Pourim: non, ce n'est pas une légende...
Par Yéochoua SULTAN
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Vous est-il déjà arrivé de voir notre tradition prise pour une légende?
Cette considération peut provenir même de personnes qui voient le judaïsme d'un œil favorable, et qui peuvent tout simplement vous souhaitez une bonne fête tout en ajoutant sans la moindre intention cynique: «J'éprouve beaucoup de respect pour les légendes de votre culture».
Par ailleurs, nous avons nous-mêmes bien du mal à localiser avec précision les événements qui ont fixé pour les générations à venir la fête de Pourim, du «sort», dont l'origine semble se noyer dans la nuit des temps, et la rapprocher bien à tort dans notre entendement aux mille et une nuit. Certes, récemment, l'un des plus grands ennemis d'Israël, descendant des Perses ou des Mèdes, a attesté l'authenticité de l'origine de notre tradition, en s'insurgeant contre une pratique qui célèbre la mort de centaines des compatriotes de ses ancêtres.
Nous sommes aujourd'hui en l'an 5771 (inutile de compter d'après l'ère «vulgaire», elle est trop jeune et les calculs marchent à l'envers, avec des soustractions à n'en plus finir). Nous n'indiquerons ici que les dates du calendrier «d'après lequel nous comptons», (שאנו מונים בו ), comme on le dit dans la tradition, ce qui nous permettra de nous repérer dans le temps, et de bien saisir la distance temporelle qui nous sépare de l'origine de Pourim, dont nous prions chaque année pour que le verset de sa chronique, «Et il y eut un renversement, quand les Juifs dominèrent eux-mêmes leurs ennemis», se réalise de nos jours.
L’exil de Babel et la destruction du Premier Temple ne se sont pas produits simultanément. L’exil est en effet antérieur de 11 ans à la destruction, lorsque Nabuchodonosor exila Ieconia, le roi de Judée, en 3327. L’exil, prédit par Jérémie, devait durer au total 70 ans. Les rois perses et mèdes surveillèrent de près ces événements, bien déterminés à démentir la prophétie. Daniel, lui aussi, chercha à en déterminer l’issue, mais dans le but de savoir à quel moment exactement cette épreuve nationale prendrait fin. Mais aucun des « calendriers » fixés par Assuérus, Balthasar ou Daniel ne s’avéra exact.
Le premier roi à s’être fourvoyé fut donc Balthasar, qui remplace le successeur de Nabuchodonosor (Evil Mérodakh). C’est en effet avec ce dernier, en 3319, que commence une ère nouvelle, celle de la royauté de Babylone. Le royaume des Perses est le reflet fidèle de la grande puissance de l’époque, dont l’apogée couvre une surface impressionnante, qui englobe 127 contrées, les guerres les plus lointaines d’où les armées revinrent victorieuses s’étendant jusqu’à l’Inde à l’Est et l’Erythrée au Sud.
En 3389, soit 70 ans plus tard, Balthasar se réjouit de voir s’évanouir le rêve de rédemption du peuple juif, et organise un grand festin. Mal lui en prend, et une vision cauchemardesque signera son arrêt de mort. Une main, comme détachée d’un corps, inscrit sur la chaux du mur du palais royal quelques mots indéchiffrables, au beau milieu de cette somptueuse réception, juste au moment où ce roi se permet d’étaler les richesses du Temple de Jérusalem pillé.
Alors que les doigts écrivaient, le roi fut bouleversé et sa figure se décomposa (Daniel V). Aucun des sorciers ni des sages ne purent en déchiffrer le sens. Il promit une fortune à celui qui lui en donnerait le sens. Daniel, connu du père du roi, Nabuchodonosor, fut aussitôt appelé et introduit auprès du roi, dont il refusa les dons qu’il lui somma de garder pour lui. Il comprit immédiatement ce que l’inscription voulait dire: « compté, pesé, et les Perses ». Les jours de Balthasar étaient comptés, son jugement soigneusement pesé, et le royaume perse considéré comme trop léger et voué à une fin proche; les Mèdes allaient prendre la relève. Balthasar s’était trompé, les 70 ans ne correspondaient pas au pouvoir de sa dynastie. Il n’y avait pas lieu donc d’«offenser le Maître du Ciel » (idem V, 22).
Pourtant, le calendrier de Daniel des 70 ans d’exil devait expirer un an après celui de Balthazar, en 3390. Il est bien évident que ses intentions étaient radicalement opposées à celle du roi qui voulait réfuter la vérité des prophéties; alors qu’il cherchait à l’incriminer, Daniel espérait en la rédemption. La date de départ fixée par Daniel coïncide avec le début des souffrances endurées en Judée du fait du pouvoir perse, soit un an après l’avènement de celui-ci, quand les vagues de l’exil ont commencé.
Cependant, en 3390, un espoir est né: c’est la Déclaration Koresh, (Cyrus), qui autorise la reconstitution du foyer juif en « Palestine », mais surtout, qui donne aux Juifs l’autorisation officielle de reconstruire le Temple de Jérusalem. Les travaux commencent aussitôt, mais les bâtisseurs sont contraints de manier la truelle d’une main et l’arme de l’autre (Ezra I). Malheureusement, Koresh est tué en 92 et le gel de la construction est décrété en 93 (Ezra IV, 2-6).
Vient Assuérus, personnage qui nous est quasi familier, car nous écoutons le récit des événements le concernant religieusement deux fois par an (ou quatre, si nous passons le 15 adar à Jérusalem ou Hébron). La troisième année de son règne, il organise un festin extraordinaire, 150 jours. Tout le monde y est convié, et les Juifs ont droit à un service super cachère. Nous faisons moins attention à sa localisation temporelle. Il n’est question ni de contes, ni de légendes et ces événements historiques se déroulent à des dates bien précises. En 3392 de l’ère hébraïque, qui ne s’encombre pas de comptes à rebours, Assuérus prend le pouvoir. Il s’attend à la fin de l’exil de Babel. En effet, pour lui, il ne reste que trois ans. Entretemps, il exécute son épouse, et entreprend de se remarier etc., et ce n’est pas par hasard qu’il choisit l’année 3395 pour organiser ces festivités, soit 68 ans (et non pas 70) après le début de l’exil de Mardochée (se fondant sur les débuts et fins de royautés perses et mèdes, il se trompe de 2 ans).
La participation des Juifs à ces mondanités est considérée comme un crime, la nourriture cachère ne rend pas cachère à son tour la célébration de la défaite (certes supposée) du D. d’Israël. Cette embuche n’a pas été claire pour tout le monde. Le 13 nissan 3404 s’ensuit une terrible décision, celle de détruire les Juifs où qu’ils se trouvent. Mais la situation est renversée et ils sortent victorieux, écrasent leurs ennemis, et célèbrent pour la première fois en 3405 la fête de Pourim, il y a 2365 ans. En 3406, Assuérus meurt et laisse sa place au dauphin, Darius, son fils qu’il a eu d’après la tradition avec Esther.
Le gel de la construction en Judée est annulé en 3408 (Haggai II, 18). En 3412, les travaux sont terminés, et Ezra fait son Aliya. En 3425, Néhémie est nommé pacha, gouverneur, de toute la terre d’Israël. Les 70 ans de cet exil se sont donc écoulés à partir de la destruction du Temple en 3338 pour s’achever en 3408 avec la dernière ligne droite des travaux de reconstruction, avec le Second Temple qui allait se maintenir 420 ans. A suivre…