Auparavant, se sont déroulées les grandes manœuvres américano-israéliennes « Juniper Cobra », en fin octobre, le plus grand exercice commun de sanctuarisation du territoire israélien jamais réalisé jusqu’à cette date.
En janvier, le Général David Petraeus a fait assaut de petites phrases suggestives. Il annonçait que son Etat-major a mis sur pied toutes sortes de plans, en vue d’un bombardement, tout-à-fait réalisable, à son avis, des installations nucléaires iraniennes, si les discussions échouaient. Obama joignait le geste à la parole, en envoyant l’USS Eisenhower, rejoindre l’armada américaine, dans le Golfe.
. Depuis la semaine dernière, les Etats-Unis ont franchi un cap supplémentaire, en dépêchant des batteries de missiles de type Aegis et « Patriot », sur le territoire de quatre pays du Golfe : le Koweit, les Emirats Arabes Unis, Oman et le Qatar.
Le Sénat a préconisé le renforcement des sanctions, visant à mettre un frein aux importations d’essence raffinée vers le pays des Mollahs. Mais, Obama veut encore croire à un front uni, engageant la Chine et la Russie, dans un tel train de mesures de rétorsion. Ce mythe de l'« union sacrée » s’achemine vers un « flop », puisque la Chine et la Russie font entendre que l’heure de nouvelles sanctions n’est pas encore « proche ». Autant dire qu’il est question, pour eux, de ne jamais désespérer Washington, tout en renvoyant une gêne effective pour l’Iran aux calendes grecques.
On apprenait aussi que l’Australie avait arraisonné 3 navires, bourrés de pompes servant au refroidissement d’installations nucléaires.
A cette heure, Ahmadinedjad et son gang ont, donc, de bonnes raisons de vouloir reprendre l’initiative diplomatique. En milieu de semaine intervenait une nouvelle proposition de leur part, exprimant le souhait de se plier au jeu de l’enrichissement externe de l'uranium enrichi.
Est-ce la preuve que le fait de mener conjointement les volets militaire et économique de cet encerclement finirait quand même par payer ? Ou s’agit-il simplement de ramener Obama à une attitude conciliatrice ? Toujours est-il qu'il n’en fallait pas plus pour qu’aussitôt, la Chine et la Russie approuvent la « sagesse » iranienne et l’incitent à retourner à la table des négociations. La partie de poker-menteur reprend, comme si de rien n'était.
Dans le même climat de bonhommie retrouvée, les Russes faisaient savoir aux Pasdaran qu’ils étaient disposés à honorer leur contrat de livraison des S-300 anti-aériens. Un point partout, la balle au centre, et toujours pas d’arbitre pour siffler la fin de la partie...
(2) Apparemment, les Européens ne sont pas prêts de s’en laisser conter. Guido Westerwelle, Ministre allemand des Affaires étrangères, a rappelé que l’Iran avait joué de mots et de subterfuges durant des années, afin de gagner du temps. Et, surtout, qu’il n’était pas question d’accepter qu’il accède aux armes nucléaires.
Pour ajouter à la tension croissante, les services de renseignement américains ont dévoilé leur découverte d’un plan d’invasion de la Galilée fomenté par les Gardiens de la révolution. Les Pasdaran entraînent 5000 miliciens du Hezbollah dans des camps à proximité de Téhéran, aux techniques de la guerre urbaine, de la prise d’otages et autres opérations commandos d’infiltration.
Comme pour confirmer l’information, Bachar al-Assad et son Ministre des Affaires étrangères, Walid Moallem, affirmaient à Miguel Moratinos « qu’Israël cherchait la guerre » et que la Syrie la porterait au cœur des villes israéliennes. Une surenchère, au moment où les Européens veulent réchauffer les négociations en suspens à propos du Golan, dévoile bien d'autres intentions que pacifiques, une fois le Golan restitué.
Au cours des derniers mois, les allers-retours du Ministre de la Défense iranien, Amad Vahidi à Damas, se sont soldés par des accords avec la Syrie, de livraison de missiles sol-sol de moyenne portée, - suffisante pour atteindre des cibles en Israël. Ces armes fournies par l’Iran, sont redistribuées par Damas à l’intention des différents alliés de Téhéran, Hezbollah et Hamas compris.
Face à ces provocations, le Ministre Avigdor Lieberman a rétorqué tout-à-trac qu’en « cas de guerre, la Syrie, non seulement, serait écrasée, mais que la famille Assad perdrait à tout jamais le pouvoir ». Une polémique interne s’en est suivie en Israël : la gauche, voyant ses perspectives d'échange de territoires contre la paix fondre comme neige sur le Mont Hermon, a affirmé que Lieberman n’était, décidément, pas fait pour ce poste. L'arbitrage de Netanyahou intimait la plus grande réserve à ses Ministres sur la question syrienne. Mais cet emportement signale un fait géostratégique majeur : jusqu’à présent, la Syrie se contentait de redistribuer les cartes à sa guise, afin de « porter la guerre » chez l’ennemi sioniste ou de contrôler le Liban, par procuration, sans que ces conflits ne lui coûtent rien. Elle aurait changé son « missile » d’épaule, si l’on peut dire. Damas est, pas à pas, entrée en dépendance accrue vis-à-vis de Téhéran, et n’apparaît que comme un pays satellisé, à peine plus important que le Liban, en tant que plaque tournante essentielle à l’édifice de « l’arc chi’ite ».
Les Alaouites doivent être le centre nerveux des conflits, s’ils veulent demeurer au pouvoir.
Pour accroître une position qui lui soit favorable, Bachar al Assad avait besoin d’être courtisé par les gouvernements européens. Ce fut le cas depuis 2008 et le changement d’approche conjointe franco-américaine, visant à sortir la Syrie du giron de l’Iran. Mais, alors que le ballet diplomatique battait son plein, Téhéran renforçait la dépendance militaire de Damas à son égard. Cette sensibilité aux flatteries des diplomates lui offrait aussi l’opportunité de pactiser avec la Turquie, frustrée par sa mise à l’index de l’Europe.
On ne peut oublier, dans ce tableau régional, les tractations énergétiques autour des pipelines de gaz et de pétrole, en Asie Centrale, et le profil des trois grands vainqueurs de la nouvelle route des carburants-fossiles : le Russe Gazprom, les bénéficiaires turcs par leurs débouchés sur l’Europe et, à l’autre bout du robinet, l’Iran des Mollahs.
En matière de sanctions, le serpent semble donc se mordre la queue et la grande coalition universelle de Mr Obama s’évanouit dans les sables. Les débouchés centrasiatiques, autour de la Caspienne ou vers la Méditerranée restent conséquents pour l’Iran.
Sur le plan militaire, le jeu du chat et de la souris se poursuit. Et même, les alliés de Téhéran se paient le luxe de relancer le cycle des provocations, si l’Iran doit faire profil bas. C’est qu’ils savent les Etats-Unis et l’Otan fortement préoccupés par leur propre situation en Irak, en Afghanistan, plus récemment, au Yémen et dans la Corne de l’Afrique. Ce qui ne peut que reporter indéfiniment toute vélléité de frappes américaines.
Y a-t-il une fenêtre d’opportunité pour prendre de vitesse un ennemi qui ne deviendra que plus dangereux, à mesure qu’il fait le lit de la prolifération nucléaire, par le biais des « bombes sales », pouvant être acheminées par ses filières terroristes, un peu partout sur le globe ?
Du fait de l’exiguïté de son territoire, Israël ne peut avoir le même agenda que ses alliés américains ou européens. Les Etats-Unis, visiblement, ont choisi de différer, tout en répondant graduellement, mais sur le mode défensif, à la montée en puissance de la menace balistique iranienne. L’Amérique peut encore croire, à l’instar de vastes entités comme la Russie ou la Chine, que du fait de sa superficie et de la dispersion de sa population, elle peut sortir terriblement marquée, mais victorieuse d’une tentative de frappe nucléaire d’une puissance moyenne comme l’Iran ou la Corée du nord. Jérusalem n’a pas, non plus, intérêt à voir l’alliance Atlantique s’éloigner d’elle, à la suite d’une action non concertée, laissant des villes iraniennes entièrement dévastées, sans certitude d’avoir atteint les cibles militaires et atomiques qui font l’objet stratégique des frappes.
Le journal égyptien Chorouk a fait état de mouvements de navires de guerre israéliens Saar 5 dans le sillage de la Vè flotte américaine, stationnée dans le Golfe. Comme si des équipages de renseignement cherchaient à coordonner leurs efforts et tracer la voie, pour des escadrilles aériennes, des sous-marins stratégiques ou des forces spéciales amphibies. A en croire cet article, l’Arabie Saoudite se serait inquiétée auprès de Washington, d’être ainsi tenue à l’écart d’éventuels préparatifs. Cette information, ou désinformation, peut avoir pour fonction d’ajouter un fer de lance offensif aux précédentes opérations de défense, largement détaillées, à mesure que la situation semble dessiner un statuquo inflammatoire.
A n’en pas douter, Benjamin Netanyahou, entouré de son cabinet restreint, aura à prendre la plus grave décision jamais arrêtée par aucun Premier Ministre israélien. Les provocations des cerbères régionaux, Assad, Moallem, Nasrallah, ou plus directement, Ahmadinedjad, tirent un parti optimal du règne de l'indécision ; simultanément, elles affirment, qu’en cas de frappe, un embrasement d’ampleur comparable se rapprochera dangereusement des centres de décision et de répliques de l’Etat Juif.
Mais, à tout prendre, le danger n’en sera que plus grand, le jour où, à force de tergiverser, la dictature iranienne aura, bel et bien, traversé le miroir et pourra, désormais s’en prendre à qui bon lui semble, là où cela lui chante.