Au moment où cette chronique est diffusée, nul ne peut prévoir ce que va devenir, dans un avenir immédiat, le régime de Hosni Moubarak ni quel sera le destin de l’Egypte. La facilité irait à l’amalgame des situations tunisienne et égyptienne. Ce serait, néanmoins, aller vite en besogne.
Jusqu’à nouvel ordre, et à la différence de Ben Ali, Moubarak, apparemment toujours soutenu par l’armée, n’est pas prêt de quitter, comme un malfaiteur ou un carambouilleur, le pays qu’il a dirigé contre vents et marée depuis 1981. Faut–il rappeler, aussi, que l’Egypte est peuplée à peu prés comme dix fois la Tunisie ? Si le chaos et l’anarchie s’y installaient, ils se développeraient également à cette échelle.
Cependant, comme on l’a dit, ici même, pour la Tunisie, la pire des politiques serait la politique du pire et il importe urgemment que les voies d’une transition vers un régime de plus grande liberté se dégagent sans trop d’encombres pour le peuple égyptien. L’Egypte a besoin d’immenses réformes. Le Caire, par exemple, est une hyper- mégapole proprement ingérable. L’Etat, comme dans d’autres villes du pays, ne peut suffire à y faire fonctionner des services publics minimaux.
Loin de s’en désoler, toute la nébuleuse d’associations qui gravitent autour des Frères musulmans y pallie en s’érigeant comme la Providence des miséreux et des déshérités. Il faut avoir l’esprit tordu comme l’ancien ministre des affaires étrangères Roland Dumas pour imputer les troubles actuels du monde arabe et plus particulièrement de l’Egypte au blocage du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens avec la complicité de Moubarak. On ne sait quels comptes personnels l’ancien président démissionnaire du Conseil constitutionnel ne peut s’empêcher de régler contre Israël sur les plateaux de télévision qui croient devoir accorder encore le moindre crédit à ses prétendues analyses. Car cette fois, il n’avait pas fini de tirer sa dernière flèche au curare contre Israël que le Président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, en a téléphoné à Hosni Moubarak pour l’assurer de sa solidarité.
Pour ce qui le concerne, Benjamin Netanyahou suit un principe fondamental du droit international : les traités sont signés entre les Nations et les Etats, et non pas intuitu personae par les gouvernants. Entre l’Egypte et l’Etat d’Israël, depuis 1978, la paix est devenue la règle. Quiconque prendrait l’initiative de la rompre assumerait une écrasante responsabilité devant les peuples concernés et devant l’Histoire. Au demeurant, cette responsabilité incomberait, au premier chef, à Barack Obama et à sa secrétaire d’Etat Hillary Clinton, à cause de leur démagogique pacifisme de campus.
Au-delà des insurrections actuelles dont nul ne saurait dire si elles se réduisent à des spasmes de colère ou si elles déboucheront sur des transformations sociales et économiques irréversibles, il faut souhaiter que les pays arabes deviennent de véritables démocraties. Comme l’a expliqué Emmanuel Kant, dans les démocraties dignes de ce nom, la décision de guerre n’est plus fomentée comme un sanglant exutoire pour despotes aux abois ou pour céder aux impulsions destructrices de hordes fanatisées.
En attendant, à toutes ses frontières et lignes de front, l’Etat démocratique d’Israël est voué à une attention de tous les instants.
Raphaël Draï,
Chronique de radio J, le 31 janvier 2011