
Faisant suite à un précédent article
Contrastant avec les années détestées de Georges Bush, le monde entier plébiscite Obama comme le sauveur de l'humanité. Tel un film hollywoodien dont le héros incarnerait l'image messianique du Bien terrassant le Mal, Obama est censé rétablir l'amitié entre les peuples, la paix mondiale, la fusion des civilisations.
Son sourire télégénique et son profil mondialisé suscitent la fascination de l'humanité croyant au même dénouement heureux. Pourtant, après une année passée à la Maison Blanche, force est de constater que son bilan n'est pas à la mesure de l’enthousiasme populaire, et qu'Obama n'a pas réussi à révolutionner le monde comme indiqué dans la bande-annonce du film.
La responsabilité d'Obama dans l'échec de Copenhague
L'impuissance d'Obama à changer le monde s'est clairement manifestée lors de la conférence de Copenhague sur le réchauffement climatique. En effet, comme l'aurait fait n'importe quel président américain, Obama a surtout défendu les seuls intérêts des Etats-Unis, refusant un accord contraignant auquel aurait échappé son rival commercial, la Chine. Confronté à la montée du chômage, Obama ne pouvait sacrifier le retour rapide de la croissance sur l'autel d'un risque climatique encore incertain et lointain, ce que n'auraient pas compris ses électeurs. Obama a préféré s'assurer du soutien des sénateurs sur sa réforme de la santé, repoussant la question climatique aux calendes grecques.
Bien entendu, l'échec de Copenhague ne repose pas uniquement sur les épaules d'Obama. Le principe même de cette conférence internationale est à l'origine de sa faillite. Les pays pauvres et émergeants privilégient leur développement économique à la lutte contre le réchauffement global, de sorte qu'ils n'auraient jamais accepté un accord bridant leur fragile sortie de la misère. Seules les opinions européennes étaient capables de sacrifier un peu de leur richesse pour lutter contre le réchauffement climatique, mais que pèse le vieux continent confronté à son déclin démographique, politique et économique ?
Cependant, en tant que responsable de la principale puissance mondiale, Obama ne peut échapper à ses responsabilités. A l'inverse de Nicolas Sarkozy qui s'est battu jusqu'au dernier instant pour obtenir un accord, Obama n'a pas utilisé son capital de conviction pour d'une part exhorter ses propres concitoyens à faire des efforts, d'autre part accepter des concessions afin d'intégrer la Chine dans un consensus international.
Cette impuissance s'inscrit dans une série de déceptions en matières de politique internationale, comme le montre l'échec de sa politique de main tendue à l'Iran initiée en mars 2009, à l’occasion du nouvel an iranien.
L'échec de la politique de la main tendue vers l'Iran
En effet, cette politique de main tendue n'a pas conduit ce pays à renoncer à l’obtention de l'arme nucléaire, mais à exciter la paranoïa des mollahs qui ont délibérément opté pour un raidissement du régime, réprimant dans le sang les timides aspirations démocratiques de la jeunesse iranienne. Dans la vision stratégique des mollahs, le grand Satan américain demeure un moyen très utile pour assurer la pérennité d'un régime fondé sur la victimisation et le délire de persécution. L’ouverture affichée des Etats-Unis ne peut nullement convaincre les mollahs iraniens dont le maintien repose sur un anti-américanisme qu’ils n'ont aucun intérêt à dissiper.
Plus que les Etats-Unis ou Israël, les Iraniens craignent leur isolement au sein du monde musulman. Chiites dans un océan de sunnites, Perses confrontés aux Arabes, les Iraniens cèdent à la tentation nationaliste qu'alimente leur frustration historique. Les Iraniens aspirent à la puissance dans la région, l'arme nucléaire étant devenu un moyen pour asseoir leur domination politique sur le monde musulman. Même si la rhétorique antisémite du gouvernement iranien procède davantage de la posture que d'un plan politique, ses provocations peuvent déboucher sur une instabilité dangereuse que l'angélisme d'Obama ne peut contenir.
Des choix incertains en Afghanistan
Le discours d'Obama sur la nécessaire consolidation de l'Afghanistan dissimule son mnque de résolution. Confronté à la dégradation de la situation, le commandant sur le terrain, le général Stanley Mac Chrystal, réclama le renfort de 40 000 soldats supplémentaires en plus des 68 000 déjà en place. Optant pour une voie médiane, Obama se contenta d’envoyer 30 000 soldats en décembre 2009, ce qui s’avère encore insuffisant pour occuper le terrain et rompre avec cette guerre à distance qui occasionna tant de morts civiles à l’origine de l’impopularité des troupes occidentales.
Pire encore, Obama commit une erreur stratégique en promettant le retrait des troupes américaines en juillet 2011. L’annonce d’un retrait programmé des troupes ne peut qu’exciter l’espoir des Talibans qui pensent à juste titre que le régime corrompu de Karzai s’effondrera après cette date. Le seul moyen de décourager les Talibans aurait consisté à leur promettre la présence militaire américaine tant qu’ils ne baisseront pas leurs armes.
La sécurisation de l'Afghanistan, paradoxalement plus retardée que la normalisation en Irak, nécessite un engagement résolu contre le fanatisme religieux, la corruption, l’économie de la drogue. Certes, l'absence de l'Etat de droit et une démographie galopante génératrice de conflits contribuent au problème afghan. Mais les Etats-Unis manquent de remplir leurs responsabilités en optant pour une voie bancale et frigide.
Une vision naïve sur l'islam
De ses origines musulmanes, Obama suscite une sympathie considérable dans le monde musulman. Tranchant avec l'inculture de George Bush sur l'islam, Obama croit sincèrement en la communauté de valeurs entre l'islam et l'occident, oubliant à la fois la nature particulière de cette religion ainsi que la crise qu'elle vit actuellement.
Loin de se réduire à une simple religion de paix et d'amour, l'islam est avant tout un cadre politique dont la volonté hégémonique se heurte à nos sociétés individualistes et plurielles. Caractérisé par la radicalité de sa transcendance, soumis à la crainte d'un Dieu qui n'entre pas en relation d'amour avec les Hommes, l'islam ne peut tolérer l'autonomie de la personne face à la communauté des croyants. La verticalité de la révélation mahométane aboutit à la fusion des sphères politique, religieuse et judiciaire, laquelle s'oppose à la pluralité des fonctions et des pouvoirs de nos sociétés indo-européennes et judéo-chrétiennes.
Alors que le Christianisme reconnaît la séparation des pouvoirs ("rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu", dit Jésus aux Pharisiens) et des traditions (comme le montre l'existence d'un Ancien et d’un Nouveau testament), l'islam demeure fondamentalement attaché au principe central d'unicité, aboutissant au refus de l'altérité religieuse et philosophique qui caractérise nos sociétés occidentales.
Bien entendu, une réforme moderniste de l'islam n'est pas à exclure dans quelques générations, conduisant à réviser ce jugement pessimiste sur l’incompatibilité de l’islam avec l’Occident. Mais cette réforme ne pourra venir que des musulmans eux-mêmes, jamais de l'extérieur. Au contraire, les discours angéliques d'Obama sur l'islam, tranchant avec une realpolitik américaine perçue à tort ou raison comme agressive et hégémonique, risquent d'attiser la frustration des musulmans et de précipiter des volontaires terroristes dans les bras des islamistes.
Pire encore, Obama dérape en critiquant les législations visant à contenir l'envahissement du voile islamique dans les sociétés européennes, n'ayant pas compris que le voile est un instrument de soumission de la femme à laquelle est refusé le droit de plaire. Obama prétend être l'ami des musulmans. Très bien. Mais n'est-ce pas le rôle d'un ami de dire la vérité, y compris la plus difficile ?
Le précédent Carter
De toute évidence, Obama crée davantage de rêve que de réalités. Certes, Obama ne constitue pas un cas isolé dans l'histoire de la politique étrangère américaine. Le président Carter avait lui aussi cru à la politique du sourire, ce qui lui valut l'humiliation et l'horreur de la révolution islamique iranienne. Il fallut l'avènement du président Reagan pour que les Etats-Unis retrouvent la puissance avant de terrasser l'empire du communisme. Tout comme Obama, Carter fut récompensé par l'obtention d'un prix Nobel de la paix en 2002, à la différence près qu’il contribua aux accords du Camp David en 1978 tandis qu’Obama n’a encore rien fait.
Depuis que l'isolationnisme américain a été définitivement abandonné avec l'entrée des Etats-Unis dans le seconde guerre mondiale, la politique étrangère américaine a toujours été trahie par les deux versants contraires de leur universalisme : un unilatéralisme fondé sur l'orgueil d'un nation croyant être la lumière du monde, un relativisme reposant sur une ignorance coupables de l'histoire longue. Après les errements des années Bush, les Etats-Unis ont clairement opté pour la seconde option avec l'élection d'Obama. Cet Obama dont l’impuissance est précisément le reflet de notre propre incapacité à nous construire en tant que nation influente dans le monde. Car c’est bien la faiblesse de l’Europe politique qui est révélée à travers le cas Obama.
Constant Rémond