Même si Khomeiny n'a pas provoqué une guerre mondiale, ni le génocide des juifs, il se rencontre des similitudes troublantes avec ce monstre fanatique que fut Hitler.
D'ailleurs, Khomeiny était un admirateur d'Hitler, partageant avec lui la haine des juifs. Il fut aussi un adepte des Frères Musulmans, secte issue d'Egypte qui pratiquait l'assassinat politique.
Khomeiny fit preuve d'un antisémitisme virulent, associé à un mépris des valeurs démocratiques occidentales qu'il masqua durant son séjour francilien sous le couvert de la lutte anti-impérialiste. Il utilisa maintes fois dans ses écrits et discours la tactique éculée du bouc émissaire.
Comme Hitler, en vitupérant contre la dynastie Pahlavi, inféodée selon lui aux sionistes, aux Croisés et surtout aux Américains, il flatta les bas intincts des foules, attisant les rancoeurs et les haines.
Son projet politique était fondé sur le mythe du Guide Suprême (l'équivalent du Führer). Il établit un régime théocratique reprenant à son compte les ingrédients du fascisme (culte du chef, milices paramilitaires, police politique, tribunaux d'exception, assassinats systématiques des opposants en Iran et à l'étranger, goût prononcé pour la violence et le guerre, haine viscérale de la démocratie).
Contrairement à Hitler qui parvint au pouvoir par les voies légales, il conquit l'Iran en fomentant un coup d'Etat révolutionnaire avec l'assentiment des Etats-Unis et en promettant au peuple la liberté et le bien-être. Il ne fut jamais élu, se considérant plébiscité par les foules, mais destitua un président (Bani Sadr) légalement nommé.
Comme tous les dictateurs, il fut un fanatique doublé d'un démagogue.
La justice sociale ne l'intéressait pas. Il déclara : "Nous n'avons pas fait la révolution pour le melon." Seul valait pour lui, comme pour Lénine, Hitler ou Pol Pot, la conception qu'il se faisait de l'homme nouveau dans une société islamique inspirée de l'âge d'or mythique du califat d'Ali. Pour la concrétiser, il était disposé à enflammer le monde, à éradiquer sans fléchir ceux qu'il nommait "les corrupteurs de la terre" (Coran, V, 37), à pratiquer ces "massacres justifiés par l'amour de l'homme" qu'évoque Camus (L'Homme révolté). De la même manière, Hitler décida de purifier la terre du bacille juif.
Comme Hitler, Khomeiny ignorait la compassion, mais distillait la haine. Que n'était-il d'autre qu'un faux prophète, un loup avide de pouvoir affublé d'une peau de brebis, qui avait la certitude d'avoir été choisi par Dieu pour changer l'ordre du monde.
En 1963, quand l'ayatollah combattit certains points de la "révolution blanche" du shah, comme la réforme agraire lésant le clergé en tant que propriétaire foncier, ou le droit de vote accordé aux femmes dans un pays musulman, il montra son aspect franchement réactionnaire.
Mais le peuple iranien ne voulut voir en lui que l'opposant à un régime autocratique et lui conféra, suite à son bannissement, l'auréole du martyr.
A l'instar d'Hitler qui exposa ses idéaux politiques dans Mein Kampf, Khomeiny a développé les siens dans trois ouvrages : L'Explication des Problèmes, La Clé des Secrets et Le Gouvernement Islamique ; il laisse clairement entendre la conception qu'il se fait d'une société théocratique dirigée par les fagighs (docteurs de la Loi) et appliquant une stricte législation islamique.
En conséquence, les démocrates éclairés, frottés de culture occidentale, les adeptes de la révolution constitutionnaliste de 1906, les anciens partisans de Mossadegh n'auraient jamais dû, s'ils avaient lu ses écrits et pris conscience du caractère inepte et rétrograde de sa pensée, se laisser abuser par ses discours démagogiques.
Khomeiny n'a jamais prétendu faire une révolution sociale afin de mettre fin aux injustices et à la dictature du shah. Il l'a dit haut et fort : "Nous n'avons pas fait la révolution pour le melon ". Son véritable objectif était d'instaurer sur terre le gouvernement islamique tel qu'il prospéra à l'époque du Prophète.
Dans le régime voulu par Khomeiny, la toute puissance vient de Dieu qui a la haute main sur les créatures. Les hommes sont sous tutelle, l'individu n'a pas droit à la parole, il doit obéir et se conformer aux commandements divins.
Dans Le Gouvernement Islamique, Khomeiny déclare que, tout pouvoir résidant en Dieu, la notion de souveraineté nationale, donc de démocratie, est hérétique. Déjà, étaient plantés les piliers de la future théocratie. Allah a délégué son pouvoir à des doctes chargés de montrer la voie à des hommes ignorants, incapables de se diriger eux -mêmes.
Bani-Sadr, le cocu magnifique de l'Histoire
On peut penser de Bani-Sadr, premier président de la République islamique d'Iran, ce que disait De Gaulle à propos de Malraux : " Esprit souvent nuageux, avec parfois de belles éclaircies". En réalité, Bani-Sadr, esprit beaucoup moins brillant que Malraux, est surtout connu sur le plan des idées politiques pour avoir tenté de concilier l'islam avec la démocratie politique, suivant le concept du towhid (unicité de Dieu qui fonde la communion avec la société, la nature, Dieu). Cette notion très métaphysique fut développée par le sociologue iranien Ali Shariati (1939-1977) : à l'unité de Dieu doit correspondre une société unifiée dans l'égalité et la justice.
Bani-Sadr a prétendu vouloir instaurer une démocratie aussi parfaite que du temps de Mahomet : "liberté de parler, de penser, de conseils, droits de l'homme" (Le complot des ayatollahs, La Découverte, 1989). Il reste bien sûr à démontrer historiquement qu'une démocratie authentique ait existé au temps du Prophète. A priori, il ne peut y avoir un tel régime sans séparation du temporel et du spirituel et sans égalité universelle entre les hommes (entre musulmans et non-musulmans, entre hommes et femmes).
D'ailleurs, seuls les intégristes d'obédience salafiste veulent revenir à cette époque mythique d'un gouvernement des pieux ancêtres qui ignorait l'état de droit et imposait sa foi par l'épée.
Dans la théocratie fondée par Khomeiny, l'individu doit se soumettre sans discuter à la loi divine. L'ayatollah l'avait clairement laissé entendre dans ses écrits. Bani-Sadr, son disciple, était censé les avoir lus. Imagine-t-on, en 1930, des fidèles de Hitler ignorer ses théories sur la race aryenne et les juifs ? Impensable.
Il n'en reste pas moins que Bani-Sadr, au fil de ses ouvrages (L'Espérance trahie, Papyrus, 1982), essaie de nous sensibiliser par ses pleurnicheries rétrospectives, sur une prétendue trahison de Khomeiny à l'égard de ses premiers idéaux. Ce dernier, bien au contraire, n'a jamais dévié de son objectif qui était d'établir en Iran une théocratie.
Et comme l'a fort bien souligné le professeur Yann Richard, "Il (Bani-Sadr) ne voyait pas en réalité que c'était lui qui s'était dupé lui-même en traduisant en langage des droits de l'homme le discours islamiste de son mentor enturbanné."
Alors, au nom de quoi, Bani-Sadr, le pitoyable cocu de l'histoire, peut-il s'étonner que le principe d'obéissance ait dû remplacer celui de liberté ? Khomeiny, conséquent avec lui-même, avait tranché : "La liberté existe, sauf contre l'islam."
L'ex-président, avec naïveté, s'étonne encore : "Khomeiny indiquait au peuple que l'islam était au-dessus de la loi." En quoi était-ce une découverte pour lui ? Dans Le gouvernement islamique, l'ayatollah avait clairement indiqué que, l'origine de tout pouvoir résidant en Dieu, la notion de souveraineté nationale était hérétique.
En tout état de cause, pour un musulman fondamentaliste, ce qu'était Khomeiny, l'islam n'est pas au-dessus de la loi, il est la Loi.
Sur le Towhid
Sous son apparence universaliste, le towhid recèle une prédisposition à un syncrétisme forcé, en d'autres termes à un unanimisme jaloux, dictatorial ; le contraire, en fait, du pluralisme démocratique.
Au cours de la révolution, le mot d'ordre de Khomeiny était "unicité du Verbe." Les révolutionnaires marxistes, nationalistes, islamiques devaient tous se ranger sous la même bannière, celle de l'islam. On sait ce qu'il est advenu ensuite : les islamistes ont éliminé leurs compatriotes concurrents pour rester seuls à bord. Ils ont vraiment réalisé le towhid, être Un contre plusieurs.
De même qu'il existe une responsabilité du peuple allemand pour avoir porté Hitler au pouvoir, il existe une responsabilité identique des Iraniens pour avoir favorisé l'accession de Khomeiny. Par ses manifestations, en scandant son nom, le peuple l'a plébiscité.
Cette responsabilité est partagée par les grandes puissances qui ont voulu enrayer l'expansion du communisme (théorie de la "ceinture verte"), et surtout, sécuriser l'approvisionnement pétrolier en stabilisant un Etat à la dérive.
Pour les Etats-Unis, l'islamisme était le plus sûr moyen de contrer l'expansion de l'URSS vers le golfe Persique, en établissant une "ceinture verte" à ses frontières sud : "Une ceinture politique centrée sur l'Iran, l'Irak et la Syrie avec les relations très amicales avec la Turquie... Ce groupe serait anti-soviétique et aiderait à empêcher l'expansion soviétique infiniment mieux que la force américaine de déploiement rapide." (Article de William Sullivan, ambassadeur des Etats-Unis en Iran, Baltimore Sun, 1981)
Le peuple iranien a été sa propre victime, et aussi celle du jeu d'Etats égoïstes, avides de ses ressources, et au final, de ses propres politiciens (sociaux-démocrates et communistes compris) qui se sont prosternés devant le turban d'un religieux, habile manipulateur.
Connaissant la psychologie des Iraniens, leur désir de revanche vis-à-vis de l'Occident, leur compréhensible paranoïa, leur émotivité versatile, l'ayatollah canalisa à son profit la propension au martyre de ses compatriotes. Ce Dracula des temps modernes, "l'un des avatars possibles du Mal à l'état pur, aux côtés de Hitler, de Staline ou de Pol Pot" (Professeur Claude Javeau), jeta dans les rues des jeunes gens avides de mourir, de même qu'il lancera sur les mines irakiennes des enfants voués à la mort, mais avec la promesse du paradis.
Que le peuple, inculte politiquement, prompt à s'offrir au premier démagogue venu, fût crédule, passe encore. Mais que des esprits éduqués en Occident comme Forouhar, Sandjabi, Bazargan, Ghotbzadeh, Bani Sadr et tant d'autres, aient pu se laisser berner par les fausses prophéties de Khomeiny à Neauphle-le-Château, voilà qui dépasse l'entendement.
Mais ce qui est pire, et coupable, c'est qu'aux yeux du monde libre, ils ont donné à cet imposteur une caution démocratique, un vernis humaniste dont il était bien décidé à se libérer une fois rentré en Iran.