Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 mai 2011 4 05 /05 /mai /2011 06:37

 

 

 

Monologue du gauchiste ou de l'humaniste israélien

Par Yéochoua SULTAN  

 © 2011 www.aschkel.info


Yéochoua 2

couvyeochoua4


 

J'entends toujours que l'on peste contre les gens comme moi. Ceux qui s'insurgent sont tous simplement des extrémistes ou des gens qui ne supportent pas que l'on ne pense pas comme eux. Ils protestent: «Mais qu'est-ce qu'elle veut donc, l'extrême, euh, la gauche israélienne?» J'avoue que je ne comprends pas la question, parce que je ne veux absolument rien d'autre que la tranquillité. Je veux tout simplement qu'on ne s'occupe pas de moi. Je veux vivre comme les goïms, mais rester juif, et surtout qu'on ne me pose pas de problèmes.

Mes ancêtres voulaient la même chose que moi, vivre comme les goïms sans être embêtés par les goïms, mais ça n'a pas été possible. Dès qu'on réussissait un peu, ou même quand on ne réussissait pas, et même quand on était exactement comme eux, ils nous disaient: «Oui, mais vous êtes juifs».

Mais qu'est-ce que ça pouvait bien vouloir dire pour eux? Qu'on avait les pieds arqués et le nez crochu? Je veux bien le leur accorder, ça ne me dérange pas le moins du monde, mais quand mes ancêtres ont compris que pour vivre comme les goïms avec des pieds arqués et un nez crochu, il nous fallait avoir un pays bien à nous, «où nous pourrions marcher dans la rue avec de tels pieds et un tel nez sans être agressés», alors ils ont œuvré pour notre retour ici.

Donc, je dois pouvoir vivre comme les goïms mais sans les goïms. Je veux les imiter, mais je ne veux pas vivre avec eux. Ils ne m'aiment pas, mais qu'ils ne s'inquiètent pas, c'est réciproque. Ça ne m'empêche pas d'être pour les droits de l'homme, quelle que soit son appartenance ethnico-culturelle.

Ce n'est pas un paradoxe. Je suis prêt à défendre les droits des habitants du monde entier, pourvu qu'ils ne se trouvent pas dans mes parages. Dans ce cas, beaucoup ne comprennent pas comment je suis alors pour donner la Judée aux Arabes et comment il se peut que je m'érige contre la loi qui interdit l'immigration africaine piétonne et en fraude. Je ne vois pas où est le problème.

Chez moi, ce n'est pas grand. Je me contente d'une ville peuplée de mes semblables. Comme mes ancêtres, je ne suis pas exigeant, puisque je peux en réalité me limiter sans problème à une simple rue des Juifs. Alors, parlez-moi du sud de Tel-Aviv où, dit-on, s'effectue un changement de population. Pour moi, c'est loin, ça ne me concerne pas… et à plus forte raison si vous me parlez de la Samarie qui se trouve à plus de dix kilomètres de chez moi.

Mais, si je suis prêt à défendre le monde entier, je ne suis pas d'accord avec les religieux, les Juifs, bien sûr. Je peux défendre n'importe quelle race ou langue, ou religion ou culture, ça ne me fait pas peur. Si je défends les esquimaux, je n'habiterai pas pour autant dans un igloo. Si je défends les pygmées de la forêt équatoriale, je ne deviendrai pas pygmée. Mais si je défends les religieux, il se pourrait fort à la longue que je ne puisse plus vivre comme les goïms, même si les religieux revendiquent pour eux-mêmes le droit de culte sans s'intéresser à moi.

Et je n'aime pas leur manière d'exhiber comment un Juif devrait vivre. Personne n'a de leçon à me donner.

Pourtant, je connais la tendance de mes compatriotes à toujours vouloir raisonner et à ne rien accepter sans poser mille questions, sauf pour les gens comme moi qui en ont marre des questions et des raisonnements, qui peuvent être justes mais qui ne font que provoquer encore plus de problèmes.

Il est vrai cependant, et je l'avoue, qu'une question m'a posé des problèmes pendant longtemps, m'obligeant à y répondre. On m'a dit: «Non, Yossi, tu ne peux pas avoir un pays qui ne fait que la longueur de ta rue, et tu le sais. Alors, pourquoi ne veux-tu pas faire comme tous les goïms, que tu veux tellement imiter?

Pourquoi ne veux-tu pas que la population arabe qui nous déteste tous tellement aille vivre avec ses frères, dans les autres pays arabes?»

Au début, j'ai répondu à la question, c'est vrai, en l'esquivant. J'ai beaucoup tergiversé. Je rétorquais en contrattaquant, en décochant une autre question, en disant que je ne comprenais pas comment il était possible, à notre époque, dans notre pays d'Israël moderne, de poser une question pareille?

Quelle intolérance, quel fanatisme! J'ai joué de toutes les injures et classifications possibles de mes interlocuteurs, mais je me disais bien au fond de moi-même que je ne répondais pas à la question. Je hais cette question! Et si je veux que mon pays tienne dans la main comme un mouchoir de poche, n'ai-je pas le droit de le vouloir?!

Et si je veux, fidèle à la tradition de mes ancêtres, qu'il n'y ait qu'une rue des Juifs, mais qu'elle soit épargnée des changements d'humeur des goïms! C'est pour ça d'ailleurs que je vis ici, en Israël, et pas ailleurs, là où il faut subir des agressions ou s'assimiler ; et encore, l'assimilation ne nous met à l'abri de rien. Mais cette question, même quand personne ne me la posait, me tourmentait… C'est vrai, me disais-je, pourquoi avoir retenu les populations ennemies qui ne demandaient qu'à partir le plus loin possible, quand la coalition qui voulait nous écraser a été défaite?

Je savais bien qu'ils n'allaient pas aimer les Juifs du jour au lendemain. Et je savais encore mieux qu'une autonomie chez eux n'allait qu'accentuer la haine, car ils élèveraient les générations naissantes dans la haine. Alors, pourquoi?

J'aurais pu consulter des psychiatres ou des psychologues, mais comme ça fait partie de mes métiers, j'ai continué à me creuser la tête, et j'ai compris.

C'est un syndrome ancré dans ma mémoire, dans la mémoire de mon exil. Quand j'étais dans le Caucase, ou en Pologne, ou partout ailleurs – mon «je» incluant ici chacun de mes ancêtres à chaque temps donné – je comprenais bien que les goïms me détestaient, mais je n'ai pu à aucun moment leur montrer qu'ils n'avaient aucune raison de ressentir pour moi de l'aversion.

Et j'en souffrais d'autant plus que je ne pouvais pas le leur expliquer. Le dialogue, si  important à mes yeux, était toujours absent. Ils nous éloignaient, et nous ne pouvions pas les approcher ; ou bien leur haine déferlait sur nous, et là encore, impossible de parler. Mais maintenant, en Israël, c'est différent.

Je ne veux pas qu'ils partent et me haïssent de loin. Je veux qu'ils m'écoutent, je veux qu'ils me reconnaissent, et je veux qu'ils m'aiment. Et c'est pour ça que je les retiens ; pas par la force, bien sûr ; ou plutôt si, par la force économique et du droit, puisqu'ils touchent un salaire plus de dix fois supérieur à celui qu'ils toucheraient dans un pays bien à eux. Mais ils finiront par me respecter, par reconnaître mon droit à la paix et à la tranquillité, à ma rue des Juifs qui jouxte la rue des Goïms ; j'en suis persuadé, c'est ancré en moi comme la foi.

D'ailleurs, la culture juive ne me donne pas tort. J'ai feuilleté les pages de notre Bible, et j'ai lu que Jacob n'a pas voulu laisser partir l'ange qui venait de le frapper, l'obligeant à le bénir. Je suis comme mon ancêtre Jacob, je les laisserai partir quand ils m'auront béni.

Et quand on me dit qu'ils sont dangereux, qu'ils veulent nous détruire, eh bien, ils ne me font pas peur, je pense qu'ils n'y parviendront pas, peut-être un relent de la foi de mes ancêtres, et qu'ils finiront par céder.

Mais une autre question a longtemps dérangé ma conscience. Pourquoi en vouloir tellement aux Juifs orthodoxes, pourquoi me fâcher contre ceux qui sont fidèles aux traditions? Pour plusieurs raisons.

Au début, j'y voyais dans leur manière de vivre une façon de se faire remarquer qui attise l'indignation et la colère des goïms contre tous les Juifs. Mais j'ai vu que même les plus éloignés de tout ce qui peut définir un Juif de par sa tradition ont eu les mêmes problèmes sans aucune interférence avec les religieux.

Jamais, quand l'hostilité était à son paroxysme, les «renégats» ont été félicités ou montrés comme exemple de ce que les autres veulent de nous. Même en Espagne, j'ai lui que les plus zélés étaient en fin de compte ceux qui éveillaient le plus les soupçons. Alors pourquoi m'énervent-ils, les religieux?

Ils ferment les rues de leurs quartiers le shabbat, pour nous empêcher de circuler. Mais en quoi cela me dérange-t-il?

Ce n'est pas ma rue des Juifs qui est bloquée, et je peux circuler à ma guise là où ça me chante puisque je ne vais jamais chez eux. Alors, c'est immoral, et si quelqu'un doit être hospitalisé d'urgence? Et si une femme doit accoucher?

Pourtant, je sais pertinemment qu'ils ouvriront eux-mêmes leurs rues pour laisser passer l'ambulance, et je sais aussi qu'ils la conduiront eux-mêmes, cette ambulance. Alors, pourquoi? Et je sais bien que ce que j'ai pensé juste avant n'est pas vrai non plus.

Le judaïsme n'est pas prosélyte, pas même quand il s'agit de parler à des Juifs, sauf s'il y en a qui sont ouverts et qui parlent aux autres, mais seulement s'ils veulent bien en entendre parler… Là aussi, j'ai longuement réfléchi à cette angoisse, à ce vide qu'il m'arrive de ressentir quand je me vois et que je les vois, quand je vois qu'ils se conforment aux directives de nos ancêtres communs, sortis d'Egypte et établis en Israël, même si leur vêtement est pour moi emprunté à des accoutrements étrangers extrinsèques au judaïsme.

Et je me suis dit que, s'ils sont fidèles à la tradition de la Torah écrite et orale, c'est qu'ils ont résisté à toutes les interdictions, à tous les décrets antisémites et à toutes les influences, que l'exil n'en a pas fait un produit qui ressemble aux goïms. Et quand je me vois à côté d'eux, je me dis que je ne peux pas en dire autant. 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Traducteur/translator

 

 

France  ISREAL  English

Recherche

logo-lien-aschkel-copie-1.jpg

 

France  ISREAL  English
Traduire la page:
By
retour à l'acueil

------------------------------------- 

 

Communication and Information

 

Vous souhaitez 

- proposer un article ?
 - communiquer une info ?

Contactez la rédaction

bOITE-a-mail.jpg

-------------------------------

 

Nous remercions par avance tous ceux

qui soutiendront le site Aschkel.info

par un don

icone paypal

Paiement sécurisé


Consultez les dossiers

Archives

Mon livre d'or

 

 Livre_dor

 


 

Visites depuis la création du site


visitors counter

Catégories