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1981 - Réactions et condamnations internationales contre Israël lors de l'opération de la Centrale OSIRAK en Irak ! 2011 et l'Iran ?
« Dites bien à Ménahem que je souhaite qu’Allah lui pardonne ! ».Sadate
Lorsqu'il entendra cette réponse, Bégin affirmera :
« Hachem m'a pardonné, j'en suis certain ! ».
Pour l'opposition israélienne, la réussite de l'opération Osirak est une « catastrophe » au plan politique. En effet, comme les élections doivent avoir lieu trois semaines plus tard, Bégin jouit soudain d'un regain de popularité, alors qu'à la veille du raid, tous les sondages donnaient Shimon Pérès largement vainqueur !
Dans une interview accordée à la BBC, Haïm Herzog - le directeur de campagne du Parti travailliste qui deviendra lui-même ensuite président de l’État – déclare : « Il y a quelque chose de très bizarre dans le timing de cette attaque : elle aurait pu avoir lieu il y a cinq mois ! On aurait donc pu attendre qu’un nouveau gouvernement soit élu, car tout le monde savait que la centrale n'aurait été opérationnelle qu'en septembre ».
Face à ces accusations, Bégin est scandalisé ! Affirmant qu'il n'aurait jamais mis en danger des soldats pour de simples calculs politiques, il souligne que s'il avait attendu encore quelques mois, l'attaque aurait provoqué des fuites radioactives qui auraient mis en danger la population civile de Bagdad.
Le chef du Likoud est finalement réélu à l’occasion d’un scrutin très serré.
Quoi qu'il en soit, lorsqu'en 1991, Saddam lance ses premiers Scuds sur Tel-Aviv et Haïfa, la classe politique israélienne fait « téchouva » : cent députés – sans Shimon Pérès – envoient une lettre à Bégin écrite en ces termes : « Nous, membres de différents partis du Parlement, tenons à vous remercier pour avoir ordonné à Tsahal et à l'Armée de l'air d'attaquer et de détruire la centrale nucléaire irakienne. Aujourd'hui, alors que Saddam envoie ses missiles sur l'arrière-front israélien, nous pouvons imaginer avec crainte ce qui serait arrivé si cette opération militaire n'avait pas eu lieu. Nous vous remercions donc pour votre intelligence et votre courage ! ».
Le monde condamne la « piraterie » israélienne
Le premier à réagir à l'attaque israélienne est le roi Hussein de Jordanie. Dans un communiqué publié le 8 juin à 14h par Radio Aman, il affirme : « Des avions israéliens ont bombardé des installations vitales en Irak ».
Quelques heures plus tard, le cabinet du Premier ministre Bégin publie un communiqué officiel. Le chef du gouvernement y révèle que c'est bien Israël qui a mené ce raid contre Osirak. Evoquant des « sources incontestables » prouvant les intentions belligérantes de Saddam et sa volonté de se doter de l'arme nucléaire, le cabinet israélien souligne avoir procédé à une « attaque préventive ».
A Moscou, on parle d' « acte de piraterie internationale ». La Ligue arabe réunie en sommet d'urgence lance un appel à toute la communauté internationale exigeant le gel des relations diplomatiques avec Israël et propose des sanctions économiques contre lui.
Le secrétaire général de l’ONU, Kurt Waldheim, n'est pas moins sévère : dans un communiqué publié avant même toute vérification des différentes versions des faits, il affirme qu’ « Israël a violé incontestablement le droit international ». Alors que le Conseil de Sécurité Onusien (CDS) se prépare à lancer des sanctions sévères contre Israël, les États-Unis – suivis par la Grande-Bretagne – coupent l'herbe sous le pied des pays arabes menés par l’Irak en annonçant qu'ils useront de leur droit de veto.
Mais finalement, le CDS vote le 19 juin à l'unanimité – y compris avec la voix des USA et de la Grande-Bretagne – une résolution qui « condamne énergiquement l’attaque militaire menée par Israël en violation flagrante de la Charte des Nations Unies et des normes de conduite internationale », et qui estime que cette attaque « constitue une grave menace pour tout le système de garanties de l’Agence internationale de l’Energie Atomique sur lequel repose le Traité de non-prolifération des armes nucléaires ». Mais selon l'ambassadrice américaine à l’ONU, Jeane Kikerpatrick, il s'agissait là du « scénario le moins pire » du point de vue d'Israël.
En France, la situation est assez inconfortable… D'un côté, le Premier ministre, Pierre Mauroy - soutenu en cela par le président François Mitterrand - condamne Israël, pendant que le Quai d'Orsay balaie vigoureusement toutes les allégations israéliennes sur la « course à l'arme nucléaire » de Saddam. Mais par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères, Claude Cheysson, affirme aux ambassadeurs arabes en poste à Paris qu’ « Israël est un ami de la France : il a droit à la sécurité (…) ; la politique française à son encontre ne subira pas de modifications suite à cette grave opération ».
« Ménahem, j'espère que Allah vous pardonnera…! »
Le 4 juin, soit trois jours avant le raid contre Osirak, Bégin rencontre le président égyptien Anouar Sadate à Charm El Cheikh. Durant leur conversation, Sadate parle du président irakien : « Sachez que Saddam est encore plus cruel que Kadhafi ! », affirme-t-il. Bégin, qui avait déjà en tête le discours qu'il prononcerait quelques jours plus tard, ne l'a pas contredit…
Mais lorsque le même Sadate apprend qu'Israël a détruit Osirak, tout porte à croire que l'Egypte va réagir avec beaucoup de virulence. C'est la raison pour laquelle Bégin écrit une lettre au président égyptien dans laquelle il explique les raisons qui l'ont poussé à détruire la centrale de « Saddam, l'homme qui est plus cruel encore que Kadhafi »… En réaction, Sadate souligne que son pays a choisi la voie de la paix et qu’il n'en démordra pas. Toutefois, il déclare à l'émissaire israélien venu lui apporter la lettre de Bégin : « Dites bien à Ménahem que je souhaite qu’Allah lui pardonne ! ». Lorsqu'il entendra cette réponse, Bégin affirmera : « Hachem m'a pardonné, j'en suis certain ! ».
Retour sur OSIRAK
La destruction de la centrale atomique irakienne d’Osirak par l'aviation israélienne fait partie de ces opérations inscrites en lettres de feu dans l'histoire de Tsahal. Nommée Opéra, Babylone ou encore Tamouz en flammes, cette opération militaire réalisée le 7 juin 1981 a permis de neutraliser le programme nucléaire de Saddam Hussein, alors soutenu et chapeauté par la France. A l'occasion du 30e anniversaire de ce raid, Hamodia revient sur le contexte historico-politique qui a précédé et suivi l’opération.
17 Tamouz : c'est ainsi que Saddam Hussein avait nommé sa centrale atomique fournie par la France. Etait-il conscient de la portée symbolique de cette date pour le peuple juif ? Difficile à dire… Officiellement, ce nom avait été choisi pour rappeler le mois du calendrier babylonien et le jour du calendrier grégorien lors duquel le parti Baas de Saddam avait pris le pouvoir à l’occasion du coup d’État de 1968. Mais le fait que Saddam ait ou non voulu rappeler aux Juifs le souvenir de la première brèche apparue dans la muraille de Jérusalem lors du siège de la ville par Nabuchodonosor, roi de Babylonie, n'a que peu d'importance : le fait est que la présence de cette centrale atomique, dans un pays ennemi dirigé par un tyran sanguinaire, a été vécue par une grande partie des Israéliens - et à leur tête le Premier ministre Ména'hem Bégin - comme une menace existentielle.
La course irakienne au nucléaire et l'hypocrisie française
C'est dès son arrivée au pouvoir dans les années 1960 que Saddam Hussein décide de doter son pays de l'arme nucléaire. Mais il lui faudra attendre une bonne décennie pour arriver à ses fins.
En 1974, le président Valéry Giscard d'Estaing s'était rendu à Badgad. Or, pour sa seule et unique visite à l'étranger, c'est en France que Saddam Hussein choisit de se rendre en 1975. Il rencontre en Provence le Premier ministre Jacques Chirac, avant de visiter avec lui la centrale de Cadarache, l'un des plus importants centres de recherche et développement pour l'énergie nucléaire en Europe. Puis il s'entretient à Paris avec Valéry Giscard d’Estaing.
A son retour, Saddam publie une déclaration disant que « l'accord avec la France est le premier pas concret vers la production de l'arme atomique arabe ». Ce qui n'empêche nullement Paris de signer à Bagdad, le 18 novembre 1975, un accord de coopération nucléaire franco-irakien dont le contrat atteint un milliard de francs. Le texte précise qu'il s'agit d'une utilisation « pacifique » du nucléaire.
La centrale que construiront les compagnies françaises Saint-Gobain, Bouygues et Technicatome s’appellera Osirak pour les Français et 17 Tamouz pour les Irakiens. Elle comprendra deux réacteurs : Tamouz-1 et Tamouz-2.
C'est là qu'Israël et ses services de renseignements entrent en scène… Pour les Israéliens – qui surnomment ironiquement la centrale irakienne « Ô Chirac ! » -, il ne fait aucun doute que Saddam n'a pas du tout l'intention de se contenter d'une centrale nucléaire à usage civil.
Tout le monde – y compris Giscard et Chirac – sait pertinemment que l'Irak n'a nul besoin d'une nouvelle source d'énergie pour produire son électricité vu la quantité de pétrole qu'il tire de son sous-sol. Tout le monde sait également que le président irakien ne s'intéresse qu'à la production « accessoire » de ce réacteur : le plutonium avec lequel il va pouvoir fabriquer des bombes A…
Ne se contentant pas de ses liens avec la France - moyennant des quantités astronomiques de pétrole vendues à très bon marché, voire gratis -, Saddam achète à l'Italie un lot d'équipements supplémentaires hautement suspects puisque destinés à la manipulation de substances très radioactives. Il fait aussi l'acquisition de plutonium et d'uranium enrichi sur le marché noir.
Tentatives diplomatiques et contre-opérations israéliennes
Pour freiner cette course au nucléaire de l’Irak, Israël choisit de procéder d'abord indirectement. Le 6 avril 1979, le Mossad détruit la cuve en acier du réacteur d'Osirak lors d'une opération commando réalisée à l'intérieur même de l'usine de Constructions navales et industrielles de la Méditerranée (CNIM) à La Seyne-sur-Mer (Var). La France répare ensuite les dégâts…
Un an plus tard, le 14 juin 1980, Yahya Al-Meshad, un Egyptien membre de la Commission atomique irakienne et actif collaborateur du programme Osirak, est égorgé dans un hôtel parisien. En parallèle, des ingénieurs du Commissariat à l'Energie atomique (CEA) français reçoivent des lettres de menace.
Toujours en vue d'éviter une confrontation directe avec l'Irak, Israël entame un marathon diplomatique pour tenter de convaincre la France de stopper son aventure périlleuse avec Saddam. Mais Paris refuse et répète que le programme nucléaire irakien n’est qu’ « à usage civil ». La « preuve » selon Paris : Saddam a signé le Traité de Non-prolifération atomique (TNP) !
Lors de l'un des conseils des ministres réuni à Jérusalem en 1978, le gouvernement apprend des experts du Mossad que l'Irak aura sa bombe d'ici 1980. Face au peu de succès des négociations diplomatiques, le Premier ministre Ména'hem Bégin ordonne alors au chef d'état-major de Tsahal, Raphaël Eitan (Rafoul), de préparer un plan d'attaque.
En août 1980, dans un discours très virulent, Saddam menace à nouveau de détruire Israël : pour Bégin, cela signifie que le temps presse et que le compte à rebours de l’opération Osirak a commencé. Si bien qu’en octobre, le cabinet entérine la décision d'attaquer cette centrale.
Lorsque Pérès s'en mêle…
Mais cette opération militaire est repoussée, cette fois-ci pour des raisons politiques. En effet, lorsque le Pr Ouzi Even, spécialiste du nucléaire, a vent du plan d'attaque, il en fait part au chef de l'opposition, Shimon Pérès. Dans une lettre adressée à Bégin, Pérès écrit alors : « J'ai le sentiment qu'il est de mon devoir civil de vous conseiller - avec tout le sérieux et la prise en compte de tous les intérêts nationaux - de ne pas mener cette opération (... ). Je joins ma voix – qui n'est pas la seule – à ceux qui vous demandent de ne rien faire, surtout dans cette conjoncture et dans ces conditions ! ». C’est que pour Pérès, seule la voie diplomatique est envisageable. D’autant qu’il fonde tous ses espoirs dans l'élection de François Mitterrand à la présidence.
C'est suite à cette lettre de Pérès, alors que les pilotes de l'aviation israélienne procédaient à leurs derniers préparatifs avant ce raid sur l'Irak, que le gouvernement décide le 10 mai 1981 de repousser l'attaque. Bégin craint en effet que si la nouvelle est déjà arrivée aux oreilles de Pérès, elle a tout aussi bien pu parvenir à celles de l'ennemi…
Mais après maintes autres hésitations, c'est donc finalement la date du 7 juin, veille de la fête de Chavouot, qui est choisie pour le raid. Ainsi, à 16h (heure israélienne), huit F-16 et deux f-15 décollent de la base Etsion : ils ont 1 100 kilomètres à parcourir. A 17h35, juste avant le coucher du soleil, ils bombardent et détruisent Osirak : trois heures après, ils sont de retour en Israël. L'opération Opéra est une totale réussite !
Irak… Iran
Certes, 30 ans ont passé, mais certaines choses ne changent jamais : le danger de cette centrale irakienne a été remplacée par celui de plusieurs centrales iraniennes ! Certains parlent à nouveau d'attaque préventive nécessaire, tandis que d'autres prônent la diplomatie et les sanctions… Mais ce qui est certain, c'est qu'en 1981, tous ces débats et toutes ces hésitations n’étaient pas livrés sur la place publique ni à la « une » de la presse nationale.
C'est sans doute pourquoi l'opération Tamouz en flammes fut une telle réussite...