Par Jacques Bendelac à l'OCDE, Paris.
Publié le 17 novembre 2009
REPORTAGE – Qu’est-ce qui fait courir les Israéliens à Paris ? Un château, mais pas celui de Versailles: le Château de la Muette. Et pour cause: sauf imprévu de dernière minute, l’adhésion d’Israël à l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) est programmée pour le printemps 2010. C’est dire que les derniers préparatifs s’accélèrent. Et le siège de l’OCDE se trouve précisément dans le 16e arrondissement de Paris, au Château de la Muette.
Voilà quelques mois que les délégations israéliennes se succèdent à Paris: députés de la Knesset, ministres, hauts fonctionnaires, etc. Leur mission: prendre contact avec les fonctionnaires de l’OCDE, se familiariser avec le travail de l’organisation et discuter de la prochaine adhésion d’Israël. C’est dans le cadre d’une mission officielle que nous avons pu pénétrer le centre nerveux de l’OCDE: le Château de la Muette et ses annexes.
Le Château de la Muette à Paris, siège de l’OCDE depuis 1961, est devenu le « sanctuaire » de l’économie de marché. C’est le baron Henri de Rothschild qui a fait construire l’actuel Château de la Muette en 1921; après la guerre, en 1948, les héritiers de la famille Rothschild vendront les parties nord et sud de la propriété sise rue André-Pascal à l’Organisation de Coopération Économique européenne qui deviendra, en 1961, le siège de l’OCDE.
Le premier pas au cœur de l’OCDE se fait par l’enregistrement à l’accueil; le visiteur reçoit un badge à son nom qui, pour des raisons de sécurité, devra être porté de façon visible tout au long de la présence dans les locaux de l’organisation. La visite peut alors commencer.
Le cœur de l’économie libérale
L’OCDE regroupe aujourd’hui 30 pays membres, parmi les plus riches de la planète. Leur point commun: être attachés aux principes de la démocratie et de l’économie de marché. L’organisation s’est fixée différentes missions: soutenir une croissance économique durable, développer l’emploi, élever le niveau de vie, maintenir la stabilité financière, aider les autres pays à développer leur économie, contribuer à la croissance du commerce mondial, etc. Bref, un programme ambitieux mais nécessaire pour renforcer l’économie des pays membres.
Pour remplir sa tâche, l’OCDE a développé une imposante infrastructure: vastes locaux, fonctionnaires multilingues, moyens informatiques massifs, etc. Depuis plus de 40 ans, l’OCDE est une des sources de données statistiques, économiques et sociales les plus importantes et les plus fiables du monde. Outre ses activités de collecte de données, l’OCDE suit les tendances, analyse et prévoit les évolutions économiques. L’Organisation étudie également les changements qui affectent la société (comme le vieillissement ou le chômage) ainsi que l’évolution de la situation concernant les échanges, l’environnement, l’agriculture, la technologie, la fiscalité, etc.
Quinze années d’intenses préparatifs
Les premiers contacts pour permettre à Israël de participer aux activités de l’OCDE remontent à 1994. Puis, c’est début 1995 que les pays de l’OCDE décidèrent que, comme phase préparatoire à son adhésion pleine, Israël peut être admis avec un statut d’observateur dans un grand nombre de commissions professionnelles de l’Organisation.
Ce n’est que plus récemment que le processus s’est accéléré. Officiellement, c’est le 16 mai 2007 qu’il a été décidé d’ouvrir les négociations avec Israël et quatre autres pays (le Chili, l’Estonie, la Fédération de Russie et la Slovénie), en vue de leur adhésion à l’OCDE. Et c’est après plus d’une décennie de tractations, le 30 novembre 2007, que le Conseil de l’OCDE a adopté une « feuille de route » fixant le cadre des négociations en vue de l’adhésion définitive d’Israël à l’organisation.
Tout au long de 2009, de nombreuses délégation de l’OCDE se sont rendues en Israël pour favoriser l’adaptation des politiques communes dans de nombreux domaines comme la politique environnementale, sociale, emploi, etc. Ces derniers mois, le processus d’examen de l’adhésion d’Israël à l’OCDE est entré dans sa dernière phase; son admission officielle à l’organisation internationale est prévue pour le printemps 2010. D’ici là, les contacts entre Israël et l’OCDE vont s’intensifier pour mettre aux points les derniers détails de l’adhésion israélienne.
Un cadre international prestigieux pour Israël
Qu’est-ce qui pousse donc Israël dans les bras de cette organisation économique qui n’offre à ses adhérents aucun avantage économique, fiscal ou douanier ? D’abord, le prestige de fréquenter une scène internationale. L’OCDE n’est pas l’ONU: on n’y parle ni de guerre, ni de paix, mais de croissance économique, de lutte contre la corruption ou de protection de l’environnement. En devenant membre d’une organisation qui prône la démocratie et l’économie de marché, Israël va redorer son blason international et améliorer sa position parmi la communauté financière mondiale.
Par ailleurs, Israël bénéficiera d’un cadre international qui lui permettra de comparer, avec d’autres pays semblables, ses expériences en matière d’action publique. Les domaines d’action de l’OCDE sont suffisamment larges pour permettre à Israël de profiter de l’expertise des autres: agriculture, éducation, science, environnement, technologie, emploi, technologie, etc.
Dorénavant, Israël pourra chercher des réponses à des problèmes communs, identifier les bonnes pratiques et coordonner les politiques nationales et internationales concernant dans les échanges, la fiscalité, la gestion publique, l’emploi, la protection sociale, etc. Par exemple, les experts de l’OCDE ont déjà indiqué au gouvernement israélien que la structure de sa fiscalité (impôts indirects plus élevés que l’impôt sur le revenu) comme sa politique monétaire actuelle (soutien à la parité dollar/shekel) étaient très éloignées des politiques pratiquées par les pays de l’OCDE. Sur le plan social, les pays membres ont recommandé de corriger rapidement des « anomalies » de la société israélienne, comme les fortes inégalités économiques entre Juifs et Arabes ou le taux de pauvreté qui est particulièrement élevé en Israël.—
Les six mois qui viennent seront décisifs: sauf surprise de dernière minute, les fonctionnaires israéliens devraient rejoindre les 40.000 hauts fonctionnaires des administrations nationales qui participent chaque année aux réunions des différents comités et assemblées de l’OCDE.
Jacques Bendelac
[Lundi 07/12/2009 22:30]