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12 avril 2010 1 12 /04 /avril /2010 09:16

Par universtorah

 
    Shoah - Le travail rend libre !
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DESCRIPTIF
Yom HaShoah, ou le jour de commémoration de l'holocauste, est un jour férié en Israël commémorant chaque année les 6 millions de Juifs victimes de la Shoah. Il est fixé au 27 Nissan. sauf quand il tombe un Chabbate

 

 

 


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11 avril 2010 7 11 /04 /avril /2010 16:37
Le secret se lève peu à peu…



L’Allemagne tente d’empêcher la publication de documents sur la manière dont Adolf Eichmann a réussi à s’enfuir en Amérique du sud. 
Le BND (Bundesnachrichtendienst), les services de renseignements allemands, semblent vouloir bel et bien sauver l’honneur du Vatican et du régime nazi en empêchant que soient ouvertes certaines archives sur Adolf Eichmann rassemblées dans un impressionnant document de quelque 4 500 pages.
Ces archives, qui selon certains spécialistes contiendraient tous les noms de ceux qui ont aidé de nombreux nazis à fuir après la guerre, ont été récemment " mises au secret " et interdites d'accès pour cinquante années supplémentaires. En fait, certains de ces documents capitaux démontreraient comment l’Allemagne et le Vatican ont ensemble organisé la fuite à l'étranger des responsables nazis. Mais si le BND assure avec tant d'insistance que ces archives ne renferment " aucune preuve de ce genre ", alors pourquoi ce nouveau décret adopté par le gouvernement de Berlin allongeant d'un nouveau demi-siècle le secret planant sur la mémoire si douloureuse et gênante relative à cette époque… ?
« Une grande partie des renseignements contenus dans ces archives proviennent de sources étrangères et s'ils sont publiés un jour, explique un officiel allemand, les agences de renseignements étrangères ne voudront plus partager leurs informations avec l’Allemagne de peur que leurs propres sources soient divulguées ». Or, la plupart des historiens, journalistes et juristes connaissant cette affaire ne sont pas convaincus par cet argument… Et ce, alors que le tribunal administratif de Leipzig étudie leur requête demandant la levée immédiate du secret pesant sur ces archives..
Ainsi, selon le journaliste Gabriele Weber, ces dossiers montreraient clairement qu’Eichmann, “ l’architecte de l’Holocauste ”, n’a pas du tout fui en Amérique latine par ses propres moyens : beaucoup de fonctionnaires auraient été soudoyés en Allemagne et à l'étranger, et ces documents montreraient en détail le rôle précis joué par le Vatican.
« Il y a de bonnes raisons de croire qu’Eichmann a reçu l’aide de l’Allemagne, de certains hauts fonctionnaires italiens et du Vatican », prétend-il. 
Cette évidente responsabilité du Vatican ne constitue guère une surprise pour rabbi David Skolsky, le directeur des Archives de la Shoah à Bné-Brak (Ginza'h Kiddush Hachem : « Après tout, nous savons tous que le Vatican a commis des crimes pendant toute cette période, et il n’est pas surprenant d’entendre que le soutien se soit étendu aussi aux chefs nazis en fuite », remarque-t-il. Et d'ajouter que le rabbin Moché Prager, z”l - le fondateur de " Ginza'h Kiddush Hachem ", a lui-même écrit plusieurs articles sur le rôle du Vatican. 
Esther Farbstein, qui est conseillère aux archives de Bné-Brak, a précisé quant à elle qu’il était important de faire la différence entre le Vatican " en général ", qui avait pour politique de ne pas aider les Juifs persécutés, et les églises qui ont souvent agi seules ici et là : « En France et en Belgique, les églises ont ainsi parfois organisé des plans de sauvetage de Juifs pourchassés par les S.S., la gestapo et les forces nazies ». Selon elle, le Vatican n’est pas intervenu pour arrêter les massacres, et c’est justement dans les régions les plus profondément catholiques comme la Slovaquie, qu'on a enregistré la plus vaste collaboration locale avec les nazis.
Au Vatican, on répète à ce sujet que le " Saint Siège " et le fameux pape Pie XII n’avaient aucune influence sur les nazis. Mais en Hongrie par exemple, l’opposition du Vatican aux massacres de masse a eu un effet certain, même si cet appel a été prononcé bien trop tard…
Comment Eichmann s’est enfui…
On sait qu'Adolf Eichmann était le responsable en chef de toute la logistique de la " Solution finale ". C'est en 1946 qu'il fut arrêté par l’armée américaine sous le faux nom d'Otto Eckmann. Mais il a pu ensuite s'échapper et il est parvenu à se cacher un certain temps en Allemagne même. Puis Eichmann a quitté l’Allemagne en 1950 pour l’Italie, se présentant comme un " réfugié " sous le nom de Riccardo Klement. 
Avec l’aide de Rome et de l’évêque allemand Aloïs Hudal, qui était connu pour aider les nazis à échapper à la justice européenne, Eichmann obtint ensuite du Comité international de la Croix Rouge un " passeport humanitaire " et un visa pour l’Argentine. Il passera donc dans ce pays une quinzaine d'années, parfois même sous son vrai nom : il y fondera même une famille et travaillera à l’usine VW. Or en 1960, une équipe du Mossad fut envoyée à Buenos Aires avec l’ordre de le kidnapper et de le ramener en Israël pour y être jugé. Il sera pendu le 31 mai 1962 après avoir été condamné pour " crimes contre l’humanité ". 
Les " ratlines "…
L’évêque allemand Aloïs Hudal avait joué un rôle-clé pour aider les nazis à se procurer des passeports afin de s’enfuir par les " ratlines ", ces fameuses routes et autres " voies d'évacuation " vers des lieux sûrs en Amérique du sud, comme l’Argentine, le Paraguay, le Brésil et le Chili. D’autres trouvèrent aussi refuge aux États-Unis, au Canada ou dans tout le Moyen-Orient. 
Aloïs Hudal était le recteur de l’Institut " Pontificio Istituto Teutonico Santa Maria dell Anima " à Rome, un séminaire pour prêtres autrichiens et allemands. Or après la fin de la guerre, il sera nommé en 1944 comme représentant du Vatican pour s’occuper des " détenus civils " parlant allemand en Italie. C'est sous les instructions personnelles transmises par le pape Pie XII qu'il a ensuite fait transférer de nombreux responsables nazis en Amérique du sud, grâce notamment à " Caritas ", une organisation catholique de charité couverte par la Croix Rouge… 
Hudal était un ami proche de Walter Rauff, l'inventeur des chambres à gaz mobiles. Il l’aurait aidé personnellement, ainsi que 30 000 autres criminels nazis - dont Eichmann et Franz Stangl, le sinistre commandant du camp d'extermination de Treblinka - à fuir l’Europe avec des passeports du Vatican.
Après la guerre, Franz Stangl - qui s’était fait remarquer et désigner comme le " meilleur commandant de camp " pour son efficacité barbare en Pologne - a été capturé par les Américains après la guerre. Il fut remis aux Autrichiens et transféré, fin 1947, vers une prison civile ouverte à Linz d’où il est sorti. Il s’est ensuite retrouvé en Italie avec Gustav Wagner, l'un des commandants du camp de Sobibor, justement grâce à Hudal et son réseau du Vatican qui leur auraient fourni de faux passeports pour se rendre au Brésil. 
Le " Saint-Siège " s'obstine à nier tout cela, mais de l’aveu même de Stangl recueilli par Gitta Sereny, une historienne de la Shoah, c’est Hudal en personne qui l’a aidé. Stangl a ainsi expliqué qu’il était allé chercher lui-même l’évêque Hudal, dont il avait entendu qu’il aidait efficacement les responsables allemands en fuite. Et de fait, Hudal lui a trouvé un logement à Rome, puis des papiers, de l’argent et un passeport de la Croix Rouge avec un visa pour la Syrie, où l’évêque a continué à lui envoyer de l’argent et lui a même trouvé un emploi dans une usine textile. 
Un autre nazi, Erich Priebke - l'un des responsables des massacres des grottes Ardeatine à Rome en 1944 où 335 Italiens, dont 75 Juifs, furent assassinés de sang froid -, a lui aussi explicitement mentionné ce prêtre. 
En 1946, Priebke a réussi à s’enfuir d’un camp anglais de prisonniers au nord-est de l’Italie et a rejoint Rome. Il a raconté à la journaliste du quotidien italien " La Repubblica ", Emanuela Audisio, que Hudal lui avait fourni un faux visa pour gagner Buenos Aires, ce qui a été reconnu par l’historien du Vatican, le père Robert Graham SJ… 
Hudal a également aidé le sinistre " docteur de la mort " du camp d’Auschwitz, Josef Mengele, et aussi les chefs nazis Aloïs Brunner, Klaus Barbie - entre autres responsable du camp de détention de Drancy près de Paris - et aussi Edward Roschmann, surnommé " le boucher de Riga ". Grâce à ses services zélés, d’autres nazis ont pu trouver refuge en Italie. Dans ses mémoires, Hudal raconte d'ailleurs sans aucune gêne comment il leur a fourni à tous des faux papiers !
Dans leur fort intéressant livre intitulé " Unholy Trinity " (" Une Trinité fort peu sainte "), les historiens Mark Aarons et John Loftus écrivent que Hudal a été le premier prêtre catholique à s’occuper de si près des criminels nazis. Selon eux, c'est suite à des articles très critiques parus au début des années 50 dans la presse nationale italienne qu'il a été ensuite forcé à démissionner de ses fonctions ecclésiastiques en 1953.
Le réseau croate…
Un autre réseau était celui qu'animaient des prêtres de Croatie dirigés par le père Krounoslav Draganovic. Cette organisation était très sophistiquée avec un QG. établi à Rome au séminaire " San Girolamo degli Illirici ". 
À ses débuts, cette " ratline " devait fournir de l’aide aux membres du mouvement pronazi des Oustachis de Croatie, dont Ante Pavelic, le cruel dictateur croate, avait lui-même bénéficié. Rappelons que les collaborateurs directs des nazis que furent les Oustachis ont commis des atrocités innommables pendant la Shoah, comme l’assassinat de plus d’un demi-million de Juifs et de Serbes en Croatie.
L'existence et le mode de fonctionnement de cette " ratline " de Draganovic étaient en fait un " secret de polichinelle " au sein de la communauté des services internationaux de renseignements, tout comme à Rome… Mais quand le délégué spécial britannique dépêché au Vatican, Francis Osborne, demanda à Domenico Tardini, un haut fonctionnaire du Vatican, d’autoriser la police militaire britannique à fouiller les institutions de Vatican installées même en dehors du territoire du Saint-Siège à Rome, Tardini a refusé en niant obstinément que l’Église catholique ait protégé des criminels de guerre…
Cependant en 1947, l’agent spécial de la CIA, Robert Clayton Mudd, devait rapporter que des membres du cabinet oustachi de Pavelic Ustacha habitaient encore soit à San Girolamo, soit au Vatican même. Après avoir réussi à infiltrer un agent dans le monastère de San Girolamo, Mudd a pu confirmer la présence de nombreux membres oustachis qui attendaient leurs papiers et des visas pour l’Amérique du sud. 
Précisons enfin que cette " ratline " du père Draganovic a chaque fois été mentionnée par tous les historiens sérieux du Vatican.
Qui payait ces réseaux ? 
En fait, les historiens de la Shoah ont prouvé que le coût de cette fuite organisée des criminels nazis avait été payé… par leurs victimes !
En effet, le fameux " trésor " d'or des Oustachis - évalué à 80 millions de dollars - était constitué par les biens que les membres de cette milice avaient volés à leurs victimes avant de les assassiner. Les traces de cet argent ont été retrouvées au grand camp de concentration croate où environ 700 000 Juifs et Serbes ont été massacrés. 
Cet or fut conservé dans la Banque du Vatican et a servi à payer les circuits d'évacuation de ces " ratlines ". William Bill Dorich, un journaliste américain qui a déposé une plainte contre la Banque du Vatican, déclare à ce propos : « Les nazis se sont enfuis en Argentine avec l’or qu’ils ont arraché des dents de ma famille ! ».
D'autres témoins ont raconté que l’or oustachi avait été transporté dans dix gros camions vers Rome au monastère franciscain Saint Jérôme, où le leader croate Ante Pavelic, s’était lui-même caché après la guerre.
D'ailleurs courant 1986, le gouvernement américain a dévoilé que le Vatican avait lui-même organisé la fuite en Argentine de Pavelic et de 200 de ses proches conseillers. Avant de fuir ainsi l'Europe, ces fascistes se cachaient dans des églises en se déguisant en prêtres - Pavelic s’est ainsi enfui déguisé en prêtre catholique, d'autant que de nombreux prêtres catholiques croates furent eux-mêmes des membres des Oustachis. On sait aussi que les aumôniers de l’armée croate incitaient à la violence contre les Juifs et que pendant toute la guerre, l’Église a appuyé le gouvernement fasciste de Pavelic. 
Au sein du monastère franciscain de Sirkoï Brijeg, des journalistes ont pu filmer un sanctuaire secret en l’honneur des Oustachis. Une plaque dédiée aux moines qui avaient été membres de cette organisation pronazie a été filmée dans un grand sanctuaire aux murs recouverts de photos de soldats oustachis, certains habillés en uniformes nazis. Ce sanctuaire a certes disparu par la suite, mais la preuve de son existence est restée sur les cassettes vidéo tournées sur place, ce qui a servi comme preuve pour déposer une plainte contre la Banque du Vatican concernant la curieuse " disparition " de l’or oustachi…
Peu à peu toutes sortes de preuves historiques apparaissent les unes après les autres pour montrer le rôle réel que jouèrent le Vatican et l'Église catholique pendant la guerre. Reste à savoir si l’Allemagne acceptera à présent d’ouvrir au public les 4 500 pages capitales de documents relatifs à cette période.
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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 11:06

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New evidence on Wallenberg mystery  JPost.com et  Associated Press Traduction et adaptation d'Hanna pour sionisme.xooit.com

 

 

Nouvelles révélations sur le mystère Wallenberg !


Ce diplomate suédois qui a sauvé des juifs au cours de la Seconde Guerre mondiale, n’est peut-être pas mort dans une prison de Moscou.


STOCKHOLM – Un magazine suédois ainsi que des chercheurs américains ont rapporté jeudi, que : Les archives russes, fournissaient de nouvelles preuves, suggérant que le diplomate suédois Raoul Wallenberg, reconnu pour avoir sauvé des dizaines de milliers de Juifs hongrois pendant la Shoah, était toujours en vie après que les Soviétiques aient indiqué qu’il était mort dans une prison de Moscou, (selon des rapports d’un magazine suédois et des chercheurs des Etats-Unis.)


Wallenberg a été arrêté à Budapest en janvier 1945 par l’armée soviétique, son sort est resté l’un des grands mystères de la Seconde Guerre mondiale.
Les Soviétiques ont affirmé qu’il avait été exécuté le 17 juillet 1947, sans jamais produire de certificat de décès ou de preuves de sa disparition. Même si ces déclarations n’ont jamais été vérifiées, il s’avérerait que des témoins affirment qu’il a été vu dans des prisons soviétiques ou des camps de travail, de nombreuses années plus tard.

Les services de sécurité russes indiquent qu’un homme identifié sous le n° 7, et ayant été interrogé six jours après la mort annoncée du diplomate, serait fort probablement Wallenberg.
Les services de sécurité ont signalé en novembre dernier, cette dernière découverte à Susan Berger et Vadim Birstein, qui sont deux membres d’une équipe de recherche ayant mené une enquête pendant dix ans, dès 1990, sur la disparition de Raoul Wallenberg.

Les chercheurs ont informé la famille Wallenberg, dans une lettre ouverte, par publications jeudi dernier. Les conclusions ont été également publiées, dans le magazine suédois "Fokus".
L’information doit être réexaminée, afin de procéder à quelques vérifications. Berger a écrit dans la lettre : "Si cela se révèle exact, ces nouvelles indications sont les plus intéressantes, émanant des archives russes depuis ces 50 dernières années".
Elle a ajouté que des preuves circonstancielles ont étayé la conclusion des archivistes, concernant l’identité du prisonnier n° 7.
Berger a également cité en décembre, dans une note adressée au chef des archives russes, l’Ambassadeur suédois en fonction à Moscou, Tomas Bertelman, qui disait, que si cela était véridique, le rapport serait "presque sensationnel"


En tant que diplomate suédois, envoyé à Budapest en juillet 1944, Wallenberg a contrecarré l’expulsion de 20.000 Juifs à destination des camps de concentration ou d’extermination nazis. Il a aussi dissuadé les officiers allemands, qui occupaient la capitale hongroise, à réaliser un plan de destruction du ghetto juif de la ville, évitant ainsi, le massacre de ses 70.000 habitants.
Il a été arrêté le lendemain de la prise de la ville, par l’armée rouge, avec son pilote hongrois Vilmos Langfelder. Les Russes n’ont jamais donné d’explication sur son arrestation.
Ove Bring, professeur de droit international à l’Ecole nationale de défense, à Stockholm, a indiqué que le rapport des services de sécurité russes concernant le cas Wallenberg, justifie une réouverture.

Tout ce que nous pensions auparavant (sur la mort de Wallenberg), est modifié par la présente découverte, a-t-il déclaré à l’Associated Press.
"Ce doit à nouveau, être exploré. S’il était encore en vie six jours plus tard, alors peut-être était-il en vie pendant une plus longue période", ajouta Bring. " Est-il resté en vie, plus d’une semaine, un an, voire 10 ans ? La question reste ouverte."


Teo Zetterman, porte-parole des Affaires étrangères suédoises, a déclaré que : "Le Ministère devrait examiner l’information, pour s’assurer du contenu, de façon à prendre une décision et voir ce que nous pourrons faire."

La position de Wallenberg contre les forces d’occupation nazies, sa disparition et sa supposée "détention" dans le goulag soviétique, ont fait de lui un héros populaire et l’objet de dizaines de livres et de documentaires.


Le mystère a été approfondi uniquement lorsque l'Agence centrale du renseignement américain a admis au cours des années 1990 qu'il avait été recruté pour sa mission de sauvetage par un agent du Bureau de Services Stratégiques, l'OSS, qui est devenu plus tard la CIA.

Ce fut un sujet de friction dans les relations entre Moscou et Stockholm. Le Président russe, Dimitri Medvedev s’est récemment exprimé sur son cas, lors d’une visite dans la capitale suédoise, en novembre dernier.

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25 mars 2010 4 25 /03 /mars /2010 05:30
Croatie et Vatican : le pacte du diable
Par JULIA GORIN 
22.03.10

.jpost.

Quel rôle a joué le Vatican pendant la Seconde guerre mondiale ? Soixante ans plus tard, la question continue d'être d'actualité. Pour preuve : la controverse qui entoure la canonisation de Pie XII. On reproche à ce pape en fonctions dans les années 1940 de ne pas avoir assez élevé la voix contre le massacre des Juifs pendant la Shoah. Mais ces accusations ne seraient-elles pas l'arbre qui cache la forêt pour détourner les observateurs du fond du problème : se pencher sur la responsabilité des hautes instances papales.
Car la vraie question est de savoir si le Vatican approuvait ou non l'ordre mondial - ou du moins certains de ses aspects - préconisé par le Troisième Reich. Un ordre dans lequel les Juifs assassinés faisaient figures de simples victimes collatérales - des victimes que Pie XII déplorait bel et bien. La réponse est peut-être à rechercher dans une région de l'Europe à laquelle on accorde peu d'attention, alors qu'elle a joué un rôle crucial dans les deux guerres mondiales : les Balkans.

Un garde Ustasha parmi des corps de prisonniers assassinés dans le camp de concentration de Jasenovac. 
PHOTO: MUSÉE DE LA SHOAH AUX ETATS-UNIS , JPOST

Au début des années 1940, l'Eglise catholique cherche à se protéger du communisme. Parmi les solutions qui s'offrent à elle : soutenir les Ustashas, ce mouvement qui allait incarner le régime génocidaire de la Croatie, alors satellite de l'Allemagne nazie.

Le 17 février 1941, un article du New York Times révélait qu'Alojzije (Aloysius) Stepinac, archevêque de Zagreb, la capitale croate, donnait des conférences au Vatican. Son objectif : réclamer la liberté de prêtres catholiques détenus dans la Croatie prénazie pour avoir fait circuler des pamphlets attribués à Ante Pavelic en faveur d'une Croatie libre. Pavelic, celui-là même qui avait un jour déploré qu'Hitler se montre "trop doux" avec les Juifs. Pavelic, le fondateur du mouvement fasciste des Ustashas, qui recourait au terrorisme dans toute l'Europe pour "libérer" la Croatie de la Yougoslavie. "Un bon Ustasha", disait-il, "est un homme qui sait manier un couteau pour sortir un enfant du ventre de sa mère."

Pavelic, le "purificateur"

A cette époque, l'Italie de Mussolini donnait asile à Pavelic et les soldats Ustashas étaient entraînés sur son sol. La France avait en effet condamné Pavelic à la peine capitale pour avoir planifié, en 1934, l'assassinat du roi Alexandre Ier de Yougoslavie, dans lequel le ministre français des Affaires étrangères Louis Barthou, avait également trouvé la mort. Quand, en avril 1941, Hitler envahit la Yougoslavie, Pavelic devient alors le führer, ou "Poglavnik", de la nouvelle Croatie cléricale et fasciste.

Au cours d'un banquet organisé en son honneur, l'archevêque Stepinac bénit le nouveau régime et le leader Ustasha, les qualifiant de "main de Dieu en action". Le mois suivant, Pavelic est reçu par Pie XII. Une entrevue qui se déroule en dépit de la requête d'un émissaire yougoslave, qui demande au pape d'y renoncer en raison des atrocités perpétrées. Puis en juillet de la même année, le ministre de l'Education de Pavelic, Mile Budak, annonce publiquement la mise en place du processus de purification, qui est déjà appliqué contre les Serbes : en tuer un tiers, en expulser un tiers, en convertir un tiers.

Un mois plus tard, plus d'un millier de Serbes sont rassemblés dans une église de Glina pour être convertis. Le chef de la police de Zagreb leur adresse un discours : "Maintenant que vous êtes tous catholiques", déclare-t-il, "je vous garantis que vos âmes seront sauvées. Pour vos corps, en revanche, je ne peux rien faire." Sur ces mots, entrent des hommes de main Ustashas armés de matraques, de couteaux et de haches, qui massacrent l'ensemble des Serbes présents. Sauf un. Ljuban Jednak fera le mort avant de s'extirper de la fosse commune.

Pie XII et Pavelic continuent à s'échanger des "télégrammes cordiaux". Quant à la presse catholique croate, elle publie régulièrement des articles élogieux sur le régime. Fait exceptionnel, l'Allemagne confie alors à la Croatie le soin de gérer seule ses propres camps de concentration. Les membres du clergé prennent aussitôt une part active dans le bain de sang, servant de gardiens, de commandants et de bourreaux dans les 40 camps croates, dont le plus célèbre est Jasenovac : troisième en taille dans l'histoire de la Shoah, mais aussi celui dont on parle le moins. Là, on tue des Serbes, des Juifs, des Tziganes et des Croates antifascistes. Le 29 août 1942, un moine du monastère de Siroki Brijeg, Petar Brzica, s'enorgueillit d'avoir égorgé 1 350 Serbes en une nuit, un record...

"Le 7 février 1942", relate l'historien Carl Savich, "un prêtre de Petricevac entraîne des fascistes croates armés de haches et de couteaux dans un village voisin ; au cours de l'assaut, 2 300 Serbes sont assassinés." Drakulic, survivant de ce massacre, raconte : "Avant de tuer les adultes, ils ouvraient les ventres des femmes enceintes et en sortaient les bébés pour les découper. Aux enfants du village, les Ustashas coupaient les bras, les jambes, les nez, les oreilles ou les parties génitales. Les petites filles étaient violées avant d'être tuées sous les yeux de leur famille, que l'on obligeait à regarder. La torture la plus odieuse était la décapitation des enfants, dont on posait la tête sur les genoux des mères, avant de les assassiner à leur tour."

On a conservé jusqu'à présent des photographies d'archives de ces terribles événements : des Ustashas présentant la tête d'un prêtre orthodoxe, une paysanne sans yeux, des Serbes et des Juifs projetés dans le vide du haut d'une falaise, un Serbe avec une scie sur le cou et un Ustasha souriant, tenant à la main le cœur frémissant du célèbre industriel Milos Teslitch, qui vient d'être castré et éventré et à qui l'on a coupé les oreilles et les lèvres.

Le silence de l'Eglise catholique : complicité tacite ?

Soixante ans se sont écoulés et le monde ne connaît toujours pas cette page de l'histoire de la Croatie. Non seulement le Vatican ne s'est pas élevé contre ces crimes pendant la guerre, non seulement il s'est rendu complice du génocide d'un million d'êtres humains, mais il n'a par la suite jamais exprimé le moindre remords pour le sang orthodoxe versé. Parce que le monde ne lui a rien demandé. D'où ces interrogations, semblables à celles qui tenaillent les organisations juives, sur la sincérité du Vatican ; pourquoi ces réticences à ouvrir les archives sur la conduite de Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale ?
On ne peut s'empêcher de se demander si le Vatican, en tant qu'institution, ne s'est pas secrètement félicité de la décimation de son rival orthodoxe.

Stepinac, photographié alors qu'il donnait sa bénédiction aux Ustashas juste avant une bataille ou un massacre, a apporté lui-même à Pie XII la bonne nouvelle des 244 000 conversions forcées de mai 1944. (Mais peut-être le pape était-il déjà au courant, pour avoir écouté la BBC qui, par exemple, le 16 février 1942, annonçait : "Les Orthodoxes sont convertis de force au catholicisme et nous n'entendons pas la voix de l'archevêque prêchant la révolte. On dit au contraire que celui-ci prend part aux parades nazies et fascistes.")


Et quel aurait été le risque couru par les fidèles à l'intérieur de la Croatie ? Le 5 juillet 1994, un article du Washington Times a tenté d'approfondir la question du silence qui entoure le chapitre croate et le camp de Jasenovac : "Pendant des années, les détails sanglants sont restés officiellement tabous. Si les documents et les témoignages ont été tout d'abord ignorés, puis mystérieusement retirés des archives internationales, il apparaît désormais qu'une vaste conspiration internationale impliquant Tito, les Nations unies, quelques hauts personnages du Vatican et même des organisations juives, a tout fait pour enterrer l'histoire de Jasenovac à jamais. Les mots d'ordre de Tito étaient "Fraternité et Unité" et c'est pour atteindre ce noble objectif qu'il a voulu effacer l'épisode Jasenovac.C'est en observant la liquidation des Orthodoxes de Croatie que Reinhard Heydrich, adjoint de Himmler, écrivait à ce dernier le 17 février 1942 : "Il est clair que l'état de tension serbo-croate est pour une grande part le reflet d'une lutte qui oppose l'Eglise catholique à l'Eglise orthodoxe." Ce n'est pas aux Juifs que l'Eglise doit les plus importantes excuses pour ce qui s'est passé pendant la guerre, mais aux Serbes. Si, en gardant le silence sur les Juifs d'Europe, Pie XII espérait éviter de mettre en danger des millions de Catholiques, quelle raison l'a empêché de parler de la Croatie, dont la situation a horrifié les nazis, au point que des soldats allemands et italiens ont éprouvé le besoin de venir protéger les Serbes des Ustashas ?

L'Occident l'a suivi dans son ensemble, surtout à partir de 1948, année de sa rupture avec Staline. Quant au Vatican, il voulait protéger les Croates catholiques, qui avaient été les assistants trop zélés des nazis dans les Balkans. "Le silence des organisations juives s'explique moins bien. Milan Bulajic (aujourd'hui décédé), du musée du Génocide de Belgrade, avait rencontré des responsables du musée de la Shoah à Washington pour tenter de comprendre pourquoi on parlait si peu des victimes juives yougoslaves. Il ne semble pas avoir obtenu de réponse très claire... "A l'éclatement de la Yougoslavie, en 1991, des troupes de la nouvelle Croatie indépendante ont brièvement investi le site de Jasenovac et, selon des sources serbes, ont fait sauter ce qui restait du camp et détruit les documents existants."

Tuer des Orthodoxes mais sauver des Juifs

Le clergé catholique, dont l'Eglise a ignoré les appels, aurait lui aussi droit à des excuses officielles. L'archevêque Misic de Mostar, en Bosnie Herzégovine, avait supplié Stepinac d'user de son influence auprès des autorités pour empêcher les massacres. Et Bulajic évoque par ailleurs un groupe de prêtres catholiques "envoyés au camp de Jasenovac pour avoir refusé d'organiser une messe d'action de grâce en l'honneur d'Ante Pavelic..."

On le voit, le blâme lié à l'approbation tacite du génocide et de la fuite des coupables qui l'a suivi ne s'applique pas seulement à "une poignée d'individus". De même, c'est plus qu'une poignée d'individus qui méritent des louanges pour avoir fait l'inverse. Par exemple, des Juifs ont été sauvés par toute la nation catholique en Italie (avant 1943), y compris par le commandant en chef du camp de concentration de Ferramonti, qui a déclaré que son travail était de protéger ses prisonniers, et non de les assassiner. On ne s'étonnera pas non plus que des soldats italiens soient intervenus dans le massacre des Serbes au Kosovo par les Croates et les Albanais alignés à l'Axe. Malheureusement, l'Eglise n'a pas pris ses distances vis-à-vis d'Aloysius Stepinac. Pire. Le cardinal de New York, Francis Spellman, a donné à une école paroissiale de White Plains le nom de Stepinac. Et, en 1952, Pie XII l'a nommé cardinal.

Puis, malgré la demande du centre Simon Wiesenthal d'attendre que le rôle du cardinal pendant la guerre soit mieux précisé, le pape Jean-Paul II a béatifié Stepinac en 1998.
Des groupes croates (incluant quelques Juifs) ont même fait appel auprès de Yad Vashem pour donner à Stepinac le titre de Juste parmi les nations, arguant qu'il avait sauvé quelques Juifs en échange de leur conversion. Ce à quoi Yad Vashem a dû donner une réponse un peu absurde : "Les personnes qui ont aidé des Juifs, mais ont simultanément collaboré ou été liées avec un régime fasciste qui a pris part à la persécution des Juifs orchestrée par les nazis sont disqualifiées pour l'obtention du titre de Juste."

On peut invoquer le même argument quant au pape Benoît XVI et à ses efforts pour canoniser Pie XII. S'il a nié l'association notoire de Stepinac avec les Ustashas, le Vatican de Pie XII a bel et bien servi d'intermédiaire dans la fuite des Ustashas après la guerre. Selon des documents américains confidentiels apportés à un récent dossier de recours collectif en justice contre la banque du Vatican, accusée d'avoir blanchi le butin des pillages des Ustashas - un argent utilisé ensuite pour financer leur fuite et les faire vivre après la guerre - Pavelic aurait été caché dans un monastère catholique croate à Rome.

Là où le bureau du contre-espionnage américain rapportait le 12 septembre 1947 : "Les relations de Pavelic sont si haut-placées et sa position actuelle si compromettante pour le Vatican que son extradition reviendrait à asséner un coup considérable à l'Eglise catholique."
De Rome, Pavelic a fui vers l'Argentine, où il est devenu conseiller de Juan Peron en matière de sécurité. Juan Peron a ainsi fourni des milliers de visas à des Ustashas en fuite.

 La crise d'identité que connaît le Vatican depuis la Seconde guerre mondiale est apparue aux yeux de tous en septembre dernier, quand, pressé par les leaders croates, l'archevêque de Zagreb Josip Bozanic a enfin visité le mémorial de Jasenovac. Soixante ans après les faits, il était le premier représentant de l'Eglise croate à assister à la commémoration annuelle. Or, ce jour-là, au lieu de présenter des excuses, Bozanic a défendu Stepinac et l'Eglise et a exploité ce moment si attendu pour déplorer le massacre de nazis en fuite par des partisans à Bleiburg, en Autriche.

Le Vatican n'a adressé aucun reproche à Bozanic, tout comme il se garde de reprocher à l'Eglise croate sa tolérance vis-à-vis du symbolisme pronazi omniprésent dans ce pays, qui a fait son apparition comme "culture" de la Croatie au début des années 1990.

Le président Stjepan Mesic lui-même, juste après son départ des affaires au terme de dix années de mandat, a demandé au Vatican de prêter davantage d'attention à un évêque et aumônier militaire qui récite régulièrement un violent poème qui s'achève par la phrase chère aux Ustashas : "Pour la patrie, prêt !" Tel est ce pays des Balkans en passe de devenir membre de l'Union européenne. Voilà où aboutissent des décennies d'invasions, de détournements et de dissimulation. Même Jean-Paul II n'a pas parlé une seule fois de Jasenovac - plus grand camp de la mort des Balkans - au cours de ses trois visites en Croatie.

Et que dire de Benoît XVI, qui accordait, en décembre dernier, une audience privée à Marko Perkovic, premier chanteur de Thompson, groupe de pop croate fasciste-clérical bien connu. Thompson lui aussi invoque régulièrement le "Pour la patrie, prêt !" des Ustashas et lançait des odes aux camps de concentration dans ses premiers albums. Beaucoup de ses fans effectuent le salut nazi et des religieuses et des hommes politiques assistent à ses concerts "patriotiques".

L'Histoire ne se répète pas, elle bégaye...

On enterre l'Histoire dans le but de la répéter. John Ranz, président de l'association des survivants de Buchenwald, écrivait en 1996 dans une lettre adressée au New York Times : "Ironiquement, avec l'aide des Etats-Unis, Franjo Tudjman [président dans les années 1990] a pu accomplir l'an dernier ce que les nazis et leurs collaborateurs de la Seconde Guerre mondiale n'ont pas réussi à faire : déraciner toute la population serbe de Krajina... Le régime fasciste d'Ante Pavelic est en train d'être officiellement réhabilité en Croatie. Des rues et des bâtiments publics reçoivent les noms d'architectes de la Shoah, la monnaie mise en place au temps du nazisme a de nouveau cours, tandis que les chiffres sont remaniés et l'ampleur du carnage humain réévaluée."

Si l'Histoire n'avait pas été jetée dans les charniers qu'elle a générés, les publics occidentaux auraient sans doute eu le droit de mieux comprendre les guerres des Balkans, sachant qu'en 1991, on estimait "normal de tuer des Serbes". Lorsque la Croatie s'est démarquée de la Yougoslavie, en juin 1991, c'est l'instinct de survie qui a poussé les Serbes à se détacher à leur tour des sécessionnistes.

Et ainsi le président Tudjman a-t-il été, en 1993, l'un des invités d'honneur de l'inauguration du musée de la Shoah américain. Tudjman, qui avait pourtant déclaré : "Il y a eu 900 000 morts, pas six millions", qui avait qualifié Jasenovac de "mythe", qui avait accusé les Juifs des meurtres qui y avaient été perpétrés, qui avait présenté des excuses officielles pour les 20 000 Juifs tués en ce lieu, mais aucune pour les quelques centaines de milliers de Serbes disparus.

Et ainsi Sakic, commandant du camp de Jasenovac, a-t-il été enterré, en juillet dernier, dans son uniforme nazi, par le père Vjekoslav Lasic - l'un des nombreux prêtres qui disaient des messes en l'honneur d'Ante Pavelic. "L'Etat indépendant de Croatie est le fondement de la patrie actuelle de la Croatie", a déclaré Lasic. "Tout Croate digne d'honneur est fier du nom de Dinko Sakic."
Canoniser Pie XII représenterait une injustice vis-à-vis des Catholiques qui ont fait davantage que lui, et une insulte envers les Catholiques du monde entier en général. Si Pie XII ne doit pas être démonisé, il ne doit pas non plus être sanctifié.

L'auteure est spécialiste des Balkans et consultant auprès du Conseil américain pour le Kosovo.



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13 mars 2010 6 13 /03 /mars /2010 22:55

 

 

Jean Ferrat n'est plus - Hommage

Décès de Jean Ferrat à l’Âge de 79 ans

(Tenenbaum : son vrai nom)

Jean Ferrat

Faiblesse et Capitulation des Démocraties

A méditer. De plus la chanson est très belle Jean Ferrat l'interprète magistralement

EN SOUVENIR D'EUX......

Cette semaine en Angleterre tous les programmes relatifs à la commémoration de la Shoah ont été retirés de certains établissements scolaires, avec pour motif que cela "heurte" la population musulmane, qui renie l'existence de la Shoah.

C'est le signe de l'approche d'une catastrophe qui progressivement s'organise dans le monde, un témoignage du laisser-aller des pays s'y soumettant.

60 ans se sont écoulés depuis la fin de la deuxième guerre mondiale en Europe.

Ce mail est envoyé dans le but de former une chaîne du souvenir et en mémoire des

6 millions de juifs,

20 millions de russes,

10 millions de chrétiens,

1900 prêtres catholiques,

aux tziganes,

aux homosexuels qui ont été tués, violés, incinérés, humiliés et sont morts de faim par ceux qui cherchaient un "autre chemin" !

Aujourd'hui, plus que jamais, avec les efforts de l'Iran et d'autres pays ayant déclaré que la Shoah était une "légende", il est impératif de tout faire pour que le monde n'oublie jamais.



 

 

 

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24 février 2010 3 24 /02 /février /2010 08:27

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Odessa et le “couloir du vatican” – opération “couvent” – des criminels de guerre nazis protégés et… 
Le Vatican et l'opération Odessa (fuite des nazis)

Pourquoi pie xii ? Pourquoi maintenant ?

 Pourquoi Pie XII, pourquoi maintenant ?


Pie xii - l'encyclique qui resta enfoui dans les archives du vatican                       
L'encyclique qui resta enfoui
dans les archives du Vatican

"quand pie xii rencontrait hitler" - proposition de béatification - réactions
Quand Pie XII rencontrait Hitler



 

La béatification de Pie XII, un scandale ?


 Par Marc-André Charguéraud 





En décembre dernier, Benoît XVI décide de relancer le procès en béatification de Pie XII. Il sait pourtant qu'il va ranimer la vive controverse qui avait surgi en 1965 lorsque son prédécesseur Paul VI entreprit cette étape nécessaire à l'accession à la sainteté. Peu de sujets concernant la Shoah ont suscité autant de livres. Trop souvent la passion l'a emporté. Pour les uns, si le pape était intervenu en public, des centaines de milliers de Juifs auraient été sauvés. Ce sont bien des centaines de milliers dont il est question et Pie XII les a sauvés en agissant, répliquent les autres. La polémique sur les «silences de Pie XII» est relancée.

 

Un dialogue de sourds que Paul VI tenta de désamorcer. Il précisait dans une homélie: «Quand elle béatifie l'un de ses enfants, l'Eglise ne célèbre pas des choix historiques particuliers qu'il a accomplis, mais plutôt elle le propose à l'imitation et à la vénération à cause de ses vertus, à la louange de la grâce divine qui resplendit en celles-ci.» Ce message vient d'être répété presque mot pour mot par le porte-parole du Vatican (1). Une distinction inacceptable aujourd'hui, mais qu'explique dans le contexte de l'époque René Rémond, un historien catholique: «Combattant la sécularisation de la société, les Eglises sont plus attentives à défendre les droits de Dieu que les droits des hommes, les libertés des Eglises que les libertés civiles. Elles n'ont pas encore perçu que les uns et les autres étaient inséparables.» (2) C'est pourtant ainsi que le ressent l'opinion actuelle. L'Eglise doit rendre compte de ses actes publics. Il en va de son image dans le monde.

 

Que Pie XII ait été silencieux sur le génocide juif est avéré à quelques virgules près, dont une allusion dans son message de Noël 1942, où il parle nommément des non-aryens (3). Si l'ampleur de la Shoah n'était pas connue alors, il en savait assez pour intervenir. Le pape a observé le même «silence» lorsqu'en Pologne, sur ordre d'Hitler, des millions de catholiques ont été massacrés (4). Un quart de tout le clergé polonais a été exécuté, plus de la moitié est internée dans des camps de concentration (5). Parce qu'elles étaient de race slave, des «sous-hommes» pour reprendre l'infâme terminologie nazie, les élites polonaises ont été décimées (6).

 

Comment demander au Pape de se porter au secours des Juifs alors qu'il n'intervient pas pour ses propres fidèles ? En tant que première force spirituelle, ne devait-il pas dénoncer ces génocides au monde ? Mais Pie XII redoutait les conséquences sur les dizaines de millions de catholiques du Reich. Il en avait fait l'expérience avec l'encyclique Mit Brennender Sorge de 1937 qu'il avait préparée pour Pie XI.

 

Avant la guerre, Hitler a violemment persécuté l'Eglise catholique allemande: interdiction des partis politiques catholiques, saisie des biens et dissolution des syndicats, renvoi de fonctionnaires, arrestations et meurtres de journalistes, puis interdiction de toute la presse et de toutes les publications catholiques, harcèlement des mouvements de jeunesse. Pour le pape, la coupe est pleine. Dans Mit Brennender Sorge, le pape condamne formellement les turpitudes du régime nazi et en particulier sa divinisation de la race. Hitler furieux proteste auprès du Nonce du Vatican à Berlin contre ce «quasi-appel à la bataille contre le gouvernement du Reich» (7). L'Encyclique est une déclaration morale de première importance au moment où les gouvernements occidentaux s'inclinent devant le Führer à Munich en 1938.

 

Conséquences de cette protestation publique de Pie XII, les persécutions redoublent: écoles religieuses fermées, interdiction d'enseignement aux prêtres, fermeture de couvents, procès et internement de moines et enfin interdiction des mouvements de jeunesse catholiques et transfert de ses millions de membres dans les jeunesses hitlériennes pour y être endoctrinés. Pacelli sait que la mainmise par les nazis sur les générations futures conduit à échéance à la condamnation de l'Eglise catholique allemande. Pie XII n'oublie pas cet enchaînement catastrophique. Il connaît donc parfaitement quelles peuvent être les conséquences d'une protestation publique pontificale.

 

Le «silence» peut-il ainsi être justifié ? Certainement pas. Plutôt que d'attaquer le régime nazi, Pie XII devait publiquement demander à ses fidèles de porter assistance, de «tendre la main» à tous ceux qui sont matyrisés (8). Il évitait ainsi une attaque frontale contre Hitler et lançait un appel utile. Pour les Juifs, cet appel n'aurait pleinement été entendu que si Rome avait clairement dénoncé son anti-judaïsme dont des siècles de militantisme du clergé ont imprégné les fidèles.

 

Non seulement les papes n'ont pas condamné l'anti-judaïsme, mais ils ont continué à l'enseigner. Mit Brennender Sorge, en 1937, dénonce le racisme hitlérien mais reprend le thème favori de l'anti-judaïsme: «l'infidélité du peuple choisi... s'égarant sans cesse loin de son Dieu... qui devait crucifier le Christ» (9). Encore en 1939, l'encyclique Humani Generis Unitas, préparée par un groupe de Jésuites pour Pie XI reflète la position immuable qui règne toujours dans l'Eglise catholique romaine.

 

Les Juifs «ont eux-mêmes appelé sur leurs têtes la malédiction divine» qui condamne les Juifs «à errer perpétuellement à la surface de la terre.» Le texte de l'encyclique va plus loin en précisant que l'Eglise «ne doit pas être aveugle devant ce danger spirituel auquel les esprits sont exposés au contact des Juifs et qu'il est nécessaire de rester attentif et de protéger les enfants contre une contagion spirituelle» (10). L'anti-judaïsme théologique reste ainsi un antisémitisme patent sans composante raciale. Comment, dans ces conditions, demander au clergé et aux fidèles de se porter au secours des Juifs ?

 

Le sauvetage de Juifs après l'occupation de Rome par les Allemands en septembre 1943 doit être mis au crédit du Vatican. Ils sont 9000. Une rafle allemande en arrête 1007 qui sont déportés vers la mort. L'opération est un échec, car la plupart des Juifs, conscients qu'ils allaient être arrêtés, ont abandonné leur domicile. Ils savent que quelques jours plus tôt la Gestapo a saisi la liste de leurs noms et adresses, que leurs dirigeants se cachent. On reproche à Pie XII de ne pas avoir protesté publiquement. Il savait que des centaines de Juifs et des milliers d'autres, résistants, opposants politiques, déserteurs... se cachaient dans des édifices religieux de Rome, certains au Vatican même (11). Il est conscient que les Allemands s'en doutent. Albrecht von Kessel, un collaborateur de l'ambassade d'Allemagne à Rome, précise: «Une protestation incendiaire du Pape, non seulement n'aurait eu aucun succès pour arrêter la machine de destruction, mais elle aurait causé de très grands dommages supplémentaires aux milliers de Juifs cachés dans les institutions religieuses romaines» (12). Ici, son «silence» semble justifié.

 

Il en va tout autrement pour le «génocide» qui eut lieu en Croatie en 1941. Après les massacres par gaz et par balle des Allemands, succède le massacre par arme blanche de centaines de milliers d'orthodoxes (13). Il est perpétré par Ante Pavelic et son mouvement ultra nationaliste Oustacha qui viennent de prendre le pouvoir en Croatie. Pavelic veut par «purification ethnique» créer un Etat purement catholique. Pavelic possède sa propre chapelle et reçoit régulièrement l'absolution d'un prêtre (14).

 

Pie XII est tenu au courant de ces crimes par la hiérarchie catholique croate et par un représentant qu'il envoie dans ce but. Il va même, en mai 1941, recevoir le dictateur au Vatican, comme «fils de l'Eglise» (15). Son silence donne une dimension accablante aux reproches qui lui ont été faits. Alors qu'il disposait de moyens pour sanctionner et peut-être même arrêter sans rétorsions possibles un «criminel catholique», il est resté silencieux.

 

Que Pie XII ait renoncé à dénoncer le génocide des Juifs publiquement peut à la rigueur se comprendre. Ainsi que l'écrit en octobre 1942 Richard Lichtheim, représentant de l'agence juive à Genève: «Dans le cas de Hitler, rien de ce que nous pouvons ou d'autres pourront faire ou dire, ne l'arrêtera.» (16)

 

Plutôt qu'une déclaration «pour l'honneur», Pie XII devait condamner les crimes commis par ses propres fidèles et appeler publiquement les catholiques à se mobiliser au secours de toutes victimes des nazis, juives ou pas, tout en renonçant officiellement à l'anti-judaïsme. Ce témoignage fort de «charité chrétienne» n'a pas eu lieu. Pour l'opinion publique, cet aspect négatif de la conduite du pape aurait dû être pris en compte dans le procès en béatification de Pie XII comme le sont ses vertus et sa piété. Ces deux aspects sont indiscutablement liés aujourd'hui et c'est aujourd'hui que le problème de reconnaissance des mérites de Pie XII se pose.

 

(1) Dujardin Jean, L’Eglise catholique et le peuple juif, Paris, Calmann-Lévy, 2009, p. 182.

(2) Rémond, in Furet, L’Allemagne nazie et le génocide juif, Paris, Gallimard, Le Seuil, 1985, p. 402. Historien catholique. Rappelons ici qu’il a fallu attendre le 10 décembre 1948 pour que les Nations Unies s’accordent sur la Déclaration universelle des Droits de l’homme.

(3) Graham Robert & Lichten Joseph , Pius Twelfth & the Holocaust: A Reader, Milwaukee, Wisconsin, Catholic League for Religious and Civil Rights, 1988, p. 108 «...des centaines de milliers de personnes, sans qu’elles aient commis la moindre faute, et uniquement du simple fait de leur nationalité et de leur origine, ont été condamnées à mort ou à l’anéantissement progressif. (...) C’est pour nous une consolation de savoir que par l’assistance morale et spirituelle de nos représentants, nous avons été à même de réconforter un grand nombre de ces réfugiés, de ces sans-abri et de ces émigrants, y compris les non-aryens

(4) Chelini Jean, L’Eglise sous Pie XII. La Tourmente. 1939-1945, Fayard, Paris, 1983 p. 130. Sur 35 millions, 65% sont des catholiques romains, 22% des catholiques de rite grec, 10% des juifs et 3% des protestants.

(5) Blet Pierre, Pie XII et la Seconde Guerre Mondiale, Paris, Perrin, 1997, p. 85. Quatre évêques et 2350 prêtres sont exécutés; 5500 prêtres et religieux sont internés dans des camps de concentration.

(6) L’idéologie nazie considère les Slaves comme une race inférieure bien qu’aryenne. Voir Gutman Yisrael  et Krakowski Shmul, Unequal Victims: Poles and Jews During World War II, Holocaust Library, New York, 1986, p. 29.

(7) Lacroix-Riz Annie, Le Vatican, l’Europe et le Reich de la Première Guerre mondiale à la Guerre froide, Paris, Armand Colin 1996,  p.283.

(8) Il aurait ainsi multiplié le nombre de courageux catholiques qui se portèrent au secours des Juifs en particulier.

(9)  Passelecq Georges et Suchecky Bernard,  L’Encyclique Cachée de Pie XI: L’Occasion Manquée de l’Eglise Face à l’Antisémitisme, Paris, La Découverte, 1995 p. 153. Mit Brennender Sorge, p. 18 et 19.,

(10)  Kertzer David I. Unholy War. The Vatican’s Role in the Rise of Modern Anti-Semitism, Londres. Macmillan, 2001, p.281.

(11) Gilbert Martin, Never Again, A History of the Holocaust, Londres, HarperCollins, 2001, p. 106. 4238 juifs vont se réfugier dans les nombreux monastères, couvents, maisons religieuses de Rome, dont 477 au Vatican même.

(12) Von Kessel Albrecht, Der Papst und die Juden, in F. Raddatz, ed. Summa iniuri... Hambourg 1963, p. 169. Zuccotti Susan,Under His Very Windows: The Vatican and the Holocaust in Italy. New Haven, Yale University Press, 2000. p. 181. Zuccotti Susan, The Italians and the Holocaust: Persecution, rescue and survival, New York, Basic Books, 1987, p. 115. L’historienne note qu’avant les arrestations du 16 octobre, peu de Juifs romains se réfugièrent dans les maisons religieuses de Rome, mais que la situation fut différente pour les mille à deux mille Juifs étrangers réfugiés qui s’y sont rendus en masse avant la rafle.

(13) Falconi Carlo, Les silences de Pie XII, Editions du Rocher, Paris, 1965, p. 275, Falconi estime le nombre de morts pendant cette période à 350 000 auxquels s’ajoutent 25 000 Juifs. Chelini, Jean, L’Eglise sous Pie XII. La Tourmente. 1939-1945, Fayard, Paris, 1983, Chelini estime le chiffre à 300 000.  2 000 000 de Serbes orthodoxes vivaient en Croatie.

(14) FABRE Henri, L'Eglise catholique face au fascisme et au nazisme, Bruxelles, Editions espaces de liberté, 1994, p.303.

(15) Blet, op. cit. p. 126.

(16) Gilbert Martin, Auschwitz and Allies: The Politics of Rescue, New York, Henry Holtand Company 1981, p. 82.

 

Marc-André Charguéraud est historien et politologue. Cet article est tiré de son livre Les Papes, Hitler et la Shoah, Labor et Fides, Genève. D'autres articles de la même série se trouvent sur son blog, La Shoah revisitée.

 

Source: Marc-André Charguéraud, Le Courrier - mardi 23 février 2010 


 

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20 février 2010 6 20 /02 /février /2010 21:21







touteveriteestbonnealire



Odessa et le “couloir du Vatican” – Opération “Couvent” – Des criminels de guerre nazis protégés et cachés par le clergé de l’Église catholique
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La papauté, une des plus anciennes institutions du monde, a toujours joué un double rôle: autorité spirituelle et religieuse, certes, mais aussi acteur incontournable de la scène politique internationale. Et c’est justement pour asseoir cette puissance politique qu’est fondé en 1566, sur l’ordre de Pie V, le service d’espionnage du Vatican: laSainte Alliance – à laquelle vient s’ajouter en 1910 un département de contre-espionnage, le Sodalitium Pianum. Bien que le Saint-Siège ne reconnaisse toujours pas officiellement son existence, elle a œuvré dans l’ombre au cours des cinq derniers siècles, faisant assassiner des rois, finançant des coups d’État, soutenant des dictatures, créant nombre de sociétés secrètes chargées d’éliminer des opposants, aidant à l’évasion de criminels nazis, provoquant des faillites financières et nouant des relations occultes avec la mafia et les trafiquants d’armes.


...


Pendant la Seconde Guerre mondiale, le collège de San Girolamodegli Illirici, au 132, Via Tomacelli à Rome, était un foyer pour les prêtres croates venus au Vatican effectuer diverses tâches. Après la fin de la guerre, San Girolamo devient un refuge sûr pour les Oustachis recherchés en tant que criminels de guerre. La Sainte Alliance va procurer des routes sûres et de faux papiers d’identité et passeports à un grand nombre d’entre eux, pour les aider dans leur fuite. Le principal leader de San Girolamo est le père Krunoslav Draganovic.


Ancien professeur dans un séminaire croate, décrit par les services de renseignements des États-Unis comme l’alter ego du dictateur Ante Pavelic, Draganovic arrive à Rome fin 1943 sous le prétexted’un travail pour la Croix-Rouge. Les services d’espionnage du Vatican affirment que Draganovic se trouve en fait à Rome pour coordonner des opérations en Croatie avec des groupes fascistes italiens. À la fin de la guerre, le religieux devient l’axe principal du “couloir du Vatican”. Au début, c’est à partir de San Girolamo que les fuites sont organisées, principalement vers l’Argentine: peu après, on commence à faciliter l’évasion de criminels de guerre nazis comme Josef Mengele, le médecin d’Auschwitz; Klaus Barbie, le “boucher de Lyon” et ancien chef de la Gestapo dans cette ville; Ante Pavelic, le dictateur croate; le capitaine des SS Erich Priebke; le général des SS Hans Fischböck; ou le fameux Adolf Eichmann.


D’après certains écrivains et historiens, il n’existe pas de preuves suffisantes pour affirmer que le Vatican ou le pape Pie XII aient pu être au courant des opérations de l’organisation Odessa. Mais de sérieux indices permettent de penser qu’au moins quelques agents importants de la Sainte Alliance ont été impliqués dans le “couloir du Vatican”.


Par exemple, Franz Stangl, commandant du cap de concentration de Treblinka, reçoit une nouvelle identité, de faux papiers et un refuge à Rome de la part de l’évêque Alois Hudal et de certains membres de la Sainte Alliance. Klaus Barbie aurait également été aidé par des agents du Vatican. – M. Aarons & J. Loftus, “Ratlines: The Vatican’s Nazi connexion”


Mais en échange de cette aide, le Vatican et diverses institutions perçoivent des sommes importantes, principalement extorquées à de riches juifs espérant éviter les camps d’extermination. Le général de division des SS Hans Fischböck s’est spécialisé en la matière. Avec Eichmann et le capitaine des SS Erich Rajakowitsch, il a occupé des postes importants dans l’Autriche annexée, et plus tard en Hollande. Des rapports de la Sainte Alliance et des services secrets des États-Unis démontrent que Fischböck comme Rajakowitsch ont amassé une véritable fortune en spoliant les familles juives hollandaises millionnaires, qui évitaient ainsi d’être inscrites sur les listes de déportation des SS. Une partie de cet argent allait dans les poches d’Eichmann, une autre dans celles de Fischböck, une autre dans celles de Rajakowitsch, et la partie la plus importante vers différents comptes en Argentine à travers les banques suisses, en particulier celles appartenant à l’Union des banques suisses de Zurich. – U. Goñi, “The Real Odessa: Smuggling the Nazis to Peron’s Argentina”


Avec une partie de cet argent, les trois anciens membres des SS, en coordination avec Odessa, parviennent à s’enfuir en Argentine. Le service secret britannique – le M16 – découvre qu’une partie de l’opération de fuite a été financée par deux citoyens suisses: Arthur Wiederkehr, un impitoyable avocat qui a obtenu près de deux millions de francs suisses en commissions provenant de l’argent des “sauvetages”, et Walter Büchi, un jeune Suisse très habile pour remettre ses “clients” à la Gestapo une fois qu’ils avaient payé pour leur “sauvetage”. Des rapports britanniques montrent que Büchi avaient “d’importants contacts avec la Curie romaine et certains éléments proches des services secrets papaux”.


Walter Büchi a entretenu des relations avec des agents du Teutonicum, division de l’espionnage pontifical consacrée aux affaires allemandes, et effectué des missions spéciales pour la Sainte Alliance. Tout en agissant comme “agent libre” de l’espionnage du Vatican, Büchi le faisait aussi en tant qu’agent de liaison suisse de l’Unité monétaire des SS, dirigée par le général Hans Fischböck. L’un des meilleurs négoces de Büchi a été sa médiation pour la libération du banquier juif Hans Kroch. Le financier a réussi à s’enfuir en Hollande lorsque ont commencé à Berlin les persécutions contre la communauté juive.


Kroch s’est mis en contact avec Walter Büchi pour payer le sauvetage de toute sa famille. Le Suisse a appelé personnellement Adolf Eichmann pour obtenir les sauf-conduits, mais son épouse avait déjà été arrêtée par la Gestapo et déportée au camp de concentration de Ravensbrück. L’avocat Arthur Wiederkehr a alors conseillé à Kroch de s’enfuir vers la Suisse avec ses filles, et de là en Argentine. Une fois en Amérique du Sud, Kroch a envoyé à Büchi et Wiederkehr une liste de millionnaires juifs prêts à payer des fortunes considérables pour la liberté de leurs familles (cette liste de noms est connue comme “la liste Kroch”). À partir de ce moment, Büchi et Wiederkehr, côté suisse, et leurs associés Adolf Eichmann et Hans Fischböck, côté allemand, ont commencé à recevoir d’importantes sommes d’argent en or et francs suisses, déposées sur des comptes numérotés et ensuite transférées sur des comptes de banques argentines. (Rapport de la Commission indépendante suisse d’experts (CIE), chap. 5, affaires “Kroch, Hans; Hellinger, Bruno; Kooperberg, L.H.”)


Des années après, cet argent sert à financer l’évasion d’importants criminels de guerre nazis vers l’Amérique du Sud, principalement vers l’Argentine, la Bolivie et le Brésil.


En fait, les premiers plans d’évasion pour les dirigeants nazis ont été imaginés deux mois avant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Voyant que tout est perdu, Heinrich Himmler a décidé de créer l’opération “Aussenweg” (Chemin vers l’extérieur). Il met à la tête de celle-ci le jeune capitaine SS Carlos Fuldner. L’Allemand, âgé de trente-quatre ans, va devenir le fer de lance de l’évasion des criminels de guerre qui craignent la justice alliée, pendant les cinq années qui suivent l’armistice. L’Espagne, le Portugal, le Maroc, l’Autriche et l’Italie deviendront des zones sûres de passage et de protection pour les évadés qui voyagent avec de faux papiers d’identité, dans la plupart des cas créés par les services secrets du Vatican. Nombre d’agents de la Sainte Alliance agissent même comme guides et protecteurs de criminels de guerre jusqu’à ce que ceux-ci se trouvent en lieu sûr, hors d’atteinte de la justice internationale. – U. Goñi, “The Real Odessa: Smuggling the Nazis to Peron’s Argentina”


Carlos Fuldner se charge d’effectuer une course contre la montre dans plusieurs capitales d’Europe, dont Madrid et Rome. Dans cette dernière, il rencontre le père Krunoslav Draganovic, le plus haut dirigeant de San Girolamo. Celui-ci confirme à l’envoyé de Himmler que “son organisation” est prête à fournir assistance et refuge aux hautes personnalités nazies qui décideraient de fuir vers l’Amérique du Sud. Il assure même à Fuldner qu’il a la protection et l’appui du Vatican à travers la Sainte Alliance.


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Fuldner est né à Buenos Aires le 16 décembre 1910, dans une famille d’immigrants allemands, mais en 1922 le père a décidé de rentrer en Allemagne pour s’installer dans la ville de Kassel. Début 1932, Carlos Fuldner est admis dans les unités d’élite SS. Il a vingt et un ans.


Après la guerre, il se réfugie à Madrid, où il établit sa base d’action. Dans la capitale espagnole, l’ancien capitaine SS entretient de bonnes relations avec des membres importants du petit monde artistique et mondain, tels Gonzalo Serrano Fernández de Villavicencio, vicomte de Uzqueta, le journaliste Victor de la Serna, ou les frères Dominguín, célèbres toreros. Fuldner tient ses rencontres secrètes dans “les parties privées” du restaurant Horcher, situé dans la rue Alfonso XII, inauguré en 1943 et propriété d’Otto Horcher.


C’est là que Carlos Fuldner établit le premier contact avec l’évêque argentin Mgr Antonio Caggiano, peu après consacré cardinal par le pape Pie XII. Caggiano est accompagné de deux hommes qui disent appartenir à la Sainte Alliance. L’un des deux s’appelle Stefan Guisan.


C’est un prêtre franciscain né dans un village proche de la ville suisse de Berne. Dans le séminaire où il étudiait, Stefan est entré en contact avec un prêtre croate qui l’a présenté à Draganovic. Dès 1944, le père Stefan Guisan a commencé à collaborer avec la Sainte Alliance, et après le débarquement allié en Normandie, en juin de la même année, il a intégré l’institution de San Girolamo comme agent de liaison des services secrets du Vatican aux ordres de Krunoslav Draganovic.


L’autre agent présent au restaurant est le contact de la Sainte Alliance au siège de la Commission pontificale pour l’assistance (CPA), dans la Villa San Francesco. La CPA, présidée par Pietro Luigi Martin, est l’organisme du Vatican chargé de délivrer des papiers d’identité aux réfugiés, mais après la défaite nazie elle se consacre à fournir de faux papiers à un grand nombre de fugitifs nazis. Une trentaine de prêtres de différents ordres travaillent à la CPA, pour la plupart des franciscains chargés de falsifier les sceaux d’organismes internationaux d’aide aux réfugiés. Le père Guisan agit en tant qu’agent de liaison entre les différentes organisations de l’État du Vatican pour aider les criminels de guerre à s’enfuir (en plus des faux papiers, on leur fournit cachette, financement et liste de contacts). – M. Aarons & J. Loftus, “Ratlines: The Vatican’s Nazi connexion”


Apparemment, il existe des documents prouvant que Draganovic n’est pas à ce moment-là le plus haut chef de l’opération “Couvent”.Un rapport du service d’espionnage américain signalerait que la tête visible du “couloir du Vatican” est en réalité le cardinal Eugène Tisserant. William Gowen, appartenant au contre-espionnage militaire des États-Unis en Italie, écrit dans un rapport daté de 1946: “Tisserant m’a dit croire fermement qu’existent actuellement cinquante pour cent de probabilités que la Russie provoque une guerre cette année. D’après le cardinal, les Russes sont dans une position privilégiée pour envahir l’Europe occidentale […] Ils savent que c’est une occasion qui ne se représentera pas.” –Rapport de William Gowen depuis la Cité du Vatican, 18 septembre 1946. National Archives and Record Administration (NARA), RG 59/250/36/27, Caisse 4016, 761.009-1946


Mgr Caggiano et l’agent père Stefan Guisan rencontrent le cardinal Tisserant au Vatican pour l’informer que “le gouvernement d’Argentine est prêt à recevoir les Français que leur attitude politique pendant la guerre exposerait, s’ils rentraient en France, à des mesures rigoureuses ou à la vengeance privée”. Tisserant est tellement anticommuniste qu’il pense que les communistes ne méritent pas d’être enterrés dans une sépulture chrétienne, et comprend la nécessité d’établir un groupe d’experts “nazis” anticommunistes en Amérique du Sud, qui pourraient être utilisés au cas où éclaterait une guerre contre les Soviétiques. Dès lors, l’ambassade d’Argentine à Rome est assaillie de demande de visas pour des citoyens français.


Les criminels de guerre ou collaborateurs français tels que Marcel Boucher, Fernand de Menou, Robert Pincemin ou Émile Dewoitine reçoivent sur l’ordre du cardinal Antonio Caggiano un visa spécial pour entrer en Argentine. Tous quatre disposent de passeports avec numérotation consécutive expédiés par la Croix-Rouge de Rome, ainsi que d’un certificat de recommandation du Vatican. Curieusement, tous quatre ont trouvé refuge à San Girolamo.


Pendant ce temps, aux plus hauts niveaux, on discute d’un accord secret entre le pape Pie XII et le président argentin, Juan Domingo Perón. Le cardinal Giovanni Battista Montini, le futur pape Paul VI, exprime à l’ambassadeur argentin en Italie l’intérêt de Pie XII pour un accord sur l’émigration vers l’Argentine, et “pas seulement celle des Italiens”. Le souverain pontife est disposé à ce que les “techniciens du Saint-Siège (son service secret) entrent en contact avec les techniciens argentins (membres de l’organisation Odessa) pour mettre sur pied un plan d’action”. Le diplomate argentin comprend que l’intérêt du pape Pie XII s’étend aux détenus des camps de prisonniers alliés en Italie, c’est-à-dire des officiers nazis de haut rang. Devant ce souhait du cardinal Montini, l’Argentin se met en contact avec son ministère des Affaires étrangères à Buenos Aires pour recevoir des instructions. (La communication entre le cardinal Giovanni Battista Montini et l’ambassadeur d’Argentine à Rome est révélée dans une “Lettre secrète” datée du 13 juin 1946, numéro 144, du diplomate au Vatican à son ministre des Affaires étrangères, Juan Bramuglia. La lettre sera publiée dans le rapport de la Commission d’éclaircissement des activités nazies en Argentine (CEANA) en 1999.)


Pour établir un lien entre les nazis et le Vatican, c’est-à-dire entre Fuldner et le père Krunoslav Draganovic, on nomme un certain Reinhard Kops, du côté allemand, et Gino Monti de Valsassina du côté de la Sainte Alliance.


Monti de Valsassina est un noble italien d’origine croate qui a combattu dans la Luftwaffe et qui, après avoir été blessé au combat, a intégré les services secrets de Himmler. En avril 1945, il est capturé par les Anglais et enfermé dans un “camp spécial” de prisonniers où vont atterrir tous les nazis pouvant apporter quelque chose dans l’après-guerre, qu’il s’agisse de simples renseignements sur d’autres nazis en fuite ou de conseil technique et scientifique dans des branches développées et financées sous le régime de Hitler. Le comte Monti entre en contact avec la Sainte Alliance fin 1944, au cours d’un voyage familial à Milan. Là, il fait la connaissance de plusieurs membres de la Curie avec lesquels il établit de très bonne relations; après tout, Monti est un fervent catholique.


L’un de ces religieux est un homme proche du père Robert Leiber, l’ “espion” du pape Pie XII, qui l’introduira dans le service secret du Vatican. À la fin de l’année 1945, Monti parvient à s’enfuir et, d’après tous les indices collectés par les services secrets américains, il se réfugie dans une institution du Vatican, probablement à San Girolamo.


Protégé par les hommes de Draganovic, Gino Monti de Valsassina parvient à s’embarquer pour l’Argentine par le port de Gênes, grâce à l’aide du père Karlo Petranovic. (Le père Karlo Petranovic, agent de la Sainte Alliance, est accusé d’avoir participé à des massacres de Serbes orthodoxes pendant la guerre. Des photographies le montrent en train de donner l’extrême-onction à des cadavres de Serbes dans une fosse commune de la ville d’Ogulin. Le gouvernement communiste du maréchal Tito demande au Vatican l’extradition du père Karlo Petranovic. Celle-ci ne sera jamais étudiée.)


Monti entre en Argentine le 4 janvier 1947 avec un certificat de “citoyen apatride” émis par le Vatican; sept mois plus tard, il sera envoyé par Perón en Espagne pour recruter des Allemands ayant de grandes connaissances techniques. Les protégés de Monti sont soit de simples criminels de guerre nazis, comme le général de laLuftwaffe Eckart Krahmer, soit des agents de l’espionnage allemand tel Reinhard Spitzy. Au cours de l’été 1947, Monti parvient à rentrer au Vatican à travers l’Italie, pour devenir agent de liaison de la Sainte Alliance à San Girolamo.


Quant à son équivalent allemand à San Girolamo, Reinhard Kops, qui utilise le faux nom de Hans Raschenbach et un passeport fourni par la Sainte Alliance, c’est un homme né dans la ville allemande de Hambourg le 29 septembre 1914. D’après une enquête du Centre Simon Wiesenthal, Kops a dirigé des tâches d’extermination et de déportation de juifs en Albanie pendant la Seconde Guerre mondiale, et réalisé des besognes semblables dans la France et la Bulgarie occupées. Après la chute d’Adolf Hitler, Kops est arrivé à Rome après s’être échappé d’un centre de détention de l’armée britannique. C’est à cette époque que l’Allemand a commencé à travailler pour le Secrétariat aux réfugiés allemands du Vatican, un département pontifical utilisé comme couverture par la Sainte Alliance. De ce poste, et toujours sous la protection des services secrets du pape, il aide des criminels de guerre à s’enfuir en particulier vers l’Amérique du Sud et l’Australie,jusqu’à ce qu’en 1948 il décide lui-même de partir en Argentine pour fuir une Europe qui commence à réclamer l’extradition des nazis évadés.


D’après un rapport de la Commission d’éclaircissement des activités nazies en Argentine (CEANA), Reinhard Kops a appartenu pendant la guerre au service de contre-espionnage du IIIe Reich et, après la défaite nazie et sa fuite à Rome, est devenu l’ “assistant spécial” de l’évêque pronazi Alois Hudal, et agent de liaison de la Sainte Alliance avec les évadés nazis arrivant au refuge de San Girolamo à Rome.


À Buenos Aires, Reinhard Kops, qui se fait désormais appeler Juan Maler (L’agent allemand Reinhard Kops entre en Argentine le 4 septembre 1948, à bord du Santa Cruz, bateau arrivant du port de Gênes après une brève escale dans un port marocain. La direction des migrations lui ouvre le dossier numéro 180086-48. Ultérieurement, et grâce à un sauf-conduit donné par le Vatican, on lui remet une carte d’identité au nom de Juan Maler. L’ancien espion allemand déclare aux autorités argentines être citoyen “apatride”.)


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Quel est le rôle de la belle et mystérieuse Marga d’Andurain dans l’organisation Odessa ?


C’est Draganovic qui mettra en contact le capitaine des SS Carlos Fuldner et Reinhard Kops avec la belle et mystérieuse Marguerite d’Andurain, liée à certaines opérations menées par la Sainte Alliance à Berlin pendant la guerre, ainsi qu’au Messager de Robert Leiber, Nicolás Estorzi.


Fille d’un juge français, Marguerite a épousé le vicomte Pierre d’Andurain alors qu’elle n’avait que dix-sept ans. En 1918, tous deux sont partis pour le Liban, où ils se sont établis comme négociants en perles. Marga, comme l’appellent ses amies, a appris à parler couramment l’arabe. On sait que pendant un certain temps elle avait été propriétaire du Grand Hôtel de Palmyre dans le désert syrien, et qu’elle en a changé le nom pour celui d’hôtel Reine Zénobie, en l’honneur de la reine des Bédouins.


Entre 1918 et 1925, Marguerite d’Andurain s’introduit dans le monde de l’espionnage au Deuxième Bureau, les services secrets français. Elle vit une histoire d’amour avec le célèbre agent des services de renseignements britanniques, le colonel Sinclair, qui un peu plus tard sera retrouvé mort à Damas. Après avoir conclu à un suicide, les services secrets français et anglais suspectent l’implication d’Andurain et des services secrets du kaiser. La vérité ne sera jamais découverte.


En 1925, Marguerite d’Andurain divorce de son mari et épouse un cheikh wahhabite du nom de Suleyman. Certaines sources affirment qu’elle l’a ensuite empoisonné et a hérité de nombreuses propriétés et de beaucoup d’argent. En 1937, elle revient à Palmyre où elle épouse de nouveau le vicomte Pierre d’Andurain. Deux mois après la célébration du mariage, le vicomte est retrouvé mort (il a reçu dix-sept coups de poignard), sans que l’on découvre le ou les auteurs du crime. – R. Deacon, “The Israeli Secret Service”


La veuve commence à mener une vie de luxe entre Nice et Le Caire, toujours accompagnée de jeunes hommes. Pendant l’occupation de la France, Marguerite d’Andurain effectue différentes opérations d’espionnage pour les nazis, concrètement pour le Bureau central de sécurité du Reich, dirigé par Reinhard Heydrich, en même temps qu’elle entre en contact avec les services secrets du Vatican grâce à ses étroites relations avec le nonce dans la capitale française et avec l’évêque autrichien Alois Hudal, l’une des figures clés de l’organisation Odessa. – E. Nouel, Carré d’as… aux femmes!: Lady Hester Stanhope, Aurélie Picard, Isabelle Eberhardt, Marga d’Andurain


Si nous n’avons pas de preuves concluantes sur la “collaboration” d’Andurain avec la Sainte Alliance, il en existe de sa collaboration avec Mgr Hudal. Après la fin de la guerre, le religieux autrichien prend contact avec Marguerite d’Andurain afin qu’elle rejoigne le réseau du “couloir du Vatican”. Au début, elle refuse de prêter ses services au Vatican, jusqu’au jour où son amant du moment est retrouvé mort empoisonné. Le lendemain, Marguerite d’Andurain disparaît pour réapparaître quelques mois plus tard sur la côte nord du Maroc.


Propriétaire d’un luxueux yacht, le Djeilan, Andurain traverse constamment le détroit de Gibraltar, du Rocher à la ville de Tanger. On dit que lors de ces mystérieuses croisières l’espionne a aidé à s’évader des figures éminentes du nazisme à travers le Maroc, tels Franz Stangl, commandant du camp de concentration de Treblinka; Adolf Eichmann, le plus haut responsable de la “solution finale”; Erich Priebke, l’un des chefs de la Gestapo en Italie et responsable du “massacre de la fosse Ardéatine”; ou Reinhard Kops, responsable de la déportation et de l’extermination de juifs d’Albanie pendant la guerre, entretenant de très bonnes relations avec la Sainte Alliance.


Marguerite d’Andurain est en fait une simple petite pièce dans le vaste engrenage monté par le Vatican et l’organisation Odessa pour aider à s’enfuir des criminels de guerre nazis. Deux circuits constituent le “couloir du Vatican”: Suisse - San Girolamo - Port de Gênes - Amérique du Sud, et Suisse - France - Espagne - Gibraltar - Maroc - Amérique du Sud, Marguerite d’Andurain ayant pour mission de faire traverser le détroit aux évadés vers le Maroc, d’où ils embarquent sur des navires marchands en direction des ports d’argentine, d’Uruguay, du Brésil, du Pérou ou du Chili.


Dans la nuit du 5 novembre 1948, le corps sans vie d’Andurain est découvert flottant dans la baie de Tanger. Les enquêtes menées par l’antenne du service secret britannique à Gibraltar pour découvrir le coupable de l’assassinat font apparaître trois possibilités. Selon la première, elle a pu être assassinée par les membres de l’organisation Odessa parce qu’elle en sait trop sur la destination de hauts dignitaires comme Eichmann, Kops, Priebke, Mengele ou Fischböck. – E. Nouel, Carré d’as… aux femmes!: Lady Hester Stanhope, Aurélie Picard, Isabelle Eberhardt, Marga d’Andurain


Diverses sources interrogées par les Britanniques et les Américains affirment qu’elle aurait entretenu des relations intimes avec un certain Poncini, un homme grand, brun et de belle allure. On les a vus ensemble dans des fêtes et des casinos. S’en tenant à cette option, les Britanniques enquêtent sur un certain Hans Abel, ancien membre des services secrets du Reich, qui serait l’auteur présumé de l’assassinat ou “exécution” de l’espionne de quarante-sept ans.


La deuxième version, défendue par les services de renseignements américains, prétend que l’assassin serait un membre des service secrets israéliens. C’est la version que privilégie le chercheur Richard Deacon dans son livre sur l’histoire des services d’espionnage israéliens.


D’après Deacon, les États-Unis savaient à l’époque qu’un agent israélien stationné à Tanger avait découvert tout le complot pour l’évasion des criminels nazis. Un Espagnol de Tétouan ayant donné asile à plusieurs des nazis évadés en attendant que la comtesse Marguerite d’Andurain leur fasse franchir le détroit de Gibraltar à bord de son yacht, le Djeilan, a révélé aux Israéliens qu’elle appartenait à l’organisation Odessa et aidait des criminels de guerre nazis à fuir vers l’Amérique du Sud.


L’information a été transmise à Tel Aviv, qui a donné l’ordre de “liquider” la collaboratrice d’Odessa. Fin octobre 1948, trois agents israéliens arrivent à bord d’un cargo dans un port du Maroc et s’installent dans un petit hôtel de Tanger. Dans la soirée du 4 novembre, l’un d’eux repère le Djeilan qui rentre au port, Marguerite d’Andurain à la barre. Cette nuit-là, Andurain et les trois agents israéliens disparaissent. Le corps de la femme sera découvert la nuit suivante flottant dans les eaux de la baie.


La troisième version sur l’assassinat d’Andurain est défendue par les services secrets français, qui eux aussi surveillaient la dame. D’après les espions français, Marguerite d’Andurain a été vue dans un restaurant de Tanger, la veille de son assassinat, en compagnie d’un “homme grand, brun et de belle allure”, description qui ressemble beaucoup au père Nicolás Estorzi, le Messager de la Sainte Alliance. Estorzi a été vu quelques semaines plus tôt à la nonciature de Madrid où il a apparemment reçu des instructions de ses supérieurs.


Il n’a pas été difficile à Estorzi d’entrer en contact avec Marguerite d’Andurain, qui aimait beaucoup les hommes. Le lendemain matin, Estorzi a disparu et on retrouve le cadavre d’Andurain flottant dans les eaux de Tanger.


Le rapport des services secrets français révèle que la femme a pu être “exécutée” par un agent appartenant à une mystérieuse organisation ou secte, les Assassini, étroitement liée aux services secrets du Vatican. D’après le Deuxième Bureau, Andurain a été assassinée parce qu’elle en savait trop sur l’opération “Couvent” – organisée par la Sainte Alliance en collaboration avec James Angleton, chef des services secrets américains en Italie, et qui a permis à de nombreux criminels de guerre nazis de fuir vers l’Amérique du Sud. – M. Aarons & J. Loftus, Unholy Trinity. The Vatican, the Nazis and the Swiss Banks; Ratlines…


Mais quel que soit le coupable – les services secrets américains, israéliens ou du Vatican – la mort de Marguerite d’Andurain reste l’un des plus grands mystères entourant la Sainte Alliance. Des années plus tard, les noms et destinations d’Adolf Eichmann, Reinhard Kops ou Erick Priebke serviront de monnaie d’échange entre la Sainte Alliance, et “l’ami israélien”, autrement dit le Mossad.– G. Thomas, Gideon’s Spies. The History of Mossad.


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Dr Carl Vaernet, spécialiste de la “guérison” des homosexuels


Autre affaire célèbre qui révèle l’implication de la Sainte Alliance dans l’opération “Couvent”: l’évasion de Carl Vaernet, le “Mengele danois”. Dans les années trente, Vaernet affirme avoir développé une thérapie fondée sur ce que lui-même appelle une “inversion de la polarité hormonale”. Ses théories ont été largement diffusées par les journaux du parti nazi; Heinrich Himmler y voit une “solution finale” à la question des homosexuels. – G. Grau, The Hidden Holocaust?: Gay and Lesbian Persecution in Germany 1933-1945


Après l’ascension de Hitler au pouvoir, Vaernet est recruté par le service des médecins des SS, groupe fondé par Josef Mengele. En 1943, Carl Peter Jensen, alias Carl Vaernet, signe un contrat avec le Bureau central de sécurité du Reich (RSHA), cédant les droits exclusifs de la patente de ses découvertes à une entreprise des SS, la Deutsche Heilmittel, en échange de financement, matériel de laboratoire et prisonniers homosexuels enfermés dans des camps de concentration pour être utilisés comme cobayes humains. – R. Plant, The Pink Triangle: The Nazi War Against Homosexuals.


Dès janvier 1944, Himmler met à la disposition du Dr Vaernet la population homosexuelle de Buchenwald. Carl Vaernet se livre à des expériences sur quinze prisonniers auxquels il implante une “glande sexuelle masculine artificielle”. Celle-ci consiste en un simple tube métallique qui libère de la testostérone à travers l’aine pendant un certain temps. Sur ces quinze prisonniers, seuls deux survivront, les treize autres mourront victimes d’infections. – U. Goñi, “The Real Odessa: Smuggling the Nazis to Peron’s Argentina”


Dès la fin 1943, un agent de la Sainte Alliance dans la Copenhague occupée informe le Saint-Siège d’une probable expérience qui pourrait faire disparaître de la surface de la terre la “cruelle maladie de l’homosexualité”. Le rapport du service secret du Vatican fait référence au docteur Vaernet. À la fin de la guerre, ce dernier est incarcéré par les forces britanniques au Danemark, et le 29 mai 1945, le commandant allié informe l’Association médicale danoise que Carl Vaernet sera jugé comme “criminel de guerre”. À la fin de la même année, les Britanniques le remettent à la justice danoise, mais peu avant le procès il parvient à s’évader. L’histoire du médecin capable de mettre fin à la “cruelle maladie de l’homosexualité” parvient aux oreilles du cardinal Eugène Tisserant qui, semble-t-il, ordonne à ses services secrets d’aider un scientifique si “efficace”.


Apparemment, l’ancien médecin des SS s’est réfugié à Stockholm, soit à l’ambassade d’Argentine, soit à la nonciature du Vatican. De là, avec l’aide de l’organisation Odessa, il trouve refuge en Argentine. Les Argentins nient avoir connaissance de son arrivée dans le pays, mais un document révélé par le journaliste Uki Goñi dans son livre prouve que le médecin danois des SS est entré dans le pays, et qu’on a ouvert un dossier à son nom ainsi qu’une annexe dans laquelle Vaernet sollicite la nationalité argentine. – Carl Vaernet est mort en Argentine le 25 novembre 1965 et a été enterré dans le cimetière britannique de Buenos Aires, dans la rangée 11.A.120. Son petit-fils, Christian Vaernet, qui réside encore au Danemark, a expliqué qu’en examinant les documents de son grand-père il a trouvé plusieurs certificats expédiés au nom de celui-ci par différents départements du Vatican. Il a également découvert une lettre signée par le père Krunoslav Draganovic et adressée à son grand-père, dans laquelle il lui explique de quelle façon “son organisation” l’aidera à s’évader.


D’autres personnages importants sont impliqués dans le sauvetage des nazis, comme le colonel de l’armée suisse Henri Guisan, fils du général Guisan, commandant en chef de l’armée suisse accusé d’avoir sympathisé avec le régime nazi pendant la guerre, et cousin du père Stefan Guisan, le prêtre agent des services secrets du Vatican qui a accompagné le cardinal Antonio Caggiano à la réunion avec l’ancien capitaine des SS, Carlos Fuldner, à Madrid.


Pendant la Seconde Guerre mondiale, Guisan est entré en relation avec le capitaine de la Waffen-SS Wilhelm Eggen, chargé d’acheter du bois en Suisse. Étant membre du Conseil d’administration de la compagnie Extroc, Guisan a obtenu la concession d’approvisionnement de bois pour les camps de concentration de Dachau et Oranienbourg jusqu’en 1944. (Le camp de concentration de Dachau opéra entre 1933 et 1945. 206.000 prisonniers enregistrés sont passés par ce camp et 31.951 y sont morts. Le camp de concentration d’Oranienbourg opéra entre 1933 et 1945. Il n’y a pas de chiffres officiels des morts enregistrés dans ce camp.) C’est Guisan qui présentera Eggen à Roger Masson, le chef du service d’espionnage suisse (bien que d’autres sources assurent que ce serait un autre Guisan, Stefan et non Henri, qui a organisé la rencontre au château de Wolfsbourg). On ne sait toujours pas si Guisan obéit à un ordre de la Sainte Alliance ou s’il participe de son plein gré. Mais entre 1949 et 1950, Guisan (Henri ou Stefan) prend contact avec les services secrets de plusieurs pays, dont l’Argentine, dans l’idée d’offrir les services de scientifiques spécialisés dans le développement de missiles et ayant travaillé avec Werner von Braun – ancien scientifique au service des nazis qui, après la guerre, deviendra l’un des pères de la NASA.


Guisan offre rien moins que les plans des V-3, successeurs des fameux V-2 avec lesquels Hitler a bombardé Londres, mais Perón n’a pas l’intention de payer aussi cher un développement armé. L’information est transmise aux services secrets du Vatican, qui trouvent en Afrique du Sud un gouvernement disposé à payer l’évasion de plusieurs scientifiques retenus dans le secteur russe de l’Allemagne. À la fin de l’année, l’opération “Or de Croatie” était sur le point de tomber entre les mains des services secrets du pape Pie XII et, bien sûr, il ne vont pas la laisser filer entre leurs doigts.


Les enquêtes menées par les services de renseignements militaires alliés après la guerre révéleront que le trésor pillé par les leaders oustachis enfuis représente environ huit cents millions de dollars de l’époque en pièces d’or, près de cinq cents kilos en lingots, plusieurs millions en diamants taillés et une considérable quantité de devises, principalement des francs suisses et des dollars américains. Le trésor oustachi a été chargé sur deux camions, transporté en Autriche et escorté par deux anciens agents de la sécurité d’Ante Pavelic et trois prêtres, probablement des agents de la Sainte Alliance. – CIA Reference Operational Files, “Croatian Gold Question”, 2 février 1951


Une grande partie de cet argent a été remise aux Britanniques et a servi à payer la remise en liberté de hauts dignitaires croates, comme le Poglavnik Ante Pavelic lui-même et son ancien ministre des Affaires étrangères, Stjepan Peric. Le reste du butin représente encore quelque trois cent cinquante kilos d’or et mille cent carats de diamants. D’après certaines sources, près de cinquante kilos d’or en lingots sont alors prélevés, mis dans deux caisses et transportés à Rome. Ce chargement est escorté par le père Krunoslav Draganovic et deux agents des services secrets de l’État du Vatican. On enterre le reste en lieu sûr, à la frontière de l’Autriche, mais la convoitise des Croates évadés surpasse leurs sentiments patriotiques. Pavelic ordonne au général Ante Moskov et à Lovro Ustic, ancien ministre de l’Économie, de déterrer le trésor et de le mettre en lieu sûr dans une banque suisse. Lorsqu’ils arrivent à l’endroit où ce trésor aurait dû se trouver, celui-ci a disparu.


Un rapport du Corps de contre-espionnage militaire (CIC) américain stationné à Rome indique: “Le trésor chargé sur deux camions fut mis sous la protection du lieutenant-colonel britannique Johnson. Les camions transportaient diverses propriétés de l’Église catholique dans la zone britannique d’Autriche. Les deux camions étaient surveillés par plusieurs prêtres et par le colonel Johnson. Les véhicules entrèrent en Italie et se dirigèrent vers une destination inconnue. – CIC n° 5650. NARA, RG 319, 631/1/59/04, caisse 173


Un autre document rédigé par l’agent Emerson Bigelow, du SSU, unité d’espionnage dépendant du département de la Guerre, et envoyé au département du Trésor des États-Unis explique: “Pavelic a emporté un total de 350 millions de francs suisses de Croatie, en pièces d’or. Cet argent provient de la spoliation des Serbes et des juifs, pour soutenir les Oustachis enfuis après la guerre […]. Le reste, quelque 200 millions de francs suisses, a fini dans les dépôts du Vatican après l’intervention d’un prêtre du nom de Draganovic et de deux autres curés, appartenant probablement aux services secrets du Saint-Siège, i.e. la Sainte Alliance.”


D’autres rapports de l’espionnage américain et du département du Trésor affirment qu’une partie du trésor oustachi au pouvoir du Vatican a été détournée sur vingt-deux comptes dans quatre banques suisses. L’opération a été menée par l’évêque slovène Gregory Rozman, fervent antisémite et criminel de guerre, protégé par le pape Pie XII et par la Sainte Alliance. –Rapport de 1998, intitulé Supplement to Preliminary Study on US and Allied Efforts to recover and Restore Gold and Other Assets Stolen or Hidden During the World War II, rédigé par William Slany, historien du département d’État.


À la fin de la guerre, le gouvernement yougoslave de Tito demandera à plusieurs reprises l’extradition de Gregory Rozman, mais la résistance de la Grande-Bretagne, des États-Unis et bien sûr du Vatican rendra son procès impossible. Pour ces trois puissances, la remise d’un haut dignitaire de l’Église catholique à un gouvernement communiste est impensable, surtout s’il en sait autant sur les opérations non sancta de l’administration papale.


Escorté par trois agents de la Sainte Alliance, Rozman part à Berne prendre en charge les finances, l’ “argent noir” obtenu par le Vatican qui servira à financier l’opération “Couvent”. “De nombreux évadés du camp de prisonniers d’Afragola se sont réfugiés à San Girolamo, principal centre d’organisation d’évasion de criminels allemands et croates vers des pays tiers”, assure un rapport des renseignements américains. “L’appui offert par le père Draganovic à ces collaborateurs croates le rattache définitivement au plan du Vatican visant à protéger ces nationalistes, anciens Oustachis, jusqu’au moment où ils pourront obtenir les documents leur permettant de partir pour l’Amérique du Sud.Comptant sans doute sur les forts sentiments anticommunistes de ces hommes, le Vatican s’efforce de les infiltrer en Amérique du Sud de toutes les façons possibles pour contrecarrer la diffusion de la doctrine rouge”, explique dans le même document l’agent chargé de l’enquête sur les mouvements oustachis à San Girolamo.


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Ante Pavelic, le plus important des criminels de guerre évadés à travers le “couloir du Vatican”, se réfugie jusqu’en mai 1946 dans le collège Pio Pontificio, au numéro 3 de la Via Gioacchino Belli, dans le quartier romain de Prati. Il est transporté ultérieurement dans une petite maison du complexe de Castelgandolfo, résidence d’été des papes, où il tient des réunions quasi hebdomadaires avec le cardinal Montini, futur pape Paul VI. Au mois de décembre 1946, Pavelic se réfugie à San Girolamo. Il s’apprête à s’embarquer pour l’Argentine depuis le port de Gênes, escorté par les pères Ivan Bucko et Karlo Petranovic, mais l’arrivée d’agents américains oblige le Poglavnik à se cacher dans le monastère de Santa Sabina pour éviter d’être arrêté.


En avril 1947, un infiltré de l’espionnage américain à San Girolamo fait savoir qu’on a perdu la piste de Pavelic. Au mois d’août de la même année, la rumeur court qu’une réunion secrète a été organisée entre les chefs des service secrets britanniques et américains à Rome et le cardinal Montini. Au cours de la rencontre, le “supposé” envoyé du pape Pie XII explique aux espions que pour le Vatican (et pas pour le souverain pontife) Ante Pavelic est un militant catholique, mais qu’il s’est trompé en luttant pour le catholicisme. C’est pour cette raison qu’il est en contact avec le Vatican et sous la protection du Saint-Siège. On ne peut oublier ses crimes passés, mais il ne peut être jugé que par des Croates représentants d’un gouvernement croate indépendant”. Il est clair que pour le Vatican, le pape Pie XII et la Sainte Alliance, si Ante Pavelic est coupable de l’assassinat de près de cent cinquante mille personnes, c’est aussi le cas de Staline, qui a fait des millions de morts en Ukraine, dans la Russie blanche, la Pologne et la Baltique, pendant que le maréchal Tito, son agent, agissait de même en Yougoslavie.


Enfin, le 11 octobre 1948, le leader des Oustachis part pour Gênes et embarque sur le Sestriere dans une cabine de première classe. Il détient un passeport de la Croix-Rouge au nom de Pal Aranyos, ingénieur hongrois. Dans un rapport de 1950, la CIA affirme que dans le bateau, Pavelic est accompagné de deux agents des services secrets du Vatican, qui resteront auprès du Poglavnic les deux années suivantes, en qualité de gardes du corps.


L’organisation du “couloir du Vatican” sera l’une des plus grandes opérations secrètes de tous les temps. Il n’existe pas de preuves concluantes que le “couloir du Vatican” et l’opération “Couvent” aient été organisés ou planifiés comme une opération unitaire par la Sainte Alliance, mais on a pu prouver que des membres éminents de la Curie romaine et des agents des services secrets du Vatican ont participé à d’innombrables opérations d’évasion de criminels de guerre vers des pays sûrs, hors de portée de la justice internationale. – Nous avons des preuves de l’intervention d’agents de la Sainte Alliance dans au moins quarante-quatre opérations d’évasion de criminels de guerre nazis et croates.


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Deux collaborateurs d’Alois Hudal à Rome, messeigneurs Heinemann et Karl Bayer, ont aussi aidé des criminels de guerre nazis à s’enfuir. Heinemann, peu apprécié par les Allemands, est chargé de s’occuper des demandes des hauts dignitaires nazis réfugiés dans l’église de Hudal, Santa Maria dell’Anima. Karl Bayer, lui, est très apprécié des nazis recherchés. Interrogé des années plus tard par l’écrivain Gitta Sereny, Mgr Bayer rappellera de quelle façon Mgr Alois Hudal et lui-même ont aidé les nazis avec l’appui du Vatican: “Le pape Pie XII apportait l’argent pour eux; parfois au compte-gouttes, mais il arrivait.” – G. Sereny, Au fond des ténèbres: de l’euthanasie à l’assassinat de masse: un examen de conscience.


L’ouverture des archives de la Croix-Rouge internationale rédigées après la guerre a enfin clos la polémique sur la question de savoir si les criminels de guerre nazis et croates ont compté sur l’aide du Vatican pour fuir la justice vers l’Amérique du Sud, l’Australie, l’Afrique du Sud ou le Canada. La réponse est claire. Les cardinaux Montini (futur Paul VI), Tisserant et Caggiano ont conçu les filières de fuite; des évêques et archevêques – tels Hudal, Siri et Barrère – réalisé le démarches nécessaires pour créer des documents et de fausses pièces d’identités pour les assassins; des prêtres – tels Draganovic, Heinemann, Dömöter, Bucko, Petranovic et bien d’autres – ont signé de leur main les demandes de passeports de la Croix-Rouge pour des criminels comme Josef Mengele, Erich Priebke, Adolf Eichmann, Hans Fischböck, Ante Pavelic ou Klaus Barbie.


Devant toutes ces preuves et données reste la question principale: le pape Pie XII était-il au courant de l’opération “Couvent” et de l’organisation “couloir du Vatican”? Les services secrets du Vatican ont-ils participé aux plans de fuite des criminels de guerre?


D’après des chiffres de la Direction des migrations d’Argentine, on estime qu’après la guerre sont arrivés dans ce pays près de cinq mille Croates, parmi lesquels deux mille venaient de Hambourg, deux mille de Munich et près d’un millier d’Italie, plus exactement du Vatican.


Dans un rapport du Foreign Office actuellement déclassé, le spécialiste en affaires sud-américaines Victor Perowne écrit: «Les activités du clergé catholique pour continuer à protéger les réfugiés yougoslaves dans l’émigration vers l’Amérique du Sud peuvent être considérées, selon la façon dont on les regarde, comme humanitaires ou politiquement sinistres. Je crois que beaucoup de leaders fascistes mineurs sont réfugiés à San Paolo fuori le Mura (hors les murs de Saint Paul) et il n’est pas impossible que quelques criminels de guerre yougoslaves se soient réfugiés à San Girolamo, car cela n’aurait rien d’inhabituel. Il est peu probable que le Vatican approuve les activités politiques, tellement opposées aux religieuses, du père Draganovic et compagnie, dans la mesure où l’on pourrait les distinguer les unes des autres. Dans une telle situation, il est en effet quasiment impossible de distinguer la politique de la religion. Nous ne pouvons certes condamner l’activité charitable de l’Église catholique à l’égard des “pécheurs individuels”, mais d’abondantes preuves montrent que le Vatican a permis, de façon dissimulée ou ouvertement, que les membres de l’Oustacha soient encouragés.» – Rapport du Foreign Office déposé au Public Record Office (PRO), FO (Foreign Office) 371-67401 R15533


Un seul rapport démontre la position de la Sainte Alliance dans l’affaire de l’opération “Couvent”, du “couloir du Vatican” et du père Krunoslav Draganovic. D’après un rapport de la CIA daté du 24 juillet 1952, le cardinal Pietro Fumasoni-Biodi, chef de la Sainte Alliance, est lui aussi au courant des opérations du père Draganovic et de ce qui se passe à San Girolamo. Fumasoni-Biondi est très fâché contre la “Fratenité”, l’organisation de secours dirigée par Draganovic. En 1952, et malgré l’interdiction expresse du chef de la Sainte Alliance d’accorder plus de visas à des Allemands et des Croates, le père Krunoslav Draganovic continue à aider des criminels de guerre.


Pendant toutes les années que dure l’opération “Couvent”, grâce au prêtre franciscain Dominic Mandic, agent du contre-espionnage du Vatican, le cardinal Pietro Fumasoni-Biondi est informé de tout ce qui se passe dans le “couloir du Vatican”. Mandic travaille à l’imprimerie de San Girolamo, s’occupant d’imprimer les faux papiers des criminels de guerre protégés par Draganovic. Mais la situation va considérablement changer lorsque le 6 octobre 1958 alors qu’il se trouve à Castelgandolfo, le pape Pie XII est victime d’une thrombose cérébrale. Cette nuit-là, les derniers sacrements lui sont administrés. Après une longue agonie, le souverain pontife, l’un des hommes qui connaissaient le plus de secrets de l’Église catholique, étant lui-même à l’origine d’un grand nombre d’entre eux, meurt au milieu de la nuit du 9 octobre, âgé de quatre-vingt-deux ans. Sa dépouille mortelle est enterrée dans les grottes vaticanes dans la chapelle de la Madonna della Bocciata. Les jours de gloire de Krunoslav Draganovic prennent fin quelques jours après la mort du pape Pie XII.


En octobre 1958, la CIA apprend que le prêtre a été expulsé sans ménagement de sa paroisse de San Girolamo, et sans qu’on lui laisse emporter quoi que ce soit, sur “l’ordre exprès de la secrétairerie d’État du Vatican”. L’ordre est exécuté par cinq agents de la Sainte Alliance, dirigés par Nicolás Estorzi, accomplissant les strictes directives du cardinal Pietro Fumasoni-Biondi, le chef de la Sainte Alliance.


En perdant ses appuis au Vatican, Krunoslav Draganovic perd aussi en 1962 les faveurs des agences d’espionnage occidentales, comme la CIA et le MI6, pour “raisons de sécurité”. Le rapport de la CIA montre que Draganovic, alias Bloody Draganovic, alias Dr Fabiano, alias Dynamo, est incontrôlable, il connaît trop le personnel de l’unité de son activité; il exige des tributs exorbitants et l’aide américaine aux organisations croates en paiement pour sa coopération”. Devenu un “répudié” pour les États-Unis et le Vatican, Draganovic décide en 1967 de passer la frontière et de retourner en Yougoslavie, où il s’occupe de lancer des messages en faveur de Tito. Selon certains indices, il est possible que le prêtre ait été séquestré par des agents de l’espionnage yougoslave.


Krunoslav Draganovic mourra en juillet 1983 dans la misère la plus totale, emportant dans la tombe l’un des plus grands secrets liés à l’État du Vatican: les liaisons “dangereuses” entre les criminels de guerre nazis et croates et les services secrets du Saint-Siège, ainsi que les tenants et les aboutissants de l’opération “Couvent” dans le “couloir du Vatican”.


L’arrivée d’un nouveau pontife apportera, comme le dira Allen Dulles, alors directeur de la CIA, “un courant d’air pur dans les palais ankylosés du Vatican et aidera à renouveler l’air putréfié dans lequel a évolué la précédente administration papale”.


Il est possible que cette phrase soit juste. Le 25 octobre 1958 s’ouvre le conclave qui va élire le cardinal Angelo Giuseppe Roncalli. Le nouveau souverain pontife, âgé de soixante-dix-sept ans, adopte le nom de Jean XXIII. Une étape de bref optimisme s’ouvre au Vatican. La Sainte Alliance va vivre quelques années de tranquillité, sous un pontificat plus préoccupé par les questions de l’âme et de l’esprit que par les politiques terrestres.


Extraits de “La Sainte Alliance – La véritable histoire des services secrets du Vatican”

par Eric Frattini, éditions Flammarion, 2006 / 101FE319-338

Photos: Google Images 
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15 février 2010 1 15 /02 /février /2010 16:54
Dmitri Medvedev et Benjamin Netanyahu
Dmitri Medvedev et Benjamin Netanyahu
17:53 15/02/2010
© POOL
MOSCOU, 15 février - RIA Novosti

Réécrire l'histoire et contester la Shoah risque de remettre au goût du jour la théorie de la supériorité raciale, lit-on dans la déclaration commune du président russe Dmitri Medvedev et du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, réunis lundi à Moscou.

"Actuellement, la communauté internationale se heurte aux nouveaux risques et défis, notamment le terrorisme et la diffusion d'armes nucléaires qui menacent le monde et la paix. Dans ce contexte, certains tentent de réécrire l'histoire, de réviser le bilan de la Seconde guerre mondiale établi par l'ONU, de nier l'Holocauste (Shoah), et de glorifier les nazis et leurs complices. Tous ces facteurs risquent de réactiver la théorie de la supériorité raciale et d'entraîner une nouvelle vague de xénophobie", indique le document préparé à l'occasion du 65e anniversaire de la victoire de la Seconde Guerre mondiale.

"Vu la situation actuelle, le rôle des leaders politiques, leur position morale et leur volonté de prévenir de nouvelles tragédies sont déterminants", selon la déclaration.

Les deux hommes politiques ont, par ailleurs, convenu d'organiser des manifestations communes russo-israéliennes à l'occasion de la célébration du 65e anniversaire de la Victoire.

"Nous nous souviendrons toujours de cette victoire qui a libéré les peuples de la menace de la tyrannie nazie", ont annoncé MM. Medvedev et Netanyahu avant d'ajouter que côte à côte avec les autres peuples de l'URSS le peuple juif luttait contre l'Allemagne nazie.

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8 février 2010 1 08 /02 /février /2010 05:29
La Shoah, ce que les Alliés et… le Gouvernement suisse en savaient
Posté le Dimanche 7 février 2010 par James
extremecentre



Cet article fait suite a celui de JCDurbant du 02/02/2010
Retour sur une polémique : Pouquoi les alliés n'ont pas bombardé Auschwitz


Par Le Colonel Hervé de Weck

Parution juin-juillet 2006 dans la Revue Militaire Suisse

Les exécutions massives de juifs et leur gazage à Chlemno commencent à la fin de l’année 1941 en territoire soviétique occupé, alors que le 75 à 80% des victimes de la Solution finale sont encore en vie à la mi-mars 1942. Ils sont effectuées par les SS, lesEinsatzgruppen, les formations de la Police d’ordre et des policiers auxiliaires baltes.

Seule une partie des officiers de la Police d’ordre fait partie de la SS mais pas la troupe. La «Solution finale», au sens strict du terme, n’est pas mise en œuvre à grande échelle avant le deuxième semestre 1942, décidée à la conférence de Wansee le 21 janvier 1942.

 

Dans Secrets officiels. Ce que les nazis planifiaient, ce que les Britanniques et les Américains savaient [1], l’Américain Richard Breitman en véritable historien, sans jouer au procureur, exploite une source inédite: les décryptages réalisés en Grande-Bretagne de messages radio de la police d’ordre et du SS Wirtschaft-Verwaltungshauptamt. Son ouvrage, fruit d’un travail de bénédictin, démontre que les décideurs ont toujours beaucoup de peine à croire une information qui ne correspond pas à leur vision des choses et qu’ils semblent avoir peur de la vérité. A propos de la Shoah, ce ne sont pas les renseignements qui font défaut, mais la capacité des responsables alliés de les accepter comme vrais et de rassembler les pièces du puzzle pour avoir une image claire et cohérente de la situation. Ils ont tendance à détourner le regard parce qu’ils ne croient pas. Il faut admettre que les informations exigent le plus souvent d’être interprétées en les comparant à l’ensemble des données disponibles [2].

Il s’avère encore difficile aujourd’hui d’évaluer de manière exhaustive la façon dont les services de renseignements britanniques et américains ont réagi à l’Holocauste. Certains rapports peuvent avoir été détruits, la plupart restent classifiés mais il y en a assez pour se faire une bonne idée.  L’OSS, qui disposait d’informations moins nombreuses et moins fiables que le MI 8 et le MI 14 à Londres, n’a pas été en mesure de représenter correctement la «Solution finale» avant la fin de l’année 1942.

Londres dispose d’informations fiables…

Dès 1941, les services de renseignements britanniques disposent d’informations crédibles sur les massacres de juifs par les nazis. A partir de 1937, ils ont en effet réussi à déchiffrer certains codes allemands, entre autres ceux de la Police d’ordre qui, depuis septembre 1939, passe des messages radio concernant les transferts de main-d’œuvre dans le Gouvernement général de Pologne et, depuis juin 1941, les liquidations de juifs dans les territoires soviétiques. Dès le début de la guerre, les services britanniques ont percé certaines clés utilisées avec la machine de codage sophistiquée Enigma, entre autres une de celles du SS Wirtschaft-Verwaltungshauptamt en charge des camps de concentration, puis d’extermination. En revanche, ils ne sont pas parvenus à percer les clés Enigma de la Gestapo et du Sicherheitsdienst, qui servent à crypter les messages des Einsatzgruppen.

Les analystes militaires britanniques comprennent que les fonctionnaires nazis recourent à l’euphémisme et au camouflage lorsqu’ils évoquent des mesures extrêmes. «Umsiedlung» (réinstallation) ou «Sonderbehandlung» signifie exécution de juifs ou de Russes. Entre l’été  et l’automne 1941, ils déchiffrent des douzaines de rapports clairs concernant des exécutions massives. Le 30 août, le chef SS Bach-Zelewski se vante que, dans sa région, les exécutions dépassent les trente mille. Le chef du Secret Intelligence Service envoie chaque semaine à Winston Churchill des résumés en anglais des activités de la police allemande sur territoire soviétique. Certains messages déchiffrés figurent dans les rapports quotidiens soumis au Premier ministre.

En août 1941, le problème juif ne se trouve pourtant pas au centre des préoccupations de Churchill, qui lie les atrocités nazies à l’âpre résistance soviétique et met en relation les exécutions de dizaines de milliers de patriotes russes avec l’irritation des responsables allemands face aux pertes de la Wehrmacht. A ce moment, il pourrait pourtant déceler un nombre et un pourcentage grandissants de victimes juives. En ce qui concerne les juifs, le Premier ministre, les gouvernants et les spécialistes initiés se montrent peu enclins à croire les rapports les plus alarmistes.

Les mises en garde des services d’Himmler concernant la vulnérabilité des transmissions radio réduisent considérablement les indiscrétions. Comparés à ceux de l’été et de l’automne 1941, les messages transmis par la Ordnungspolizei en 1942 comprennent beaucoup moins de données sur les exécutions massives de juifs et d’autres victimes dans les territoires soviétiques. En revanche, ils évoquent souvent le sérieux manque de main-d’œuvre dont souffre le Reich, qui amène la décision d’exploiter les juifs aptes au travail au lieu de les exécuter immédiatement.

Le décryptage de messages radio diffusés par le SS Wirtschaft-Verwaltungshauptamtdonne des indications de première main sur les camps d’extermination et le processus industriel d’extermination. A Auschwitz-Birkenau, on liquide dans les meilleurs délais les nouveaux arrivants mais, dans le camp, il se trouve aussi des contingents de juifs travailleurs forcés, ce qui brouille les pistes. En 1942, les responsables SS transmettent par radio un compte rendu presque quotidiennement du nombre d’individus ajoutés ou retranchés à la population du camp. Quoi qu’il en soit,

«au milieu de l’année 1942, et à partir de ces seuls décryptages, il eût été très difficile pour les analystes britanniques de faire le lien entre les transports de juifs vers Auschwitz et les nouvelles installations[nouveaux fours crématoires] qui s’y trouvaient. Rien n’indique que les services secrets l’aient fait.»

Mais d’autres renseignements auraient pu être exploités, par exemple ceux de la résistance polonaise…

Les messages radio décryptés de la police d’ordre et de la SS sont diffusés d’une manière très restreinte, vraisemblablement pour éviter de divulguer des sources majeures. Cette restriction empêche des hauts fonctionnaires du Foreign Office de comprendre le génocide décidé par les nazis. Malgré ces messages et les autres sources annonçant la disparition et l’exécution de juifs, le Gouvernement britannique opte pour le silence face à la politique nazie à l’égard des juifs. «Pour autant qu’on puisse en juger, écrit Richard Breitman, la Grande-Bretagne a tout simplement mis en réserve les informations relatives aux débuts de ce qu’on appelle maintenant la Shoah, obtenues par l’intermédiaire des messages décodés ou de toute autre source.»

Les Etats-Unis ne bénéficient pas des décryptages

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la collaboration américano-britannique dans le domaine du renseignement, si elle commence avant l’entrée en guerre des Etats-Unis, reste peu intense. Les deux communautés ont leur caractère propre et des particularités qui font qu’elles sont peu en phase avec les relations politiques entre les deux Etats. Les services de renseignements gardent traditionnellement les secrets qu’ils découvrent, ils les exploitent sans les partager. Jusqu’en 1945, les autorités civiles et militaires américaines ne connaissent pas les succès britanniques touchant à Enigma et  les décryptages des messages radio de la Police d’ordre allemande; elles ne reçoivent que quelques documents de synthèse émis par les Britanniques. En revanche, elles disposent de l’enregistrement des conversations entre prisonniers allemands. L’ambassade américaine à Berlin prévoit, à fin octobre 1941, que tous les juifs d’Allemagne seront déportés «en l’espace de quelques mois», ajoutant à la mi-novembre, que les individus valides sont transférés d’Allemagne en Russie comme travailleurs forcés. L’attaché militaire rapporte que des unités SS exécutent des juifs dans de nombreuses localités occupées de Russie.

Les médias américains publient de nombreuses informations. Le principal correspondant allemand de l’Associated Press écrit à fin octobre 1941 que l’élimination totale des juifs est «une politique allemande déterminée» et que le sort des déportés reste inconnu. Le New York Journal American, à la mi-novembre, fait un gros titre en première page de l’assassinat par les Roumains de 25000 juifs à Odessa: en réalité le chiffre est beaucoup plus élevé. A la fin du mois, le New York Herald Tribune, qui veut rester prudent, évoque certains rapports provenant d’Europe centrale qui «parlent de massacres de juifs par les Allemands»The New York Time annonce en mars 1942 que la Gestapo a assassiné 24000 juifs déportés en Ukraine; le Daily Telegraph, dans un grand article paru en juin, mentionne l’utilisation par les nazis de chambre à gaz mobiles. Le New York Herald Tribune, le 25 novembre, titre «Hitler a donné l’ordre de tuer 4 millions de juifs en 1942». Mais la presse américaine traite en général avec scepticisme toute information concernant les exécutions de juifs.

Aux Etats-Unis, de réels obstacles empêchent de croire à l’existence de l’Holocauste. La barbarie nazie se produit à des milliers de kilomètres. La «Solution finale», sans précédent, paraît inconcevable jusqu’en automne 1942 dans les hautes sphères du département d’Etat et chez les proches du Président. Même au Congrès juif américain, on doute de la véracité des informations dont on dispose. Comment imaginer que des êtres humains puissent avoir de tels comportements ? Le Gouvernement américain dit avoir besoin de faits soigneusement documentés ne laissant planer aucun doute sur leur authenticité, Au milieu de l’année 1942, il ne croit pas encore en disposer, alors que des informations fiables passent pour des «rumeurs délirantes inspirées par les peurs juives». Les articles de journaux ne suffisent pas à convaincre l’opinion, d’autant plus qu’ils sont souvent écrits en termes modérés, voire sceptiques…

Les raisons de cette attitude

Face aux informations relatives aux assassinats massifs de juifs par les Allemands, les responsables américains et britanniques se rappellent les rumeurs de la Première Guerre mondiale, lorsque des officines du camp de l’Entente fabriquaient de toutes pièces des atrocités allemandes prétendument commises en Belgique et dans le nord de la France, afin de retourner l’opinion mondiale contre le IIe Reich [3]. Les Allemands auraient transformé les cadavres en produits chimiques ! Ce qui est faux pendant la Première Guerre mondiale s’avère vrai pendant la Seconde…

Les dirigeants alliés ne veulent pas donner l’impression qu’ils manipulent leur opinion publique, et ils soupçonnent les réseaux d’information juifs et polonais d’exagérer les crimes nazis afin d’obtenir de secours pour leurs peuples. En août 1943, c’est toujours la conviction de Victor Cavendish-Bentinck, patron du Britsh Joint Intelligence Committee, alors qu’il a en main des preuves indiscutables de certains épisodes de l’Holocauste.

Même Churchill, qui est pro-sioniste, craint d’officialiser le massacre des juifs, ce qui risquerait de circonscrire la cause antinazie, voire de la compromettre, vu l’antisémitisme culturel [4] régnant en Grande-Bretagne comme partout en Europe, ainsi que l’hostilité envers les juifs chez les Arabes du Commonwealth. Se focaliser sur la question juive accréditerait également la thèse de la propagande allemande selon laquelle les Alliés mènent la guerre pour le compte des juifs. Il faut donc attendre le 17 décembre 1942 pour que les gouvernements alliés, pour la première et la dernière fois, publient une condamnation formelle «de la mise en pratique de la menace maintes fois répétée par Hitler de détruire le peuple juif [5]».

Le Gouvernement britannique refuse d’envoyer des secours aux juifs qui meurent de faim, entre autres dans les ghettos polonais, parce que cela n’empêcherait pas les nazis de liquider ces populations et que la stratégie choisie par la Grande-Bretagne implique d’obliger l’Allemagne à nourrir les peuples qu’elle a conquis. Faire quitter l’Allemagne et les territoires occupés à des enfants, des femmes, des personnes âgées allégerait pour le pouvoir nazi l’obligation de subvenir aux besoins des résidents. Des envois de nourriture ou de médicaments permettraient à l’Allemagne de consacrer des ressources supplémentaires pour son effort de guerre, ce qui risquerait de retarder son effondrement. Pour les Alliés, il faut que le blocus déploie ses pleins effets et que l’on continue à faire la guerre sans soulager les souffrances des civils sous la botte ennemie.

Surtout, il faut admettre qu’il s’avère très difficile de reconnaître un fait qui excède les limites de l’entendement. Comment croire à l’inhumanité illogique des nazis qui ont décidé de liquider tous les juifs d’Europe, alors que le Reich manque de main-d’œuvre ? Le décalage entre les informations disponibles et le crédit qu’on leur attribue constitue un problème de psychologie sociale durant toute la Seconde Guerre mondiale. Ce n’est pas avant le second semestre 1942, prétend Richard Breitman, que des informations en provenance de plusieurs sources permettent qu’à Londres et à Washington, on comprenne la monstrueuse entreprise nazie, particulièrement la volonté d’anéantir la totalité des juifs résidant en Europe. Même à ce moment, plusieurs responsables du Foreign Office et du département d’Etat restent sceptiques face aux preuves de l’existence de la Shoah.

Cette impossibilité de voir la réalité se rencontre également dans les milieux juifs. A fin 1943, le consistoire juif français prend soigneusement note de toutes les informations à sa disposition, mais rien n’indique qu’il en saisisse la véritable signification. Deux évadés d’Auschwitz décrivent à des résistants de Nice la réalité du camp de la mort. On ne les croit pas, on les prend pour des individus traumatisés par leurs malheurs [6]

Ni Churchill, ni Roosevelt, qui ont pourtant reconnu très tôt les méfaits du nazisme et ont pris des risques énormes pour s’opposer à l’Allemagne, n’expliqueront pas leur attitude de réserve face au génocide des juifs. Les autorités britanniques et américaines refusent d’utiliser les récits d’atrocités, d’informer le peuple allemand de ce qui se passe pour contraindre les nazis à stopper les massacres, voire de décider des bombardements aériens de représailles sur des villes allemandes. Cette dernière mesure risquerait de mettre en question la légitimité des attaques aériennes normales sur les villes considérées comme des cibles militaires.

Aux Etats-Unis, cette absence de réactions semble s’expliquer par la crainte de mesures de rétorsion touchant les prisonniers alliés dans les pays ennemis, par le fait qu’on n’a pas compris ce que signifie concrètement l’extermination ou qu’on est décidé à ne pas distinguer les meurtres en masse de juifs de la souffrance des autres victimes. Décrire la situation désespérée des juifs entrave la guerre psychologique américaine : les juifs étrangers ne figurent pas parmi les groupes les plus populaires dans le pays, et la propagande nazie accuse les Alliés de mener la guerre pour le compte des juifs.

Depuis qu’à la mi-septembre 1941, le Secret Intelligence Service (MI 6) cesse de transmettre ses rapports concernant le sort des juifs en Allemagne à Churchill, celui-ci ne sollicite aucune information; il a délégué la question au Foreign Office. A la mi-décembre 1942, il manifeste cependant la volonté d’en arriver à une décision commune des Alliés concernant l’anéantissement des juifs. Le 17 décembre, les gouvernements alliés dénoncent pour la première fois le massacre des juifs par les nazis, mais cela ne modifiera pas leur stratégie; ils ne prennent pas de mesures destinées à sauver des juifs. Le Ministre britannique de l’Intérieur, le 31 décembre, consent tout au plus à accueillir quelques milliers de réfugiés, rappelant qu’il y en a «environ 100 000 (…) dans le pays, principalement des juifs, et que le problème de l’hébergement, qui est déjà assez difficile, deviendrait critique en cas d’attaques aériennes renouvelées.» Il ajoute qu’il y a «un très fort antisémitisme larvé dans ce pays. S’il y avait un accroissement substantiel du nombre de réfugiés juifs ou si ces réfugiés ne quittaient pas le pays après la guerre, nous serions en sérieuse difficulté.»

En dernière analyse, il semble que les autorités américaines, mais surtout britanniques, craignent que les nazis et leurs satellites puissent libérer un grand nombre de juifs qu’il leur faudrait alors accueillir et entretenir en plein effort de guerre. La position d’Anthony Eden, ministre des Affaires étrangères du Gouvernement Churchill, apparaît significative : toute tentative de négocier le sauvetage de quelques juifs pourrait avoir pour résultat que «Hitler veuille que nous prenions tous les juifs». En revanche, Américains et Britanniques encouragent les neutres à ouvrir leurs frontières…

Le 23 mars 1943, la Chambre des lords débat de la motion de l’archevêque Temple demandant d’accueillir tous les réfugiés pouvant atteindre la Grande-Bretagne. Le Gouvernement la rejette, invoquant les difficultés de ravitaillement et le manque de bateaux disponibles.

Suisse: le Conseil fédéral et la Shoah?

La Commission indépendante d’experts Suisse – Seconde Guerre mondiale, dans ses publications, ne fait pas la moindre allusion à la perception de la «Solution finale» par les gouvernements britanniques et américains entre 1941 et 1945, à leur scepticisme face à des informations et à des renseignements crédibles, leur utilisation de l’argument «La barque est pleine» pour refuser d’accueillir des réfugiés. La Commission ne devait pas comprendre d’expert en Intelligence au sens anglo-saxon du terme ! Quoi qu’il en soit, le lecteur a l’impression que les autorités suisses sont les seules à se montrer sceptiques, puis indifférentes face aux massacres systématiques de juifs par les nazis.

Dans son Rapport définitif publié en 2002, elle se contente d’écrire:

«Dès début août 1942, les autorités ne pourront plus ignorer que les réfugiés juifs sont gravement menacés. Elles ne sauront encore rien de précis sur le fonctionnement des camps d’extermination. Mais, dès la fin 1941, des informations faisant état de massacres systématiques sont parvenues en Suisse par différents canaux (…). Il n’en reste pas moins qu’à l’époque de la fermeture des frontières en août 1942, les autorités suisses savaient parfaitement ce qui se passait [7]

Là est la grande question à laquelle la Commission ne donne aucune réponse ! Le Conseil fédéral est-il aussi bien renseigné que le Gouvernement britannique? Croit-il les informations et les renseignements à disposition? A quel moment chacun de ses membres prend-il conscience de la Shoah ? Quand le Conseil fédéral, organe exécutif collégial, en fait-il de même ? Dans quelle mesure son silence, son absence de réactions, le maintien de sa politique vis-à-vis des réfugiés s’expliquent-ils par les mêmes raisons qu’à Londres et à Washington qui n’ont pas accueilli, après 1941, de réfugiés juifs en quantités importantes.

«Entre 1933 et 1945, quelque 200 00 réfugiés ont séjourné temporairement au Royaume-Uni dont les dominions n’ont joué pratiquement aucun rôle dans le sauvetage des juifs; le Canada s’est d’ailleurs distingué par un refus presque total d’accueillir des réfugiés, notamment en raison de l’opposition déterminée de la province du Québec. (…) Entre 1933 et 1945 les Etats-Unis ont admis au total quelque 2500 00 réfugiés juifs [8]

Entre 1933 et septembre 1939, les Etats-Unis ont accueilli 225 000 juifs, mais seulement 25 000 durant les hostilités. Entre septembre 1939 et mai 1945, la Grande-Bretagne n’en accueille que 25 000, alors que la Suisse laisse entrer temporairement plusieurs dizaines de milliers de juifs avant septembre 1939, dont la plupart vont réussir à poursuivre leur exode vers d’autres cieux. Seuls 6 500 réfugiés juifs se trouvent sur sol suisse le 1er septembre 1939, auxquels vont s’ajouter quelque 21 000 coreligionnaires accueillis dès cette date jusqu’en 1945, soit près de 28 000 personnes. Compte tenu des populations des Etats-Unis et de la Suisse, la Confédération cinquante fois plus de réfugiés juifs que les Etats-Unis [9].

Colonel Hervé de Weck

———

[1] Paris, Calmann-Lévy, 2005. 363 pp. Voir également Laqueur, Walter: Le terrifiant secret: la Solution finale et l’information étouffée. Paris, Gallimard, 1981; Browning, Christopher R.: Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la solution finale en Pologne. Paris, Les Belles-Lettres, 1994; Spira, Henry: Stuart Eizenstat, «Imperfect Justice ». Interessengemeinschaft Schweiz – Zweiter Welkrieg, Schriftenreihe Nr. 2 – Juni 2003.

[2] Frédéric Guelton: Pourquoi le renseignement? De l’espionnage à l’information globale. Paris, Larousse, 2004, p. 25-26.

[3] Voir également Morelli, Anne: Principes élémentaires de propagande de guerre (utilisables en cas de guerre froide, chaude ou tiède). Bruxelles, Labord, 2001, p. 79.

[4] A ne pas confondre avec l’antisémitisme racial des dirigeants nazis et d’une partie de la population allemande.

[5] Charguéraud, Marc-André: La Suisse présumée coupable. Lausanne, l’Age d’homme, 2001, p. 45.

[6] Posnanski, Renée: Les juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Paris, Hachette, 1997, p. 514.

[7] La Suisse, le national-socialisme et la Seconde Guerre mondiale. Zurich, Pendo, 2002, p. 109-111.

[8] Ibidem, pp. 154-156.

[9] Données aimablement fournies par Henry Spira.

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7 février 2010 7 07 /02 /février /2010 05:24

Auschwitz/65e: Comment Staline a instrumentalisé le sauvetage des juifs 

3 février, 2010

jcdurbant
Dans son livre L’Abandon des Juifs, David Wyman écrivait que, malgré tous les griefs qu’on pouvait leur adresser, les États-Unis avaient un meilleur bilan en matière de sauvetage des Juifs que la Grande-Bretagne ou l’Union soviétique 1. Cette comparaison n’est pas très pertinente. En effet, à la différence des États-Unis et de la Grande-Bretagne, le territoire soviétique fut en partie occupé par l’armée du Reich pendant trois ans – ce qui change complètement les données du problème. Comme le soulignait André Kaspi, pour mesurer l’ampleur de la tragédie, nous sommes contraints de recourir aux statistiques, de dresser une arithmétique macabre 2. Si l’on se place sur ce plan, la faillite du pouvoir soviétique fut totale.
L’information que le CAJ doit rassembler et diffuser sur la barbarie nazie à l’encontre des Juifs est destinée avant toute chose à mobiliser les communautés juives occidentales en faveur de l’URSS. Elle doit éventuellement servir de pièce à charge lorsque viendra l’heure des comptes avec l’Allemagne à la fin de la guerre, mais elle n’a pas pour objectif premier ni central de mobiliser le monde pour venir spécifiquement en aide aux Juifs menacés de destruction par les nazis.
En fait, le pouvoir stalinien poursuivait des objectifs contradictoires. Pour mobiliser les communautés juives occidentales en faveur de l’URSS, il devait souligner les crimes commis par les nazis contre les Juifs soviétiques, mais pour mobiliser d’autres segments de la société soviétique, asseoir sa légitimité et préserver son avenir, il devait au contraire éviter de mettre trop en avant le sort spécifique des Juifs.
Staline a utilisé les Juifs pour atteindre des objectifs politiques – obtenir une participation occidentale à l’effort de guerre soviétique –, mais il n’a pas cherché à les sauver de la tragédie, pour des raisons qui tenaient à ses objectifs internes : la mobilisation de la société soviétique, la légitimité de son pouvoir et la perspective de l’après-guerre. Si une partie des Juifs d’URSS a été sauvée, ce fut surtout parce que l’armée allemande n’a pas pu poursuivre sa progression en territoire soviétique. Les mesures prises par le Kremlin, en particulier dans le cadre de la politique d’évacuation de l’été et de l’automne 1941, qui leur ont permis de fuir l’avance nazie, ne leur étaient pas directement destinées. Laurent Rucker
Etrange amnésie sélective de nos anti-américains de service …
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Alors qu’avec la sortie du livre de Hanael sur Jan Karski, la polémique a repris en France sur le rôle des Alliés et notamment des Américains par rapport à la Shoah …

Retour, avec un intéressant article de 2002 de Laurent Rucker dans les Cahiers de la Shoah, sur les grands absents de ces empoignades rétrospectives, à savoir l’Union soviétique et Staline, pourtant d’ordinaire si complaisamment mis en avant (A quand un Nuremberg du communisme?) dans la défaite du nazisme.

Qui, au-delà d’un bilan clairement catastrophique (près de la moitiédes victimes de la Shoah exterminées, certes du fait de l’occupation nazie, sur son territoire, soit quelque 2, 6 millions) montre surtout lagrande ambiguïté de la politique soviétique sur la question.

Pris, sans parler dans un premier temps une politique d’apaisement et des accords secrets avec Hitler, entre les objectifs contradictoiresd’un mode de fonctionnement totalitaire et clanique considérant comme suspect tout groupe non controlé par lui et la volonté d’obtenir le soutien des Alliés, le sauvetage des juifs en tant que tels ne fut jamais pour le pouvoir soviétique l’objet d’une politique délibérée.

Que ce soit l’expulsion tsariste d’une partie d’entre eux dès 1915 vers l’intérieur du territoire, l’évacuation des grandes villes et des professions utiles à l’effort de guerre ou l’instrumentalisation, via leComité antifasciste juif , d’un groupe d’intellectuels juifs (eg. Ehernbourg, Eisenstein) pour obtenir le soutien occidental.

D’où, par crainte d’encourager les revendications d’autres nationalités ou de rappeler la complicité des supplétifs locaux dans l’extermination de juifs perçus comme à l’origine de la répression bolchévique, l’exemple particulièrement révélateur des communiqués sur les massacres comme celui de Babi Yar qui ne mentionnaient jamais l’origine juive des victimes.

Ou, après guerre, non seulement l’interdiction en Union soviétique-même du Livre noir sur l’extermination des Juifs par les nazis mais l’élimination (la tristement fameuse « Nuit des poètes assassinés »avant le « Complot des blouses blanches » ) de nombre des membresdu Comité antifasciste juif qui en était à l’origine …

L’union soviétique a-t-elle sauvé des juifs?
Laurent Rucker
Cahiers de la Shoah
Janvier 2002

Près de la moitié des victimes de la Shoah ont été exterminées sur le territoire soviétique. À lui seul, ce chiffre indique, s’il en était besoin, l’importance et le caractère central de l’entreprise de destruction des Juifs qui s’est déroulée en URSS. Comment ce crime contre l’humanité a-t-il pu être commis? Les Juifs soviétiques auraient-ils pu être sauvés? L’URSS de Staline a-t-elle fait tout ce qui était en son pouvoir pour les protéger?

Nous n’avons pas l’ambition de répondre à l’ensemble de ces questions dans le cadre de cet article. Notre propos sera plus limité. À partir des sources disponibles, nouvelles et anciennes, nous tenterons d’analyser la politique de l’URSS à l’égard des Juifs résidant dans les zones qui, après le 22 juin 1941, ont été envahies par l’Allemagne nazie. Nous essaierons de montrer que l’attitude soviétique vis-à-vis des Juifs pendant la guerre s’explique avant tout par un certain mode de fonctionnement du pouvoir stalinien, qu’elle fut moins guidée par la situation des Juifs en tant que telle et par les tragédies qu’ils étaient en train de vivre, que par les objectifs politiques de Staline.

Dans son livre L’Abandon des Juifs, David Wyman écrivait que, malgré tous les griefs qu’on pouvait leur adresser, les États-Unis avaient un meilleur bilan en matière de sauvetage des Juifs que la GrandeBretagne ou l’Union soviétique 1. Cette comparaison n’est pas très pertinente. En effet, à la différence des États-Unis et de la Grande-Bretagne, le territoire soviétique fut en partie occupé par l’armée du Reich pendant trois ans – ce qui change complètement les données du problème.

Comme le soulignait André Kaspi, pour mesurer l’ampleur de la tragédie, nous sommes contraints de recourir aux statistiques, de dresser une arithmétique macabre 2. Si l’on se place sur ce plan, la faillite du pouvoir soviétique fut totale.

Le destin des Juifs soviétiques a été en grande partie scellé dès les premières semaines de l’occupation allemande. Le refus de Staline, jusqu’au dernier moment, de rompre l’alliance avec Hitler conclue en août 1939, a entraîné la catastrophe que l’on sait pour l’URSS, et en particulier pour les Juifs qui figurèrent parmi les premières victimes de cette politique. Rien n’ayant été entrepris pour évacuer les populations civiles avant le 22 juin 1941 – pas plus les Juifs que les autres citoyens soviétiques –, celles qui se situaient dans les zones frontalières ont subi d’emblée les assauts de l’armée allemande. Or, 82% des 5 millions de Juifs résidant à l’intérieur des frontières de l’URSS de 1941 se trouvaient dans des territoires qui allaient être occupés par les troupes du Reich 3. En moins de six mois, entre juin et décembre 1941, 10% des Juifs soviétiques – soit environ 500 000 personnes – sont exterminés par les nazis, dont près de la moitié en Lituanie et en Lettonie 4. Et ces massacres ne sont pas perpétrés avec des techniques industrielles, mais de manière «artisanale» : sur la durée de la guerre, environ un million de Juifs soviétiques ont été fusillés, et non gazés dans les centres d’extermination 5.

Le bilan au terme de la guerre est terrible. Grâce à l’ouverture des archives soviétiques, on peut aujourd’hui confirmer certaines hypothèses démographiques. En effet, jusqu’à une période récente, nous ne disposions que du recensement de 1939, qui faisait état d’une population juive d’un peu plus de 3 millions d’âmes. Or, un précédent recensement avait été conduit en 1937. Mais les résultats obtenus n’ayant pas eu l’heur de plaire à Staline – ils faisaient apparaître un chiffre global de la population inférieur de 6 millions à celui qui était attendu par le Kremlin, traduisant les conséquences de la collectivisation, de la famine en Ukraine, en Russie et au Kazakhstan –, celui-ci en avait interdit la publication et les responsables du recensement avaient été arrêtés et déportés ou fusillés 6. Le recensement de 1937 est accessible depuis la fin des années 1980. Selon les données qu’il fournit, il y avait alors près de 2,7 millions de Juifs en URSS, contre un peu plus de 3 millions en 1939. Les travaux des démographes ont montré que le chiffre fiable est celui de 1939, car celui de 1937 a été sous-évalué en raison d’un enregistrement défectueux dans certaines régions, notamment dans le Caucase et en Asie centrale 7.

Donc, sur les 3 millions de Juifs résidant à l’intérieur des frontières de l’URSS d’avant 1939, environ 1 million ont péri et sur les presque 2 millions 8 qui vivaient dans les territoires annexés par l’URSS à la suite du pacte germano-soviétique – États baltes, partie orientale de la Pologne, Bessarabie et Bukovine du nord –, près de 80% ont été exterminés (soit environ 1,6 million) 9. Ce bilan est sans appel : le pouvoir stalinien n’a pas pu empêcher le génocide des Juifs soviétiques. La question est de savoir s’il a, malgré tout, tenté de les protéger. Pour y répondre, il faut distinguer deux périodes : d’une part les années 1939-1941 et, d’autre part, les années 1941-1944.

1939-1941

Les pactes germano-soviétiques d’août et de septembre 1939 ont eu une conséquence pour le moins inattendue : l’augmentation de 60% de la population juive vivant sous autorité soviétique. Entre septembre 1939 et juin 1940, celle-ci retrouve le niveau qui était le sien à la fin du XIX e siècle10. Cette «réunification forcée» est trop souvent négligée, alors qu’elle a produit des effets très importants sur un judaïsme soviétique qui était coupé du monde depuis plusieurs années et qui ne pouvait ni entretenir librement ses traditions ni pratiquer sa religion. Les retrouvailles entre le judaïsme soviétique et celui d’Europe orientale ont pris deux formes extrêmes : celle du soldat juif de l’Armée rouge entrant en conquérant en Pologne et y renouant des liens avec les Juifs polonais et celle du déporté juif polonais, militant du Bund ou d’une organisation sioniste, envoyé au Goulag et y retrouvant des prisonniers juifs soviétiques victimes des purges 11.

Mais surtout, à la suite de l’entrée de l’armée allemande en Pologne, en septembre 1939, l’URSS est pour la première fois confrontée aux conséquences de la politique nazie à l’égard des Juifs. Elle doit décider du sort de ceux qui, fuyant l’avancée de la Wehrmacht, tentent de se réfugier dans la partie orientale de la Pologne annexée par l’URSS. Pour la première fois, elle se trouve face à la question du sauvetage des Juifs.

Le problème des réfugiés, pas seulement juifs, a fait l’objet de négociations entre l’URSS et l’Allemagne. Une commission mixte soviéto-allemande, présidée côté soviétique par l’ex-commissaire du peuple aux Affaires étrangères, Maxime Litvinov, a été créée à cet effet à la mi-octobre 1939 afin de résoudre le problème de la réinstallation dans la partie allemande de la Pologne des Allemands se trouvant en territoire occupé par l’URSS et, inversement, celui des Ukrainiens et des Biélorusses se trouvant dans la partie allemande 12. Toutefois, dans un rapport adressé à Berlin, le représentant allemand de la commission notait que les Soviétiques n’étaient pas intéressés par le sort des réfugiés juifs 13. L’URSS ne souhaitait pas les accueillir, d’une part parce qu’elle ne voulait pas être l’instrument de la politique de l’Allemagne qui, dans les derniers mois de l’année 1939, avait essayé d’envoyer les Juifs polonais vers les territoires soviétiques et d’autre part, comme le montre un rapport du NKVD de février 1940, parce qu’elle se méfiait de ces réfugiés juifs. Elle considérait que leur présence dans des zones frontalières constituait une source d’insécurité et craignait surtout que parmi ceux-ci ne se trouvent des «agents» des organisations sionistes et bundistes 14.

Néanmoins, plusieurs dizaines de milliers de Juifs polonais ont pu fuir la zone occupée par l’Allemagne avant l’arrivée des troupes soviétiques, le 17 septembre 1939. Un certain nombre, difficile à évaluer, a ensuite réussi à franchir la frontière entre les deux zones, grâce notamment à la « complicité » de soldats juifs de l’Armée rouge 15. Ainsi, le responsable du NKVD en Biélorussie notait-il en février 1940 la présence de plus de 72000 réfugiés en provenance de Pologne, dont 65000 Juifs 16. Il est difficile d’établir un chiffre total précis du nombre de réfugiés juifs qui ont réussi à entrer en URSS mais, selon les estimations les plus récentes fondées sur les archives soviétiques, il serait de l’ordre de 150000 personnes 17. Celles-ci n’ont pas été à proprement parler «sauvées» par l’URSS, mais, en tout état de cause, elles ont pu échapper provisoirement aux nazis.

Le sort de ces réfugiés reflète les ambiguïtés et les contradictions de la politique soviétique. Une partie d’entre eux, environ 10000, a pu s’installer tout à fait normalement en acceptant d’aller travailler dans les mines du Donbass en Ukraine 18. À l’opposé, un nombre à peu près équivalent (environ 8000) a pris le chemin de la Loubianka ou du Goulag. Les statistiques de cette institution qui ont été conservées dans les archives montrent que le nombre de Juifs détenus dans les camps de travail correctif augmente de 58% entre janvier 1939 et janvier 1941, passant de 19758 à 31132; les Juifs représentent alors 2,08% des prisonniers. Avec 10,3 prisonniers pour 1000 habitants, ils figurent au troisième rang des peuples représentés au Goulag, juste derrière les Turkmènes (13,4) et les Allemands (11,9), mais devant les Russes (8,9) 19. Pour l’essentiel, ce sont des militants sionistes et bundistes, provenant de ces flux de réfugiés ou résidant dans les territoires annexés par l’URSS entre septembre 1939 et juin 1940. Parmi eux on trouve, entre autres, les dirigeants du Bund, Viktor Alter et Henryk Erlich, ou encore un certain Menahem Begin, alors dirigeant du mouvement de jeunesse de l’Organisation sioniste révisionniste, le Betar.

Paradoxe de l’attitude du Kremlin: en même temps qu’il envoyait au Goulagou en prison une partie des réfugiés, en février 1940, il proposait aux autres de devenir soviétiques 20. Proposition ambiguë puisque, si elle leur offrait la possibilité de redémarrer une vie nouvelle, à l’heure où tant de frontières se fermaient aux Juifs qui voulaient fuir les nazis, elle les plaçait sous l’autorité du pouvoir stalinien dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle ne constituait pas une garantie de sécurité. L’objectif était moins de faire preuve de générosité que de contrôler plus efficacement ces réfugiés, de les enregistrer et de les soumettre à la loi soviétique.

Environ la moitié d’entre eux accepta (65000) 21. L’autre moitié refusa; ce qui signifiait qu’elle avait opté pour le retour dans les territoires occupés par les nazis. Ce choix peut surprendre, mais il n’est pas dénué de sens. D’une part, de nombreux réfugiés avaient laissé leur famille et espéraient donc pouvoir la retrouver. D’autre part, leur expérience de l’URSS ne les incitait guère à y rester. Entre la peur de la répression et la perspective d’une vie difficile, ils doutaient de leur avenir dans la patrie du socialisme. Certains de leurs compagnons d’infortune avaient pris le chemin du Goulag; d’autres, celui des mines du Donbass – certes volontaire, mais pour un travail pénible.

En fait, seule une petite minorité retourna du côté allemand. Les autres (environ 65000), qui avaient refusé la citoyenneté soviétique, furent envoyés dans le second Goulag, celui des «peuplements spéciaux» 22, à la suite d’une opération qui se déroula en juin-juillet 1940. Avec le plus grand cynisme, le NKVD fit croire à ces réfugiés juifs qu’il allait exaucer leurs vœux. Il leur demanda de se rendre dans les gares et de prendre un train qui les emmènerait en territoire polonais sous occupation allemande. Mais, une fois remplis, les trains suivirent une toute autre feuille de route 23! Les réfugiés juifs rejoignirent au Kazakhstan, en Sibérie et au Nord de la Russie la cohorte des peuples déportés qui comprenait déjà des Coréens, des Finnois, des Polonais, des Lettons. Ils seront suivis, durant et après la guerre, par les peuples du Caucase, les Allemands et les Baltes 24. Quelques jours à peine avant le lancement par Hitler de l’opération Barbarossa, le NKVD mit en œuvre, sous la houlette du général Serov, une nouvelle opération de déportation, décidée par Staline et Beria, qui frappa cette fois la Lituanie. Entre le 15 et le 22 juin 1941, plus de 30000 personnes furent envoyées au Kazakhstan et en Sibérie. Les deux tiers de ces déportés étaient lituaniens et un peu plus d’un quart (environ 7000) étaient juifs 25.

Un dernier aspect de la politique soviétique pendant cette première période concerne le problème de l’émigration en Palestine. Dès 1940, soit bien avant la rupture germano-soviétique, les responsables du mouvement sioniste ont établi des contacts avec des diplomates soviétiques. Au menu des discussions : l’avenir de la Palestine, mais également le sort des réfugiés juifs polonais en URSS ; les dirigeants sionistes évitant d’aborder le problème des Juifs devenus soviétiques à la suite des annexions de territoires. Les responsables sionistes ont demandé des autorisations d’émigration d’une part pour des groupes d’étudiants d’écoles religieuses de Pologne qui s’étaient réfugiés en Lituanie après l’invasion allemande et, d’autre part, pour des Juifs lituaniens.

Les résultats de ces pourparlers furent limités pour des raisons qui ne tenaient pas uniquement à l’attitude de Moscou, mais également à celle de Londres qui, après l’annexion des États baltes en juin 1940, décida de refuser toute demande de visa en provenance des territoires conquis par l’URSS 26. Néanmoins, 5000 Juifs de Lituanie furent autorisés à émigrer en Palestine par l’URSS entre septembre 1940 et avril 1941. Au moins ceux-là furent-ils sauvés puisque, malheureusement, le judaïsme lituanien sera détruit à 90% par les nazis.

Au terme de ces deux années d’alliance germano-soviétique, on ne peut pas affirmer que l’URSS ait eu une politique de «sauvetage» des Juifs menacés par l’entreprise de destruction nazie. Elle leur ferma ses frontières et ceux qui parvinrent à fuir la partie de la Pologne occupée par les nazis l’avaient fait, pour l’essentiel, avant l’entrée de l’Armée rouge dans la partie orientale de la Pologne.

Cette attitude s’explique, non par une hostilité intrinsèque à l’égard des Juifs, mais par le mode de fonctionnement du régime soviétique dont l’un des principes cardinaux consiste à considérer comme suspecte toute population pouvant entretenir des relations transfrontalières, tout groupe échappant même partiellement à l’autorité du Parti-État, et ce d’autant plus en période de guerre. À ces facteurs, il faut en ajouter un autre, plus politique : le Kremlin redoutait l’arrivée massive de militants du Bund et des partis sionistes. Mais cette attitude ne concernait pas seulement les Juifs. Les responsables des autres partis politiques polonais ou baltes dans les zones annexées par l’URSS eurent tout autant à subir les foudres de la répression stalinienne. Cette politique s’inscrivait dans le cadre de la soviétisation des territoires conquis grâce à l’alliance avec l’Allemagne. Le nouvel ordre soviétique devait être rapidement instauré. Pour cela, il fallait éliminer tous ceux qui pourraient s’y opposer, «purger » les élites, détruire les allégeances antérieures. Comme les autres populations annexées, les Juifs subirent cette politique qui eut pour effet de désorganiser totalement et d’atomiser les communautés, de les priver de repères et de dirigeants à la veille de ce qui allait être la plus grande catastrophe de leur histoire 27.

À partir du 22 juin 1941, la situation des Juifs d’URSS change radicalement. Dès lors, la question de savoir si l’URSS a sauvé des Juifs se pose d’une toute autre façon. Il s’agit de déterminer si, dans un premier temps, le pouvoir soviétique a évacué autant que possible les Juifs menacés par l’avance fulgurante des troupes nazies et, dans un deuxième temps, s’il a mis en œuvre une politique d’information et de mobilisation pour faire connaître la tragédie qu’étaient en train de vivre les Juifs soviétiques.

1941-1944

Deux facteurs principaux ont déterminé le sort des Juifs soviétiques après le 22 juin 1941. Le premier est d’ordre démographico-spatial. Comme nous l’avons souligné, 70% des Juifs vivant dans les frontières de l’URSS d’avant 1939 habitaient dans des zones qui allaient être occupées par l’Allemagne, principalement l’Ukraine et la Biélorussie qui rassemblaient à elles seules 1,9 million de Juifs. La totalité des territoires annexés par l’URSS entre 1939 et 1940, où se trouvait une population juive de taille équivalente, sera elle aussi occupée par les armées du Reich.

Un million de Juifs résidaient dans des zones, essentiellement en Russie, qui ne seront pas occupées par les Allemands. Ceux-là seront sauvés ou du moins, si certains d’entre eux périrent, ce ne fut pas en raison de leur appartenance ethno-religieuse. La situation de ce mil lion de Juifs est le produit d’une véritable révolution migratoire qui s’est opérée au cours des vingt-cinq années précédentes. Alors qu’en 1897, 94% des Juifs de l’Empire vivaient dans la Zone de résidence, en 1939 ils n’étaient plus que 57,1% à y demeurer 28. Avant l’abolition des discriminations, en 1917, c’est l’expulsion de 600000 Juifs des régions frontalières vers l’intérieur de la Russie par le pouvoir tsariste, en août 1915, qui mit fin de facto à la Zone de résidence 29. Ironie de l’histoire, cette décision les sauva un quart de siècle plus tard.

Le deuxième facteur qui a scellé le destin des Juifs d’URSS est lié à la progression des troupes du III e Reich. Là où elle fut rapide, les Juifs d’URSS n’eurent aucune possibilité d’échapper au massacre. Ainsi, 175000 sur les 250/260000 Juifs de Lituanie (y compris la région de Wilno) avaient déjà été tués en décembre 1941 et la quasi-totalité des Juifs lettons sont morts au cours des premiers mois de l’occupation (68000 sur 75000). En Bukovine du nord et en Transnistrie, au cours du seul été 1941, ce sont plus de 150000 Juifs, soit la moitié d’entre eux, qui sont tués par les Einsatzgruppen avec l’aide de leurs supplétifs roumains. Près de Kiev, à Babi Yar, plus 33000 Juifs sont exterminés en deux jours (29-30 septembre). Compte tenu des très sévères revers subis par l’armée soviétique au cours des premières semaines de la guerre, il est évident que les Juifs qui vivaient dans les régions immédiatement conquises par l’Allemagne ne pouvaient plus être sauvés.

Cette déroute est le produit de l’attitude de Staline qui a tenté jusqu’au bout de maintenir sa politique d’apaisement vis-à-vis de Hitler. En attendant un «ultimatum» qui ne viendra jamais, en s’accrochant à la thèse de la «provocation» alors même que les villes soviétiques étaient bombardées, en empêchant la mise en œuvre de mesures préventives, il a condamné les populations des régions frontalières – pas seulement les Juifs –, totalement impuissantes et désarmées devant l’avancée des troupes allemandes.

Une fois l’attaque allemande déclenchée, les dirigeants soviétiques ont-ils pris les mesures nécessaires pour protéger les populations menacées, et, en particulier, les Juifs ?

Grâce à l’accès aux archives soviétiques, on en sait maintenant un peu plus sur la politique d’évacuation mise en œuvre par les dirigeants soviétiques au lendemain du 22 juin 1941. Lorsqu’au début du mois de juin 1941, Staline reçut des propositions de plans d’évacuation partielle de la population de Moscou, il les repoussa et demanda même que la commission ad hoc cessât son travail, entamé depuis plusieurs semaines : «La commission doit être liquidée et la discussion sur l’évacuation doit être arrêtée.

Lorsque cela sera nécessaire et si cela devient nécessaire, le comité central et le gouvernement vous informeront 30. » Le 22 juin, alors que les premières bombes s’abattent sur l’URSS, Staline, loin de songer à l’évacuation de la population, déclare la loi martiale dans toutes les zones frontalières et y interdit à quiconque de quitter son lieu de résidence ou de travail ; tout contrevenant sera considéré comme un déserteur 31.

En fait, l’organisation de l’évacuation ne commença que le 24 juin 1941, soit deux jours après le début de l’invasion allemande, avec la mise en place de l’administration pour l’évacuation de la population du Conseil suprême de l’évacuation. Créée dans l’urgence, cette institution avait néanmoins à sa disposition les plans qui avaient été préparés au cours des mois et des années précédentes par la bureaucratie soviétique. Toutefois, dans le chaos qui suivit l’invasion allemande, ce furent surtout l’improvisation et la désorganisation qui présidèrent aux conditions d’évacuation. Dans bien des cas, les autorités locales durent agir de leur propre initiative et recevaient souvent des ordres contradictoires. En fait, les chances d’être évacuées, pour les populations menacées, dépendaient de la combinaison de trois facteurs : le lieu de résidence et la proximité des moyens de transports ; la progression des troupes allemandes ; les priorités du pouvoir soviétique. Il faut distinguer deux périodes pour analyser cette politique d’évacuation : la première s’étend du 22 juin à la mi-juillet ; la seconde débute après le 15 juillet.

Avant même de s’inquiéter du sort de la population civile, le souci premier du pouvoir soviétique était de déménager au plus vite les usines, en particulier celles qui étaient nécessaires à l’effort de guerre 32.

Au cours de la première phase, les catégories de populations à évacuer en priorité, définies dans une résolution du 27 juin, étaient les suivantes : les ouvriers qualifiés qui doivent suivre leur usine ; les familles des officiers de l’armée, des membres du NKVD et des hauts fonctionnaires de l’État et du Parti; et les enfants de moins de quinze ans 33. Le 5 juillet, trois résolutions complémentaires furent adoptées, dont deux réaffirmaient les mêmes priorités. La troisième indiquait, sans instructions précises, que l’évacuation des autres catégories de la population, en particulier celles se trouvant à proximité des zones de guerre, étaient du ressort des autorités militaires locales 34.

Au plan géographique, Moscou et Leningrad constituèrent les objectifs prioritaires de la politique d’évacuation alors que les zones des combats furent placées au second plan. Du 22 juin au 14 juillet, 900000 Moscovites et 341000 Leningradois furent évacués, soit 64% du nombre total de personnes évacuées (2,311 millions), contre 520000 en provenance des zones de guerre 35. À partir de la mi-juillet, ce sont ces dernières qui deviennent prioritaires : à la date du 20 août, 2,139 millions de personnes ont pu être évacuées 36. Pendant les premières semaines, l’évacuation a été ralentie par la pénurie de moyens de transports, d’abord affectés à l’acheminement des troupes.

Le sort des Juifs a été étroitement lié à la progression de l’armée allemande. Ceux qui vivaient dans des régions qui n’ont pas été occupées avant la mi-juillet ont eu plus de chances de pouvoir être évacués que les autres. Entre le 22 juin et le 15 juillet 1941, 140 à 170000 Juifs sur 1,9 million ont pu fuir les territoires annexés par l’URSS après 1939, mais seulement 75 à 100000 d’entre eux ont réussi à rejoindre des zones non occupées par les Allemands, soit 4 à 5% de la population juive d’avant le 22 juin 37.

Dans les zones occupées à l’intérieur des frontières soviétiques d’avant 1939, environ 190000 personnes sur 590000, soit à peu près un tiers, ont pu être évacuées. Mais on constate d’importantes disparités régionales. Ainsi, dans la partie de la Biélorussie qui a été occupée avant la fin juin, seuls 11% de la population juive ont pu échapper aux nazis tandis que 44% environ ont été évacués dans la partie qui a été occupée à la mi-juillet. Dans les trois régions de l’Ukraine (toujours dans les frontières d’avant 1939) qui étaient occupées à la mijuillet, un tiers de la population juive a été évacué contre deux tiers dans celles occupées entre la mi-juillet et la mi-octobre 38.

Si on établit un bilan à partir des chiffres enregistrés par la Commission d’évacuation à la mi-octobre, environ 900000 Juifs, soit 55%, ont été évacués des zones occupées par l’Allemagne (frontières d’avant 1939), ce qui place les Juifs à la deuxième place, après les Russes; si l’on établit une ventilation par nationalité, ils représentent près d’un quart du chiffre global des personnes évacuées à la mi-août 39.

À partir des données, datant de la fin de l’année 1941, concernant les lieux de réinstallation, qui portent sur environ un quart de la totalité des personnes évacuées (soit 2,5 sur 8,5 à 9,5 millions), on constate que sur les 670000 Juifs recensés, près de la moitié (300000) ont trouvé refuge dans des zones qui ont été ensuite partiellement ou totalement occupées par les Allemands 40, notamment dans le Caucase, tandis que les autres ont gagné des régions épargnées par la guerre, en particulier l’Ouzbékistan.

Ces chiffres montrent que, dans les zones qui n’ont pas été immédiatement occupées par l’Allemagne nazie, une proportion importante de Juifs a pu échapper aux massacres, au moins dans un premier temps. Ceci s’explique par le fait que d’une part les Juifs étaient bien représentés dans les catégories de population évacuées en priorité : habitants des grandes villes, personnes qualifiées, et que, d’autre part, ils étaient probablement mieux disposés à partir, compte tenu du sort qui les attendait, que d’autres groupes de la population. En revanche, on ne trouve pas trace d’une politique d’évacuation spécifique à l’égard des Juifs, pas plus d’ailleurs qu’à l’égard d’aucun groupe national 41. Malgré le chaos qui a suivi l’attaque allemande, une proportion non négligeable de Juifs a pu être sauvée, mais ils ne le furent pas en tant que Juifs.

Information et mobilisation

Pour répondre à la question: l’URSS a-t-elle sauvé des Juifs ?, il faut également analyser son action en termes d’information et de mobilisation. L’URSS a-telle fait connaître le sort des Juifs ? A-t-elle mobilisé des forces pour leur venir en aide ?

Sur ce point aussi la politique soviétique fut ambiguë. Si elle a incontestablement contribué à diffuser de l’information sur la tragédie qui était en train de s’abattre sur les Juifs, cette information fut sélective. En outre, l’objectif principal de la sensibilisation au sort des Juifs soviétiques n’était pas de les sauver, mais de mobiliser la société soviétique et l’opinion publique alliée en faveur de la défense de l’URSS. Le principal instrument de cette politique fut le Comité antifasciste juif (CAJ).

L’histoire de ce comité est maintenant bien connue, grâce à l’accès aux archives soviétiques 42. Après le 22 juin 1941, le pouvoir stalinien est confronté non seulement à l’occupation d’une partie du territoire soviétique, mais aussi au risque d’être emporté par la défaite. Dans de nombreuses régions, les Allemands sont accueillis avec bienveillance, quand ce n’est pas avec enthousiasme. Dans un premier temps, le Kremlin doit donc quelque peu desserrer son emprise sur la société et en appeler à la défense de la patrie. Au plan extérieur, il lui faut opérer un retournement d’alliance avec la Grande-Bretagne et les États-Unis.

L’un des moyens mis en œuvre consiste à opérer un rapprochement avec les communautés religieuses et les minorités nationales, du moins avec certaines d’entre elles. Dans l’esprit de plusieurs dirigeants du Kremlin, notamment Beria qui est alors à la tête du NKVD, les Juifs peuvent devenir le principal vecteur d’une politique qui vise à obtenir le soutien des États-Unis. Il convient donc de les mobiliser. Il est nécessaire de trouver des personnalités juives capables d’accomplir cette tâche. Beria avait d’abord pensé à Henryk Erlich et Viktor Alter, les deux dirigeants du Bund polonais déjà cités,, qui faisaient partie des Juifs polonais qui, fuyant l’avancée de l’armée allemande, s’étaient réfugiés en zone soviétique. Mais ils ont été arrêtés par le NKVD, emprisonnés à la Loubianka et condamnés à mort en juillet-août 1941, soit après l’invasion allemande. Ils n’ont dû leur salut provisoire qu’à l’accord sur l’amnistie des prisonniers polonais signé entre l’URSS et le gouvernement polonais en exil en août 1941. C’est alors que Beria leur a proposé de réfléchir à la création d’un Comité antifasciste juif dont l’objectif serait de mobiliser les communautés juives occidentales. Dans la lettre qu’ils adressèrent à Staline pour exposer leur projet, Erlich et Alter insistaient pour que les Juifs fussent alertés sur le fait que le projet de Hitler visait à les exterminer. Mais, étant toujours considérés comme des ennemis par Staline, les deux hommes furent à nouveau arrêtés par le NKVD. Erlich se suicida en mai 1942 et Alter fut fusillé en février 1943.

Toutefois, le projet ne fut pas abandonné. Il fut confié à ceux qui avaient été à l’origine de «l’appel du 24 août 1941». À cette date, un groupe d’intellectuels, d’artistes et de scientifiques juifs soviétiques, parmi les plus prestigieux (Ilya Ehernbourg, David Bergelson, Piotr Kapitsa, Sergueï Eisenstein), lança à Moscou, lors d’un meeting radiodiffusé en Grande-Bretagne et aux États-Unis, un appel aux «frères juifs du monde entier» à venir en aide à l’URSS en guerre contre la « barbarie nazie ». Dans leurs discours, ils rappelèrent leurs origines juives et surtout, ils rapportèrent des informations sur les massacres commis contre les Juifs par les nazis.

Cet appel produit un effet considérable aux États-Unis, en Angleterre et en Palestine. Des comités de soutien à l’URSS en guerre sont créés. Aux États-Unis, il est présidé par Albert Einstein. Cet écho favorable pousse les dirigeants soviétiques à aller plus loin. En décembre 1941, ils décident de créer le Comité antifasciste juif dont la présidence est confiée à Solomon Mikhoels, directeur du Théâtre juif de Moscou et acteur célèbre. Outre la collecte d’argent et la mobilisation des communautés juives à l’étranger, l’un des objectifs assignés au Comité est de rassembler des informations sur la situation des Juifs en URSS et dans les pays occupés par l’Allemagne, et sur la participation des Juifs à la guerre patriotique.

Toute l’ambiguïté de l’attitude du Kremlin est contenue dans ce dernier élément. L’information que le CAJ doit rassembler et diffuser sur la barbarie nazie à l’encontre des Juifs est destinée avant toute chose à mobiliser les communautés juives occidentales en faveur de l’URSS. Elle doit éventuellement servir de pièce à charge lorsque viendra l’heure des comptes avec l’Allemagne à la fin de la guerre, mais elle n’a pas pour objectif premier ni central de mobiliser le monde pour venir spécifiquement en aide aux Juifs menacés de destruction par les nazis. Ce point est extrêmement important parce qu’il est à la source des contradictions de la politique soviétique et, en partie, à l’origine de la répression du pouvoir stalinien contre certains segments du judaïsme soviétique dans l’après-guerre.

L’exemple le plus emblématique de ces contradictions est celui du Livre noir sur l’extermination des Juifs par les nazis, préparé par les deux écrivains soviétiques, Vassili Grossman et Ilya Ehrenbourg 43. L’idée d’un tel livre a été suggérée aux membres du CAJ par Albert Einstein. Elle a été discutée pendant le voyage de Mikhoels et Fefer aux États-Unis, au cours de la deuxièmemoitié de l’année 1943, et mise en œuvre à leur retour. L’ouvrage aurait dû être publié au lendemain de la guerre, mais l’édition en fut interdite par Staline.

Le problème principal qui se posait aux responsables de ce projet était de savoir s’ils devaient diffuser des témoignages uniquement sur l’extermination des Juifs ou bien sur l’ensemble des crimes commis par les nazis en URSS. La publication du Livre noir pouvait provoquer des réactions en chaîne. Privilégier les atrocités commises contre les Juifs soviétiques risquait d’une part d’inciter d’autres nationalités à revendiquer leur Livre noiret, d’autre part, de poser la question de l’attitude des populations locales face aux massacres et de leur éventuelle participation à ces exactions dans des régions où la résistance au pouvoir soviétique était la plus grande et où la propagande nazie avait trouvé des échos favorables. En particulier, en s’appuyant sur le thème du «judéo-bolchevisme».

En effet, les premières semaines qui ont suivi l’attaque allemande en juin 1941 avaient fait la preuve de la faible légitimité reconnue au pouvoir soviétique dans certaines régions, en particulier en Ukraine, où la révolution d’Octobre était perçue comme une victoire des Juifs. Donc, souligner les crimes commis contre les Juifs dans des régions où l’armée allemande avait agi avec la complicité de supplétifs locaux présentait, aux yeux du Kremlin, non seulement le risque d’affaiblir l’effort de guerre qui nécessitait la mobilisation de tout le corps social, mais également celui de compliquer un peu plus la reprise en mains de ces régions qui devrait s’opérer après la défaite allemande.

On retrouve également cette contradiction dans les communiqués sur la destruction des Juifs diffusés par l’URSS. Dans les messages que Molotov adressa, les 6 janvier et 27 avril 1942, aux pays avec lesquels l’URSS entretenait des relations diplomatiques, il était souligné que des crimes de masse avaient été commis par les nazis sur le territoire soviétique. Si le message du 6 janvier faisait référence au massacre de Babi Yar, c’était sans mention du fait que les victimes étaient juives 44. De même, le texte qui paraît dans la Pravdale 19 décembre 1942, soit le lendemain de la publication de la déclaration des Alliés sur l’extermination des Juifs, est emblématique de cette volonté de ménager «l’union nationale». Tout en dénonçant l’entreprise de destruction des Juifs par les nazis, il souligne que l’immense majorité des victimes sont des paysans russes, ukrainiens et biélorusses, des ouvriers et des intellectuels, ainsi que des Baltes, des Moldaves et des Caréliens, c’est-à-dire des gens originaires de toutes les zones annexées par l’URSS en 1939-1940. Ce communiqué insiste également sur la solidarité manifestée par les Russes, les Biélorusses et les Lituaniens envers les Juifs. Il suggère que la tragédie subie par ces derniers est liée à l’intensification de «la campagne de terreur contre les paysans ukrainiens».

D’une manière générale, le pouvoir soviétique et les grands organes d’information se sont peu exprimés pendant la guerre sur l’extermination des Juifs. Cette tâche a essentiellement été assumée par le CAJ dans son journal en yiddish, Eynikayt, et dans les articles qu’il envoyait à l’étranger.

En fait, le pouvoir stalinien poursuivait des objectifs contradictoires. Pour mobiliser les communautés juives occidentales en faveur de l’URSS, il devait souligner les crimes commis par les nazis contre les Juifs soviétiques, mais pour mobiliser d’autres segments de la société soviétique, asseoir sa légitimité et préserver son avenir, il devait au contraire éviter de mettre trop en avant le sort spécifique des Juifs.

Pour comprendre l’attitude de l’URSS à l’égard des Juifs pendant la guerre, il est nécessaire de revenir sur le mode de fonctionnement du pouvoir stalinien. Celui-ci reposait sur une logique clanique dont le principe cardinal consistait à prévenir et à interdire la formation de groupes autonomes – qu’ils fussent nationaux, sociaux, religieux, professionnels –, à l’intérieur du Parti, du mouvement communiste international, de l’URSS et du cercle du Kremlin. Ce mode d’organisation, hérité de la culture politique du Caucase, a été mis en place par Staline au début des années vingt; il a constitué son clan à cette période. Le clan est dirigé par un chef auquel les autres membres qui le composent vouent une allégeance totale et exclusive. À partir des années trente, le système de clan devient un élément structurel de l’organisation du pouvoir et des rapports entre l’État, le Parti, l’Administration et la société. Staline a imposé, par la violence, ce principe clanique à l’ensemble du corps social à l’issue de plusieurs années d’affrontements 45. En quoi ce mode d’exercice du pouvoir a-t-il influé sur la politique à l’égard des Juifs pendant la guerre?

Pour le judaïsme soviétique, la guerre est une période totalement paradoxale puisque en même temps qu’il subit la plus grande tragédie de son histoire, il est doté pour la première fois d’une institution, le CAJ, qui rayonne au plan international. Le problème est que le Comité, conçu comme un instrument de propagande et de mobilisation au service de l’URSS, a progressivement dépassé le cadre qui lui avait été fixé, devenant une sorte de porte-parole des Juifs soviétiques, le réceptacle de leurs souffrances et de la tragédie qui les frappait. Pour les besoins du Livre noir, les dirigeants du CAJ ont recueilli des témoignages de la destruction des Juifs d’URSS. Mais ce faisant, ils ont été conduits à s’occuper de plus en plus des problèmes des Juifs soviétiques. Jusqu’à demander à Staline, en 1944, la création d’une République juive en Crimée en réparation de cette immense tragédie.

Cette attitude les a rendus suspects aux yeux de Staline. Le débordement du cadre des activités du CAJ constituait à ses yeux le signe d’un processus d’autonomisation non seulement de l’institution, mais également de l’ensemble des Juifs d’URSS. Cette suspicion était confortée par les relations que le CAJ entretenait avec ses interlocuteurs occidentaux qui portaient en germe, à ses yeux, le danger d’une transgression du principe d’allégeance exclusive. Ce qui, suivant sa logique clanique, était inacceptable.

Ce mode de fonctionnement du pouvoir stalinien explique en partie pourquoi l’URSS n’a pas eu de politique spécifique pour sauver les Juifs pendant la guerre. Staline a utilisé les Juifs pour atteindre des objectifs politiques – obtenir une participation occidentale à l’effort de guerre soviétique –, mais il n’a pas cherché à les sauver de la tragédie, pour des raisons qui tenaient à ses objectifs internes : la mobilisation de la société soviétique, la légitimité de son pouvoir et la perspective de l’après-guerre. Si une partie des Juifs d’URSS a été sauvée, ce fut surtout parce que l’armée allemande n’a pas pu poursuivre sa progression en territoire soviétique. Les mesures prises par le Kremlin, en particulier dans le cadre de la politique d’évacuation de l’été et de l’automne 1941, qui leur ont permis de fuir l’avance nazie, ne leur étaient pas directement destinées. Le «sauvetage des Juifs» n’a jamais constitué un but de guerre pour l’URSS, pas plus que pour la GrandeBretagne ou les États-Unis 46.

La Shoah en URSS constitue un immense champ de recherche qui demeure encore largement inexploré. Beaucoup d’archives nouvelles sont accessibles, pas seulement à Moscou, mais également dans les anciennes républiques de l’URSS, notamment en Biélorussie, en Ukraine et dans les pays baltes. Il est dommage que la recherche française y soit si peu présente alors que l’enjeu est considérable et que les résultats obtenus permettront d’approfondir et de renouveler notre connaissance de la Shoah.

Notes 1. David Wyman, L’Abandon des Juifs. Les Américains et la solution finale, Paris, Flammarion, 1987, p. 18.
2. André Kaspi, «Qu’est-ce que la Shoah?», Les Cahiers de la Shoah, n°1, 1993-1994, p. 18. 3. Mark Kupovetsky, «Estimation of Jewish Losses in the USSR During World War II », Jews in Eastern Europe, n°2 (24), 1994, p. 34.
4. Sur les 220000 à 225000 Juifs que comptait la Lituanie à la veille de l’invasion allemande (y compris le district de Wilno, qui fut rattaché à la Lituanie dans le cadre du pacte germano-soviétique), environ 150000 furent assassinés entre juillet et décembre 1941. Sur près de 95000 Juifs lettons, environ 70 000 avaient déjà été exterminés à la fin de l’année 1941. Cf. Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, Paris, Fayard, 1988, p. 337 ; Yitzhak Arad, Unitchtojenie evreev SSSR v gody nemetskoï okkupatsii (1941-1944), Jérusalem, Yad Vashem, 1992, p. 11.
5. Raul Hilberg, op. cit., p. 337.
6. Alain Blum, Naître, vivre et mourir en URSS, Paris, Plon, 1994, pp. 38-49.
7. Mordechaï Altshuler, Soviet Jewry on the Eve of the Holocaust. A Social and Demographic Profile, Jérusalem, The Centre for Research of East European Jewry, 1998, pp. 2-8.
8. Un chiffre précis de cette population demeure difficile à établir puisque les derniers recensements ont été effectués au début des années trente dans cinq États (les trois États baltes, la Pologne et la Roumanie) et à des dates différentes.
9. Mark Kupovetsky, op. cit., p. 34 ; Lucjan Dobroszycki, Jeffrey Gurock (dir.), The Holocaust in the Soviet Union, New York, M. E. Sharpe, 1993, pp. 207-213.
10. Selon le recensement de 1897, l’Empire russe comptait 5215 805 Juifs, soit 4,2% de la population (126,5 millions d’habitants).
11. Dov Levin, The Lesser of Two Evils. Eastern European Jewry Under Soviet Rule, 1939-1941, Philadelphie/Jérusalem, The Jewish Publication Society, 1995 ; Jan Gross, «The Jewish Community in the Soviet-Annexed Territories on the Eve of the Holocaust», in Lucjan Dobroszycki, Jeffrey Gurock (dir.), op. cit., pp. 155-171.
12. Emmanuil Ioffe, Viatcheslav Selemenev, «Jewish Refugees from Poland in Belorussia, 1939-1940 », Jews in Eastern Europe, n°32 (1), 1997, p. 46.
13. Ibid.
14. Archives nationales de la République de Biélorussie (ANRB), f. 4, o. 21, d. 2075, 7 février 1940, pp. 273-296; ibid., pp. 50-60.
15. Mordechaï Altshuler, «Escape and Evacuation of the Soviet Jews at the Time of the Nazi Invasion», in Lucjan Dobroszycki, Jeffrey Gurock (dir.), op. cit., p. 85.
16. Ibid., p. 50.
17. Ce chiffre ne constitue qu’une estimation, à laquelle il convient d’ajouter des réfugiés juifs en provenance de Tchécoslovaquie (5000) et de Roumanie (de 45000 à 130000); Cf. Mark Kupovetsky, op. cit., p. 29 ; Mordechaï Altshuler, op. cit., p. 326.
18. Yosef Litvak, «Jewish Refugees from Poland in the USSR», in Zvi Gitelman (dir.), Bitter Legacy. Confronting the Holocaust in the USSR, Bloomington, Indiana University Press, 1997, p. 127; Mordechaï Altshuler, op. cit., p. 324.
19. Mordechaï Altshuler, op. cit., p. 27 ; Alain Blum, op. cit., p. 113.
20. Mordechaï Altshuler, op. cit., p. 325.
21. Ibid., p. 326.
22. Ce second Goulag était destiné aux «peuples punis». L’objectif du pouvoir stalinien était de coloniser à faible coût les régions inhospitalières d’Asie centrale ou de Sibérie. À son apogée, en 1953, ce «second Goulag» comptait autant de personnes que le «premier», celui des prisonniers politiques et des détenus de «droit commun», soit 2750000 personnes.
23. Selon un rapport du NKVD du 1er avril 1941, les Juifs constituèrent le principal «contingent » de cette opération de déportation avec 84,3%, suivis des Polonais (11,2%) et des Ukrainiens (2,3%). Cf. Mordechaï Altshuler, op. cit., p. 326; Keith Sword, Deportation and Exile. Poles in the Soviet Union, 1939-1948, Londres, St. Martin’s Press, 1994, p. 18; Yosef Litvak, op. cit., pp. 129-131.
24. Nikolaï Bougaï, Staline-Beria «Nado Ikh deportirovat », Moscou, Droujba Narodov, 1992 ; Jean-Jacques Marie, Les Peuples déportés d’Union soviétique, Bruxelles, Complexe, 1995. 25. Dov Levin, Baltic Jews under the Soviets 1940-1946, Jérusalem, The Hebrew University, 1994, p. 127 ; Nicolas Werth, «Un État contre son peuple», in Stéphane Courtois et alii,Le Livre noir du communisme, Paris, Robert Laffont, 1997, p. 236.
26. Sur ce point, voir notre ouvrage Staline, Israël et les Juifs, Paris, PUF, 2001, p. 63.
27. Ben-Cion Pinchuk, « Sovietisation and the Jewish Response to Nazi Policies of Mass Murder », in Norman Davies, Antony Polonsky (dir.),Jews in Eastern Poland and the USSR, 1939-1946, Londres, MacMillan, 1991, p. 129.
28. Mordechaï Altshuler, op. cit., p. 9.
29. Sur ce point, voir les contributions de Mark von Hagen et Peter Gatrell in Silvio Pons, Andrea Romano (dir.), Russia in the Age of Wars 1941-1945, Milan, Fondazione G. Feltrinelli, 2000.
30. Cité in Vadim Dubson, « On the Problem of the Evacuation of Soviet Jews in 1941», Jews in Eastern Europe, n°3 (40), 1999, p. 39.
31. Mordechaï Altshuler, «Escape and Evacuation of the Soviet Jews at the Time of the Nazi Invasion», in Lucjan Dobroszycki, Jeffrey Gurock (dir.), op. cit., p. 78.
32. Ibid., p. 79.
33. Archives d’ État de la Fédération de Russie (AEFR), f. A-259, o. 40, d. 3073, l. 26-27 publié in Izvestia TsK KPSS, n°6, 1990, p. 208.
34. AEFR, f. A-259, o. 40, d. 3073, l. 34.
35. Vadim Dubson, op. cit., p. 46. 36. Ibid.
37. Dov Levin, The Lesser…, op. cit., p. 292.
38. Vadim Dubson, op. cit., pp. 51-52.
39. Ibid., p. 53.
40. Nous ne disposons encore que de données partielles sur ce point. AEFR, f. A-259, o. 40, d. 3091, ll. 18-22.
41. Mordechaï Altshuler, «Escape… », op. cit., p. 100.
42. Laurent Rucker, Staline…, op. cit. ; Guennadi Kostyrtchenko, Prisonniers du pharaon rouge, Paris, Solin/Actes sud, 1998.
43. Ilya Ehrenbourg, Vassili Grossman, Le Livre noir, Paris, Actes Sud/Solin, 1995.
44. Stéphane Courtois, Adam Rayski, Qui savait quoi ? L’extermination des Juifs, 1941-1945, Paris, La Découverte, 1987, p. 32.
45. Sur cette approche, cf. Oleg Khlevniouk, Le Cercle du Kremlin. Staline et le Bureau politique dans les années 30 : les jeux du pouvoir, Paris, Seuil, 1996 ; et Nicolas Werth, «Totalitarisme ou révisionnisme : l’histoire soviétique, une histoire en chantier », Communisme, n°47-48, 1997 – voir également les nombreux autres travaux de cet auteur sur la question.
46. Raul Hilberg, op. cit., p. 911.

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