'investissement restreint en même temps les potentialités du travail agricole lui-même et l'accroissement des rendements.
La société rurale arabe est dépendante de la récolte: d'elle dépendent la survie de la famille, de quoi cultiver l'année suivante, une fois les taxes, prélèvements, intérêts, droits divers payés aux prêteurs ou au propriétaire terrien. Tout facteur entravant le paiement de ces charges devient un désastre économique et social. Il n'est donc pas étonnant que des pans entiers du pays aient été maintenus à l'abandon, à l'état de marécage où sévit la malaria. La dégradation de la situation sociale arabe durant les années du Mandat Britannique doit-elle être mise sur le compte des avancées du sionisme comme le rapport Hope-Simpson le laissait sous-entendre en appelant à exclure tout juif au-delà du Jourdain et en interdisant l'immigration sur la rive gauche du Jourdain. L'opposition judéo-arabe sur le contrôle du pays et la survie de l'autonomie juive a-t-elle contribué à influencé le monde rural arabe? Et si oui dans quelle proportion?
Un système foncier préjudiciable, entérinant les inégalités
Dès le milieu du 19e siècle, la structure bureaucratique, fiscale et administrative de la région (à cette époque n'existe pas de “Palestine”, mais plusieurs districts (“sandjak”)) se trouve modifiée par les réforme ottomane de 1858 et 1871. La législation foncière, notamment l'enregistrement du droit de propriété, profite aux notables locaux, propriétaires terriens, cheikhs, collecteurs d'impôts, marchands de grains, tandis que l'endettement de la paysannerie s'accentue drastiquement.
De surcroît, les événements politiques et sociaux, tels que les raids des bédouins, ou bien, à partir des années 1920, la présence de milices armées arabes, représentent une série d'obstacles à tout développement économique. Paradoxalement, cet état de fait a eu pour conséquence qu'une majorité écrasante de paysannerie arabe s'est tenue à l'écart du conflit judéo-arabe jusqu'à la fin des années 1930. Même lors du conflit de 1947-49, de nombreux mukhtar solliciteront l'appui des IDF pour se protéger des pillages menés par les milices arabes.
À l'image du reste du Moyen-Orient, la structure sociale arabe se présente selon une stratification tripartie: une élite, une paysannerie et une classe moyenne très réduite, résultat de plusieurs siècles d'immobilisme. Dans leur majorité, les propriétaires terriens ne vivent pas sur leurs terres mais dans des bourgs, voire dans des villes comme Beirut, Damas ou le Caire, laisse la gestion quotidienne aux mains d'intermédiaires souvent peu scrupuleux qui gèrent la collecte des taxes notamment. La plupart du temps, ces dernières sont payées en nature (et non en numéraire), et selon les cas, peuvent aller de 20% à 75% du volume de la récolte, selon le degré de dépendance du paysan (si le propriétaire fournissait graines, bétails, outils...), réduisant d'autant la part restant pour le fellah.1
Le clientélisme politique: Ragheb Nashashibi et le Dr Khalidi en course
pour les élections municipales de 1934 à Jérusalem avec les notables de Lifta - Photo 26 09 1934
La première Guerre Mondiale accentue la précarité de la paysannerie, en raison des réquisitions de l'armée turque, si bien que dans les premières années du Mandat britannique, le secteur agricole dans son ensemble périclite à l'exception des plantations de citrons et de bananes.
La dépendance économique s'accroit d'autant que le paysan perd le contrôle de son propre futur (en raison de l'endettement) et entre dans une dépendance d'autant plus forte qu'elle va se coupler avec des enjeux politiques. L'influence des notables et de leurs intermédiaires est d'autant plus négative que l'analphabétisme atteignait des proportions dramatiques parmi la population musulmane (les arabes chrétiens sont le plus souvent éduqués dans des écoles gérées par des missions chrétiennes). L'arène politique se trouve ainsi laissée ainsi à ceux qui ont le temps et l'argent: cette élite religieuse, politique et économique qui préside aux choix de la majorité arabe ne représente pas plus que quelques milliers d'individus parmi 750 000 musulmans et chrétiens selon les évaluations démographiques (soit environ 0,25%). Tandis que les ruraux représentent en 1931 plus de 70% de la population arabe.2
Quelles sont les origines de l'endettement des fellaheen?
Il provient essentiellement des taxations diverses et des intérêts dus aux prêteurs qui représentent des charges fixes indépendamment des revenus annuels. Du fait que le paysan ne peut généralement fournir plus qu'une partie fixe de sa récolte au créancier, sans effacer sa dette, il maintient constamment un endettement qui s'accroit chaque année. Les taux d'intérêts des prêteurs arabes atteignaient souvent 30 à 60% de la somme empruntée. À la différence d'un système d'emprunt bancaire tel qu'il était notamment pratiqué du côté juif, ces dettes ne servent en aucun cas à améliorer les conditions de travail en vue d'un bénéfice futur, elles répondent uniquement à l'insolvabilité quasi constante des fellaheen. Ainsi, au début des années 1930, au lieu d'utiliser le bétail pour fertiliser la terre, les paysans de la région de Naplouse en venaient à le vendre pour obtenir des liquidités.3
Comme la plupart du temps les prêteurs sont aussi les marchands de grains, ils étaient le seul intermédiaire entre les paysans et le marché et en sont de facto les principaux bénéficiaires de ce système d'extorsion. Comme les loyers étaient calculés, non en numéraire, mais en quantité de farine, les prêteurs ont recours à ce genre de subterfuges pour contourner la loi ottomane, puis l'ordonnance britannique sur l'usure de 1934 qui limitait le taux d'intérêt légal à 9%.4 On comprend dès lors que l'attractivité des zones juives où les conditions de travail, de rémunération, ainsi que l'accès à des dispensaires contribue à alimenter une migration interne importante ainsi qu'un flux d'immigrants arabes venant des pays limitrophes.
L'absence de titre de propriété est le principal obstacle légal à l'octroi de prêt des institutions bancaires mises en place par la puissance mandataire. Le directeur du département foncier de Palestine note que “moins de 5% disposent d'un titre de propriété”5. Sachant qu'on évalue en 1931 l'endettement représente la valeur annuelle de la récolte. Dans le même ordre d'idées, le directeur du Fonds national juif relevait, en décembre 1939, que les Arabes manquaient de numéraire en raison de l'endettement considérable de la paysannerie.6 Les sommes allouées par les britanniques ne touchaient que la surface du problème, si bien qu'un quart de la population musulmane était sous le seuil de pauvreté en 19317.
Conscients du problème, les Britanniques n'ont cependant qu'apporté que des aides sporadiques et limitées, préférant s'en remettre aux élites – que tout conduisait à maintenir le statu quo – plutôt que de modifier radicalement la structure de la société arabe. A plusieurs reprises, des rapports ont suggéré d'injecter massivement des fonds de façon à désengorger l'endettement: les rapports de Sir Ernest Dowson, de la commission Shaw, celui de l'enquête de Hope-Simpson, le rapport Johnson Crosbie, celui de Strickland, de Lewis French en 1931 1932, ainsi que ceux fournis à la SDN insistent tous sur la nécessité d'un changement radical du régime foncier et une assistance à la paysannerie.
Etait-ce du ressort de la puissance mandataire qui ne respectait pas elle-même l'article 6 du Mandant émis par la Société des Nations appelant à encourager l'immigration juive par l'attribution de terrains appartenant à l'Etat?
L'administration foncière
L'introduction par le gouvernement central ottoman de nouvelles formes d'enregistrement foncier au 19e siècle (les lois de 1858 et 1871) ont eu, en Palestine, l'effet inverse à celui attendu. La réforme des tanzimat n'a pas réduit le pouvoir des notables locaux ni permis d'augmenter les revenus fiscaux.
Comme nous l'avons évoqué, l'enregistrement du droit de propriété devait se faire par le paiement d'une taxe, associé à une seconde taxe sur la valeur foncière, et les bénéficiaires faisaient l'objet d'un recensement que l'immense majorité des fellaheen évitaient afin d'éviter l'obligation du service militaire.
En revanche, les notables enregistrent de larges parcelles de terre en leur nom, ayant connaissance des arcanes de l'administration.8 Pour diminuer les taxations, les parcelles enregistrées étaient souvent moindre qu'en réalité. Aucun cadastre n'est établi en parallèle ce qui laisse des portions importantes de terres sans véritable propriétaire. Parfois, le notable payait les taxes au nom des paysans (tout en acquérant les droits en sa faveur), tandis que ces derniers lui apportaient une part de leur récolte. Lorsque les Britanniques ont cherché à indemnisé les paysans expropriés, l'absence de preuves (titre de propriété, bail de métayage) les a empêché de procéder à plusieurs reprises à des indemnisations.9
De facto, les notables ont juridiquement accumulé des portions importantes de terres dont ils ne possédaient que le titre de propriété. De surcroît, les méthodes traditionnelles , l'absence de recours à l'irrigation, la non rotation des cultures, les méthodes et l'outillage archaïque ont contribué à l'inefficacité agricole arabe. La mauvaise qualité de la farine, liée aux méthodes de tri et de broyage, rendait la production impropre, du moins, moins compétitive à l'exportation. En 1920, l'hectare de blé produisait en moyenne 593kg tandis qu'un ha en Egypte produisait 1 7893kg10.
La résistance à toute innovation était réelle, et pas seulement de la part des élites. L'usage des machines donnait par exemple l'impression aux fellaheen d'une dépossession plus grande encore, mais cela obérait tout progrès futur.
Battage du blé par une paysanne arabe - Photo American Colony 1930s
Le système du musha
Comparé au système mis en place par les pionniers juifs, le retard économique de la paysannerie arabe provient également du système du musha, qui est, dans bien des cas, la clé de voûte de l'endettement et de l'aliénation. En 1933, on estime la proportion de “musha” entre 46 et 63% des 8 252 900 dunam cultivables.11
Le principe est la propriété collective de la terre redistribuée périodiquement par lots aux clans des villages. Le but est de maintenir l'intégrité de la parcelle par la propriété du groupe, mais la rotation des parcelles parmi la communauté villageoise contrecarre tout effort, tout investissement ou toute amélioration, dans la mesure où, au plus tard, cinq années après, la parcelle revient à un autre fellah. Comme le note le rapport French en citant les propos d'un paysan:
“Je ne peux pas planter un arbre sur mes terrains, l'année prochaine, ils seront cultivés par un autre. Je ne peux pas fertiliser mes champs, un autre en bénéficiera l'année d'après, et pourquoi je dépenserai une livre par sac d'engrais au bénéfice d'un autre? Je ne peux pas construire une étable pour mon boeuf, il appartiendra à un autre l'an prochain”.12
Qui plus est, les parcelles sont rarement contigües, accentuant l'inefficacité. Un paysan dans ce système ne possède aucun titre attestant sa participation ni le type de parcelles cultivées etc En revanche, ce système a permis l'enrichissement des prêteurs et les périodes de redistribution étaient des temps de tensions13
Alors que la surface du musha restait la même, la population augmente en raison de l'immigration (vers la Galilée et la plaine côtière) et l'amélioration des conditions de vie. Chaque parcelle diminuait en surface, les rendant encore moins rentables14. Et contrairement à la finalité initiale, l'endettement collectif conduit à l'aliénation progressive des terres si bien que près des ¾ étaient aux mains de propriétaires citadins.15
Dans les années 1920, les achats juifs portaient sur les terres non occupées, enregistrées au nom d'un seul propriétaire, mais les restrictions juridiques mises en place par les Britanniques vont conduire les communautés agricoles juives à acquérir des terres auprès des mukhtar, si bien que la part de musha atteindt autour de 20% en 1929. Néanmoins, la proportion de fellaheen concernés par ces ventes (et leur déplacement consécutif à la vente des terres) ne concernera que moins de 3000 paysans sur les 750 000 habitants, soit une proportion dérisoire, en dépit des accusations des leaders arabes autour du mufti al Husseini. Le sionisme n'a pas affecté directement le processus de paupérisation et d'expropriation. À l'inverse, il a contribué à améliorer les conditions socio-économiques et l'intégration au circuit économique des villages arabes à proximité des communautés juives.
Là où la loi ottomane de 1860 avait poussé à la déforestation au introduisant une nouvelle taxation sur le bois, le fonds national juif met en place une politique de reboisement constante, associée à l'irrigation, même dans le Néguev.
Les effets du Mandat britannique et de la présence juive sur l'économie rurale
Dans un contexte où la société arabe n'atteint pas l'autosuffisance agricole, où la sécheresse (par exemple des années 1920-1922), la peste bovine (à partir de 1926), les invasions de sauterelles (1928, 1931), les mauvaises récoltes des années 1930 ont aggravé l'endettement et l'insolvabilité collective, la paupérisation des fellaheen et des bédouins, conjointe à l'absence de système éducatif ou d'une société civile éduquée, ont contribué à l'éclatement de la société arabe confrontée à l'urbanisation récente et à l'attractivité des centres de population juive16. Les routes commerciales se trouvent modifiées (en particulier en raison des taxes appliquées à la frontière avec l'Egypte) et les mouvements migratoires contribuent à un brassage avec les communautés juives qui modifie les relations socio-économiques traditionnelles.
L'insurrection des années 1936-1939 s'avère autant une rébellion contre le Mandat qu'une guerre civile visant à la prise de pouvoir de certains clans aux dépens d'autres. Obligés de participer au boycott, de nourrir les bandes armées, subissant les réquisitions, ne trouvant plus de débouchés dans les centres urbains (juifs notamment), les fellaheen voient leurs conditions de vie se dégrader rapidement. Les dégradations par les émeutiers contre les villages juifs, l'incendie des champs et des récoltes juives, l'insécurité sur les routes vont affecter durablement la société arabe.17 L'insurrection a non seulement échoué dans le but mais elle a accentué les faiblesses de la société rurale arabe.
Le secteur juif a été également affecté par l'insurrection, avec la diminution de l'immigration, le déclin des capitaux et de la demande, les dépenses pour l'autodéfense, l'absence de travail et l'obligation de remplacer les paysans arabes partis, la réorganisation des communautés rurales et la priorité à la terre (mur et barrière) avec pour effet de moins dépendre des productions arabes, et plus des kibboutzim et moshavim.18 Les moindres importations ont stimulé le développement industriel juif.19
La présence britannique était destinée à répondre aux intérêts de la couronne, non à améliorer la situation économique du paysan arabe ou de la population juive. Les Britanniques ont concentré leurs efforts à élaborer une structure militaire permettant de maintenir la paix à moindre coût afin de garantir les intérêts anglais (suez, pétrole iraquien, géopolitique).
Le camp de l'armée britannique près de Netanya en 1936
Pour autant, doit-on lier directement l'insurrection à la situation de la paysannerie? Cette hypothèse avait été soulevée dès 1923 par le secrétaire général de Palestine M. Moody:
“le gouvernent de Palestine ferait bien de consacrer plus d'argent et d'attention à l'agriculture. Si les paysans voyaient une amélioration de leurs conditions de vie, le danger de troubles politiques serait atténué. Une politique agraire forte me semble une chose positive que le gouvernement de Palestine devrait entreprendre pour relever la situation économique et de là politique..20”
Cette perspective tient-elle compte de l'ensemble des paramètres? Ne fait-elle pas l'impasse sur la dimension politique et sur les tensions internes à la communauté arabe?
Pour répondre, il est nécessaire de faire un retour sur les enjeux et la portée de l'insurrection antijuive et antibritannique du milieu des années 1930.
Une répression féroce derrière l'alibi de la lutte nationale et religieuse
Alors que de nombreux Arabes ont été persécutés voire assassinés par ces militants violents sur la base d'accusation de crime de vente de terres aux Juifs, les élites elles-mêmes s'enrichissaient à la faveur de l'essor agricole juif.
Ainsi, le leader arabe Awni Abdel Hadi, qui déclarait dès 1920 vouloir faire de la Palestine un cimetière pour tous les Juifs du pays et instaurer un unique gouvernement arabe, donna son accord pour la cession de 7 500 acres de terres au mouvement sioniste, tandis que le clan Husseini, à commencer par Muhammad Tahir al Husseini, s'enrichit en vendant à prix d'or des nombreuses parcelles aux pionniers juifs. (Cf. Kenneth Stein, The Land Question in Palestine, 1917-1939, 1984).
La radicalisation politique judéophobe, qui a par exemple culminé dans le carnage de 1929 où 133 Juifs et plusieurs centaines sont blessés par des pogromes soutenus par Amin al Husseini, devient le moyen de domination politique sur la société arabe elle-même. Lors de l'insurrection arabe des années 1936-1939, présentée généralement comme une révolte nationale contre la domination Britannique et contre les Réfugiés juifs fuyant les persécutions antisémites en Europe, on releva plus d'habitants arabes assassinés par les milices arabes que de Britanniques ou de Juifs (History of the Disturbances in Palestine 1936-1939, General Staff HQ Jerusalem, 1939 ; K. Waring : « Arab Against Arab. Evidence of Revel Documents », Times, 18 janvier 1939).
Le versant xénophobe du nationalisme arabe a donc servi de prétexte à l'élimination des opposants politiques.
En 1936, 195 Arabes étaient assassinés par des miliciens arabes, (pour 37 Britanniques et 80 Juifs). En 1938, 503 opposants Arabes étaient éliminés par les mêmes milices, tandis que 255 Juifs et 77 Britanniques avaient trouvé la mort. En 1939, on dénombrait 414 Arabes tués par les milices (contre 94 Juifs et 37 Britanniques).
Ce climat de terreur est un des facteurs les plus largement ignorés par la critique et qui aura une importance décisive dans le départ des populations arabes en 1947-1948, craignant les persécutions en cas d'accusation de « collaboration », prétexte le plus répandu aux assassinats et pillages.
Le 18 novembre 1938, Hassan Salameh, un des dirigeants de l'insurrection, qui participera en 1944 à l'opération Atlas avec les Nazis (empoisonnement des circuits d'approvisionnement en eau des villes juives et insurrection antibritannique) dénonçait lui-même dans une lettre à Abdel Qader al Husseini :
Je reçois des plaintes des villageois du district de Jérusalem subissant des pillages, tortures et assassinats par des hommes vils prenant les habits de combattants du jihad [les forces d'Abdel Qader]. Je reconnais que parmi les personnes tuées certaines avaient été condamnées à mort, mais quelle faute ont commis les gens innocents, dont l'argent est volé, le bétail pillé, les femmes violées, et qui souffrent d'une façon dont vous avez entendu d'une façon ou d'une autre. Notre rébellion est devenue une rébellion contre les villages, et non contre le gouvernement [britannique] ou les Juifs.
Et cette violence à l'encontre des habitants arabes conduisit nombre d'entre eux à privilégier le soutien aux autorités britanniques ou à la Hagana, tandis que certains préféraient se réfugier et s'installer dans des zones à majorité juive.
Membres de la Haganah avec des hommes du village de Kfar Qasim - mai 1949
Cet intérêt mutuel et cette coexistence réelle s'illustrent non seulement dans la sécurité assurée par la Hagana que par la perception d'intérêts communs. En décembre 1938, les dockers juifs refusent de décharger un navire allemand après qu'un officier allemand ait insulté un ouvrier juif. Les dockers arabes apportèrent leur soutien et refusèrent à leur tour de décharger le navire. De même, les ventes de terres aux pionniers juifs, ou encore l'achat par les Juifs des produits agricoles arabes ne décrut pas durant l'insurrection, mais change de nature.
L'opposition aux terrorismes arabes et la détérioration économique
Il n'est donc pas étonnant dans ces conditions que les populations arabes, à partir de 1947, prirent le parti de quitter les régions qui attaquer par les milices arabes, ayant en mémoire les événements des années 1936-1939 dont ils avaient été les premières cibles, ou bien établirent des accords de paix avec leurs voisins juifs, et ce jusqu'aux semaines précédents le début de la guerre avec la Ligue Arabe (par exemple, le 20 avril 1948, les négociations de “paix” établies par Baqa Gharbiya, le village annonçant ne pas soutenir les attaques antijuives).
Citons également les villages de Ma'ale haHamish et Qatanna, Qiryat Anavim et les pourtours de Abu Gosh, Kfar Qara et Kfar Glikson, ou encore les contacts pris par les mukhtar (chefs villageois) vers leurs voisins juifs de Suba, Kfar Atta, Aqir, Maliha, etc.
Les appels de Abdel Qader al Husseini à prendre les armes restèrent bien souvent sans réponse.
À Beit Safafa il est même chassé par les habitants du village qui refusent de servir de bases à des attaques contre les Juifs. Le 5 janvier 1948, soit 5 mois avant la déclaration d'indépendance de l'Etat juif, alors que les leaders arabes cherchaient à recruter des miliciens, les habitants de Qatanna expulsaient les « gangs » d'Abdel Qader de leur village.
D'autres exemples peuvent être rapportés, comme les résidents arabes de Qalandiya qui s'opposent à l'arrivée de miliciens du mufti le 30 décembre 1947, tandis que le 7 janvier 1948, les travailleurs de Maliha et Qaluniya refusent de participer à une attaque contre des travailleurs juifs. Dans certains cas, les hommes qui acceptèrent d'entrer dans les milices le faisait pour acquérir une arme et retourner chez eux protéger leurs biens. Cette méfiance est compréhensible: les leaders arabes étaient le plus souvent les mêmes propriétaires terriens bénéficiaires de l'ancien système féodal.
Il faut avoir à l'esprit que les hostilités déclenchées par le Comité Supérieur Arabe se sont accompagnées d'une détérioration économique, car beaucoup de villages arabes dépendaient de l'approvisionnement en provenance de régions juives ou judéo-arabes.
Attaque arabe contre un convoi de ravitaillement vers Jérusalem (en plein blocus par les forces arabes) - 1948
L'objectif explicite du Comité Supérieur Arabe qui était d'empêcher l'approvisionnement des régions juives allait à l'encontre de l'intérêt lui-même des habitants arabes. Et deux mois après le début des violences, Ben Gourion notait en février 1948, « les villages [arabes] demeurent majoritairement à l'écart [des violences] » (Behilahem Israel, 1951, Bama 'araha, 1949). Le général iraquien Isma'il Safwat, commandant en chef de « l'Armée de Libération Arabe », la force des volontaires arabes, qui resta le plus souvent inactive dans les mois précédant la proclamation de l'indépendance, se lamenta que moins de 800 volontaires sur les 5 000 entrainés par l'ALA étaient originaires de Palestine et que la plupart de ces derniers désertaient une fois leur entraînement achevé.
Fawai Qawuqji, un autre commandant, se plaignait que les Palestiniens « n'étaient pas fiables, et étaient difficiles à contrôler, et potentiellement inutilisables dans des combats organisés ». (cité notamment pas Arif el Arif dans anNakba, nakbat bait al Maqdis wal Firdaus al Mafqud, 1956)
Fawzi Qawuqji à la tête des milices de l'Armée de libération Arabe près de Hébron - 1948
Cela dresse un tout autre tableau de l'unanimité supposée du combat contre le sionisme et ses dimensions supposées colonisatrices. En revanche, cela corrobore l'idée d'une insurrection obéissant à la tentative de prise de pouvoir par les forces insurrectionnelles.
Les mois qui ont suivi le Plan de Partition de l'ONU montrent tout le contraire d'une dépossession systématique des Arabes, mais la recherche majoritaire d'un accord des populations arabes avec les populations juives, et il était évident pour les habitants arabes que les violences recherchées par les miliciens et factions étrangères étaient tout le contraire de leur intérêt.
Tandis que Qawuqji se faisait l'avocat d'une attaque qui « jetterait tous les Juifs à la mer » et que Abdel Qader al Husseini affirmait que « le problème de la Palestine ne sera résolu que par l'épée » et que « tous les Juifs doivent quitter la Palestine », Ben Gourion cherchait à convaincre ses compatriotes arabes qu'ils seraient dans l'Etat juif des « citoyens égaux, égaux sans aucune exception et dans tous les domaines ». (Bama 'araha, 1949)
L'instauration d'un climat de violence et représailles
Attaque contre un train géré par les autorités juives près de Rehovot - arrivée des secours -
Photo Pinn Hans 24 avril 1948
Toutefois le climat de violence extrême et les attaques constantes des miliciens, membres de l'ALA, groupes terroristes, qui firent tout pour concrétiser les déclarations de leurs leaders, contribuèrent à une escalade de la violence : attaque à l'arme automatique, mitraillage, embuscades, bombardements, c'est-à-dire l'ensemble des pratiques de guerre qui seraient aujourd'hui condamnées sous le nom de crimes de guerre, parce qu'ils visaient pour l'essentiel des « civils innocents et vulnérables vacant à leurs occupations quotidiennes », comme le notait le consul général américain de Jérusalem, Robert Macatee, dans une lettre au Secrétaire d'Etat datée du 31 décembre 1947 (archives américaines référence RG 84/800), évoquant également le cas d'une « femme juive, mère de cinq enfants, qui a été abattue à Jérusalem alors qu'elle étendait du linge sur le toît, tandis que l'ambulance qui devait la conduire en urgence à l'hôpital était mitraillé et les membres du cortège funèbre attaqués (un sera poignardé à mort). »
Le cycle des représailles se mit alors en route. Pour se venger, des membres du groupe clandestin Etzel tuèrent six ouvriers arabes d'une rafinerie d'huile de Haifa en décembre 1947, suivit par le massacre immédiat de 39 ouvriers juifs par leurs collègues arabes, alors que l'assassinat de 100 arabes durant la bataille de Deir Yassin (el Arif, qui ne peut pas être suspecté de positions pro-sionistes, conclut à la mort de 110 Arabes dont une partie de civils lors de la bataille) fut le prétexte au meurtre de 77 infirmières et docteurs juifs en route vers l'hôpital Hadassah à Jérusalem.
Les autorités arabes amplifièrent (journal Filastin, des 13, 14, et 16 1948 ; journal al-Difa, du 11 au 16 avril 1948 ; Radio Jerusalem (émission en arabe) en date du 13 avril 1948 suivi par Radio Damas le 14 avril ; radio al-Sharq al-Adna (basée à Jerusalem), les 15 et 16 avril 1948)) l'écho de ces représailles de guerre civile en donnant des proportions aussi énormes qu'absurdes après chacune de leurs défaites. Cela contribua à créer une atmosphère de panique du côté arabe dans les régions contrôlées par les troupes et miliciens arabes. La chute de Haifa (21-22 avril 1947) fut suivie de l'accusation infondée (photos à l'appui) de massacres à grande échelle, de même que la prise de Safed début mai. Le but était sans aucun doute d'obtenir la plus large sympathie pour la cause arabe et de représenter les Juifs comme des assassins violents (tout comme aujourd'hui...)
Cela eut surtout pour effet de semer la panique dans la société arabe et vit l'effort de guerre arabe s'effondrer dès avril 1948, si bien qu'avant même qu'un Etat juif fut proclamé, et moins de cinq mois après le début des violences initiées par le Comité Supérieur Arabe, la plupart des Arabes refusèrent de se joindre au combat, et ceux qui vivaient dans les zone de combat futur (zones frontières) n'envisagèrent d'autre choix de rejoindre les pays voisins.
L'exode des populations arabes
Cet exode des populations arabes, similaire à celui de la France en 1940, est moins dû à une politique concertée des autorités juives (il a commencé avant même l'établissement du plan Dalet qui n'est dans son contenu pas un plan d'expulsion, contrairement à l'affirmation d'Ilan Pappe) qu'à l'effet des tensions avant même l'éclatement des hostilités.
Le 22 décembre 1947 et le 24 janvier 1948, Alan Cunningham, à la tête du Haut Comité britannique, écrivait :
« Les Arabes quittent le pays avec leurs familles en grand nombre et il y a un exode des villes mixtes vers les centre ruraux arabes. [...] La panique de la classe moyenne se poursuit et il y a un exode constant de ceux qui ont les moyens de quitter le pays. »
Le départ des populations arabes est donc, avant même qu'Israel ne soit proclamé et alors que Ben Gourion imposait une stratégie strictement défensive, perçu avec attention par le Haut Comité Arabe et les capitales voisines comme dans le journal al Ayam publié à Damas du 21 décembre 1947 qui regrette que les Arabes préfèrent partir au lieu de se préparer au combat.
L'organisation du départ des habitants de Zenin - Photo John Philips 1948
On remarquera la présence de soldats arabes encadrant l'évacuation des habitants
Le manque complet de cohésion nationale s'illustre dans le sentiment qu'il n'y avait pas de destinée partagée.
Ainsi, les marchands arabes de Haifa vont privilégier leurs propres intérêts en refusant de fournir de la farine vers Jenine, tandis que des gardes armés empêchaient tous convois à destination de Hébron. Ce manque de solidarité commune se retrouvait aussi dans le traitement de la première vague de réfugiés. Aucun effort n'était entrepris en leur faveur, si bien que les Juifs relevaient avec étonnement que « les réfugiés sont haïs partout où ils arrivent », tandis que les victimes du conflit étaient rejetés par les villageois près desquels ils avaient trouvé refuge : le 14 avril, les représentants de Silwan contactaient les bureaux du Comité Supérieur Arabe pour exiger que les anciens habitants de Deir Yassin soient transférés. Demande qui resta ignorée.
Les autorités arabes d'Acre empêchèrent les Arabes quittant Haifa par mer d'accoster, tandis que fin avril 1948 la population chrétienne arabe – qui était majoritaire à Ramallah à cette époque – organisa une milice pour empêcher l'arrivée de nouveaux musulmans.
Début Avril 1948, plus de 300 000 Arabes avaient quitté leur domicile alors même que les Juifs n'avaient engagé aucune manœuvre pour les déloger, comme l'avait noté lui-même le commandant en chef de l'ALA Isma'il Safwat : « les Juifs n'ont jusqu'à présent attaqué le moindre village arabe à moins d'être attaqué auparavant. ».
On peut donc évaluer le nombre de déplacés arabes au 14 mai 1948 à environ 170 000 Arabes provenant des centres urbains et entre 130 et 160 000 provenant des aires rurales avant même que les Juifs n'entreprennent d'autre opération que les représailles suite à des attaques arabes, répondant à l'objection soit de limiter les pertes civiles, soit d'empêcher des combattants arabes d'utiliser des sites peuplés, mais à aucun moment on ne trouve trace d'un projet politique dédié à cette question.
L'évacuation des habitants de Zenin (2) les plus pauvres ne sont pas transportés dans l'autocar réquisitionné et rejoignent les lignes arabes à pied - Photo John Philipps pour Life - 1948
Le village de Ramat haKovesh est attaqué le 19 avril par les habitants du village voisin de Miska à la suite de quoi le mukhtar organise le départ des habitants. Les forces juives avertissent le 20 avril le mukhtar de Khirbat Beit Lid et Khirbat Azzun qu'elles ne pourront pas garantir leur sécurité en cas de combat, ils préfèrent organiser le départ. Début Avril, une délégation juive rencontre l'ensemble des chefs des villages arabes de la zone côtière contrôlée par la Hagana pour leur demander de rester.
Ces efforts soit pour maintenir la présence arabe, soit pour les appeler à rester s'opposaient aux instructions du Comité Supérieur Arabe qui ordonna le départ des Arabes de Haifa, de Tibériade, tandis que la municipalité de Jaffa organisa le transfert de la population arabe par terre et par mer. Les milices locales, l'ALA ou encore le Comité Arabe encouragea le départ invoquant le risque d'être otage des Juifs ou encore des impératifs militaires. Ce phénomène s'est intensifié à partir de février lorsque la confrontation ne faisait plus aucun doute.
Le 18 avril 1948, la Hagana de Jérusalem constata que l'ALA avait ordonné le départ des femmes et des enfants des villages arabes environnant, de même qu'ils avaient ordonné le 30 avril 1948 l'évacuation des villages arabes entre Tel Aviv et Haifa dans la perspective d'une offensive générale.
Cunningham notait ainsi :
« Vous devriez comprendre que la décrépitude du moral des Arabes en Palestine est dans une certaine mesure due à la tendance croissante de ceux qui devraient les diriger à quitter le pays. Par exemple, le maire de Jaffa est parti il y a 12 jours pour ne pas revenir, la moitié du comité national est partie. À Haifa les membres arabes de la municipalité sont partis depuis quelque temps ; les deux leaders de l'ALA sont partis durant la récente bataille. Maintenant c'est au tour du magistrat en chef arabe de partir. Dans tout le pays, la classe des effendis a abandonné le pays en grand nombre sur une longue période et le tempo est en train de s'accroître. »
Dans an Nakba, Arif el Arif rappelle :
« Quelqu'endroit que vous visitiez dans le pays, on entendait le même refrain : où sont les leaders qui devraient nous montrer la voie , Où est le Comité Arabe ? Pour quoi ses membres sont en Egypte quand leur propre pays a besoin d'eux ? »
Muhammad Nimr al Khatib, un leader arabe durant la guerre de 1948 résume la situation :
« Les Palestiniens avaient à disposition les pays arabes voisins qui ouvraient les frontières et les portes aux réfugiés, tandis que les Juifs n'avaient d'autre alternative que triompher ou mourir. (Min Athar al Nakba, Damas 1951)
Certes, il résume bien la situation des Juifs mais distord radicalement la qualité de la réception des déplacés arabes ; il y avait des appels répétés à un retour forcés des déplacés. Le gouvernement libanais refuse les visas aux hommes entre 18 ans et 50 ans qui doivent s'enregistrer officiellement au risque d'être déclarés illégaux. Le gouvernement syrien bannit tous les hommes en âge de combattre. En Egypte, une pétition demandait que les hommes capable de porter une arme soit interdit de séjour si bien que l'université al Azhar publia une fatwa faisant de la protection des réfugiés un devoir religieux (Radio Beirut, 25 avril, 4 mai 1948) ... qui ne fut guère respecté. Le 7 mai 1948, Radio Bagdad ajoutait qu'à la veille de l'invasion pan arabe contre l'Etat naissant d'Israël « la peur avait saisi les Arabes palestiniens qui fuient leur pays. »
Il n'est donc pas surprenant que rares furent les réfugiés palestiniens eux-mêmes qui accusèrent les Juifs de leur échec et de leur dispersion. Connu pour son hostilité à Israël et sa sympathie pour le nationalisme arabe, John Troutbeck, chef du bureau britannique du Moyen-Orient au Caire se rendit le 16 juin 1949 à Gaza, soulignait que :
« Alors que les réfugiés n'expriment aucune amertume contre les Juifs (ou sur cette question contre les Américains ou les Britanniques), ils parlent avec la plus grande amertume des Egyptiens et des autres Etats arabes. « Nous savons qui sont nos ennemis, disent-ils en référence aux frères arabes qui, déclarent-ils, les ont persuadé de façon inutile de quitter leurs maisons. J'ai même entendu que beaucoup de réfugiés accueilleraient volontiers les Israéliens si ces derniers prenaient contrôle de la région. (« Summary of general impressions gathered during week-end visit to the Gaza district » PRO, FO 371/75342/E7816)
Notes
1Report of the Committee Appointed by His Excellency to Give Further Consideration to the Draft Rural Property Tax, June 23, 1933, Public Record Office (hereafter P.R.O.), CO 733/267/37560, P. 3; and Albert Abramson, Palestine Commissioner of Lands, to Chief Secretary, February 21, 1930, Israel State Archives (hereafter I.S.A.), Land Registry Group, M3380/2.
2Palestine Government, Census for Palestine, 1931, vol. 1, pp. 96, 291-292. In 1931 there were 108,765 rural earners and 331,319 dependents. Of the earner category, 70,526 (65%) were cultivators, 32,539 (35%) were agricultural laborers, and 5,311 (5%) gained their livelihood from rents.
3Alfred Bonne, Palastina Land und Wirtschaft, Berlin, 1935, P. 124; London Times, August 14, 1936. Abraham Granott in The Land System in Palestine: History and Structure, London, 1952, depicts a devastating picture of the Palestine peasantry's enormous indebtedness. See especially pp. 54-70.
4Great Britain, Palestine Royal Commission Memoranda Prepared by the Government of Palestine, Memorandum No. 13, "Rural Indebtedness," P.R.O., Colonial No. 133, London, 1937, P. 42; Sir John Chancellor, High Commissioner for Palestine, to Lord Passfield, Secretary of State for the Colonies, June 21, 1930, Sir John Chancellor Papers, Rhodes House, Oxford University; Claude F. Strickland, 'The Struggle for Land in Palestine,' Current History (published by the New York Times) 34 (April 1931), P. 47. For examples of how grain merchants and moneylenders repeatedly put the cultivator into perennial debt, see F. G. Howill (of the Westminister Bank Ltd.), The Banking Situation in Palestine, Palestine, 1936, pp. 80, 91.
5Mr. J. N. Stubbs, Director of Lands, to the Director of the Development Department, February 10, 1932, I.S.A., M3390/3.
6Great Britain, Palestine Royal Commission Memoranda Prepared by the Government of Pales- tine, Memorandum N°13, "Rural Indebtedness," Palestine, 1937, P. 42; minutes of the Jewish National Fund Directorate meeting, Dec. 19, 1939, remarks by Abraham Granovsky, Central Zionist Archives, Jerusalem (hereafter C.Z.A.), KKL I 0.
7Census for Palestine, 1931, vol. 1, P. 291.
8A. Rizk (Palestine Department of Lands), Remarks on a Note of the Governor of Samaria on Werko and the Land Registry, February 2, 1923, P. 1, I.S.A., AG 755/L3/79/23.
9See Kenneth W. Stein, "Legal Protection and Circumvention for Rights of Cultivators in Mandatory Palestine," in Palestinian Society and Politics, ed.., Joel S. Migdal, Princeton, 1980, pp. 233-261.
10 R. Sawrer (Director of the Palestine Department of Agriculture), A Review of the Agricultural Situation in Palestine in 1921, Jerusalem, 1921; idem, A Review of the Agricultural Situation in Palestine in 1922, Jerusalem, 1923; idem, A Review of the Agricultural Situation in Palestine in 1923, P.R.O., CO 733/46/31959.
11High Commissioner Sir Arthur Wauchope to Phillip Cunliffe-Lister, Secretary of State for the Colonies, April 15, 1933, P.R.O., CO 733/230/17249 (Part 1); see Stein, The Land Question, pp. 4, 14-15
12French, First Report, P. 11; see also Albert Abramson, Southern District Governor, to Chief Secretary, February 7, 1924, I.S.A., M15/27A.
13Ernest Dowson, "Progress in Land Reforms, 1923-1930," 1931, pp. 27-28, P.R.O., CO 733/221/97169-, idem, "Report on the Work of the Ghor Mudawarra Demarcation Commission," March 19,1932, I.S.A., 3548/file 1.
14Palestine Director of Lands to Palestine Commissioner of Lands, April 13,1932, I.S.A., 3573/ 1/folio 86; Dowson, "Land Tenure in Palestine," P. 54.
15Hilmi Husseini, Inspector of Lands, Northern District, to Director of Lands, July 14, 1923, I.S.A., 3317/6.
16See Palestine Government, Report of the Department of Agriculture and Forests for the Years 1931 and 1932, Palestine, 1933; Bonne, "Die sozial ökonomischen Strukturwandlungen in Palästina," P. 322.
17Great Britain, Report by HMG for the Years 1937, 1938, and 1939, pp. 275-278, 263-265, and 276-278 respectively; Agronsky, "Palestine Arab Economy Undermined by Disturbances," C.Z.A., S25/10091.
18Moshe Smilansky, Chapters in the History of the Yishuv (Hebrew), Tel Aviv, 1947, vol. 6, pp. 68, 69, 80, 99, 109, 118.
19Great Britain, Report by HMG for the Years 1937, 1938, and 1939, pp. 275-278, 263-265, and 276-278 respectively; Agronsky, "Palestine Arab Economy Undermined by Disturbances," C.Z.A., S25/10091; and D. Gurevich, A. Gertz and R. Bachi, The Jewish Population of Palestine, Jerusalem, 1944, P.11.
20Political Report for January 1923, remarks by Mr. Moody of the Palestine Chief Secretariat, P.R.O., CO 733/42/8933.