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29 juin 2010 2 29 /06 /juin /2010 21:01

 

>MICHEL GURFINKIEL.

 

 

Le déclin démographique des nations de souche européenne est-il inexorable ?

 

Un cas d’école : la Russie. Ce pays comptait 149 millions d’habitants en 1991, l’année où l’URSS s’est désintégrée. Il n’en compte plus que 142 millions aujourd’hui. Cela représente en moyenne une perte de 0,5 % par an, soit un peu plus de 700 000 âmes.

 

Cette chute est due en partie à l’émigration : notamment le départ de quelque 600 000 Juifs et de plus d’un million de Russes germanophones. Mais pour la plus grande part, elle tient à des causes purement démographiques : la baisse de la natalité d’une part (tombée à moins de 1,2 enfant par femme en 1999), le tassement, voire le recul, de l’espérance de vie (une soixantaine d’années seulement pour les hommes, un peu plus de 70 ans pour les femmes, soit de quinze à douze ans de moins que dans les pays de l’Union européenne). La Russie est un pays où les générations ne sont pas remplacées et où l’on meurt plus jeune qu’ailleurs.

 

Ce qui aggrave le phénomène, c’est que ce déclin touche essentiellement l’ethnie russe majoritaire (78 % de la population) et les minorités slaves. Les minorités non-slaves, bénéficient d’une natalité plus forte : en particulier les musulmans du Caucase, où l’on compte en moyenne de 3 à 4 enfants par femme. Le régime de Vladimir Poutine, en place depuis 2000,  se targue d’avoir suscité une  remontée légère de la natalité globale du pays, passée à 1,56 enfant par femme en 2009. Mais ce phénomène semble du au moins en partie au dynamisme des minoritaires.

 

D’autre pays européens connaissent actuellement des évolutions analogues : faible natalité de la communauté majoritaire (parfois qualifiée de « communauté-souche »), dynamisme des minorités. L’Allemagne pourrait connaître prochainement le même déclin que la Russie. Elle compte aujourd’hui 82 millions d’habitants, dont 66 % d’Allemands ethniques et 18 % d’Allemands ou de résidents d’origine étrangère, mais pourrait tomber à 70 millions d’habitants en 2040, dont 50 % seulement d’Allemands ethniques, du fait de sa faible natalité. A moins que le déficit de 12 millions ne soit comblé par l’immigration : ce qui réduirait les Allemands ethniques à la condition de minorité dans leur propre pays.

 

Certes, plus de 50 % des Néo-Allemands sont actuellement d’origine est-européenne ou sud-européenne, et susceptibles, dans les deux cas de figure, de s’intégrer à la culture et à la société allemandes ethniques. Mais les autres, notamment quand ils sont originaires de pays musulmans, sont à la fois plus prolifiques et moins susceptibles de s’intégrer. En outre, leur part dans l’ensemble de l’immigration allemande devrait croître fortement au cours des deux prochaines décennies. Aux termes d’un accord d’ « immigration choisie », l’Allemagne vient par exemple de faciliter la venue d’immigrants qualifiés originaires du Pakistan.

 

La fertilité moyenne a été en moyenne de 1,4 enfant par femme en Allemagne depuis une vingtaine d’années. Mais elle oscille entre 2,5 et 4 enfants par femme chez les immigrants extra-européens. En 2009, on comptait 4,3 millions de musulmans en Allemagne, soit 5,4 % de la population globale. Près de 2 millions d’entre eux disposaient de la nationalité allemande.

 

La France métropolitaine n’est pas menacée, pour l’instant, par un déclin démographique global. Sa population  a cru de 50 % entre 1945 et 2000, puis de 6 % entre 2000 et 2010. Mais cette progression semble due dans une large part à l’immigration extra-européenne – qu’il s’agisse d’immigrants au sens propre, d’enfants d’immigrants ou de citoyens français originaires des départements et territoires d’outre-mer -, qui représente 10 % au moins de la population globale, et 20 % des classes d’âge les plus jeunes. Les femmes d’origine non-européenne avaient en moyenne deux fois plus d’enfants que les femmes européennes dans les années 1990 : 3 enfants contre 1,7. Le ratio serait de plus de deux dans les années 2000, dans un contexte de dynamisme global accru : plus de 3 enfants contre un peu plus de 1,7.

 

Peut-on imaginer que ces tendances se modifient, et que les « communautés-souches »européennes retrouvent un certain dynamisme démographique ? Un contre-exemple existe, en effet : Israël, pays situé au Proche-Orient mais relevant de la sphère culturelle européenne.

 

Comme la Russie, l’Allemagne et la France, l’Etat hébreu – Territoires palestiniens non-compris - doit compter avec de fortes minorités ethniques, représentant près de 20 % de la population globale.

 

Il a été longtemps confronté, lui aussi, à un différentiel de natalité en faveur des minorités. Cette situation a paru conduire, à terme, à l’instauration d’une société binationale,  judéo-arabe en l’occurence, sauf à être corrigée par une forte immigration juive. De fait, l’arrivée d’un million d’immigrants venus de l’ex-URSS (Russie et autres ex-républiques soviétiques, comme l’Ukraine et les pays d’Asie centrale) a eu un effet stabilisateur dans les années 1990.

 

Mais depuis une dizaine d’années, une situation inédite est en train de se mettre en place : la démographie de la communauté-souche – les Israéliens juifs -  remonte et la démographie de la minorité arabe baisse. Une étude d’un institut de recherche israélo-américain, l’America Israel Demographic Research Group (AIDRG), observe qu’en

en 1995, après l’arrivée de la plus grande partie des immigrants ex-soviétiques, on comptait en Israël 80 000 naissances juives par an contre près de 40 000 naissances arabes. En 2009, on est passé à 121 000 naissances juives. Tandis que les naissances arabes n’ont pas augmenté. D’un ratio de 2 à 1 en faveur des Juifs, on est donc passé à un ratio de 3 à 1.

 

La hausse de la fécondité globale juive, qui atteint aujourd’hui 3 enfants par femme en moyenne,  a d’abord été attribuée au dynamisme des milieux religieux : près de 7 enfants par femme en moyenne dans le milieu ultra-orthodoxe (harédi), près de 4 enfants dans le milieux sioniste religieux. Mais on constate également une poussée démographique chez les Israéliens laïques. En particulier chez les immigrants russes. Lors de leur arrivée en Israël, ceux-ci suivaient le modèle démographique de leur pays d’origine : 1,2 enfant par femme en moyenne. Une génération plus tard, ils ont adopté un autre modèle, avec 2,3 enfant par femme. Un chiffre supérieur au taux de remplacement.

 

La baisse de la natalité arabe israélienne n’est pas uniforme. Elle touche fortement la communauté arabe chrétienne, tombée à 2 enfants par femme seulement. Elle n’a pas encore touché le milieu bédouin, où le taux de 6 ou 7 enfants par femme reste prédominant. Entre les deux, le milieu musulman villageois ou urbanisé, musulman ou druze, connaît une baisse modérée mais régulière : son taux de fécondité se situe aujourd’hui à moins de 3 enfants par femme.

 

Si ces tendances démographiques se maintenaient, et si un apport démographique supplémentaire était assuré par l’immigration, la majorité juive pourrait non seulement se consolider mais aussi se renforcer. Selon certaines projections,  Israël pourrait atteindre 9 millions d’habitants en 2030, dont 90 % de Juifs.

 

Comment expliquer la « différence » israélienne ?

 

Un enfant, c’est un pari plus ou moins conscient sur l’avenir. Soit par optimisme immédiat : les parents estiment qu’ils ont les moyens de mettre au monde des enfants et de les conduire vers un monde parfait. Soit par optimisme différé : les parents estiment qu’en mettant au monde des enfants, ils se protègent contre divers dangers ou agressions. Les sociétés européennes ou de souche européenne avaient connu une conjonction de ces deux optimismes entre 1945 et 1965, quand les « trente glorieuses » (la prospérité économique, la modernisation sociétale) se doublaient du « baby boom » (le désir d’enfants d’une génération de parents marquée à la fois par la Seconde Guerre mondiale et la crainte de la guerre nucléaire). En outre, elles disposaient alors d’idéologies religieuses ou humanistes qui leur permettaient de « lire » , de donner un sens et donc d’assumer, ce contexte quelque peu paradoxal.

 

Il semble que les Juifs israéliens connaissent actuellement une conjonction analogue : la renaissance nationale en cours depuis 1948 et le développement économique et sociétal rapide qu’ils connaissent depuis les années 1990 se conjuguent à de nouvelles menaces génocidaires de la part de nombreux pays ou entités islamiques ; leur culture nationale leur permet de « lire » ces contradictions, et de les dépasser.

 

Chez les Arabes israéliens, le climat est entièrement différent. Cette communauté bénéficie, comme les Juifs, de la prospérité économique et du développement sociétal. Mais elle ne peut rattacher ces avantages aux idéologies du monde arabe et islamique, dont elle a mesuré les limites. De même, elle sait très bien qu’elle n’est pas menacée dans son existence par le reste du monde, qu’il s’agisse des Israéliens ou des Occidentaux en général. Elle opte donc pour une stratégie de bonheur privé, centrée sur la famille cellulaire plutôt que la famille élargie, le clan ou la tribu. Des choix analogues ont lieu actuellement, sous réserve qu’un choix soit possible, dans la plupart des communautés et nations arabes et islamiques, du Maghreb à l’Indonésie.

 

Quelles conclusions l’Europe peut-elle tirer du contre-exemple israélien ? D’abord,

que rien n’est inexorable en démographie. Ni l’essor, ni le déclin. Ensuite, que les choix familiaux et individuels sont liés à la conscience collective.

 

© Michel Gurfinkiel, 2010

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