Après la brutale vague de terrorisme de 2003, un scientifique spécialiste du comportement, un ingénieur et un expert du contre-terrorisme se sont associés pour créer le WeCU. Une technologie révolutionnaire : analyser les modifications physiologiques pour déceler un terroriste potentiel
Des officiers de sécurité du Shin Bet protègent le Premier ministre Ehoud Olmert lors d’une cérémonie de commémoration au cimetière militaire du mont Herzl.
PHOTO: ARIEL JEROZOLIMSKI , JPOST
Dans Minority Report, le chef-d'œuvre futuriste de Steven Spielberg, les policiers sont capables de prédire les crimes avant qu'ils ne se produisent. Imaginez un scénario identique dans la réalité.
Telle était l'objet d'une récente conférence autour d'un nouvel engin révolutionnaire : le WeCu. L'exposé s'ouvre sur une interrogation : "Est-il possible de détecter une menace avant qu'elle puisse être mise à exécution ?"
Un film choc se déroule alors sur l'écran géant. A l'envers et au ralenti. Dans le scénario imaginaire, les aiguilles d'une horloge remontent le temps et l'un des attentats terroristes les plus meurtriers de l'histoire de l'humanité n'a jamais lieu : le coup de massue du 11 septembre 2001.
Les fines silhouettes de verre du Wall Trade Center s'effondrent dans une ambiance d'apocalypse. Puis quelques secondes plus tard, se remettent debout. Les flammes disparaissent et les fenêtres retrouvent leur verre. Une nouvelle diapositive surgit. Le soleil couchant brille sur la ligne des gratte-ciel de New York.
C'est précisément cette capacité à détecter les menaces potentielles qui définit l'innovation technologique de WeCU. Cette compagnie israélienne est née d'une collaboration entre experts issus de différents domaines, dont Tsipora (Tsipi) Alster, spécialiste du comportement, le P-D.G. Ehoud Guivon, ingénieur expérimenté qui a longtemps travaillé dans le secteur de la sécurité avant de fonder WeCU, Shlomo Breznitz, professeur de psychologie, spécialisé dans les réactions au stress, et le Dr Boaz Ganor, fondateur et directeur exécutif de l'Institut international de contre-terrorisme au Centre interdisciplinaire de Herzliya (IDC).
Au cours des six dernières années, cette équipe a mis au point une technologie qui promet de marquer un tournant dans l'histoire de la sécurité.
Traquer les modifications physiologiques
Selon Guivon, cette idée a surgi au cours de l'une des vagues terroristes les plus meurtrières en Israël. "Vous souvenez-vous des attentats-suicides de 2003 ?", interroge-t-il. L'angoisse de cette époque reprend forme : la terreur des Israéliens lorsqu'ils sortaient de chez eux, la mort semée dans les bus, les restaurants, les discothèques ou simplement dans les marchés ou centres commerciaux.
"Cette vague de terreur nous a poussés à agir. Nous avons changé radicalement notre méthode de pensée : ne plus trouver la bombe, mais le terroriste", poursuit Guivon. En d'autres termes, au lieu d'inspecter les chaussures, les ceintures, les bouteilles d'eau, les porte-monnaie ou les briquets, WeCu propose une méthode non invasive qui permet de déceler des modifications physiologiques chez une personne sans l'aide de détecteurs visibles.
Le nouveau système ne ressemble pas aux détecteurs de mensonges ou aux systèmes biométriques, qui soumettent l'individu à une pression psychologique. WeCU ne cherche pas à savoir si l'individu ment, s'il transporte des objets suspects ou se trouve en état de tension nerveuse. Il faut moins d'une minute à ce système révolutionnaire pour scanner des individus et repérer une éventuelle intention de perpétrer un attentat ou de mener une action criminelle.
Quel est son mode de fonctionnement ? "Les stimuli auxquels les gens sont soumis dépendent de ce que recherchent, à ce moment-là, les forces de sécurité", explique Guivon.
Exemple : un activiste du Hamas. "Exposer des symboles de l'organisation va obligatoirement déclencher chez lui une réaction émotionnelle." Mais WeCu ne prend personne en traître. Les individus testés auront conscience des stimuli. Mais personne ne pourra savoir comment le système fonctionne. Une technologie "brevetée" dont l'entreprise conserve jalousement le secret.
WeCu peut s'adapter à tous les terrains : les banques, les sociétés de sécurité, les agences gouvernementales et les bases militaires. Mais son foyer de prédilection reste l'aéroport. Avant d'embarquer, les passagers pourront être soumis à des signaux précis. Objectif : détecter des réactions biométriques anormales comme la sueur, les mouvements de rétine et l'accélération du rythme cardiaque. Un niveau de sophistication supplémentaire à un arsenal de contrôles déjà bien rodé.
WeCu présente de nombreux avantages. En premier lieu, ses capteurs ne nécessitent aucun contact direct avec le corps, aucun ciblage physique manifeste. Et surtout, le système respecte parfaitement les droits de l'individu. Il évite à la police de sélectionner des personnes selon leur âge, leur sexe, leur religion ou leur race.
Chacun est exposé aux mêmes stimuli, mais seuls les individus directement liés à une menace présenteront une réaction détectable.
Sciences du comportement : l'avenir de la sécurité
Prenant un exemple concret, Guivon pointe du doigt un petit récipient argenté posé sur la table contenant des sachets de sucre. "Si je saisis ce sachet jaune, qu'est-ce que cela évoque pour vous ?" demande-t-il.
"Comme vous n'avez pas le moindre lien avec cet objet, vous ne réagirez pas à sa vue. En revanche, si la photographie d'un membre de votre famille s'affiche soudain sur mon écran d'ordinateur, cela provoquera une réaction."
Cette technologie s'appuie sur les dernières découvertes des sciences du comportement. Mais l'équipe des chercheurs a voulu creuser encore plus loin. Pour mener à bien ses travaux, elle a reçu de larges subventions de la part des Etats-Unis, en particulier du département de la Sécurité intérieure.
Les scientifiques ont également été invités à présenter leurs recherches à un congrès sur les innovations israéliennes. L'an dernier, des hommes d'affaires ont investi 3 millions de dollars dans le projet. Les études avancent vite : le premier produit sera prochainement sur le marché.
"Cela ressemble à de la science-fiction mais je vous garantis qu'il s'agit d'une technologie bien réelle. Nous obtenons des taux de précision supérieurs à 95 %." conclut Guivon, malicieux.
Mais dans l'immédiat : pas de révolution.
Le rituel à l'aéroport reste le même : passer devant des détecteurs de métaux, ranger les ceintures et les bijoux dans des sachets en plastique, et jeter les bouteilles d'eau avant l'embarquement... WeCu donne l'espoir d'une sécurité un jour moins contraignante.
[Jeudi 05/11/2009 20:16]