Près de 40 membres de l'organisation islamiste turque IHH ont soigneusement planifié l'embuscade tendue à la Marine israélienne, le 31 mai dernier. Plus encore, ils auraient agi avec la bénédiction du gouvernement turc, selon un rapport du Centre d'information sur les Renseignements et le Terrorisme (CIRT), publié la semaine dernière. Les hommes de l'IHH étaient armés de couteaux, de haches et autres ustensiles. Ils communiquaient via des talkies-walkies, et ont même créé un poste de communication à bord du Mavi Marmara. Poste à partir duquel ils ont pu rester en contact régulier avec le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Il s'avère, par ailleurs, que le navire en question a été acheté par l'IHH auprès d'une grande compagnie navale appartenant à la municipalité d'Istanbul, elle-même dirigée par le parti au pouvoir, l'AKP.
Vidéo procurée par Tsahal mercredi 9 juin.
PHOTO: AP / TSAHAL , JPOST
Le rapport du CIRT se fonde sur l'analyse des premières déclarations des passagers du Mavi Marmara, une fois que celui-ci a été remorqué au port d'Ashdod la semaine dernière.
"Les activistes, qui agissaient en fonction d'une hiérarchie interne clairement définie, sont montés à bord de ce navire au port d'Istanbul sans être soumis à aucun contrôle de sécurité. Et cela, contrairement aux passagers des autres bateaux de la flottille partis du port d'Anatolie", poursuit le rapport.
"Les membres de l'équipage, dont les activistes de l'IHH, ont eux-mêmes affirmé avoir été en relation étroite avec le Premier ministre Erdogan, et que le gouvernement turc était impliqué dans les préparatifs de la flottille."
L'IHH, alibi d'Ankara
Selon un journaliste qui se trouvait à bord du bateau, "l'expédition de la flottille était organisée avec le soutien du gouvernement turc. Le Premier ministre Erdogan a lui-même donné des instructions personnelles. Même si tout le monde savait que les navires n'arriveraient jamais à destination." Les ordinateurs confisqués par l'armée ont révélé l'existence d'une lettre, rédigée par le chef de l'IHH, Bülent Yildirim, et adressée au président turc, Abdullah Gul. La missive réclamait notamment l'assistance de Gul pour garantir la libération de l'un des membres du mouvement islamiste, Izzat Sahin, incarcéré en Israël. Sahin a été arrêté en Judée-Samarie, le 27 avril dernier. Il était soupçonné d'avoir transféré de l'argent au Hamas, sous couvert d'une aide caritative.
"Il est impossible de croire que l'opération de l'IHH à destination de Gaza ait été menée en l'absence de l'aval gouvernemental turc", estime Svante Cornell, expert suédois en sécurité de l'Eurasie. Pour Cornell, l'IHH "est un exemple de la manière dont une ONG peut être utilisée dans la sphère diplomatique". "L'organisation islamiste dirige des projets conjointement avec l'Agence turque pour le Développement international. Plus encore, elle a déjà servi à asseoir la position du gouvernement dans le nord de l'Irak en y distribuant de l'aide aux populations locales. L'IHH tire ses origines du mouvement islamique orthodoxe Milli Görüs, dont l'AKP s'est officiellement séparé en 2001...
Et, de ce fait, l'IHH est connu comme étant un mouvement islamiste pur et dur, régulièrement soupçonné d'implication dans le transfert d'armes à destination de forces islamiques en conflit, comme en Afghanistan et en Bosnie. L'ancien spécialiste français du contre-terrorisme, Jean-Louis Bruguière, a également rappelé, à plusieurs reprises, que l'IHH 'possède des liens étroits et solides avec le terrorisme et le Djihad islamique'. Y compris des liens avec Al-Qaïda depuis la fin des années 1990."
L'exemple Erdogan
Selon Ely Karmon, chercheur à l'Institut du contre-terrorisme d'Herzliya, depuis son arrivée au pouvoir, l'AKP œuvre à maintenir des relations étroites avec l'IHH. Après son élection en 2001, le gouvernement AKP a mis fin à une investigation sur l'organisation, ouverte en 1996. L'enquête concernait l'éventuel transfert d'armes à des mouvements terroristes à travers le monde. En janvier dernier, l'IHH a contribué à envoyer un convoi à destination de Gaza. Les navires n'ont cependant pas pu dépasser la péninsule du Sinaï en raison de l'opposition des autorités égyptiennes. "La Turquie avait alors exercé énormément de pression sur Le Caire pour que le convoi puisse accéder à la bande côtière. Les Egyptiens ont finalement cédé", poursuit Karmon.
Un soldat égyptien a été tué au cours d'affrontements entre des membres du convoi et les forces de sécurité égyptiennes. La semaine dernière, l'institut de recherche MEMRI a publié des déclarations de Bülent Yildirim, prononcées à Gaza en février 2009. Dans un discours, truffé de références aux "martyrs", Yildirim avait annoncé : "Tous les peuples du monde islamique voudraient un leader comme Recep Tayyip Erdogan."