Analyse de Khaled Asmar - Beyrouth
Damas et Téhéran jouent à visage découvert. Walid Joumblatt craint le pire et prône sa neutralité
vendredi 28 août 2009 - 14h16, par Khaled Asmar - Beyrouth
http://www.mediarabe.info/spip.php?article1734
Les Taliban afghans ont nié toute implication dans l’attentat meurtrier de Kandahar (du mardi 25 août), et "regretté la mort d’une soixantaine de personnes civiles et innocentes en plein Ramadan". De son côté, un site islamiste met en doute l’authenticité de la revendication par Al-Qaïda en Mésopotamie (Etat islamique d’Irak) des attentats de Bagdad du "mercredi noir" (19 août), qui ont fait une centaine de morts. Un journal libanais affirme que 200 terroristes ont été envoyés récemment au Liban, à travers la frontière syrienne. La responsabilité de l’Iran et de la Syrie dans la déstabilisation de la région se confirme.
Le site islamiste « Al-Boraq.info » attribue les attentats de Bagdad à l’Iran et affirme que les explosifs utilisés, de type C-4, proviennent des stocks iraniens et ressemblent aux importantes quantités retrouvées dans de nombreuses caches découvertes en Irak. D’autres sources irakiennes, proches du pouvoir, désignent la Syrie qui refuse l’extradition des terroristes réclamés par Nouri Al-Maliki, terroristes baasistes et islamistes que le régime syrien héberge et protège. Ce qui menace les relations bilatérales, comme le prouve le rappel de l’ambassadeur irakien à Damas. Il convient de signaler que la Syrie utilise aussi l’explosif C-4 et en livre à ses agents et alliés au Liban. Les dizaines d’attentats commis au pays du Cèdre entre 2004 et 2008 le certifient.
Dans le même temps, le site « Al-Boraq.info » reprend un communiqué des Taliban afghans dans lequel ils démentent toute implication dans l’attentat au camion piégé qui a pulvérisé le centre de Kandahar, mardi soir à l’heure de la rupture du jeûne, fauchant une soixantaine d’innocents.
Parallèlement, le journal libanais « Al-Mustaqbal » affirme ce matin que plus de 200 terroristes ont été dépêchés ces derniers jours au Liban, depuis la Syrie, pour commettre des attentats lorsque l’ordre leur sera transmis. Sans doute, la déstabilisation du Liban, comme celle de l’Irak et de l’Afghanistan, sont interconnectées avec, respectivement, l’évolution du conflit nucléaire iranien, les menaces de sanctions contre Téhéran, et les conclusions de la Commission d’enquête international dans l’assassinat de Rafic Hariri et l’acte d’accusation que le procureur général du TPI s’apprête à prononcer.
A ce sujet, Damas cherche à tout prix à bloquer la formation d’un gouvernement libanais, en dépit des promesses que Bachar Al-Assad a prises devant son homologue français Nicolas Sarkozy. Mais la Syrie n’en a cure et exploite ses relations avec Paris, une nouvelle fois berné, pour se rapprocher des Etats-Unis. Cette « amitié retrouvée » a prouvé son inefficacité dans le dossier de la française détenue en Iran, Clotilde Reiss.
Le blocage institutionnel au Liban permet à Damas et à ses alliés et agents à Beyrouth de mieux négocier leur immunité, au risque d’imploser le pays et de rééditer leur exploit du le 7 mai 2008. Le responsable du Hezbollah, Mohammed Kemmati, membre du bureau politique, a reconnu la nuit dernière que « le Hezbollah ne reconnaitra pas les décisions du Tribunal international » qualifié de « politisé ». Un tir préventif contre la justice internationale qui cache mal l’embarras du Hezbollah, sans doute impliqué dans l’assassinat de l’ancien Premier ministre, comme l’avait souligné le journal allemand « Der Spiegel » en mai dernier.
Le Hezbollah craint par dessus tout d’être sacrifié par la Syrie sur l’autel des négociations de paix avec Israël. Se sachant « conduit à l’abattoir », il pourrait s’engager dans une fuite en avant, en provoquant de nouvelles tensions internes (Liban) ou une guerre externe (Israël). Ce qui lui permettrait de redistribuer les cartes régionales, d’empêcher la Syrie de briser son alliance avec l’Iran - bien que seuls les imbéciles y croient ! - et d’échapper au TPI. C’est aussi ce scénario qui a poussé Walid Joumblatt à prendre ses distances avec la majorité de l’Alliance du 14 Mars, début août, pour prôner une sorte de neutralité, en tendant la main à l’opposition et à Damas. Pour Joumblatt, la priorité est d’épargner sa communauté druze une nouvelle guerre semblable au coup de force de mai 2008. Il a affirmé « vouloir se taire jusqu’au passage de la tempête ». Joumblatt n’est pas dupe, contrairement à ceux qui - parmi les imbéciles - ont fait confiance à la Syrie. Il a bien pressenti la tempête qui commence à souffler à Kandahar et à Bagdad, et qui risque de ravager tout sur son passage au Liban. Joumblatt n’a en effet pas oublié que Bachar Al-Assad avait menacé devant Ban Ki-Moon, en juin 2007, d’incendier la région allant dela Caspienne jusqu’à la Méditerranée ?
Khaled Asmar
« MediArabe.info »
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