Par Isabelle Kersimon - Lundi 8 août 2011 à 14:16
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L’ancien leader du Fatah à Gaza, Mohammed Dahlan, est accusé par le parti au pouvoir en Judée-Samarie de corruption et de meurtre. La liste des griefs qui lui sont reprochés rappelle les procès staliniens, et les dessous de l’affaire révèlent que M. Dahlan est un homme gênant.
Une commission d’enquête palestinienne vient de conclure que l’ancien membre du Fatah Mohammed Dahlan, révoqué du comité central du parti, serait impliqué dans « l’empoisonnement » de l’ancien président de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat, dit Abou Ammar. Elle soutient qu’il aurait demandé à un officier chargé de la sécurité de brûler les boîtes de médicaments du défunt leader de l’OLP.
Cette commission avait été mise sur pied pour examiner des allégations selon lesquelles M. Dahlan aurait ourdi un coup d’Etat contre Mahmoud Abbas, l’actuel dirigeant de l’Autorité palestinienne.
C’est à la demande de ce dernier que M. Dahlan a été exclu du comité central du Fatah, et c’est pour faire appel de cette éviction que l’accusé s’était présenté à Ramallah, où il a été arrêté.
Pourtant, l’excellent journaliste arabo-israélien Khaled Abu Toameh écrivait fin juillet que l’Autorité palestinienne ne disposait d’aucune preuve – et pour cause - au moment de la comparution de l’accusé devant un tribunal disciplinaire pour un « procès » tenu à huis clos.
Quelques heures avant son retour, l’Autorité palestinienne s’était livrée à une quinzaine d’arrestations, dont son collaborateur le plus proche et nombre d’officiers travaillant au sein des forces de sécurité palestiniennes. Selon le journaliste, tous les membres du Fatah arrêtés sont des loyalistes venus s’installer depuis Gaza (où la répression à leur encontre a donné lieu à de véritables massacres et règlements de compte au moment de la prise de pouvoir du Hamas, en 2007) à Ramallah ces dernières années.
La commission d’enquête a publié un rapport de 118 pages rédigées par quatre hommes forts du Fatah de Mahmoud Abbas et signé par le président de la commission anticorruption Azzam Ahmad.
Le Jerusalem Post a été informé qu’un proche de Mahmoud Abbas a fait parvenir le rapport à Al-Jazeera,. Il est, depuis lors, en consultation libre sur nombre de sites internet arabophones d’information.
Ce rapport accuse notamment Mohammed Dahlan d’avoir contribué à empoisonner Yasser Arafat. Le rapport d’enquête stipule que M. Dahlan aurait approché un officier de sécurité de l’Autorité palestinienne quand Yasser Arafat était hospitalisé à l’hôpital militaire de Percy à Clamart, en banlieue parisienne. Il lui aurait demandé de brûler les boîtes de médicaments du patient après utilisation. De nombreux associés du défunt leader palestinien auraient corroboré ces allégations.
Dans sa jeunesse, M. Dahlan s’est opposé au vieux routard de la cause palestinienne, dont il attendait une redistribution des pouvoirs au sein du leadership, qui n’a jamais vu le jour.
C’est une première. Jamais le leadership palestinien n’avait accusé l’un des siens d’être impliqué dans « l’assassinat » d’Abu Ammar.
Jusqu’à présent, l’Autorité palestinienne et les autres mouvances tenaient Israël pour responsable de la mort de Yasser Arafat à l’âge de 75 ans, en novembre 2004, après une agonie de treize jours.
Des sources médicales civiles et militaires proches du dossier avaient fait état, selon les journaux Le Monde et Le Canard enchaîné, d’une altération du sang, et de lésions des cellules hépatiques sans cause alcoolique. Elles avaient évoqué une consommation excessive par le corps des plaquettes servant à la coagulation du sang se traduisant, chez les personnes âgées, par une infection grave ou un cancer.
Tous les experts s’étaient accordés, à l’époque, après examen minutieux, à réfuter la thèse de l’empoisonnement.
Le gouvernement français s'était montré très respectueux eu égard aux causes du décès, évitant par là de relayer d'autres informations qui auraient mis à mal l'image du défunt leader en laissant penser que ses symptômes correspondaient au dernier degré d'une infection par le VIH.
La veuve d’Abu Ammar avait exigé le secret, gardant par-devers elle le dossier médical de son feu mari et contribuant sans doute ainsi à la naissance d’un mythe ignorant délibérément les déclarations des médecins. Lesquelles n’ont pas dissuadé le journal Libération, par exemple, le 31 mars 2009 encore, de relayer en un court communiqué la conviction palestinienne de l’empoisonnement de Yasser Arafat par Israël.
Cet assassinat supposé commis par « les sionistes » est devenu l’un des chevaux de bataille idéologique de tout ce que la planète compte de conspirationnistes, et M. Dahlan est considéré comme un homme de main des Israéliens, voire de la CIA.
M. Dahlan se serait en effet proposé pour gérer la Bande de Gaza après le retrait israélien en 2005, négociant sa prise de contrôle en échange de la paix et de la sécurité aux frontières de l’Etat juif.
Il est critiqué pour ses prises de position politiques n’épargnant pas non plus les dirigeants du Hamas – à qui il reproche de ne pas avoir de programme politique et de laisser les Palestiniens vivre dans la précarité. Le Hamas l’a accusé d’avoir fait arrêter et torturer des centaines de ses militants, et d’avoir fomenté un attentat contre le leader Ismaïl Haniyeh.
Lorsqu’il a quitté Gaza, il a participé aux opérations de sécurité contre des terroristes du Hamas en Judée-Samarie.
Autrement dit, il ne manque pas d’ennemis au sein des deux factions palestiniennes rivales.
Le rapport de la commission du Fatah l’accuse d’être derrière une série d’assassinats d’officiels palestiniens, dont celui de Hisham Mekki, président de la Palestinian Broadcasting Corporation, et des responsables du Fatah Kamal Midhat et Hussein Abou Ajweh.
Il est accusé d’avoir fomenté un coup d’Etat militaire contre Mahmoud Abbas, et de se procurer des armes auprès de trafiquants israélo-arabes.
Il est également accusé de conspirer et de recruter des agents civils et des officiers de sécurité pour son propre compte, organisant des réseaux d’espionnage dans divers bâtiments ministériels et sécuritaires.
Les officiels de Ramallah n’ont pas confirmé ni infirmé les éléments de ce rapport.
Les proches de M. Dahlan soutiennent que la controverse avec M. Abbas a éclaté après que l’homme en accusation ait réclamé une enquête sur la somme de 1,3 milliard de dollars déposés sur le compte du Fonds d’investissement palestinien.
La majeure partie de ces fonds auraient disparu lorsque Mahmoud Abbas a succédé à Yasser Arafat en janvier 2005.
D’autres soutiens de M. Dahlan expliquent que Mahmoud Abbas lui garde une rancune tenace parce qu’il a dénigré les « fils de riche » du président de l’Autorité palestinienne.
Samir Mashharawi, un responsable du Fatah originaire de la Bande de Gaza et longtemps proche de M. Dahlan a indiqué que la discorde entre ce dernier et Mahmoud Abbas était de nature personnelle, et que l’actuel président de l’Autorité palestinienne le lui avait personnellement confirmé.
M. Abbas lui aurait dit : « Votre ami a la langue bien pendue et il nous a dénigrés, mes fils et moi-même. Il a dit que je contrôle la Bande de Gaza et que je l’ai négligée ces quatre dernières années. »
Pour M. Mashharawi, Mahmoud Abbas est entré en guerre contre M. Dahlan pour détourner l’attention de l’échec de sa politique : « Abbas cherche à fuir cinq ans d’échec dans la gestion de l’Autorité palestinienne », a-t-il déclaré, ajoutant que le raid sur la villa de M. Dahlan à Ramallah était destiné à le liquider.
« Ils espéraient déclencher une riposte armée des hommes de main de M. Dahlan, pour que la police puisse ouvrir le feu. Leur but était de tuer M. Dahlan, puis de déclarer qu’il avait pris part à un complot destiné à renverser le président de l’Autorité palestinienne. Heureusement, M. Dahlan est resté très calme pendant le raid; même quand ils ont fouillé sa chambre de manière provocante », a-t-il assuré.
Une chose est à peu près certaine : Mohammed Dahlan représente un bouc-émissaire idéal à l'heure de la réconciliation Hamas-Fatah.