L'opération Plomb durci s'est accompagnée de son lot d'innovations stratégiques. Première du genre, le commandement Sud de l'armée israélienne avait mis en place un centre de commandement unique. Autour de la même table, un représentant de l'armée de l'air, de la marine, de l'armée de terre et des différentes agences de renseignements.
Lors de futurs conflits, le corps d’artillerie pourrait jouer un rôle aussi décisif que l’armée de l’air israélienne.
PHOTO: EDDIE GERALD/BLOOMBERG NEWS , JPOST
Le système fonctionnait assez simplement. Quand le Shin Bet (service de sécurité intérieure) ou les renseignements militaires communiquaient l'emplacement d'une cible, le commandement central passait alors en revue ses ressources disponibles et choisissait celles à utiliser. Au menu : avions de chasse, navires de la marine, tanks ou canons, autant de ressources à la disposition de Tsahal pour porter atteinte à un haut responsable du Hamas, frapper une cellule terroriste ou une cache d'armes.
Mais il n'en a pas toujours été ainsi. Au cours de la seconde guerre du Liban en 2006, chaque division de l'armée israélienne disposait de son propre poste de commandement. Conséquence : un manque de communication entre les différentes unités. Ainsi, l'armée de l'air n'était pas constamment informée sur les avancées des forces terrestres, et vice versa.
Dans la plupart des cas, les attaques étaient menées par l'aviation en raison de sa capacité à larguer une bombe sur une cible avec beaucoup de précision, minimisant ainsi les dommages collatéraux. Quant à elle, l'artillerie a rarement été mise à contribution. Et pour cause, ses obus ne pouvaient afficher la même qualité de tir précis.
Aujourd'hui, les choses sont sur le point de changer. Dans un futur conflit, le corps d'artillerie pourrait constituer une pièce maîtresse pour Tsahal, au même titre que ses F-16 et F-15. Au cours des 18 derniers mois, l'artillerie israélienne a réalisé un bond technologique impressionnant avec l'intégration de nouveaux systèmes d'armes. Avantage : augmenter la précision des frappes contre les cibles ennemies. Une puissance qui a valu à l'unité le surnom de "l'armée de l'air des forces terrestres", attribué par le brigadier-général David Swissa.
S'adapter aux guerres asymétriques
La précision constitue un avantage de premier ordre dans le type de conflits qui oppose Israël au Hezbollah et au Hamas. Dans les deux cas, l'ennemi s'est délibérément positionné en milieu urbain. Mosquées, hôpitaux et maisons servent à la fois de centres de stockage pour son arsenal et de rampes de lancement pour ses roquettes et ses missiles. "Nous devons être capables de frapper des cibles avec précision", explique Swissa. "C'est pourquoi le corps d'artillerie est en passe de devenir une force qui repose beaucoup plus sur les capacités de frappe de précision", ajoute-t-il.
Au cours de la seconde guerre du Liban, l'unité avait lancé 177 000 obus sur le Liban sans pour autant parvenir à bouleverser l'équilibre des forces et à réduire le nombre de tirs de roquettes contre le nord de l'Etat hébreu. Aujourd'hui, l'unité se fixe des défis de taille en prévision de nouveaux conflits. Son nouveau mot d'ordre : efficacité. Son outil : la mise en place d'un programme pour se procurer de nouveaux missiles et roquettes, plus précis.
Nouveau venu, l'Accular, une roquette de 160 mm de diamètre guidée par un système GPS. Développée par les Industries militaires israéliennes (IMI), elle affiche une portée de 40 km et une marge d'erreur de moins de 10 mètres. Derrière ces efforts, la volonté de Tsahal d'exploiter plus efficacement ses ressources. Un bémol : le droit international limite l'utilisation d'armes à fragmentation, en particulier au Liban.
En outre, ces innovations permettront à l'armée de l'air de se concentrer sur des objectifs stratégiques plus complexes en territoire ennemi, pendant que l'artillerie se consacrera aux cibles situées dans un périmètre de 40 km à l'intérieur de la frontière. L'unité a déjà, dans son arsenal, des armes de haute précision, utilisées par un corps d'élite appelé Meitar.
Selon l'avis de la majorité des officiers de l'armée, les capacités de ce matériel dernier cri se sont considérablement accrues. En somme, les nouveaux missiles comme l'Accular modifieraient complètement la donne sur le terrain des combats. Une petite visite du côté du plateau du Golan, terrain d'entraînement principal de plusieurs unités stationnées dans le Nord, donne un aperçu éloquent de la réalité de l'artillerie de l'armée israélienne. "Notre slogan : 'Plus loin, plus fort, plus précis'", explique le commandant du bataillon, le lieutenant-colonel. Dov Cohen.
Un matériel dernier cri
L'un des bataillons, le "Thunder" (ndrl : tonnerre), exploite un système de lance-roquettes multiple, acheté des États-Unis en 1994. Grâce aux technologies made in Israel, ce système s'est développé au fil des années au point de devenir l'arme la plus dévastatrice de l'arsenal terrestre de l'armée israélienne.
Problème, il n'est pas adapté au combat urbain. D'une part, les roquettes propulsées transportent des bombes à fragmentation et explosent généralement en plein vol, dispersant des centaines de petites bombes. Conséquence : s'il est extrêmement efficace contre des combattants ennemis et des véhicules en zones ouvertes, en revanche, son utilisation dans des zones civiles demeure très controversée. En effet, un nombre relativement élevé de petites bombes n'explosent pas et causent alors plus tard des dommages collatéraux.
Par ailleurs, l'acquisition par l'unité d'une nouvelle bombe à fragmentation révolutionnaire produite par l'IMI a ses limites. Son mécanisme d'autodestruction qui s'enclenche même si la bombe n'explose pas, limiterait ainsi son efficacité en cas de conflit asymétrique.
Autre avancée technologique, le déploiement quelques semaines auparavant d'un réseau de radars le long de la frontière Nord, capable de pister des roquettes et de repérer leurs sites de lancement. "Cela nous permet non seulement de savoir là où le missile va s'abattre, mais également de riposter immédiatement en visant la rampe de lancement", explique David Swissa.
Jusqu'alors réservée aux forces aériennes, l'utilisation des drones s'est depuis quelques années élargie au corps d'artillerie, désormais responsable de l'exploitation de ces aéronefs sans pilote au sein du commandement des forces terrestres. Le 10 octobre, a ainsi été inaugurée la nouvelle unité "Sky Rider", composée d'un bataillon de drones dotés de la technologie Skylark 1, créée par la société Elbit Systems.
L'artillerie participe régulièrement aux différents exercices militaires, et travaille en étroite collaboration avec les unités d'infanterie. Efficacité oblige, le commandement de l'armée de terre a déployé dans chaque bataillon des officiers responsables de la coordination entre l'infanterie et l'artillerie.Nouveau jouet à la disposition de l'unité, le dernier radar développé par Elta Systems, filiale des Industries aérospatiales israéliennes, permet ainsi l'élimination d'un lance-roquettes en un temps record. Moins de 25 secondes, selon David Swissa.
En cas de futur conflit avec le Hezbollah, l'artillerie fournira un appui terrestre déterminant dans le cadre de manœuvres en territoire ennemi. "Toute opération au sol nécessite un soutien de la part de l'artillerie", explique David Swissa. Et de préciser : "En particulier dans des zones dégagées ainsi qu'à la périphérie des villages."