Prière des médecins de Maïmonide
Eloigne de moi l'idée que je peux tout et donne-moi la force d'élargir mes connaissances.
Mon D.ieu, remplis mon âme d'amour pour l'art médical et pour les créatures.
N'admets pas que la soif du gain et la recherche de la gloire m'influencent dans mon art.
Soutiens mon cœur pour qu'il soit prêt à servir le pauvre et le riche, l'ami et l'ennemi.
Fais que je ne vois que l'Homme dans celui qui souffre.
Que mon esprit reste clair afin qu'il ait tout ce que l'expérience et la science lui ont enseigné.
Grandes sont les sciences qui ont pour but de conserver la santé de toutes les créatures.
Fais que mes malades aient confiance mon art et suivent mes prescriptions.
Éloigne d’eux les conseils qui font échouer les bonnes intentions et peut les conduire à la mort.
Si les ignorants me raillent, fais que l'amour de mon art me rende invulnérable
pour que je persévère sans égard au prestige et à l'âge de mes ennemis.
Prête moi, mon D.ieu, l'indulgence auprès des malades entêtés.
Fais que je sois modéré mais insatiable dans mon amour de la science
et éloigne de moi l'idée que je peux tout.
Donne-moi la force d'élargir mes connaissances.
Je peux découvrir dans mon savoir des choses que je ne soupçonnais pas,
car si l'art est grand, l'esprit de l'homme pénètre tout.
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Thora et Médecine
La Bible Pentateuque : "Je suis le Seigneur, celui qui te guérit"- "C'est Moi qui fais mourir et c'est Moi qui fais vivre,J'afflige et Je guéris, nul n'échappe à Ma main"
Siracide : "Si tu tombes malade, ne néglige pas de te soigner puis prie D. qui te guérira "
Loi Juive et Hygiène Vesalius,4-12.
Tout ne saurait émaner que de D., mais le judaïsme considérant l'homme comme son collaborateur condamne sa désinvolture à l'égard de son corps, comme s'il avait attenté au corps d'autrui. Le médecin est comme l’associé privilégié du Créateur, occupant une place importante dans l'histoire juive : le prolongement précieux de la main divine, même s’il absent de la Torah où c'est le prêtre qui est l’intermédiaire capable de discerner certaines maladies, dont la lèpre et les divers flux impliquant des mises en quarantaine.
Comme toutes les parties de la Loi sont issues d'une source unique, on respectera avec la même minutie les prescriptions religieuses et les prescriptions hygiéniques ; de là, le développement des habitudes de propreté caractéristiques du mode de vie juif et la place réservée au concept de pureté (à la fois physique et rituelle notamment par immersion combinant physique et spirituel).
Le Prêtre et le Médecin
Le vrai médecin, indépendant du prêtre, n'apparaîtra qu'avec le Talmud (vers 500), comme collaborateur de D. Le Talmud le décrit comme prescrivant des médicaments, capable d'opérer, d'endormir, de guérir des plaies par des herbes, d'ouvrir des abcès, de pratiquer des trépanations ou des amputations, de réduire des fractures et … de circoncire.
A l'inverse d'autres civilisations, le Talmud ne tient pas le médecin pour responsable de ses erreurs de diagnostic. Le médecin d'époque talmudique ne connaissait que médiocrement l'anatomie, faute de dissections, par respect du corps, ses connaissances provenant surtout de rares cadavres ou des animaux, examinés à l'occasion de l'abattage rituel. Le Talmud montre quelques traces de croyance en l'influence des astres ou du mauvais œil auxquelles on répondait par des amulettes, d'ailleurs réprouvées par le Talmud lui-même. Aux Esséniens, Flavius Josèphe associait les ‘Thérapeutes’ et leur médecine de suggestion ou d'incantation.
Les premièrs médecins juifs
Le tournant se situe lors de l'apparition des Arabes dans le sud de l'Europe. Les Juifs serviront de trait d'union entre les deux civilisations, notamment comme traducteurs et surtout comme lien unique entre le monde musulman, le monde chrétien et la grande médecine grecque. Citons Isaac Israeli, héritier de triple civilisation: juive, arabe et grecque et 1er ophtalmo, dont l'oeuvre a servi de référence jusqu'au XVIIe siècle.
Citons surtout Maïmonide, né à Cordoue en 1135, qui au Caire, à partir de 1165 développe son oeuvre philosophique et médicale. Médecin de Saladin, chef de la communauté juive d'Egypte, il mourra en 1204 après avoir conjugué les médecines arabe, grecque et juive, ainsi que les attitudes spécifiquement juives à l'égard de la pureté et de l'hygiène, élevées au rang de principes religieux. Sa lutte contre l'astrologie et la superstition, ainsi que sa profonde connaissance de l'âme, lui auront permis de développer des conceptions médicales rationnelles compte-tenu de leur époque. Il jugeait qu'aucun disciple des Sages n'est autorisé à résider dans une ville qui ne comporterait pas notamment un médecin, un chirurgien, un établissement de bains, des latrines publiques, de l'eau courante, au même titre qu’une synagogue, un Maître, une Charité ou un tribunal. A côté de cette médecine rationaliste, il faut faire état de la médecine kabbalistique et mystique issue de la relation entre pureté morale et physique, qui conduisait vers une médecine à la frontière du magique.
Les ‘médecins de Cour’ exerçaient alors que les conciles avaient interdit aux Juifs de soigner les Gentils, car ils pouvaient "contaminer" l'âme des patients ordinaires, danger contre lequel le haut clergé se disait immunisé, ce qui explique les médecins juifs des Rois et des Papes. En 1564 est lancée, à Mantoue, l'idée non aboutie de la première université juive où seraient enseignés Talmud, philosophie, langues, mathématique et médecine par 2 médecins, père et fils, les Provençal. La participation des Juifs à l'Université de Montpellier a été importante avec Ibn Tibbon ou la famille Saporta au début du XVIe siècle. Padoue deviendra la plus grande pépinière médicale juive d'Europe (plus de 200 médecins en un siècle). Souvent interdits d'étude, les Juifs ne perceront qu'à la faveur des règnes éclairés avec, après les Lumières, leur arrivée massive dans toutes les études libérales, surtout en médecine.
L'attirance des Juifs vers la Médecine
Au XIXe déjà, on comptera un nombre remarquable de découvertes en médecine attribuables à des Juifs. Depuis le Moyen Age, les Juifs jouissaient d'une réputation bien assise car leur attitude à l'égard de la maladie et du malade tranchait quelquefois par son côté pragmatique, en monde chrétien : détachant l’étude du corps de la métaphysique, voulant conserver le corps en bon état d instrument pour servir l'esprit en bonne santé ; loin de la vénération esthétique grecque du corps, et loin aussi du mépris religieux chrétien voué à ce même corps, déchu par le péché, le judaïsme n'a jamais cru qu'il fallait le soumettre en le méprisant. La survie des juifs a nourri nombre de fantasmes ayant contribué à créer le personnage du médecin juif, craint et estimé, rejeté et recherché. Lui seul ayant droit aux secrets du corps, au point que, pour les connaître, il peut ouvrir le corps d'autrui. Par les juifs, perçu comme collaborateur du Créateur, on comprend la propension juive au métier médical.
Pour un groupe humain pourchassé, et dépouillé, la science médicale représentait une richesse impossible à enlever, praticable partout (à la différence du Droit). La médecine étant une profession où le succès ne dépend pas de l'approbation du public mais de sa propre efficacité, quel réconfort alors pour l'homme humilié, de découvrir que sa connaissance pouvait valoir prestige social ! Une société qui se laïcise et transmet au médecin des questions autrefois dévolues au prêtre ou au rabbin.
Conclusion
La propension juive en faveur de la médecine ne relève donc ni d'une prédisposition naturelle ni du hasard. Elle s'explique par l'intrication de facteurs tenant à l'histoire juive, aux persécutions, aux valeurs morales et intellectuelles véhiculées par la culture juive, dont l'essentiel tient à la rencontre de deux sacralisations: celle de la vie et celle de l'étude.
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Source : www.uejfsante.org