Merci Guitel et Abraham
Interview d'Elie Yishaï
Par Avraham Azoulay et Guitel Ben-Ishay du leptithebdo
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Le parti orthodoxe, Shass, s'est retrouvé ces dernières semaines au cœur d'une tempête qui n'aura laissé personne indifférent. Dès le départ, nous avons suivi cette affaire de près et nous avions récemment interviewé l'un des protagonistes : le Rav Haïm Amsellem. Fidèles à notre politique d'indépendance et d'objectivité, nous accordons cette semaine un droit de réponse au dirigeant du parti Shass: Elie Yishaï.
Il est également vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur et malgré son agenda chargé, il nous a consacré cette interview exclusive, lors de laquelle il a accepté d'aborder un grand nombre de sujets. Il nous a confié sa vision sur un certain nombre de questions politiques, la population orthodoxe, mais aussi sur la discorde au sein de son parti avec le Rav Haïm Amsellem. Pour finir il nous a exprimé la difficulté d'être un homme public et un père de famille à la fois.
Le P'tit Hebdo : Comment se porte le parti Shass aujourd'hui ?
Elie Yishaï : Barou'h Hachem, le parti Shass va très bien. Il devient de plus en plus clair aux yeux de tous, qu'il est le seul réel parti social du paysage politique israélien. L'action que nous avons menée contre l'augmentation du prix de l'essence et de l'eau en est la preuve. J'ai proposé une loi à la Knesset, contre le gouvernement, et qui a influencé Benyamin Netanyahou dans sa prise de décision.
Lph : Ce n'est pas l'action d'Ofer Eini ?
E.Y : Nous avons commencé notre action contre l'augmentation du prix de l'eau depuis 6 mois et nous nous battons de la même façon concernant le prix de l'essence depuis un mois et demi maintenant. Bien entendu, Ofer Eini joue un rôle dans tous ces évènements. Mais, il est clair que la solution trouvée par le ministre de l'économie et le Premier Ministre a été obtenue grâce à ma proposition de loi qui a recueilli la majorité des voix à la knesset.
Lph : Etes-vous satisfait de cette solution ?
E.Y : Elle est bonne mais pas encore suffisante à mes yeux.
Lph : Le problème de la pauvreté touche particulièrement la population orthodoxe. Que proposez-vous pour améliorer ses conditions de vie ?
E.Y : Il existe plusieurs moyens d'action. En premier lieu, par le biais d'accords de coalition, nous avons débloqué 1.5 milliard de shekels sur quatre ans pour aider les populations dans la pauvreté.
Par ailleurs, j'ai toujours œuvré avec Shass, dans mes différents postes ministériels, pour permettre aux orthodoxes d'entrer sur le marché du travail, dans toutes les professions.
Lph : L'affirmation selon laquelle les orthodoxes ne travaillent pas est donc fausse ?
E.Y : Cette affirmation est totalement fausse. Notre position est et a toujours été que l'étude de la Torah est fondamentale pour l'existence du peuple juif. Vous savez, pendant 2000 ans, le peuple juif a survécu sans Etat, sans drapeau, sans armée, éparpillé dans le monde entier. C'est par le mérite de la Torah que nous sommes là aujourd'hui. Il est donc indispensable que certaines personnes s'emploient à l'étude de la Torah à plein temps.
D'un autre côté, nous sommes conscients que tout le monde ne peut pas faire de la Torah à plein temps. C'est pourquoi, depuis que le parti Shass a été créé, nous avons introduit des dizaines de milliers d'orthodoxes sur le marché du travail.
Nous avons également œuvré dans le domaine académique en poussant à la création de classes universitaires non mixtes. La première classe de ce genre a été ouverte en 1996-1997. Plus de 10 000 étudiants orthodoxes font des études universitaires.
Lph : Alors pourquoi continue-t-on à voir les orthodoxes comme une population qui s'oppose à participer au monde du travail ?
E.Y : A mon grand regret, les différents gouvernements ont préféré attaquer les orthodoxes plutôt que de les aider. Il a fallu attendre que je sois ministre du travail pour créer des académies non mixtes ou pour installer des entreprises dans les zones à majorité orthodoxe. Pourquoi personne ne l'avait-il fait auparavant ? Pourquoi les gouvernements n'ont-ils jamais essayé d'adapter la culture du travail au public religieux ?
Lph : Et les rabbanim sont d'accord avec ce mode de vie ?
E.Y : Les rabbanim approuvent, le Rav Ovadia Yossef en tête, mais aussi les rabbanim ashkénazes.
Lph : Les orthodoxes sont pointés du doigt car ils ne s'engagent pas dans l'armée. Cette affirmation aussi est erronée ?
E.Y : Les orthodoxes sont présents à l'armée ! Il existe une unité Na'hal 'haredi ! Et je me bats pour que cette unité grandisse. Mais pour le moment, le gouvernement n'accorde pas le budget. Il n'y aurait pas d'argent à allouer pour que davantage d'orthodoxes s'enrôlent dans l'armée. Ne venons pas leur reprocher ensuite de ne pas faire l'armée !
Lph : Les jeunes orthodoxes sont-ils réellement encouragés par leurs dirigeants rabbiniques à servir dans l'armée ?
E.Y : Ceux qui étudient la Torah à plein temps doivent continuer. Pour les autres, les rabbanim eux-mêmes leur ordonnent de s'engager dans l'armée.
Lph : Vous semblez soutenir les mêmes idées que le Rav Haïm Amsellem ? Sur quoi porte alors la discorde ?
E.Y : A mon grand regret, les médias ont exagéré les faits, ils y ont trouvé une plate-forme rêvée pour attaquer la population orthodoxe. Ce qu'il défend, nous le faisons depuis de nombreuses années, avant même qu'il soit au parti Shass et député. Si ces idées n'étaient vraiment pas défendues au sein du parti Shass, pourquoi a-t-il attendu 5 ans pour parler?
Ce que le Rav Ovadia Yossef lui reproche c'est de s'être prononcé contre le monde de la Torah.
Lph : Qu'a-t-il fait exactement ?
E.Y : Je ne souhaite pas m'étendre davantage sur le sujet. La lettre que le Rav Ovadia Yossef a écrite peut être consultée.
Lph : Peut-être vous différenciez-vous dans votre rapport au sionisme ?
E.Y : Nous sommes de vrais sionistes. Qu'est-ce que le sionisme ? Revenir à Sion et construire le pays. C'est exactement ce que nous faisons.
Lph : Cette affaire va-t-elle faire du tort au parti Shass ?
E.Y : Je pense que la population israélienne sait faire la part des choses. Elle a vu tout ce que nous avons accompli. Tout le monde connait la vérité.
Lph : Le retour d'Arié Dery fait également beaucoup de bruit. De quel œil voyez-vous cela ?
E.Y : Le parti Shass est étroitement lié au Rav Ovadia Yossef. Nous faisons ce qu'il dit. Je crois donc qu'Arié Dery fera ce que le Rav décidera.
Lph : Expliquez-nous le revirement de Shass concernant les conversions au sein de l'armée ?
E.Y : Il n'y a eu aucun revirement. Nous avons attendu la décision du Rav Ovadia Yossef. Il voulait d'abord s'assurer que ces personnes respectent bien la Torah et les Mitsvot. Nous ne pouvons pas accepter tout le monde, nous devons avoir la garantie que ces personnes seront dans le chemin de la Torah.
Lph : Venons-en au sujet des relations entre séfarades et ashkénazes. Certains dirigeants de shass et séfarades en général scolarisent leurs enfants dans des établissements ashkénazes. N'est-ce pas incohérent ?
E.Y : Depuis que le parti Shass existe, nous avons fondé des centaines de crèches, des centaines de maternelles, des centaines d'écoles et des dizaines de séminaires. Nous devons encore en ouvrir dans les prochains temps. Lorsque les structures nécessaires existeront, tous les dirigeants de Shass enverront leurs filles dans des établissements séfarades.
Le problème est que les écoles ashkénazes acceptent les filles séfarades qui ont un excellent niveau, déjà moins celles qui ont un bon niveau et n'acceptent pas du tout celles d'un faible niveau. Pour nous, si les ashkénazes n'autorisent pas toutes les séfarades à étudier chez eux, il vaut mieux qu'ils n'acceptent personne. C'est pourquoi nous montons des séminaires séfarades. Mais le processus est long.
Lph : La discrimination envers les séfarades est-elle toujours réelle ?
E.Y : Elle existe et représente un phénomène très préoccupant, contre lequel nous agissons.
Lph : Concernant la politique envers les Palestiniens, êtes-vous prêts à des concessions ?
E.Y : Vous savez quel est notre problème ? Nous parlons sans arrêt de concessions. Je pose juste une seule question : les Palestiniens sont-ils prêts à des concessions ? Nous parlons de leur céder des territoires, des parties d'Eretz Israël et eux refusent ne serait-ce que de prononcer le fait qu'Israël est un Etat juif ! Ne sommes-nous pas idiots dans cette histoire ?
Je ne veux pas être associé à cette bêtise. Nous n'avons rien obtenu malgré tous les signes de bonne volonté que nous avons montrés. Quand ils seront sérieux, nous pourrons parler avec eux.
Lph : Peut-on construire dans les Yishouvim ?
E.Y : Ehud Barak veut geler les projets étatiques mais les particuliers peuvent construire librement. Le Premier Ministre et moi-même négocions avec E. Barak pour qu'il autorise la construction de logements dans plusieurs points d'implantation. La flambée des prix dans l'immobilier est insoutenable.
Lph : Quelle est votre analyse sur les révolutions dans les pays arabes ? Est-ce bon pour les Juifs?
E.Y : C'est un choc pour les Etats non démocratiques. Le monde libre, au fil des années, ne peut compter, en son sein, des régimes dictatoriaux. Je pense qu'en ce qui concerne les Juifs, tout est toujours pour le bien, nous ne comprenons pas toujours les plans de D'ieu, mais il en sort toujours du bien.
Je pense surtout que l'accord de paix avec l'Egypte doit absolument être préservé.
Lph : Sur le plan privé, vous êtes marié, vous avez 7 enfants, des petits-enfants, vous dirigez le parti Shass, êtes député à la Knesset et ministre de l'Intérieur. Avez-vous du temps pour tout ?
E.Y : Honnêtement, non. J'arrive péniblement à faire 10% de ce que j'aimerais faire... Le plus grand sacrifice est pour ma famille. Je n'ai pas assez de temps à lui consacrer. C'est ce qui est le plus dur pour moi.
Le temps passe tellement vite, je vois à peine grandir mes enfants. A la maison, on m'appelle « Abba Shabbat »... Les enfants savent qu'ils sont mes partenaires dans ma mission pour le peuple israélien et ils en sont très fiers.
Par ailleurs, lorsque je suis avec eux, je m'efforce de l'être à 100%. Le shabbat est réservé à ma famille et à l'étude avec mes enfants. La semaine, c'est beaucoup plus difficile, sauf lorsqu'il s'agit d'aller chez le dentiste, il n'y a que moi qui peut les accompagner !
Lph : D'où vient votre lien très particulier avec les Juifs de France ?
E.Y : Mes parents sont Tunisiens et parlaient français. J'ai de la famille et des amis en France. La communauté française est hors du commun, chaleureuse. J'encourage tous les Juifs de France à faire leur alya !
Lph : Un message pour les francophones d'Israël ?
E.Y : Lors de mes déplacements, je rencontre souvent des francophones. Ils me font du bien, je me sens en famille avec eux. La Alya française est très particulière et nous apporte énormément.