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5 novembre 2009 4 05 /11 /novembre /2009 17:59



By MICHEL GURFINKIEL.
http://www.michelgurfinkiel.com/articles/252-Judasme-Senior-et-Abravanel.html

 

 


La moitié des élites juives capitule. Toujours. Et partout. Ceux qui ne trahissent pas sont ceux qui préfèrent leur peuple, et les plus humbles de leur peuple, « los pobres y los humildes » , à la compagnie des rois.

En 1492, le grand rabbin de Castille – ou plus exactement, le « rabbin de la cour royale », Rab de la Corte - s’appelle Don Avraham Senior. En fait, c’est avant tout un financier et un haut fonctionnaire. Nous dirions, de nos jours, un « énarque ».

 

Il a été fermier général, c’est à dire directeur général des impôts du royaume. En 1469, il a organisé le mariage de l’infante Isabelle avec le jeune roi Ferdinand II d’Aragon, ce qui a assuré, quand Isabelle est montée sur le trône castillan en 1474, l’unification politique de l’Espagne. En récompense de ses bons et loyaux services, la reine lui accorde, en sus de ses revenus divers, une pension annuelle de 100 000 maravedis. En 1480, les Cortès de Castille imitent la générosité de la souveraine en lui accordant une gratification de 50 000 maravedis, prélevée sur les impôts qu’il a levés. En 1491, quand l’Espagne se lance dans la conquête du dernier Etat musulman de la péninsule, le royaume de Grenade, Senior est facteur général, c’est-à-dire responsable du financement et de la logistique des armées. L’efficacité dont il fait alors preuve compte pour beaucoup dans la victoire des chrétiens.

 

Les sources décrivent Senior comme un aristocrate cultivé. Elles sont plus réservées sur ses connaissances religieuses. Et même sur sa foi, ou sa moralité. Rav David ben Yehudah Messer Leon, un rabbin italien de la même époque, qui, détail important, appartient à l’école maïmonidienne, de tendance rationaliste, et fait grand cas de la culture profane, porte sur lui un jugement sans appel : « Ce fut un grand malheur pour les Juifs de Séfarad que la nomination au poste de rabbin royal d’un homme qui n’avait ni vrai savoir thoranique ni crainte de Dieu ».

 

Si Senior a fait quelque temps illusion en tant que rabbin de la Cour, c’est peut-être en raison de son amitié avec Don Isaac Abravanel. Issu de l’une des plus grandes familles juives d’Espagne, ce dernier fait d’abord carrière au Portugal, où il est né, en tant que trésorier du duc de Bragance puis du roi Alphonse V. Un nouveau roi, Jean II, l’accuse de trahison en 1483. Il perd toute sa fortune et n’échappe au bourreau qu’en se réfugiant en Castille. Recommandé à la reine Isabelle par d’autres réfugiés portugais, juifs ou chrétiens, il en devient le principal conseiller financier. Senior, en homme politique madré, se concilie ce rival plutôt que de l’attaquer. Bientôt, une affection réelle se crée entre les deux hommes. Senior associe Abravanel à toutes ses entreprises. Et le consulte sur les affaires communautaires juives.

 

Car Abravanel, qui n’exerce aucune fonction rabbinique officielle ou officieuse, est un authentique homme de Torah. Il a étudié dans les plus hautes yeshivoth, celle de Rav Yossef Haim ben Shem Tov, le grand rabbin de Lisbonne, et de Rav Yitzhak Aboab II, le gaon de Castille. En 1483, quand il se réfugie en Castille après sa disgrâce, il ne songe pas, dans un premier temps, à refaire dans ce pays une carrière de financier, mais à rédiger des commentaires sur les Livres bibliques de Josué, des Juges et de Samuel. Il exerce naturellement, sur l’âme perplexe de Senior, un ascendant irrésistible.

 

Au printemps 1492, Senior et Abravanel apprennent qu’Isabelle et son mari Ferdinand ont pris une décision fatidique : imposer aux Juifs espagnols, sel de leur terre et pilier de leur puissance, de choisir entre la conversion et l’exil. Les deux hommes implorent sans relâche la reine (qui est en réalité plus puissante que son mari) de revenir sur cette décision. Ils échafaudent des plans financiers audacieux, qui pourraient faire du double royaume espagnol le pays le plus riche de la terre. La reine hésite. Puis confirme son décret.

 

Senior se convertit au catholicisme le 15 juin 1492, avec le roi et la reine pour parrains. Abravanel quitte l’Espagne, avec plus de deux cent mille de ses frères et sœurs. Réfugié en Italie, il y complètera son œuvre de Torah, dont l’une des particularités est un républicanisme militant. Qui se souvent de Senior, sauf quelques historiens ? Mais le nom et l’oeuvre d’Abravanel vivent à jamais.

 

La véritable différence entre les deux hommes, c’était pourtant moins l’étendue des connaissances thoraniques que le souci du peuple juif, et des plus humbles au sein de ce peuple. Quand les Espagnols, pendant la guerre contre Grenade, s’emparent de la ville musulmane de Malaga, ils en  réduisent la population juive en esclavage. Senior organise son rachat et son émancipation. Mais il n’hésite pas à inclure dans la rançon la revente des bijoux des femmes juives captives, ce qui diminue d’autant plus sa propre dépense et celle des gens de son monde. Abravanel, quand il est encore trésorier du roi du Portugal, apprend qu’une communauté juive du Maroc, celle d’Azrilla, a été asservie. Il dépense les deux tiers de sa fortune personnelle pour la racheter et l'installer au Portugal, sous sa protection.

 

Ces destins parallèles doivent nous inciter à la réflexion. La moitié des élites juives trahit. Toujours. Et partout. Ceux qui ne trahissent pas sont ceux qui préfèrent leur peuple, et les plus humbles de leur peuple, los pobres y los humildes, à la compagnie des rois. Telle célébrité, qui se vante d’être le dernier des Juifs de cour, et qui est en tout cas l’un des Juifs les plus médiatisés de France et du monde, vient d’affirmer, puis de persister et signer dans cette affirmation, qu’il n’y avait pas d’antisémitisme en France, même pas chez les immigrés musulmans, qu’aucun Juif n’y cachait sa kipa par peur, et que toute affirmation contraire relevait de la « propagande israélienne », ou se réduisait (je cite verbatim) à « de la merde, des clopinettes, des mensonges ».

 

Où est, en face de lui, l’Abravanel de notre temps ?

 

© Michel Gurfinkiel, 2009

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commentaires

A
<br /> Et bien tu vois Atikva, nous en parlions avec Gilles et Gad avant-hier, Merkel est une sacrée bonne femme ! J'avoues que je suis contente qu'elle soit réelue.<br /> <br /> Elle tient la route.<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Peut-être que le nouvel Abravanel se trouve en Allemagne en la personne de Madame Angela Merkels<br /> <br /> <br />
Répondre

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